Projet de loi n° 908 relative au harcèlement et à la violence au travail

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Exposé des motifs🔗

Le Conseil National a, le 13 juillet 2011, adopté une proposition de loi portant le numéro 198 relative à la protection contre la discrimination et le harcèlement, et en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes.

Conformément à l'article 67 de la Constitution, le Gouvernement Princier s'est engagé, par une lettre en date du 23 décembre 2011 adressée au Président du Conseil National, à transformer en projet de loi les seules dispositions de ladite proposition de loi relatives au harcèlement et à la violence au travail.

Dans ce cadre, le Gouvernement avait également indiqué que ne seraient pas reprises les dispositions de la proposition de loi instaurant une personne de confiance désignée par l'employeur au sein de l'entreprise, créant une procédure de médiation, aboutissant à renverser la charge de la preuve ou permettant à des personnes morales d'ester en justice en lieu et place des victimes, savoir, respectivement, ses articles 22, 26, 30 et 32. Le Gouvernement avait aussi fait connaître son intention de ne pas consacrer la procédure de « référé-harcèlement » devant le Tribunal de première instance préconisée par l'article 29 de la proposition de loi, une telle mesure devant relever, pour des raisons de cohérence, du Tribunal du travail.

Le présent projet de loi vise, en interdisant expressément le harcèlement et la violence au travail, à améliorer la sensibilisation et la prise de conscience de tous les partenaires de la relation de travail à l'égard de ces comportements inadmissibles afin de favoriser leur prévention et de parvenir à les réduire, voire, idéalement, à les éliminer.

En dehors de cette relation, la responsabilité civile encourue, par exemple, par l'auteur d'un harcèlement continuera à être soumise aux règles du droit commun, savoir l'article 1229 du Code civil. Sa responsabilité pénale relèvera de l'article 236-1 du Code pénal.

Sous le bénéfice de ces observations d'ordre général, le présent projet de loi appelle les commentaires particuliers ci-après.

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Du point de vue formel, le présent projet de loi est divisé en trois chapitres :

  • Chapitre premier : Dispositions générales;

  • Chapitre II : De l'action devant le tribunal du travail ;

  • Chapitre III: Dispositions applicables aux fonctionnaires et agents des services publics ;

  • Chapitre IV : Des sanctions pénales.

Le Chapitre premier, consacré aux dispositions générales, commence par déterminer le domaine d'application du projet de loi (article premier). Sont concernés par ces dernières les employeurs et toutes les personnes qu'ils emploient. Les notions d'employé et d'employeur permettent de couvrir toute situation dans laquelle une personne exécute une prestation de travail pour le compte et sous la subordination d'une autre qui la rémunère. Est ainsi concernée toute relation de travail dans laquelle existe un lien de subordination quel que soit son fondement juridique, tel un contrat de travail de droit privé, un contrat d'engagement d'agent public au service de l'Etat ou d'une autre personne publique ou encore la position statutaire et réglementaire propre à la fonction publique.

Dès lors, au sens du présent projet de loi, la notion d'employé recouvre l'ensemble des personnes physiques se trouvant dans l'une de ces situations. Corrélativement, celle d'employeur vise toute personne physique ou morale, de droit privé ou public, envers laquelle I'employé est lié par un lien de subordination juridique. Est notamment considéré comme un tel lien, au sens du présent projet de loi, le rapport hiérarchique établi entre les fonctionnaires et agents publics et leurs supérieurs.

Les dispositions projetées ne s'appliqueront donc pas aux contrats ne créant pas un lien de subordination juridique entre les parties.

Si l'une d'elle venait à harceler l'autre dans le cadre de leur relation contractuelle, sa responsabilité civile ne pourrait être engagée que sur le fondement du droit commun et non sur celui du présent projet de loi. Bien entendu, sa responsabilité pénale relèvera de I'article 236-1 du Code pénal qui réprime le harcèlement.

Le Gouvernement n'a pas estimé utile de viser explicitement les personnes bénéficiant d'un contrat d'apprentissage dans la mesure où l'article premier de la loi n° 1.341 du 3 décembre 2007 relative au contrat d'apprentissage dispose expressément que « le contrat d'apprentissage est un contrat de travail spécial ». L'apprenti est bien l'employé de son cocontractant puisque le contrat d'apprentissage n'est qu'une forme particulière de contrat de travail.

