Protocole du 16 février 1976 relatif à la prévention de la pollution de la mer Méditerranée par les opérations d'immersion effectuées par les navires et aéronefs
Les Parties contractantes au présent Protocole,
Étant Parties à la Convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution,
Reconnaissant le danger que fait courir au milieu marin la pollution résultant des opérations d'immersion de déchets ou autres matières effectuées par les navires et aéronefs,
Estimant qu'il est de l'intérêt commun des États riverains de la mer Méditerranée de protéger le milieu marin contre ce danger,
Tenant compte de la Convention sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et d'autres matières, adoptée à Londres en 1972,
Sont convenues de ce qui suit :
Article 1er🔗
Les Parties contractantes au présent Protocole (ci-après dénommées « les Parties ») prennent toutes mesures appropriées pour prévenir et réduire la pollution de la zone de la mer Méditerranée résultant des opérations d'immersion effectuées par les navires et les aéronefs.
Article 2🔗
La zone d'application du présent Protocole est la zone de la mer Méditerranée délimitée à l'article 1er de la Convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution (ci-après dénommée « la Convention »).
Article 3🔗
Aux fins du présent Protocole :
1. « Navires et aéronefs » signifie véhicules circulant sur l'eau, dans l'eau, ou dans les airs, quel qu'en soit le type. Cette expression englobe les véhicules sur coussin d'air et les engins flottants, qu'ils soient autopropulsés ou non, ainsi que les plates-formes ou autres ouvrages placés en mer et leur équipement.
2. « Déchets ou autres matières » signifie matériaux et substances de tout type, de toute forme et de toute nature.
3. « Immersion » signifie :
a) Tout rejet délibéré dans la mer de déchets et autres matières à partir de navires et aéronefs ;
b) Tout sabordage en mer de navires et aéronefs.
4. Le terme « immersion » ne vise pas :
a) Le rejet en mer de déchets ou autres matières résultant ou provenant de l'exploitation normale de navires et aéronefs ainsi que leur équipement, à l'exception des déchets ou autres matières transportés par ou transbordés sur des navires ou aéronefs qui sont utilisés pour l'immersion de ces matières ou provenant du traitement de tels déchets ou autres matières à bord desdits navires ou aéronefs.
b) Le dépôt de matières à des fins autres que leur simple élimination sous réserve qu'un tel dépôt ne soit pas incompatible avec l'objet du présent Protocole.
5. « Organisation » signifie l'organisme visé à l'article 13 de la Convention.
Article 4🔗
L'immersion dans la zone de la mer Méditerranée de déchets - ou autres matières énumérées à l'Annexe I du présent Protocole - est interdite.
Article 5🔗
L'immersion dans la zone de la mer Méditerranée de déchets - ou autres matières énumérées à l'Annexe II du présent Protocole - est subordonnée, dans chaque cas, à la délivrance préalable par les autorités nationales compétentes, d'un permis spécifique.
Article 6🔗
L'immersion dans la zone de la mer Méditerranée de tout autre déchet ou autre matière est subordonnée à la délivrance préalable, par les autorités nationales compétentes, d'un permis général.
Article 7🔗
Les permis visés aux articles 5 et 6 ci-dessus ne seront délivrés qu'après un examen attentif de tous les facteurs énumérés à l'annexe III du présent Protocole. L'Organisation recevra les données relatives auxdits permis.
Article 8🔗
Les dispositions des articles 4, 5 et 6 ne s'appliquent pas en cas de force majeure due aux intempéries ou à toute autre cause lorsque la vie humaine ou la sécurité d'un navire ou d'un aéronef est menacée. Dans ce cas, les déversements seront immédiatement notifiés à l'Organisation et, par l'intermédiaire de l'Organisation ou directement, à toute Partie qui pourrait en être affectée, avec tous les détails concernant les circonstances, la nature et les quantités des déchets ou autres matières immergées.
