Convention du 1er avril 1950 tendant à éviter les doubles impositions et à codifier les règles d'assistance en matière successorale

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S.A.S. le Prince de Monaco et le Président de la République française,

Se référant, dans un sentiment de mutuelle confiance, au traité du 17 juillet 1918, ainsi qu'à la convention de voisinage du 10 avril 1912, à la convention du 26 juin 1925 relative à la poursuite et à la répression des fraudes fiscales et à celle du 14 avril 1945 concernant la répression des fraudes fiscales et le renforcement de l'assistance administrative :

Considérant l'intérêt qui s'attache à éviter les doubles impositions et à codifier les règles d'assistance administrative mutuelle en matière successorale,

Ont résolu de conclure, à cet effet, une convention et ont nommé leurs plénipotentiaires respectifs,

lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs reconnus en bonne et due forme, sont convenus des dispositions suivantes :

Article 1🔗

Dans la présente convention :

  • a) Il est entendu que le terme « impôt » désigne, suivant le cas, l'impôt français sur les successions ou les droits établis dans la Principauté sur les mutations par décès ;

  • b) Il est entendu que les droits de donation entre vifs ne sont pas visés ;

  • c) Il est entendu que le terme « domicile » désigne le lieu où le de cujus avait son principal établissement.

    Le « domicile » à Monaco sera constaté par le ministre d'État, après avis du consul général de France.

    Les personnes de nationalité française ne pourront être considérées comme ayant eu leur domicile dans la Principauté au moment de leur décès que si, à cette date, elles y ont résidé habituellement en fait depuis cinq années au moins ; toutefois, les personnes faisant partie ou relevant de la Maison Souveraine, ainsi que les fonctionnaires, employés et agents des services publics de la Principauté, seront considérés comme domiciliés en Principauté dès lors qu'ils y auront établi leur résidence habituelle et résidé en fait à la date de leur décès, sans condition de durée ;

  • d) Il est entendu que le terme « établissement stable » désigne toute installation permanente d'une entreprise dans laquelle l'activité de cette dernière s'exerce en tout ou en partie ;

  • e) Dans l'application des dispositions de la présente convention par l'une ou l'autre des Parties contractantes, tout terme qui n'est pas défini autrement aura, à moins que le contexte n'exige une interprétation différente, la signification que lui donnent les lois dudit État contractant relatives aux impôts qui font l'objet du présent accord.

Titre I - Doubles impositions🔗

Article 2🔗

§ 1. - Les immeubles et droits immobiliers faisant partie de la succession d'un ressortissant de l'un des deux États contractants ne seront soumis à l'impôt sur les successions que dans l'État où ils sont situés.

§ 2. - La question de savoir si un bien ou un droit a le caractère immobilier sera résolue d'après la législation de l'État dans lequel est situé le bien considéré ou le bien sur lequel porte le droit envisagé.

Article 3🔗

Les biens meubles corporels autres que ceux visés aux articles 4, 5 et 6, ainsi que les billets de banque et autres espèces monétaires ayant leur cours légal au lieu de leur émission seront soumis à l'impôt au lieu où ils se trouvent effectivement à la date du décès.

Article 4🔗

Les bateaux et les aéronefs autres que ceux visés à l'article 5 seront imposés dans l'État où ils ont reçu leur acte de nationalité ou dans lequel ils ont été immatriculés.

Article 5🔗

Les biens meubles corporels ou incorporels laissés par les ressortissants des deux États contractants et investis dans une entreprise commerciale, industrielle ou autre, y compris les entreprises de navigation maritime ou aérienne, seront soumis à l'impôt sur les successions suivant la règle ci-après :

  • a) Si l'entreprise ne possède un établissement stable que dans l'un des États, les biens ne seront soumis à l'impôt que dans cet État ;

  • b) Si l'entreprise a un établissement stable dans chacun des deux États, les biens seront soumis à l'impôt dans chaque État dans la mesure où ils sont affectés à l'établissement situé dans cet État.

Sont exclus des dispositions du présent article les investissements effectués par le de cujus dans des sociétés par actions.

Article 6🔗

Les actions ou parts sociales, fonds d'État, obligations, créances chirographaires ou hypothécaires et tous autres biens laissés par un ressortissant de l'un des deux États auxquels ne s'appliquent pas les articles 2 à 5, seront soumis aux dispositions suivantes :

  • a) Si le de cujus était domicilié au moment de son décès dans l'un des deux États, lesdits biens ne seront soumis à l'impôt sur les successions que dans cet État ;

  • b) Si le de cujus n'avait pas son domicile dans l'un des deux États, lesdits biens ne seront soumis à l'impôt sur les successions que dans l'État dont le de cujus était ressortissant au moment de son décès ; s'il était, au moment de son décès, ressortissant des deux États, chaque cas d'espèce fera l'objet de conventions particulières entre les administrations française et monégasque.

