Convention internationale du 10 avril 1926 pour l'unification de certaines règles relatives aux privilèges et hypothèques maritimes

  • Consulter le PDF

Le Président du Reich allemand, le Président de la République argentine, Sa Majesté le Roi des Belges, le Président de la République du Brésil, le Président de la République du Chili, le Président de la République de Cuba, Sa Majesté le Roi de Danemark et d'Islande, Sa Majesté le Roi d'Espagne, le Chef de l'État Estonien, le Président des États-Unis d'Amérique, le Président de la République de Finlande, le Président de la République française, Sa Majesté le Roi du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande et des Possessions britanniques au-delà des mers, Empereur des Indes, Son Altesse Sérénissime le Gouverneur du Royaume de Hongrie, Sa Majesté le Roi d'Italie, Sa Majesté l'Empereur du Japon, le Président de la République de Lettonie, le Président de la République du Mexique, Sa Majesté le Roi de Norvège, Sa Majesté la Reine des Pays-Bas, le Président de la République de Pologne, le Président de la République portugaise, Sa Majesté le Roi de Roumanie, Sa Majesté le Roi des Serbes, Croates et Slovènes, Sa Majesté le Roi de Suède et le Président de la République de l'Uruguay,

Ayant reconnu l'utilité de fixer de commun accord certaines règles uniformes relatives aux privilèges et hypothèques maritimes, ont décidé de conclure une convention a cet effet et ont désigné leurs plénipotentiaires :

lesquels, à ce dûment autorisés, sont convenus de ce qui suit :

Article 1er🔗

Les hypothèques, morts-gages, gages sur navires, régulièrement établis d'après les lois de l'État contractant auquel le navire est ressortissant et inscrits dans un registre public, soit du ressort du port d'enregistrement, soit d'un office central, seront considérés comme valables et respectées dans tous les autres pays contractants.

Article 2🔗

Sont privilégiés sur le navire, sur le fret du voyage pendant lequel est née la créance privilégiée et sur les accessoires du navire et du fret acquis depuis le début du voyage :

  • 1° les frais de justice dus à l'État et dépenses encourues dans l'intérêt commun des créanciers, pour la conservation du navire ou pour parvenir à la vente et à la distribution de son prix ; les droits de tonnage, de phare ou de port et les autres taxes et impôts publics de mêmes espèces ; les frais de pilotage, les frais de garde et de conservation depuis l'entrée du navire dans le dernier port ;

  • 2° les créanciers résultant du contrat d'engagement du capitaine, de l'équipage et des autres personnes engagées à bord ;

  • 3° les rémunérations dues pour sauvetage et assistance et la contribution du navire aux avaries communes ;

  • 4° les indemnités pour abordage ou autres accidents de navigation, ainsi que pour dommages causés aux ouvrages d'art des ports, docks et voies navigables ; les indemnités pour lésions corporelles aux passagers et aux équipages ; les indemnités pour pertes ou avaries de cargaison ou de bagages ;

  • 5° les créances provenant des contrats passés ou d'opérations effectuées par le capitaine hors du port d'attache, en vertu de ses pouvoirs légaux, pour les besoins réels de la conservation du navire ou de la continuation du voyage, sans distinguer si le capitaine est ou non en même temps propriétaire du navire et si la créance est la sienne ou celles des fournisseurs, réparateurs, prêteurs ou autres contractants.

Article 3🔗

Les hypothèques, morts-gages, gages sur navires prévus à l'article premier, prennent rang immédiatement après les créances privilégiées mentionnées à l'article précédent.

Les lois nationales peuvent accorder un privilège à d'autres créances que celles prévues audit article, mais sans modifier le rang réservé aux créances garanties par hypothèques, morts-gages et gages et aux privilèges les primant.

Article 4🔗

Les accessoires du navire et du fret visés à l'article 2 s'entendent :

  • 1° des indemnités dues au propriétaire à raison de dommages matériels subis par le navire et non réparés, ou pour pertes de fret ;

  • 2° des indemnités dues au propriétaire pour avaries communes, en tant que celles-ci constituent soit des dommages matériels subis par le navire et non réparés, soit des pertes de fret ;

  • 3° des rémunérations dues au propriétaire pour assistance prêtée ou sauvetage effectué jusqu la fin du voyage, déduction faite des sommes allouées au capitaine et autres personnes au service du navire.

Le prix du passage et, éventuellement, les sommes dues en vertu de l'article 4 de la convention pour la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires, sont assimilés au fret.

Ne sont pas considérés, comme des accessoires, du navire ou du fret, les indemnités dues au propriétaire en vertu de contrat d'assurance, non plus que les primes, subventions ou autres subsides nationaux.

