Cour d'appel, 13 juillet 1993, L. c/ SA Bis France.

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Abstract🔗

Responsabilité civile

Commettant occasionnel : auquel a été fourni un personnel intérimaire, sous son autorité et direction - Fautes professionnelles du préposé : prise en charge par le commettant occasionnel, qui n'établit pas un manquement du fournisseur à son obligation de moyen

Résumé🔗

La responsabilité mise à la charge des commettants par l'article 1231, alinéa 4, du Code civil suppose essentiellement que ceux-ci aient le droit de faire acte d'autorité en donnant à leurs préposés des ordres ou des instructions sur la manière de remplir, à titre temporaire ou non, les emplois qui leur ont été confiés pour un temps ou un objet déterminé.

En l'espèce s'agissant de l'exécution d'un contrat de fourniture de personnel intérimaire, le préposé habituel d'une société mis à la disposition d'un entrepreneur, s'est trouvé placé pendant la durée de la mission conventionnelle, sous l'autorité la direction et la responsabilité de celui-ci devenu commettant occasionnel.

Il s'ensuit que les fautes professionnelles qu'aurait pu commettre le préposé pendant la durée du contrat de fourniture de personnel intérimaire ne sauraient être mises à la charge de cette société, dès lors qu'il est constant que ce préposé délégué était un personnel rémunéré à l'heure, qualifié de soudeur à la connaissance de l'employeur occasionnel qui l'avait accepté et qui devait l'encadrer et le diriger pour mener à bien la mission demandée, et qui n'avait manifesté aucune réserve ou réclamation pendant la durée de la mission.

Ainsi que l'a jugé à juste titre le tribunal, l'appelant n'établit pas que la société lui avait fourni un personnel ne répondant pas à la qualification demandée et avait manqué ainsi à son obligation de moyen à laquelle elle était contractuellement tenue.


Motifs🔗

La Cour,

La Cour statue sur l'appel relevé le 9 mars 1993 par P. L., exploitant le commerce sous l'enseigne EGIS, à l'encontre du jugement rendu le 9 janvier 1992 par le tribunal de première instance dans le litige l'opposant à la Société Anonyme Bis France ;

Référence étant faite pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties au jugement déféré et aux conclusions déposées en appel, il suffit de rappeler les éléments ci-après exposés :

Saisi par la Société Anonyme de droit français dénommée Bis France d'une demande tendant au paiement par P. L. d'une somme de 109 841,04 francs montant de sa facture récapitulative du 21 septembre 1989, avec intérêts au taux légal à compter de cette date, outre celle de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Le tribunal, par la décision déférée,

  • a condamné P. L. à payer à la Société Bis France la somme de 109 841,04 francs avec intérêts au taux légal à compter du 10 avril 1990,

  • a débouté la Société Bis France de sa demande en dommages-intérêts,

  • a débouté P. L. de sa demande reconventionnelle tendant au paiement de la somme de 114 274,78 francs,

  • a condamné P. L. aux dépens.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont considéré :

  • qu'il existait entre les parties un marché de prestations de service, selon lequel étaient mis provisoirement à la disposition de L., des salariés embauchés et rémunérés par la Société Bis France, mais placés sous l'autorité de L. qui avait pouvoir de leur donner des ordres et des instructions pour l'accomplissement de leur service ;

  • que L. était seul tenu de répondre, en sa qualité de commettant occasionnel des fautes commises dans l'exécution de leur travail, par les salariés de la Société Bis France ;

  • que, au vu des pièces produites, la Société Bis France avait exécuté son obligation principale de fournir à L. qui l'avait demandé, un salarié ayant la qualification d'ouvrier soudeur, outre un manœuvre pour l'assister, d'autant que ce préposé avait déjà accompli à diverses reprises en cette qualité des travaux pour L. ;

Le tribunal a déduit de ces considérations que L. ne rapportait pas la preuve que la Société Bis France lui avait fourni un travailleur ne répondant pas à la qualification demandée et qu'en conséquence il y avait lieu de faire droit à la demande principale et de rejeter la demande reconventionnelle de L. lequel avait pu se méprendre sur la portée de ses droits, ce qui n'entachait pas son refus de payer la facture à la Société Bis France d'un caractère fautif ouvrant droit à des dommages-intérêts ;