Article 7🔗

§ 1. - Les dettes afférentes à une entreprise de la nature visée à l'article 5 seront imputables sur les biens affectés à cette entreprise. Si l'entreprise possède un établissement stable dans chacun des deux États, les dettes seront imputables sur les biens affectés à l'établissement dont elles dépendent.

§ 2. - Les dettes garanties, soit par des immeubles ou des droits immobiliers, soit par des bateaux ou aéronefs visés à l'article 4, soit par des biens affectés à une entreprise de la nature visée à l'article 5, seront imputables sur ces biens. Si la même dette est garantie à la fois par des biens situés dans les deux États, l'imputation se fera sur les biens situés dans chacun des deux États proportionnellement à la valeur taxable de ces biens.

Cette disposition n'est applicable aux dettes visées au paragraphe 1 que dans la mesure où ces dettes ne seront pas couvertes par l'imputation prévue à ce paragraphe.

§ 3. - Les dettes non visées aux paragraphes 1 et 2 seront imputées sur les biens auxquels sont applicables les dispositions de l'article 6.

§ 4. - Si l'imputation prévue aux trois paragraphes qui précèdent laisse subsister un solde non couvert, ce solde sera déduit des autres biens soumis à l'impôt des successions dans le même État. S'il ne reste pas dans cet État d'autres biens soumis à l'impôt ou si la déduction laisse encore un solde non couvert, ce solde sera imputé sur les biens soumis à l'impôt dans l'autre État.

Titre II - Assistance réciproque🔗

Article 8🔗

En vue d'assurer une meilleure application des impôts visés dans la présente convention, les États contractants s'engagent à échanger les renseignements d'ordre fiscal que l'administration d'un des deux États détient ou peut obtenir d'après les règles de sa propre législation et qui seraient utiles à l'autre État pour l'établissement desdits impôts.

Ces échanges de renseignements s'effectueront directement entre les deux administrations des finances, d'office ou sur demande.

Article 9🔗

Conformément à l'article qui précède, l'administration des finances de chacun des deux États renverra à l'administration de l'autre État, dans le mois suivant l'expiration de chaque trimestre, les renseignements ci-après :

  • a) La copie des enregistrements de procès-verbaux d'ouverture des coffres-forts ou compartiments de coffres-forts loués, en totalité ou en partie, par des personnes décédées ou leur conjoint quand ces personnes avaient leur domicile dans l'autre État ;

  • b) La copie des enregistrements de procès-verbaux d'inventaire du contenu des plis cachetés et cassettes fermées déposés par lesdites personnes chez les banquiers, changeurs. escompteurs ou autres personnes recevant habituellement des dépôts de cette nature ;

  • c) La copie des listes remises par les administrations publiques, les sociétés ou compagnies, agents de change, changeurs, banquiers, escompteurs, officiers publics ou ministériels ou agents d'affaires, dépositaires, détenteurs ou débiteurs de titres, sommes ou valeurs dépendant de la succession d'une personne domiciliée dans l'autre État ;

  • d) L'avis de l'ouverture de tout compte indivis ou collectif avec solidarité chez l'une des personnes désignées au numéro précédent et concernant un ou plusieurs ressortissants de l'autre État ;

  • e) Les renseignements recueillis par les autorités fiscales de chaque État en ce qui concerne les contrats d'assurances contre l'incendie et le vol afférents à des biens mobiliers dépendant de la succession, lorsque ces biens seront imposables dans l'autre État en vertu du titre I de la présente convention :

  • f) Les renseignements recueillis par les autorités fiscales de chaque État en ce qui concerne les sommes, rentes ou émoluments quelconques dus par les compagnies d'assurances sur la vie à raison du décès de l'assuré domicilié dans l'autre État ;

  • g) Les extraits d'enregistrement de tous actes ou déclarations de mutation de propriété ou d'usufruit, soit à titre onéreux, soit à titre gratuit, entre vifs ou par décès relatifs à des immeubles ou à des fonds de commerce situés en tout ou en partie dans l'étendue de l'État autre que celui où ces actes ou déclarations auront été reçus ou enregistrés ;

  • h) Les testaments lorsque l'acte a été enregistré ou passé dans l'un des deux États et que le testateur dispose de biens qui sont situés sur le territoire de l'autre au sens du titre I de la présente convention ;