En revanche, il a paru nécessaire de mentionner clairement que les dispositions projetées régiront aussi les stagiaires dans la mesure où, en l'absence de texte gouvernant la matière, la convention de stage pourrait, par référence à la législation du Pays voisin, être regardée comme ne constituant pas un contrat de travail. En effet, la législation française écarte la qualification de contrat de travail dès lors que la convention de stage respecte les conditions légales.

Pour éviter toute incertitude sur la qualification à retenir, le projet de loi rend donc ses dispositions applicables aux stagiaires, ce qu'avait d'ailleurs prévu l'article 18 de la proposition de loi (article premier).

Le texte embrasse d'ailleurs la relation de travail dans sa globalité, en ne la limitant pas à la relation entre l'employeur et son employé et y incluant celle tissée entre les employés d'un même employeur, quel que soit leur niveau hiérarchique.

Il doit de plus être souligné que les dispositions projetées seront effectives même en dehors des locaux et des heures de travail.

Concrètement, cela signifie qu'elles s'appliqueront lorsqu'un employé est victime d'un harcèlement ou d'une violence commis, en quelque lieu ou moment que ce soit, par Son employeur ou par un ou plusieurs autres employés de ce dernier.

L'employeur, victime de harcèlement ou de violences, pourra également bénéficier de la protection de la loi.

Ne seront, en revanche, pas visés par le texte les cas où un employé est victime de faits dont I'auteur n'est ni son employeur, ni un collègue de travail, mais, par exemple, un fournisseur ou un client. Dans ce cas, le droit commun de la responsabilité aura vocation à s'appliquer.

En outre, pour le seul bénéfice du régime protecteur offert par le présent projet de loi, le Gouvernement a souhaité assimiler à l'employeur la personne qui recourt aux services d'une entreprise de travail temporaire ou intérimaire.

Ce mode de gestion de la ressource humaine tend, on le sait, à établir une relation triangulaire entre une entreprise d'intérim, son salarié et une entreprise utilisatrice. De jure, l'employé n'est donc contractuellement lié qu'à l'entreprise de travail temporaire avec laquelle il a conclu un contrat de travail et qui constitue, en conséquence, Son employeur. L'entreprise utilisatrice, qui aura signé un contrat de mise à disposition avec l'entreprise d'intérim, n'est liée avec l'employé de cette dernière par aucun contrat. Elle n'est donc pas juridiquement son employeur alors même que le travailleur intérimaire va exécuter sa prestation sous sa direction, se retrouvant ainsi à l'égard de celle-ci et de ses employés dans la même situation que ces derniers. Pour cette raison, il a paru, dans le cadre du présent projet de loi et eu égard aux objectifs qu'il poursuit, approprié d'assimiler l'entreprise utilisatrice à un employeur.

Le texte poursuit en interdisant le harcèlement, le chantage sexuel et de la violence au travail dont il donne une définition claire et précise (article 2).

S'agissant du harcèlement au travail, la loi n° 1.382 du 20 juillet 2011 relative à la prévention et à la répression des violences particulières a déjà inséré dans le Code pénal un nouvel article 236-1 définissant et réprimant de tels faits vis-à-vis d'autrui dans toutes les sphères d'application possibles, y compris dans le cadre d'une relation de travail, même si le terme de harcèlement n'apparaît pas explicitement.

Ce concept d'introduction récente dans le Code pénal a naturellement été repris par le Gouvernement mais, bien entendu, en réduisant son domaine à l'objet du présent projet de loi. Ainsi, la définition projetée ne concerne que le harcèlement commis dans le cadre d'une relation de travail, la victime et l'auteur devant avoir pour qualité celle d'employé ou d'employeur.

De surcroît, en réitérant la définition du délit de harcèlement retenue par le Code pénal et contrairement à la législation française ainsi qu'à l'article 19 de la proposition de loi, le Gouvernement a manifesté sa volonté de maintenir une définition unique du harcèlement au travail, laquelle englobe le harcèlement moral et le harcèlement sexuel, évitant ainsi la double difficulté tenant au cumul d'infractions et, en l'absence d'un tel cumul, au concours d'infractions.

