Projet de loi n° 942 portant création d'une aide financière de l'État facilitant l'accès des étudiants à l'emprunt

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Exposé des motifs🔗

La Déclaration « Vision et action », adoptée le 9 octobre 1998 par la Conférence mondiale de I'U.N.E.S.C.O. sur l'enseignement supérieur pour le XXème siècle affirme, dans son préambule, que cet enseignement joue un rôle vital dans le développement socioculturel et économique des Etats.

Cela est particulièrement vrai pour la Principauté laquelle, en raison de ses caractéristiques géographiques, démographiques et sociologiques propres, se doit d'optimiser la formation de ses nationaux alors même qu'elle est par ailleurs confrontée au phénomène d'expatriation quasi systématique de ses étudiants. Ce phénomène de mobilité internationale dans l'enseignement supérieur n'est toutefois pas l'apanage de la population estudiantine monégasque. Ainsi, en l'espace de 30 ans, le nombre d'étudiants européens en mobilité internationale est passé de 800.000 en 1975 à 3,7 millions en 2009.

Or, cette mobilité représente, pour les intéressés, un coût élevé auquel eux-mêmes ou leurs familles ne sont pas toujours en mesure de faire face.

C'est ici que l'Etat a l'ardente obligation d'intervenir car comme le déclarait le 15 septembre 2011, Monsieur Angel GURRIA, Secrétaire général de I'O.C.D.E., « l'investissement dans l'éducation n'est pas seulement une question d'argent, c'est aussi un investissement dans les personnes et un investissement dans l'avenir. ».

Cet impératif n'a pas échappé au Conseil National qui, lors de la séance publique du 11 juin 2014, a adopté une proposition de loi ayant pour objet d'apporter aux étudiants un soutien complémentaire au.x classiques bourses d'études. En effet, celles-ci peuvent ne pas permettre de couvrir l'ensemble des frais inhérents aux études supérieures, ce qui amène parfois les intéressés à devoir contracter un prêt qu'ils rembourseront une fois devenus actifs et insérés dans le monde du travail.

Fort des orientations données, en la matière, par Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain dès Son discours d'avènement du 12 juillet 2005, le Gouvernement a exprimé son désir de voir transformer cette proposition en projet de loi, ayant par ailleurs à l'esprit que l'obtention d'un prêt peut se révéler difficile pour l'étudiant en raison des garanties à fournir à l'établissement prêteur.

Aussi, I'une des dispositions-clé du présent projet de loi prévoit-elle l'intervention de l'Etat comme caution principale du prêt auprès de l'établissement de crédit.

Sous le bénéfice de ces observations à caractère général, ledit projet appelle les commentaires particuliers ci-après.

Le texte comporte quatre articles qui définissent les modalités du dispositif nouvellement créé.

L'article premier met d'emblée en exergue l'objectif premier du texte, savoir apporter un soutien au financement des études supérieures entreprises par les étudiants monégasques. Il précise ensuite la forme juridique de l'assistance apportée par l'Etat, en l'occurrence un cautionnement de prêt bancaire assorti de la prise en charge des intérêts et accessoires liés aux prêts consentis aux étudiants.

Le principe de la caution est ici entendu au sens du titre XIV du Code civil et plus particulièrement de ses articles 1850 et suivants. C'est ainsi que l'Etat sera engagé, envers l'établissement de crédit, à satisfaire aux obligations de paiement de l'étudiant débiteur, si celui-ci y fait défaut.

Des précisions sont de surcroît apportées par l'article 2 quant à la nature du prêt consenti et aux organismes prêteurs concernés. Entrent en effet uniquement dans le champ d'application de la loi les prêts contractés par des étudiants de nationalité monégasque âgés de trente ans au plus au 31 décembre de l'année civile au cours de laquelle ils effectuent une demande, et cela uniquement auprès d'établissements de crédit liés par une convention avec l'Etat.

Il est à noter qu'alors qu'une limite d'âge de trente ans a été retenue, l'absence de fixation d'un seuil minimal permettra d'intégrer des mineurs dans le dispositif et, par là-même, d'offrir le bénéfice de ces dispositions à des jeunes témoignant d'aptitudes précoces.

Au surplus, afin d'éviter toute dérive ou abus, I'étudiant demandeur devra impérativement être inscrit en vue de préparer un diplôme ou de suivre une formation qualifiante relevant de l'enseignement supérieur.

Les relations entre l'Etat et les établissements de crédit seront par ailleurs régies par une convention qui aura la nature d'un contrat administratif.

L'article 3 fixe la procédure de demande et d'obtention du prêt, ce qui est un usage de saine légistique tant pour ce qui est des autorisations administratives que des aides publiques. De telles dispositions fournissent en effet à l'administration des lignes-guide précises d'action en même temps qu'elles confèrent des droits aux administrés pétitionnaires.

A ce titre et s'inspirant de la rédaction de l'article 5 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 concernant l'exercice de certaines activités économiques et juridiques, le texte encadre notamment la procédure de demande et de décision dans des délais dont la méconnaissance peut aboutir à une décision tacite d'attribution de ladite aide sauf cas d'irrecevabilité de la demande en raison du caractère incomplet du dossier ou de suspension du délai d'instruction en raison d'une demande d'information ou de document complémentaire émanant du service instructeur.

La compétence décisionnelle est attribuée au Ministre d'Etat, ce qui est là encore un usage législatif conforme à l'article 44 de la Constitution qui lui confère la direction des services exécutifs de l'Etat.