  • i) Les extraits d'enregistrement d'actes ou déclarations indicatifs de décès, lorsque le décès sera survenu dans l'État ou y aura été constaté, bien que survenu au dehors dès lors que, d'après l'acte ou la déclaration enregistrés, le défunt sera un ressortissant de l'autre État ou que, quelle que soit sa nationalité, il aura son domicile dans l'autre État ou qu'il sera reconnu ou réputé y posséder des biens meubles ou immeubles ;

  • j) Les renseignements que les administrations financières pourront éventuellement recueillir sur les avoirs possédés dans un État par des personnes domiciliées dans l'autre, sur les paiements des coupons de valeurs mobilières effectués au profit desdites personnes, ainsi que sur les dettes contractées envers les mêmes personnes ;

  • k) Les extraits d'enregistrement d'inventaires et de tous autres actes ou déclarations indiquant les biens corporels ou incorporels dépendant de la succession et imposables dans l'autre État en vertu du titre I de ladite convention.

Article 10🔗

Le gouvernement princier prendra les dispositions nécessaires pour que les héritiers d'une personne dont la succession est ouverte en France, et régie par la loi française, ne puissent appréhender les biens mobiliers de quelque nature que ce soit dépendant de la succession et existant sur le territoire de la Principauté, sans avoir observé les formalités de l'envoi en possession spécial prévu par la loi française.

Article 11🔗

En vue de faciliter à l'administration des finances de chaque État le contrôle des déclarations souscrites en matière d'impôt de mutation par décès, dans les conditions prévues par le titre I de la présente convention, le gouvernement princier et le gouvernement de la République française donneront les instructions nécessaires pour que les services financiers renseignent l'administration de l'autre État sur sa demande :

  • 1° Sur les sommes touchées par le de cujus à titre de traitements, salaires, appointements fixes ou proportionnels, remises, participations aux bénéfices, courtages, commissions, tantièmes, pensions, rentes viagères, dividendes, revenus et produits ;

  • 2° Sur les indications relatives au passif successoral dont la déduction aura été accordée dans les conditions visées par l'article 7.

Article 12🔗

Les deux gouvernements s'engagent, sur la base de la réciprocité, à se prêter concours et assistance pour le recouvrement de tous impôts, intérêts, frais et amendes en matière de droits de mutation par décès.

Les services de l'enregistrement de chaque État seront chargés d'assurer ce recouvrement suivant les dispositions de la législation propre à cet État. Ils seront notamment habilités à prendre toutes mesures conservatoires et exécutoires utiles, sans qu'il soit nécessaire de recourir à la formalité de l'exequatur.

Article 13🔗

Les communications et renseignements ci-dessus énumérés, ainsi que la correspondance y relative, seront échangés directement entre le directeur des services fiscaux de la Principauté et le directeur de l'enregistrement des Alpes-Maritimes.

Article 14🔗

Le ministre d'État à Monaco et le ministre des finances en France pourront se mettre d'accord directement pour résoudre toutes les questions soulevées à l'occasion de l'application de la présente convention.

Article 15🔗

Les ressortissants de chacun des deux États bénéficieront sur le territoire de l'autre, en ce qui concerne les impôts visés par la présente convention, des mêmes avantages pour situations et charges de famille que les nationaux de ce dernier État.

La présente convention ne porte aucune atteinte aux exemptions fiscales accordées ou qui pourront être accordées à l'avenir, en vertu des règles générales du droit des gens, aux agents diplomatiques et consulaires. Dans la mesure où, en raison desdites exemptions, les droits de succession ne seront pas perçus dans l'État où les agents susvisés exercent leurs fonctions, il appartiendra à l'État qui les a nommés de percevoir ces droits.

Article 16🔗

Sont abrogés les 1er et 2e alinéas de l'article 1 de la convention du 26 juin 1925, modifiés en dernier lieu par l'article 8 de la convention du 14 avril 1945.

Les dispositions des accords, avenants ou conventions qui existent déjà entre la Principauté de Monaco et la France en ce qui concerne la répression des fraudes et l'assistance administrative mutuelle, demeurent en vigueur dans la mesure où elles ne sont pas inconciliables avec les clauses du présent accord.

Article 17🔗

La présente convention sera ratifiée et les instruments de ratification seront échangés dans le plus bref délai.

Elle entrera en vigueur le lendemain de l'échange des instruments de ratification et elle s'appliquera seulement aux successions des personnes décédées depuis et y compris le jour de cet échange.

Elle restera en vigueur aussi longtemps qu'elle n'aura pas été dénoncée par l'une ou l'autre des Parties contractantes avec un préavis de six mois.

En foi de quoi, les plénipotentiaires susmentionnés ont signé la présente convention et y ont apposé leurs cachets.

Fait à Paris, en double exemplaire, le 1er avril 1950.

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