Au soutien de son appel, P. L. fait valoir que la Société Bis France, tenue comme toute entreprise de travail temporaire d'une obligation de moyen et de diligences dans le recrutement du personnel qu'elle fournit, n'a pas effectué toutes les vérifications nécessaires sur les qualités et aptitudes professionnelles du personnel mis à sa disposition, notamment du nommé R. qui n'avait pas la qualification nécessaire pour le travail très précis qui était demandé ;

En définitive, L. demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau,

  • de débouter la SA Bis France de ses demandes,

  • de condamner la SA Bis France à payer à l'appelant la somme de 114 274,78 francs, montant des travaux de remise en état des lieux, suite aux malfaçons,

L'intimée, reprenant ses conclusions de première instance, soutient :

Que L., commettant occasionnel, était seul tenu de répondre des fautes commises par les salariés fournis par la Société Bis France pendant le temps où ceux-ci travaillaient pour son compte ;

Que la Société Bis France n'étant tenue que d'une obligation de prudence et diligence dans le recrutement du personnel pour autrui, justifie avoir fourni à L., sur sa demande, un nommé R. qui avait la qualification de soudeur et qui lui avait déjà donné satisfaction dans l'exécution de précédentes missions ;

Que L. qui devait contrôler et encadrer le personnel d'exécution qui lui était fourni n'a pas protesté contre l'envoi de R. à la réception de la facture du 29 avril 1989 qui mentionnait la qualification de cet ouvrier, et qu'il a attendu pour ce faire un délai de cinq semaines alors que la mission était terminée ;

Que la Société Bis France a rempli le contrat de fourniture de personnel intérimaire ;

La Société Bis France sollicite de la Cour la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Sur ce,

Considérant que la responsabilité mise à la charge des commettants par l'article 1231, alinéa 4, du Code civil suppose essentiellement que ceux-ci ont le droit de faire acte d'autorité en donnant à leurs préposés des ordres ou des instructions sur la manière de remplir, à titre temporaire ou non, les emplois qui leur ont été confiés pour un temps ou un objet déterminé ;

Considérant qu'en l'espèce, s'agissant ainsi qu'il est constant, de l'exécution d'un contrat de fourniture de personnel intérimaire, passé entre les parties, le préposé habituel de la Société Bis France mis à la disposition de P. L., s'est trouvé placé pendant la durée de la mission conventionnelle, sous l'autorité, la direction et la responsabilité dudit entrepreneur devenu commettant occasionnel ;

Considérant qu'il suit que les fautes professionnelles qu'aurait pu commettre le préposé R. pendant la durée du contrat de fourniture de personnel intérimaire ne sauraient être mises à la charge de la Société Bis France, dès lors qu'il ressort des pièces produites, notamment de la facture du 29 avril 1989, que ce préposé délégué était un personnel rémunéré à l'heure qualifié de soudeur, à la connaissance de L. qui l'avait accepté et qui devait l'encadrer et le diriger pour mener à bien la mission demandée, et qui n'avait manifesté aucune réserve ou réclamation pendant la durée de la mission ;

Considérant, ainsi que l'a jugé, à juste titre le tribunal, que l'appelant P. L. n'établit pas que la Société Bis France lui avait fourni un personnel ne répondant pas à la qualification demandée et avait manqué ainsi à son obligation de moyen à laquelle elle était contractuellement tenue ;

Considérant qu'en conséquence L. n'est pas fondé à s'opposer au paiement des prestations fournies par la Société Bis France dans le cadre du contrat ayant lié les parties et dont le solde restant dû s'élève à la somme de 109 841,04 francs, outre les intérêts de droit, suivant arrêté de compte du 21 septembre 1989 ;

Qu'il suit que la demande de L. tendant à faire payer à la Société Bis France la somme de 114 274,78 francs, représentant le montant de remise en état des lieux, conséquence des malfaçons imputées à son préposé R., doit être rejetée ainsi que l'avaient estimé, à bon droit, les premiers juges ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

et ceux non contraires des premiers juges,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Déboute P. L. des fins de son appel.

Composition🔗

MM. Sacotte prem. prés. ; Carrasco proc. gén. ; Mes Pastor et Sanita av. déf.

Note🔗

Cet arrêt confirme un jugement rendu le 9 janvier 1992.

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