Cour d'appel, 27 novembre 2001, B. M. A. A. c/ C.

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Abstract🔗

Testament

Testament olographe - Acte révocatoire annulant les dispositions antérieures - Date erronée de l'acte - Rétablissement de la date certaine, par des éléments intrinsèques et extrinsèques - Capacité de tester

Résumé🔗

L. C., né à Monaco le 16 octobre 1913 y est décédé le 28 mai 1997 laissant à sa succession son fils légitime, né à Monaco le 3 janvier 1943.

Par un testament olographe du 13 mai 1993, L. C. a institué pour légataire universelle L. C. B. M. A. A. expliquant dans un écrit du même jour les raisons de sa décision, confirmée par un écrit du 12 avril 1994.

Enfin, par un écrit portant la date du 10 octobre 1966, L. C. a annulé toutes les dispositions antérieurement prises en faveur de qui que ce soit, déclarant d'une part n'avoir pas confiance en sa belle-fille car redoutant un internement en psychiatrie, d'autre part, trouver que L. B. M. était intéressée par les biens qu'il possédait.

Saisi par L. B. M. d'une action tendant à son envoi en possession des biens de L. C. sur le fondement du testament du 13 mai 1993 et par A. C. d'une action en nullité de ces mêmes dispositions testamentaires et de celles confirmatives du 12 avril 1994, le Tribunal de première instance a, par la décision déférée, ordonné la jonction de ces procédures, prononcé la nullité des testaments des 13 mai 1993 et 12 avril 1994, débouté les parties du surplus de leurs demandes.

L'appelante ne conteste pas que le testament révocatoire a été écrit en entier, date et signé de la main de L. C. Les circonstances de sa découverte, le 28 janvier 1999, derrière le bloc de tiroirs d'un meuble en cours de démontage dans l'appartement du défunt sont clairement établies par l'attestation de N. A.-M. du 23 mars 1999.

Il n'est pas discuté par l'appelante que la date du 10 octobre 1966 inscrite dans le testament litigieux est erronée et que cette erreur ne porte que sur l'indication de l'année.

Il importe dès lors de rechercher si l'année erronée peut être reconstituée à partir d'éléments intrinsèques au testament, corroborés, au besoin, par des éléments extrinsèques et ce afin d'apprécier la validité dudit testament.

L. C. déclare dans ce testament n'avoir guère confiance en sa belle-fille, redoutant son internement dans un asile psychiatrique.

L. C. n'a pu exprimer cette crainte que postérieurement au placement de son fils dans le service neuropsychiatrie du Centre Hospitalier Princesse Grâce le 20 janvier 1996, confirmé par Ordonnance présidentielle du 15 février 1996 dont L. C. imputait l'initiative à sa belle-fille ainsi qu'il résulte de l'attestation établie le 25 mars 1999 par R. P., cousin germain de L. C.

En outre, L. C. a été hospitalisé pour la dernière fois le 27 décembre 1996 jusqu'à son décès survenu le 28 mai 1997.

Il s'ensuit que le testament litigieux n'a pu être rédigé qu'au cours de l'année 1996 et plus précisément entre le 20 janvier et le 27 décembre 1996.

L'année 1996 doit encore être retenue au regard des autres énonciations contenues dans ce testament.

En effet, L. C. y indique « qu'une amie L. » lui paraît bien intéressée.

L'appréciation ainsi portée sur la dame B. M. jointe à la décision du testateur de révoquer toutes les dispositions antérieures qu'il a pu prendre, établit que L. C. s'est rendu compte, postérieurement au testament du 13 mai 1993 ayant gratifié la dame B. M., confirmé par celui du 12 avril 1994, du caractère intéressé de l'appelante à rencontre de laquelle il engagera même une procédure en expulsion de l'appartement qu'elle occupait en qualité de locataire depuis le 30 septembre 1989, expulsion qui sera prononcée par Ordonnance du 23 juillet 1996.