Outre la définition retenue qui se réfère à « des actions ou omissions répétées », le terme même de harcèlement ne se conçoit grammaticalement que par une répétition d'actes sur une certaine période de temps, un acte isolé illustrant difficilement I'action de harceler. Cet acte unique peut cependant présenter un degré de gravité inacceptable. 11 peut par exemple s'agir d'un employeur qui subordonne un recrutement ou une promotion à l'obtention d'un acte de nature sexuelle. Ce chantage sexuel peut toutefois ne pas relever de la notion de harcèlement dès lors qu'il n'est pas répété. Il ne peut pas plus relever d'une incrimination au titre des agressions sexuelles - que le Code pénal réprime sous la qualification d'attentat à la pudeur - en l'absence d'un contact physique. Sa gravité commande néanmoins de f interdire.

Ainsi, s'inspirant, dans ce cas, directement de la définition récemment adoptée dans le Pays voisin, le projet de loi interdit le chantage sexuel, savoir « le fait, éventuellement répété, dans une relation de travail ou dans le cadre d'une procédure de recrutement, d'user envers une personne de toute forme de pression grave dans le but d'obtenir d'elle un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur ou d'un tiers ».

Enfin, le projet de loi reprend dans sa substance la définition de la violence au travail retenue par l'article 19 de la proposition de loi. cette violence au travail ne se différencie de la violence habituellement entendue que par la circonstance qu'elle est commise sur une personne liée à l'auteur par une relation de travail. En d'autres termes, elle se produit lorsqu'un employé est menacé ou agressé, même verbalement, par son employeur ou un autre employé de ce dernier. Elle se produit aussi lorsque la victime est l'employeur.

Le droit commun est familier depuis longtemps de la notion de violence qu'il sanctionne tant civilement, sur le fondement de l'article 1229 du code civil, que pénalement avec l'article 286 du code pénal. ce n'est que plus récemment, comme le souligne le rapport du 17 juin 2011 de la Commission de Législation du Conseil National, que la notion de violence au travail est apparue afin de dénoncer un phénomène dont l'ampleur est généralement sous-estimée.

Dès lors, le Gouvernement a estimé approprié, à l'instar de ce que propose le rapport susmentionné, d'interdire expressément la violence au travail sans pour autant créer une incrimination spécifique puisque l'article 236 du code pénal réprime déjà ce type de comportement.

Par ailleurs, s'inspirant de l'article 20 de la proposition de loi susmentionnée, le projet de loi prévoit expressément qu'un employé ne peut être sanctionné disciplinairement par son employeur ou faire l'objet d'une mesure ayant pour objet ou pour effet d'affecter défavorablement le déroulement de sa carrière pour avoir refusé de subir un harcèlement, un chantage sexuel ou une violence au travail, pas plus qu'il ne saurait l,être, bien entendu, pour l'avoir subi. Il en est de même pour I'employé ayant témoigné d'un tel comportement ou l'ayant relaté (article 3).

La sanction disciplinaire visée par ces dispositions consiste tant dans celle prononcée en vertu du pouvoir disciplinaire de l'employeur reconnu par le droit du travail qu'en la décision administrative prise conformément au statut du fonctionnaire ou au régime applicable à l'agent public.

Toute sanction fondée sur ce motif, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de notation, de titularisation, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, serait nulle.

Inversement, des sanctions disciplinaires peuvent être prononcées par l'employeur à l'encontre de son employé ayant commis un harcèlement, un chantage sexuel ou une violence au travail. Elles peuvent également l'être à l'égard de celui qui a seulement incité à sa commission.

Elles peuvent aussi l'être à l'encontre de l'employé qui porterait sciemment de fausses accusations ou qui couvrirait volontairement l'auteur (article 4).

Plus généralement, il appartient à l'employeur, en raison de sa qualité même d'employeur, de prendre toutes mesures appropriées qui s'avéreraient nécessaires pour prévenir ou faire cesser tout harcèlement, chantage sexuel et violence au travail (article 5). En effet, l'employeur a non seulement l'obligation de ne pas commettre ces agissements mais encore celle de ne pas les tolérer lorsqu'ils sont commis par ses employés. Outre qu'il doit veiller à la sécurité physique de ces derniers, I'employeur doit également les préserver au regard de menaces de nature psychologique.

Cette obligation lui impose de prendre avec célérité les mesures effectives destinées à assurer son respect.