Article 9🔗
En cas de situation critique ayant un caractère exceptionnel, si une Partie estime que des déchets ou autres matières figurant à l'Annexe I du présent Protocole ne peuvent être éliminés à terre sans risque ou préjudice inacceptable, notamment pour la sécurité de la vie de l'homme, elle consultera immédiatement l'Organisation. L'Organisation, après consultation des Parties au présent Protocole, recommandera des méthodes de stockage ou les moyens de destruction ou d'élimination les plus satisfaisants selon les circonstances. La Partie informera l'Organisation des mesures adoptées en application de ces recommandations. Les Parties s'engagent à se prêter mutuellement assistance dans de telles situations.
Article 10🔗
1. Chaque Partie désigne une ou plusieurs autorités compétentes pour :
a) Délivrer les permis spécifiques visés à l'article 5 ;
b) Délivrer les permis généraux visés à l'article 6 ;
c) Enregistrer la nature et la quantité de déchets ou autres matières dont l'immersion est autorisée, ainsi que le lieu, la date et la méthode d'immersion.
2. Les autorités compétentes de chaque Partie délivreront les permis visés aux articles 5 et 6 pour les déchets ou autres matiêres destinés à l'immersion :
a) Chargés sur son territoire ;
b) Chargés par un navire ou un aéronef enregistré sur son territoire ou battant son pavillon lorsque ce chargement a lieu sur le territoire d'un État non Partie au présent Protocole.
Article 11🔗
1. Chaque Partie applique les mesures requises pour la mise en œuvre du présent Protocole :
a) Aux navires et aéronefs enregistrés sur son territoire ou battant son pavillon ;
b) Aux navires et aéronefs chargeant sur son territoire des déchets ou autres matières qui doivent être immergés ;
c) Aux navires et aéronefs présumés effectuer des opérations d'immersion dans les zones relevant, en la matière, de sa juridiction.
2. Le présent Protocole ne s'applique pas aux navires et aéronefs appartenant à un État partie au présent Protocole ou exploités par cet État tant que celui-ci les utilise exclusivement à des fins gouvernementales et non commerciales. Cependant, chaque Partie doit s'assurer, en prenant des mesures appropriées qui ne compromettent pas les opérations ou la capacité opérationnelle des navires et aéronefs lui appartenant ou exploités par elle, que ceux-ci agissent d'une manière compatible avec le présent Protocole, pour autant que cela soit raisonnable dans la pratique.
Article 12🔗
Chacune des Parties s'engage à donner pour instruction à ses navires et aéronefs d'inspection maritime ainsi qu'aux autres services qualifiés de signaler à leurs autorités nationales tous incidents ou situations dans la zone de la mer Méditerranée, qui font soupçonner qu'il y a eu ou qu'il va y avoir immersion contraire aux dispositions du présent Protocole. Cette Partie en informera, si elle le juge opportun, toute autre Partie intéressée.
Article 13🔗
Aucune des dispositions du présent Protocole ne porte atteinte au droit de chaque Partie d'adopter d'autres mesures, conformément au droit international, pour prévenir la pollution due aux opérations d'immersion.
Article 14🔗
1. Les réunions ordinaires des Parties au présent Protocole se tiennent lors des réunions ordinaires des Parties contractantes à la Convention organisées en application de l'article 14 de ladite Convention. Les Parties au présent Protocole peuvent aussi tenir des réunions extrordinaires conformément à l'article 14 de la Convention.
2. Les réunions des Parties au présent Protocole ont notamment pour objet :
a) De veiller à l'application du présent Protocole, et d'examiner l'efficacité des mesures adoptées et l'opportunité de prendre d'autres dispositions, en particulier sous forme d'annexes ;
b) D'étudier et d'apprécier les données relatives aux permis délivrés conformément aux articles 5, 6 et 7 et aux immersions opérées ;
c) De réviser et d'amender le cas échéant, toute Annexe au présent Protocole ;
d) De remplir, en tant que de besoin, toutes autres fonctions en application du présent Protocole.
3. Les amendements aux Annexes du présent Protocole en vertu de l'article 17 de la Convention sont adoptés par un vote à la majorité des trois quarts des Parties.
Article 15🔗
1. Les dispositions de la Convention se rapportant à tout Protocole s'appliquent à l'égard du présent Protocole.
2. Le règlement intérieur et les règles financières adoptées conformément à l'article 18 de la Convention s'appliquent à l'égard du présent Protocole, à moins que les Parties au présent Protocole n'en conviennent autrement.