Si L. C. a été hospitalisé en orthopédie du 27 mai 1996 au 19 septembre 1996, il a cependant été, à compter de cette date, pensionnaire à la maison de retraite à Cap d'Ail jusqu'au 27 décembre 1996, cette situation ne faisant pas obstacle à des déplacements ponctuels à son domicile, rien n'établissant que de tels déplacements aient été rendus impossibles par la réglementation de cet établissement.

Il résulte ainsi de l'ensemble de ces éléments que l'année du testament litigieux est celle de 1996 en sorte que sa date complète est le 10 octobre 1996.

L'appelante ne saurait mettre en doute la capacité de tester de L. C. durant l'année 1996 au motif que celui-ci aurait été hospitalisé en service psychiatrique le 15 février 1996 alors que cette hospitalisation a concerné son fils, A. C., ainsi qu'il a été dit ci-dessus. Par ailleurs, les allégations de l'appelante selon lesquelles L. C. aurait été soumis aux menées de son entourage ne reposent sur rien.

La validité du testament révocatoire étant ainsi établie, il y a lieu de confirmer le jugement déféré et de débouter la dame B. M. de son appel.


Motifs🔗

La Cour,

La Cour statue sur l'appel relevé par L. C. B. M. A. A. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance en date du 5 octobre 2000.

Considérant les faits suivants :

L. C., né à Monaco le 16 octobre 1913 y est décédé le 28 mai 1997 laissant à la succession son fils légitime, né à Monaco le 3 janvier 1943.

Par un testament olographe du 13 mai 1993, L. C. a institué pour légataire universelle L. C. B. M. A. A. expliquant dans un écrit du même jour les raisons de sa décision, confirmée par un écrit du 12 avril 1994.

Enfin, par un écrit portant la date du 10 octobre 1966, L. C. a annulé toutes les dispositions antérieurement prises en faveur de qui que ce soit, déclarant d'une part n'avoir pas confiance en sa belle-fille car redoutant un internement en psychiatrie, d'autre part, trouver que L. B. M. était intéressée par les biens qu'il possédait.

Saisi par L. B. M. d'une action tendant à son envoi en possession des biens de L. C. sur le fondement du testament du 13 mai 1993 et par A. C. d'une action en nullité de ces mêmes dispositions testamentaires et de celles confirmatives du 12 avril 1994, le Tribunal de première instance a, par la décision déférée, ordonné la jonction de ces procédures, prononcé la nullité des testaments des 13 mai 1993 et 12 avril 1994, débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Pour statuer ainsi, les premiers juges, ont relevé que la date du 10 octobre 1966 portée sur le testament révocatoire était inexacte par référence aux indications contenues dans ce document et que cette erreur involontaire du testateur ne concernait que l'avant-dernier chiffre du millésime. Ils ont, pour reconstituer celui-ci, fait référence à des éléments intrinsèques au testament (la crainte d'un internement de la part de sa belle-fille et le caractère intéressé de son amie), lesquels rapprochés d'éléments extrinsèques (le caractère récent de l'amitié de L. C. pour L. B. M., postérieur au décès en 1990 de l'épouse de L. C., ainsi que les dates d'hospitalisation de L. C.) ont permis au tribunal de dire que la date certaine du testament révocatoire était celle du 10 octobre 1996.

À l'appui de son appel tendant à la réformation du jugement entrepris, la dame B. M. qui ne conteste pas que l'erreur de date n'affecte que l'année dudit testament révocatoire fait grief aux premiers juges de s'être déterminés, pour reconstituer cette date sur des indices extrinsèques à ce document ainsi que sur de simples présomptions. Elle fait valoir à cet égard, qu'en l'absence d'élément figurant dans le testament lui-même de nature à déterminer sa date exacte, le recours à un élément extrinsèque, en l'espèce, les séjours hospitaliers de L. C., s'il permet, de déterminer le cas échéant une période pendant laquelle le testament a pu être placé à l'endroit où il a été trouvé, est insuffisant à établir avec certitude la date de la rédaction du testament.

Elle fait valoir également que la suspicion de L. C. envers sa belle-fille et son fils, les rapports tendus qu'il entretenait avec celui-ci, attestés par un témoin et confirmés par un écrit de L. C. se plaignant de l'effraction de son domicile et de la confiscation de papier et de stylo établissement la volonté du défunt de gratifier la seule personne qui avait éclairé ses dernières années de vie.