Le défaut de diligence de l'employeur pour mettre fin, par exemple, au harcèlement, dont il a connaissance certaine, d'un de ses employé par un autre est susceptible, alors même qu'il n'y a pas pris part, d'engager sa responsabilité civile. Ainsi, le fait que les agissements de son employé revêtent une qualification pénale ne l'exonère nullement de sa responsabilité au titre, dans le secteur privé, d'une part, du quatrième alinéa de l'article 1231 du Code civil dès lors que son auteur les a commis dans le cadre de ses fonctions et, d'autre part, de son obligation d'assurer la sécurité de ses employés. Les principes de la responsabilité de la puissance publique aboutissent, mutatis mutandis, à la même solution pour ce qui est des administrations et services publics.

Pour assurer cette sécurité, le projet de loi prévoit explicitement la possibilité pour l'employeur d'instaurer des procédures destinées à identifier et à faire cesser tout fait de harcèlement, de chantage sexuel ou de violence au travail. Les éléments constitutifs de ces procédures seront librement mis en place par l'employeur dans le respect de la législation applicable et des droits de chacun.

Par exemple, toute procédure devra se dérouler dans la discrétion que nécessite le respect de la vie privée de chacun. Les faits portés à la connaissance de l'employeur ou de la personne qu'il aura désignée par la victime ou toute autre personne doivent être précis, datés et circonstanciés. La procédure, qui aura pu être instaurée par le règlement intérieur de l'entreprise, devra alors se dérouler avec célérité et impartialité, chaque partie impliquée devant faire l'objet d'un traitement équitable.

Le chapitre premier s'achève en rappelant le principe général du droit actori incabit probatio, selon lequel le demandeur doit établir la preuve des faits dont il se prétend victime (article 6). Les dispositions projetées interdisent donc tout renversement de la charge de la preuve dans la mesure où la preuve négative est souvent impossible à apporter.

En demeurant dans cette orthodoxie procédurale, le Gouvernement entend clairement faire obstacle à des possibles dérives du système permettant, par exemple, à des salariés ou des agents faisant preuve, de manière ponctuelle ou durable, d'insuffisance professionnelle, de se soustraire à toute réaction de leur hiérarchie en alléguant être harcelés à la moindre observation ou remontrance de leur encadrement.

Le projet de loi rappelle que cette preuve peut être établie par tous moyens légaux puisque s'agissant d'un fait la preuve est libre.

Naturellement, la preuve doit être constituée en ayant recours à des procédés conformes à la loi, savoir notamment dans le respect des autres droits légalement protégés à moins que l'atteinte à ces derniers ne soit proportionnée au regard des intérêts antinomiques en présence.

Cette disposition a bien entendu principalement vocation à régir la preuve en justice mais elle concerne également nécessairement celle que la victime aura à produire à sa hiérarchie pour démontrer l'exactitude de faits de harcèlement ou de violence qu'elle subirait de la part de cadres ou de collègues.

Le Chapitre II traite du régime spécifique au secteur privé s'agissant des aspects non répressifs des litiges liés au harcèlement, à la violence ainsi qu'au chantage sexuel au travail.

Le Gouvernement Princier a fait le choix de retenir la compétence du Tribunal du travail pour toute action en responsabilité civile intentée sur le fondement du présent projet de loi à l'encontre d'un employeur de droit privé, de son représentant légal ou de son employé (article 7).

En effet, ledit Tribunal, en vertu de l'article premier de la loi n° 446 du 16 mai 1946 portant création d'un Tribunal du travail, modifiée, est la juridiction naturellement compétente pour connaître des conflits individuels du travail, savoir les différends qui naissent « à l'occasion du travail » entre un salarié et son employeur ou entre salariés. ce choix était également celui de l'article 28 de la proposition de loi.

Ainsi, en cas de harcèlement, de chantage sexuel ou de violence au travail, relèvera de la compétence du Tribunal du travail toute action en responsabilité civile intentée par un employé à l'encontre de son employeur, que celui-ci soit une personne physique ou morale de droit privé, d'un représentant légal de son employeur ou d'un employé de ce dernier, ces actions pouvant, le cas échéant, se cumuler. De même, ledit Tribunal connaîtra de cette action lorsque la victime est l'employeur ou son représentant légal.