En foi de quoi les soussignés, dûment autorisés par leurs Gouvernements respectifs, ont signé le présent Protocole.
Fait à Barcelone, le 16 février 1976, en un seul exemplaire en langues anglaise, arabe, espagnole et française, les quatre textes faisant également foi.
ANNEXE I🔗
A. - Les substances ou matières suivantes sont énumérées aux fins d'application de l'article 4 du Protocole :
1. Composés organo-halogénés et composés qui peuvent donner naissance à de telles substances dans le milieu marin, à l'exclusion de ceux qui ne sont pas toxiques ou qui se transforment rapidement dans la mer en substances biologiquement inoffensives, pourvu qu'ils n'altèrent pas le goût des organismes marins comestibles.
2. Composés organo-siliciés et composés qui peuvent donner naissance à de telles substances dans le milieu marin à l'exclusion de ceux qui ne sont pas toxiques ou qui se transforment rapidement dans la mer en substances biologiquement inoffensives, pourvu qu'ils n'altèrent pas le goût des organismes marins comestibles.
3. Mercure et composés du mercure.
4. Cadmium et composés du cadmium.
5. Plastiques persistants et autres matériaux synthétiques persistants qui peuvent matériellement gêner la pêche ou la navigation, diminuer les agréments ou gêner toutes autres utilisations légitimes de la mer.
6. Pétrole brut et hydrocarbures pouvant dériver du pétrole ainsi que mélanges contenant ces produits, chargés à bord pour être immergés.
7. Déchets et autres matières, fortement, moyennement et faiblement radioactifs, tels qu'ils seront définis par l'Agence internationale de l'énergie atomique.
8. Composés acides et basiques dont la composition et la quantité sont telles qu'ils peuvent compromettre gravement la qualité des eaux marines. La composition et la quantité à prendre en considération seront déterminées par les Parties selon la procédure prévue au paragraphe 3 de l'article 14 du présent Protocole.
9. Matières produites pour la guerre biologique et chimique sous quelque forme que ce soit (par exemple solide, liquide, semi-liquide, gazeuse ou vivante), à l'exclusion de celles qui sont rapidement rendues inoffensives dans la mer par des processus physiques, chimiques ou biologiques pourvu :
I) qu'elles n'altèrent pas le goût des organismes marins comestibles ; ou
II) qu'elles ne présentent pas de danger pour la santé de l'homme ou des animaux.
B. - La présente Annexe ne s'applique pas aux déchets et autres matières, tels que les boues d'égouts et les déblais de dragage, qui contiennent les substances définies aux paragraphes 1 à 6 ci-dessus à l'état de contaminants en traces. L'immersion de ces déchets est soumise aux dispositions des Annexes II et III, selon le cas.
ANNEXE II🔗
Les déchets et autres matières dont l'immersion nécessite des précautions spéciales sont énumérés ci-après aux fins d'application de l'article 5 du Protocole :
1. i) arsenic, plomb, cuivre, zinc, béryllium, chrome, nickel, vanadium, sélénium, antimb et leurs composés ;
ii) cyanures et fluorures ;
iii) pesticides et sous-produits de pesticides non visés a l'Annexe I ;
iv) substances chimiques organiques synthétiques autres que celles visées à l'Annexe I, susceptibles d'avoir des effets nuisibles sur les organismes marins ou d'altérer le goût des organismes marins comestibles.
2. i) composés acides et basiques dont la composition et la quantité n'ont pas encore été déterminées suivant la procédure prévue au paragraphe A 8 de l'Annexe I ;
ii) composés acides et basiques non couverts par l'Annexe I, à l'exclusion des composés à déverser en quantités inférieures à des seuils qui seront déterminés par les Parties suivant la procédure prévue au paragraphe 3 de l'article 14 du présent Protocole.
3. Conteneurs, ferraille et autres déchets volumineux susceptibles d'être déposés au fond de la mer et de constituer un sérieux obstacle à la pêche ou à la navigation.