Elle s'interroge sur la capacité de tester de L. C. au 10 octobre 1996 alors qu'âgé et diminué par la maladie il se serait trouvé sous l'influence de ses proches. Elle relève enfin le caractère providentiel de la découverte du testament litigieux.

Elle demande en conséquence à la Cour après avoir dit et jugé que selon le testament du 13 mai 1993 elle est bien légataire universelle de L. C., de l'envoyer en possession des biens de ce dernier, de désigner un expert, afin d'évaluer l'actif successoral en tenant compte des loyers encaissés par A. C. depuis le décès de son père et soumis à rapport, de désigner un notaire aux fins de partage et de condamner A. C. au paiement d'une somme de 500 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive outre celle de 70 000 francs au titre des frais irrépétibles.

En réponse, A. C. conclut à titre principal à la confirmation du jugement déféré et à titre subsidiaire à l'application des dispositions de l'article 892 alinéa 2 du Code civil.

Il sollicite en outre la condamnation de l'appelante au paiement d'une somme de 600 000 francs compte tenu tout à la fois d'allégations mettant en cause son attitude vis-à-vis de son père, du caractère abusif de la procédure et de la gêne occasionnée par la procédure dans la gestion de l'actif successoral.

Il souligne qu'à l'occasion d'un congé locatif donné avec l'accord de son père à la dame B. M., locataire d'un appartement qui lui avait été donné à bail par l'épouse de L. C., celui-ci, entendu par les services de police le 2 novembre 1995 suivant procès-verbal versé aux débats, avait déclaré avoir toute confiance en son fils et avait confirmé avoir décidé, en accord avec ce dernier, de résilier ce bail.

Il précise par ailleurs que la crainte d'un internement manifestée par L. C. dans le testament révocatoire trouve son origine dans le placement en milieu psychiatrique dont l'intimé avait lui-même fait l'objet, à la demande de son épouse.

Il estime enfin que les attestations qu'il verse aux débats établissent l'existence des bons rapports qu'il entretenait avec son père.

Concluant en réplique, l'appelante a réitéré le contenu de ses précédentes écritures et répondant à la demande subsidiaire formulée par l'intimé, estime que le texte invoqué par ce dernier présente un caractère nécessairement exceptionnel, applicable seulement en cas d'une volonté manifeste du testateur, volonté inexistante en l'espèce dès lors que la date erronée portée sur le testament révocatoire ne permet pas de savoir à quelle époque celui-ci s'emplace et pouvant tout aussi bien avoir été rédigé entre le testament du 13 mai 1993 et celui du 12 avril 1994 confirmant sa volonté de la gratifier.

Elle soutient par ailleurs qu'il appartient à l'intimé d'établir la capacité de tester de L. C., hospitalisé selon elle, à compter du 15 février 1996 dans un service psychiatrique.

Elle porte enfin sa demande de dommages-intérêts à la somme de 600 000 francs outre celle de 70 000 francs au titre des frais irrépétibles.

Sur ce :

Considérant que l'appelante ne conteste pas que le testament révocatoire a été écrit en entier, daté et signé de la main de L. C. ; que les circonstances de sa découverte, le 28 janvier 1999, derrière le bloc de tiroirs d'un meuble en cours de démontage dans l'appartement du défunt sont clairement établies par l'attestation de N. A.-M. du 23 mars 1999 ;

Considérant qu'il n'est pas discuté par l'appelante que la date du 10 octobre 1966 inscrite dans le testament litigieux est erronée et que cette erreur ne porte que sur l'indication de l'année ;

Qu'il importe dès lors de rechercher si l'année erronée peut être reconstituée à partir d'éléments intrinsèques au testament, corroborés, au besoin, par des éléments extrinsèques et ce afin d'apprécier la validité dudit testament ;

Considérant que L. C. déclare dans ce testament n'avoir guère confiance en sa belle-fille, redoutant son internement dans un asile psychiatrique ;