Le même article recèle par ailleurs une disposition édictée tant dans l'intérêt du Trésor qu'en vue du respect de l'objectif de politique éducative qui est celui poursuivi par le présent projet, savoir valoriser et optimiser la formation des étudiants monégasques. Dans cette optique, le Gouvernement considère effectivement qu'il importe d'éviter que le système nouvellement mis en place soit dévoyé à l'effet de faciliter des démarches d'évidence fantaisistes et/ou dénuées de véritable valeur académique.

L'article 3 permet ainsi au Ministre d'Etat - à titre, en quelque sorte, de mesure de sauvegarde - de saisir une Commission administrative compétente dès lors qu'il nourrit un doute légitime sur le sérieux ou la qualité du cursus diplômant ou de la formation que le prêt cautionné par l'Etat est censé financer. Sur avis de cette Commission, le Ministre pourra prendre une décision motivée de refus de d'aide demandée. Cette décision, qui ne devrait en réalité intervenir que dans des hypothèses exceptionnelles, pourra bien entendu faire l'objet d'un recours gracieux puis être susceptible d'un recours pour excès de pouvoir devant le Tribunal Suprême qui pourra l'annuler notamment s'il la trouve entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Mais dans le cas d'attribution normale de l'aide de l'Etat, le bénéficiaire, dûment muni de la décision ministérielle, pourra se présenter auprès de l'établissement de crédit conventionné par l'Etat afin d'obtenir son prêt.

L'article 4 énumère quant à lui utilement les stipulations que la convention liant l'Etat à l'établissement de crédit devra obligatoirement comprendre.

Ainsi, elle devra faire interdiction à l'organisme prêteur de requérir, de la part des étudiants, des conditions de ressources, ni exiger qu'ils justifient de cautions autres que celle de l'Etat. Il s'agit là bien entendu d'éviter tout dévoiement du système en le détournant de sa vocation sociale.

Sur le plan technique, elle devra au surplus mentionner les conditions générales des prêts consentis, leur montant, en principal et en intérêt, les modalités de leur remboursement et du paiement des intérêts ainsi que les conditions du constat de l'éventuelle défaillance de l'étudiant ainsi que les suites susceptibles d'y être réservées par I établissement de crédit (mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception postal, délai imparti pour régulariser le règlement, etc...).

Enfin, l'article 5 du texte projeté rappelle le principe que la caution de l'Etat ne pourra être recherchée qu'en cas de défaillance du débiteur.

Tel est l'objet du présent projet de loi.

Dispositif🔗

Article 1er🔗

En vue d'apporter un soutien au financement des études supérieures entreprises par les étudiants de nationalité monégasque, est créée une aide financière de l'Etat sous la forme d'un cautionnement de prêts et d'une prise en charge des intérêts et accessoires liés auxdits prêts.

Article 2🔗

L'aide de l'Etat mentionnée à l'article précédent ne peut être allouée que dans les conditions suivantes :

  • 1) les prêts doivent être contractés par des étudiants de nationalité monégasque, régulièrement inscrits en vue d'obtenir un diplôme ou de suivre une formation relevant de l'enseignement supérieur et âgés de trente ans au plus au 31 décembre de l'année civile au cours de laquelle s'effectue la demande de prêt ;

  • 2) les prêts doivent être consentis à ces étudiants par des établissements de crédit liés à I'Etat par une convention.

Article 3🔗

La demande d'aide de I'Etat mentionnée à l'article premier doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée au Ministre d'État, accompagnée de toutes pièces justificatives, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal, au plus tard dans les six mois précédent le début du cursus diplômant ou de la formation envisagée.

Au cours des cinq jours ouvrables suivant la date du dépôt de la demande, le Ministre d'Etat donne, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal, notification, soit de la recevabilité de la demande, soit de son irrecevabilité lorsque le dossier est incomplet.

La décision du Ministre d'État relative à l'attribution de l'aide de l'Etat mentionnée à I'article premier doit être notifiée au demandeur dans un délai de trois mois à compter de la date de recevabilité de la demande. A défaut, la décision est réputée avoir été prise. Ce délai peut toutefois être suspendu si le service compétent sollicite, par demande motivée, ma production de pièces complémentaires nécessaires à l'instruction de la demande.

Pour des motifs pertinents et dûment justifiés, le Ministre d'Etat peut en outre, au cours du délai prescrit au précédent alinéa, solliciter l'avis d'une commission constituée par Ordonnance Souveraine, relativement au cursus diplômant ou à la formation envisagée. Dans ce cas, ledit délai est suspendu pour une durée qui ne saurait excéder trois mois.

Sur avis de ladite Commission, le Ministre d'Etat peut, par décision motivée conformément à la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs, refuser l'attribution de l'aide l'Etat mentionnée à l'article premier.

Article 4🔗

La convention prévue à l'article 2 régit, pour ce qui est des prêts qui y sont mentionnés, les relations entre l'Etat et 1'établissement de crédit signataire.

Elle précise notamment les conditions générales d'attribution des prêts.

A ce titre, elle stipule que l'établissement de crédit signataire ne peut, de la part des étudiants concernés, requérir des conditions de ressources, ni exiger de cautions autres que celle de l'Etat.

Elle mentionne également le montant, en principal et intérêts, de la somme empruntée, la durée et les modalités de son remboursement ainsi que du paiement des intérêts, de même que les conditions du constat de l'éventuelle défaillance de l'étudiant débiteur dans l'exécution de ses obligations et des suites susceptibles d'y être réservées par l'établissement de crédit.

Article 5🔗

Pour chacun des prêts consentis, l'Etat ne s'oblige à payer les sommes dues qu'à défaut du débiteur conformément aux dispositions de l'article 1860 du Code civil.

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