Par dérogation à l'article 2, alinéa premier, le privilège prévu au profit des personnes au service du navire porte sur l'ensemble des frets dus pour tous les voyages effectués pendant le cours du même contrat d'engagement.

Article 5🔗

Les créances se rapportant à un même voyage sont privilégiées dans l'ordre où elles sont rangées à l'article 2. Les créances comprises dans chacun des numéros viennent en concurrence et au marc le franc en cas d'insuffisance du prix.

Les créances visées aux nos 3 et 5, dans chacune de ces catégories sont remboursées par préférence dans l'ordre inverse des dates où elles sont nées.

Les créances se rattachant à un même événement sont réputées nées en même temps.

Article 6🔗

Les créances privilégiées du dernier voyage sont préférées à celles des voyages précédents.

Toutefois, les créances résultant d'un contrat unique d'engagement portant sur plusieurs voyages viennent toutes au meme rang avec les créances du dernier voyage.

Article 7🔗

En vue de la distribution du prix de la vente des objets affectés par le privilège, les créanciers privilégiés ont la faculté de produire, pour le montant intégral de leurs créances, sans déduction du chef des règles sur la limitation, mais sans que les dividendes leur revenant puissent dépasser la somme due en vertu desdites règles.

Article 8🔗

Les créances privilégiées suivent le navire en quelque main qu'il passe.

Article 9🔗

Les privilèges s'éteignent, en dehors des autres cas prévus par les lois nationales, à l'expiration du délai d'un an, sans que, pour les créances de fournitures, visées au n° 5 de l'article 2, le délai puisse dépasser six mois.

Le délai court, pour les privilèges garantissant les rémunérations d'assistance et de sauvetage, à partir du jour où les opérations sont terminées ; pour le privilège garantissant les indemnités d'abordage et autres accidents et pour lésions corporelles, du jour où le dommage a été causé ; pour le privilège, pour les pertes ou avaries de cargaison ou des bagages, du jour de la délivrance de la cargaison ou des bagages ou de la date à laquelle ils eussent dû être délivrés ; pour les réparations et fournitures ou autres cas visés au 5° de l'article 2, à partir du jour de la naissance de la créance. Dans tous les autres cas, le délai court à partir de l'exigibilité de la créance.

La faculté de demander des avances ou des acomptes n'a pas pour conséquence de rendre exigibles les créances des personnes engagées à bord, visées au n° 2 de l'article 2.

Parmi les cas d'extinction prévus par les lois nationales, la vente n'éteint les privilèges que si elle est accompagnée des formalités de publicité déterminées par les lois nationales. Ces formalités comporteront un préavis donné dans la forme et les délais prévus par ces lois, à l'administration chargée de la tenue des registres prévus à l'article premier de la présente Convention.

Les causes d'interruption des délais susdits sont déterminées par la loi du tribunal saisi.

Les hautes parties contractantes se réservent le droit d'admettre dans leur législation, comme prorogeant le délai ci-dessus fixé, le fait que le navire grevé n'a pu être saisi dans les eaux territoriales de l'État dans lequel le demandeur a son domicile ou son principal établissement, sans que ce délai puisse dépasser trois ans depuis la naissance de la créance.

Article 10🔗

Le privilège sur le fret peut être exercé tant que le fret est encore dû ou que le montant du fret se trouve encore entre les mains du capitaine ou de l'agent du propriétaire. Il en est de même du privilège sur les accessoires.

Article 11🔗

Sauf ce qui est prévu à la présente Convention, les privilèges établis par les dispositions qui précèdent ne sont soumis à aucune formalité, ni a aucune condition spéciale de preuve.

Cette disposition ne porte pas atteinte au droit de chaque État de maintenir, dans sa législation, les dispositions exigeant du capitaine l'accomplissement de formalités spéciales, soit pour certains emprunts sur le navire, soit pour la vente de la cargaison.

Article 12🔗

Les lois nationales doivent déterminer la nature et la forme des documents se trouvant à bord du navire sur lesquels mention doit être faite des hypothèques, morts-gages et gages prévus à l'article premier, sans que toutefois le créancier, qui a requis cette mention dans les formes prévues, puisse être responsable des omissions, erreurs ou retards de l'inscription sur ces documents.

Article 13🔗

Les dispositions qui précèdent sont applicables aux navires exploités par un armateur non propriétaire ou par un affréteur principal, sauf lorsque le propriétaire s'est trouvé dessaisi par un acte illicite et quand, en outre, le créancier n'est pas de bonne foi.