Que L. C. n'a pu exprimer cette crainte que postérieurement au placement de son fils dans le service de neuropsychiatrie du Centre Hospitalier Princesse Grace le 20 janvier 1996, confirmé par Ordonnance présidentielle du 15 février 1996 dont L. C. imputait l'initiative à sa belle-fille ainsi qu'il résulte de l'attestation établie le 25 mars 1999 par R. P., cousin germain de L. C. ;

Qu'en outre, L. C. a été hospitalisé pour la dernière fois le 27 décembre 1996 jusqu'à son décès survenu le 28 mai 1997 ;

Qu'il s'ensuit que le testament litigieux n'a pu être rédigé qu'au cours de l'année 1996 et plus précisément entre le 20 janvier et le 27 décembre 1996 ;

Considérant que l'année 1996 doit encore être retenue au regard des autres énonciations contenues dans ce testament ;

Qu'en effet, L. C. y indique « qu'une amie L. » lui paraît bien intéressée ;

Que l'appréciation ainsi portée sur la dame B. M. jointe à la décision du testateur de révoquer toutes les dispositions antérieures qu'il a pu prendre, établit que L. C. s'est rendu compte, postérieurement au testament du 13 mai 1993 ayant gratifié la dame B. M., confirmé par celui du 12 avril 1994, du caractère intéressé de l'appelante à l'encontre de laquelle il engagera même une procédure en expulsion de l'appartement qu'elle occupait en qualité de locataire depuis le 30 septembre 1989, expulsion qui sera prononcée par Ordonnance du 23 juillet 1996 ;

Que si L. C., a été hospitalisé en orthopédie du 27 mai 1996 au 19 septembre 1996, il a cependant été, à compter de cette date, pensionnaire à la maison de retraite située à Cap d'Ail, jusqu'au 27 décembre 1996, cette situation ne faisant pas obstacle à des déplacements ponctuels à son domicile, rien n'établissant que de tels déplacements aient été rendus impossibles par la réglementation de cet établissement ;

Considérant qu'il résulte ainsi de l'ensemble de ces éléments que l'année du testament litigieux est celle de 1996 en sorte que sa date complète est le 10 octobre 1996.

Considérant que l'appelante ne saurait mettre en doute la capacité de tester de L. C. durant l'année 1996 au motif que celui-ci aurait été hospitalisé en service psychiatrique le 15 février 1996 alors que cette hospitalisation a concerné son fils, A. C., ainsi qu'il a été dit ci-dessus ; que par ailleurs, les allégations de l'appelante selon lesquelles L. C. aurait été soumis aux menées de son entourage ne reposent sur rien ;

Que la validité du testament révocatoire étant ainsi établie, il y a lieu de confirmer le jugement déféré et de débouter la dame B. M. de son appel ;

Considérant sur la demande reconventionnelle d'A. C. en paiement de dommages-intérêts, qu'en ce que cette demande est fondée sur des propos mettant en cause selon lui son honneur filial, la Cour n'est pas compétente pour statuer conformément à l'article 44 de la loi du 3 juin 1910 sur la liberté de la presse ;

Qu'en ce que cette demande est fondée sur un appel abusif, il n'apparaît pas que la dame B. M. ait commis une faute dans l'exercice d'une voie de recours, qui lui était naturellement ouverte ;

Qu'enfin, A. C. n'établit pas le préjudice que lui aurait occasionné l'impossibilité dans laquelle il se serait trouvé de gérer les biens de sa succession par suite du présent appel ;

Que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS :

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

  • Déboute la dame L. B. M. A. A. des fins de son appel,

  • Confirme le jugement du Tribunal de première instance du 5 octobre 2000,

  • Déboute A. C. de sa demande reconventionnelle,

Composition🔗

M. Landwerlin, prem. prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Me Michel av. déf. ; Me Rebidou, av. bar. Nice.

Note🔗

Cet arrêt confirme le jugement rendu le 5 octobre 2000 par le Tribunal de première instance. Le pourvoi formé contre ledit arrêt a été rejeté par arrêt de la Cour de révision du 4 octobre 2002 lequel est également publié à sa date.

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