4. Substances qui, bien que non toxiques par nature, peuvent devenir nocives en raison des quantités immergées, ou qui risquent de diminuer sensiblement les agréments, ou de mettre en danger la vie humaine ou les organismes marins ou d'entraver la navigation.
5. Déchets radioactifs ou autres matières radioactives qui ne seront pas comprises à l'Annexe I. Pour la délivrance des permis d'immersion de ces matières, les Parties tiendront dûment compte des recommandations de l'organisme international compétent en la matière, actuellement l'Agence internationale de l'énergie atomique.
ANNEXE III🔗
Les facteurs qui doivent être pris en considération pour établir les critères régissant la délivrance des autorisations d'immersion de matières, suivant les dispositions de l'article 7, sont notamment les suivants :
A. - Caractéristiques et composition de la matière🔗
1. Quantité totale immergée et composition moyenne de la matière (par exemple par an).
2. Forme (par exemple solide, boueuse, liquide ou gazeuse).
3. Propriétés physiques (telles que solubilité et densité), chimiques et biochimiques (telles que demande en oxygène, substances nutritives) et biologiques (telles que présence de virus, bactéries, levures, parasites).
4. Toxicité.
5. Persistance : physique, chimique et biologique.
6. Accumulation et transformation biologique dans les matières biologiques ou sédiments.
7. Sensibilité aux transformations physiques, chimiques et biochimiques et interaction dans le milieu aquatique avec d'autres matières organiques et inorganiques dissoutes.
8. Probabilité de contamination et autres altérations diminuant la valeur commerciale des ressources marines (poissons, mollusques et crustacés, etc.)
B. - Caractéristiques du lieu d'immersion et méthode de dépôt🔗
1. Emplacement (par exemple coordonnées de la zone d'immersion, profondeur et distance des côtes), situation par rapport à d'autres emplacements (tels que zones d'agrément, de frai, de culture et de pêche, et ressources exploitables).
2. Cadence d'évacuation de la matière (par exemple, quantité quotidienne, hebdomadaire, mensuelle).
3. Méthodes d'emballage et de conditionnement, le cas échéant.
4. Dilution initiale réalisée par la méthode de décharge proposée, en particulier la vitesse des navires.
5. Caractéristiques de dispersion (telles qu'effets des courants, des marées et du vent sur le déplacement horizontal et le brassage vertical).
6. Caractéristiques de l'eau (telles que température, pH. salinité, stratification, indices de pollution : notamment oxygène dissous [OD], demande chimique en oxygène [DCO], demande biochimique en oxygène [DBO], présence d'azote sous forme organique ou minérale, et notamment présence d'ammoniaque, de matières en suspension, d'autres matières nutritives, productivité).
7. Caractéristiques du fond (telles que topographie, caractéristiques géochimiques et géologiques, productivité biologique). 8. Existence et effets d'autres immersions pratiquées dans la zone d'immersion (par exemple, relevés indiquant la présence de métaux lourds et la teneur en carbone organique).
9. Lors de la délivrance d'un permis d'immersion, les Parties contractantes s'efforcent de déterminer s'il existe une base scientifique adéquate pour évaluer, suivant les dispositions qui précèdent, et compte tenu des variations saisonnières, les conséquences d'une immersion dans la zone concernée.
C . - Considérations et circonstances générales🔗
1. Effets éventuels sur les zones d'agrément (tels que présence de matériaux flottants ou échoués, turbidité, odeurs désagréables, décoloration, écume).
2. Effets éventuels sur la faune et la flore marines, la pisciculture et la conchyliculture, les réserves poissonnières et les pêcheries, la récolte et la culture d'algues.
3. Effets éventuels sur les autres utilisations de la mer (tels que : altération de la qualité de l'eau pour des usages industriels, corrosion sous-marine des ouvrages en mer. Perturbation du fonctionnement des navires par les matières flottantes, entraves à la pêche et à la navigation dues au dépôt de déchets ou d'objets solides sur le fond de la mer et protection de zones d'une importance particulière du point de vue scientifique ou de la conservation).
4. Possibilités pratiques de recourir sur la terre ferme à d'autres méthodes de traitement, de rejet ou d'élimination, ou à des traitements réduisant la nocivité des matières avant leur immersion en mer.