Article 14🔗

Les dispositions de la présente convention seront appliquées, dans chaque État contractant, lorsque le navire grevé est ressortissant d'un État contractant, ainsi que dans les autres cas prévus par les lois nationales.

Toutefois, le principe formulé dans l'alinéa précédent ne porte pas atteinte au droit des États contractants de ne pas appliquer les dispositions de la présente convention en faveur des ressortissants d'un État non contractant.

Article 15🔗

La présente convention est sans application aux navires de guerre et aux navires d'État exclusivement affectés à un service public.

Article 16🔗

Rien, dans les dispositions qui précèdent, ne porte atteinte à la compétence des tribunaux, à la procédure et aux voies d'exécution organisées par les lois nationales.

Article 17🔗

À l'expiration du délai de deux ans, au plus tard, à compter du jour de la signature de la convention, le Gouvernement belge entrera en rapport avec les Gouvernements des hautes parties contractantes qui se seront déclarées prêtes à la ratifier, à l'effet de faire décider s'il y a lieu de la mettre en vigueur. Les ratifications seront déposées, à Bruxelles, à la date qui sera fixée de commun accord entre lesdits gouvernements. Le premier dépôt de ratifications sera constaté par un procès-verbal signé par les représentants des États qui y prendront part et par le Ministre des affaires étrangères de Belgique.

Les dépôts ultérieurs se feront au moyen d'une notification écrite, adressée au Gouvernement belge et accompagnée de l'instrument de ratification.

Copie certifiée conforme du procès-verbal relatif au premier dépôt de ratifications, des notifications mentionnées à l'alinéa précédent, ainsi que des instruments de ratification qui les accompagnent, sera immédiatement, par les soins du Gouvernement belge et par la voie diplomatique, remise aux États qui ont signé la présente convention ou qui y auront adhéré. Dans les cas visés à l'alinéa précédent, ledit Gouvernement fera connaître, en même temps, la date à laquelle il a reçu la notification.

Article 18🔗

Les États non signataires pourront adhérer à la présente convention, qu'ils aient été ou non représentés à la conférence internationale de Bruxelles.

L'État qui désire adhérer notifie, par écrit, son intention au Gouvernement belge, en lui transmettant l'acte d'adhésion, qui sera déposé dans les archives dudit Gouvernement.

Le Gouvernement belge transmettra immédiatement à tous les États signataires ou adhérents copie certifiée conforme de la notification ainsi que de l'acte d'adhésion, en indiquant la date à laquelle il a reçu la notification.

Article 19🔗

Les hautes parties contractantes peuvent, au moment de la signature, du dépôt des ratifications ou lors de leur adhésion, déclarer que l'acceptation qu'elles donnent à la présente convention ne s'applique pas soit à certains, soit à aucun des dominions autonomes, colonies, possessions, protectorats ou territoires d'outre-mer, se trouvant sous leur souveraineté ou autorité. En conséquence, elles peuvent ultérieurement adhérer séparément au nom de l'un ou de l'autre de ces dominions autonomes, colonies, possessions, protectorats ou territoires d'outre-mer, ainsi exclus dans leur declaration originale. Elles peuvent aussi, en se conformant à ces dispositions dénoncer la présente convention, séparément pour l'un ou plusieurs des dominions autonomes, colonies, possessions, protectorats ou territoires d'outre-mer se trouvant sous leur souveraineté ou autorité.

Article 20🔗

À l'égard des États qui auront participé au premier dépôt de ratifications, la présente convention produira effet un an après la date du procès-verbal de ce dépôt. Quant aux États qui la ratifieront ultérieurement ou qui y adhéreront, ainsi que dans le cas où la mise en vigueur se fera ultérieurement et selon l'article 19, elle produira effet six mois après que les notifications prévues à l'article 17, alinéa 2, et à l'article 18, alinéa 2, auront été reçues par le Gouvernement belge.

Article 21🔗

S'il arrivait qu'un des États contractants voulût dénoncer la présente convention, la dénonciation sera notifiée par écrit au Gouvernement belge, qui communiquera immédiatement copie certifiée conforme de la notification à tous les autres États, en leur faisant savoir la date à laquelle il l'a reçue.

La dénonciation produira ses effets à l'égard de l'État seul qui l'aura notifiée et un an après que la notification en sera parvenue au Gouvernement belge.

Article 22🔗

Chaque État contractant aura la faculté de provoquer la réunion d'une nouvelle conférence, dans le but de rechercher les améliorations qui pourraient être apportées à la présente convention.

Celui des État qui ferait usage de cette faculté aurait à notifier un an à l'avance son intention aux autres États, par l'intermédiaire du Gouvernement belge, qui se chargerait de convoquer la conférence.

  • Consulter le PDF