Lorsque la victime porte son action devant le Tribunal du travail, le projet de loi prévoit, reprenant en cela l'article 28 de la proposition de loi, qu'elle l'est devant le Bureau de jugement, l'obligation d'une tentative de conciliation paraissant inadaptée eu égard à la nature du litige (article 8).

Cette tentative ne pourra avoir lieu que si la victime prétendue le souhaite, rejoignant de ce fait l'article 26 de la proposition de loi qui lui permettait d'initier une tentative de médiation devant un tiers. La suite de la procédure est soumise au régime procédural prévu par la loi n° 446 du 16 mai 1946.

Outre la réparation du préjudice subi par la victime, il est projeté de reconnaître au Tribunal du travail un pouvoir d'injonction lui permettant d'ordonner toutes mesures aux fins d'empêcher ou de faire cesser le harcèlement, le chantage sexuel ou la violence au travail dont est victime le demandeur (article 9).

Ces mesures par définition attentatoire au pouvoir de direction de I'employeur, devront avoir un caractère exceptionnel. Parce que destinées à protéger une victime de faits susceptibles d'avoir des conséquences sur la santé physique et mentale d'un individu, elles pourront en revanche être prises en référé selon la procédure de référé en vigueur devant la juridiction saisie.

Cela étant, conscient que certaines personnes peu scrupuleuses pourraient être tentées de mettre à profit l'opprobre qui s'attache à l'auteur d'un harcèlement, d'un chantage sexuel ou d'une violence au travail, le Gouvernement a estimé nécessaire d'introduire une disposition destinée à préserver les justiciables d'une action abusive introduite sur le fondement de faits mensongers dans la seule intention de leur nuire (article 10).

Ainsi, le juge pourra prononcer d'office une amende civile à l'encontre de toute personne ayant commis un tel abus. Bien entendu, cette condamnation ne constituera un obstacle ni à une demande de dommages-intérêts du défendeur, ni à des poursuites pénales pour dénonciation calomnieuse sur le fondement de l'article 307 du Code pénal, ni à des sanctions disciplinaires.

Le projet consacre ensuite son Chapitre III au dispositif spécifiquement appelé à régir les fonctionnaires et les agents des services publics, que ces derniers soient régis par un statut de droit public ou placés, à raison de la nature particulière de leurs fonctions, sous un régime de droit privé.

A ce titre, il commence par préciser que les faits de harcèlement, de chantage sexuel et de violence au travail constituent une faute personnelle au sens de la loi. Il s'agit là d'une référence expresse à l'article 3 de la loi n° 983 du 26 mai 1976 sur la responsabilité civile des agents publics qui la définit comme la faute dépourvue de tout lien avec le service, ou celle qui se détache de celui-ci en raison de son anormale gravité ou de l'intention de nuire ou de I'intérêt personnel dont elle procède.

S'agissant des règles de la responsabilité administrative, ladite loi ne s'applique qu'aux fonctionnaires et aux agents exécutant une mission de service public. Cependant, le projet de loi, dans un souci de cohérence, étend les dispositions visées par le texte aux agents qui, dans les termes de l'article 17 de la loi n° 918 du 27 décembre 1971 sur les établissements publics, ne participent pas « d'une manière directe à l'exécution même du service public dont est chargé l'établissement ».

En vertu de l'article 3 de la loi n° 983 du 26 mai 1976, ainsi entendu, la victime ne pourra donc engager que la responsabilité personnelle du fonctionnaire ou de l'agent qui en est l'auteur, sauf à démontrer que l'administration, en tant que structure, n'est pas étrangère à la survenance du préjudice (cf. infra).

Tel sera le cas si elle n'a pas respecté l'obligation qui lui est faite par les divers statuts applicables d'accorder la protection fonctionnelle à ses agents et en l'occurrence, lorsqu'ils sont victimes de harcèlement, de chantage sexuel ou de violence au travail, de ne pas avoir mis en œuvre les actions adéquates prescrites par l'article 5 du projet (article 13).

Le projet de loi se situe effectivement dans le sillage direct de l'article 14 de la loi n° 975 du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires de l'Etat : « L'administration est tenue de protéger le fonctionnaire contre les menaces, outrages, injures, diffamations ou attaques de toute nature dont il peut être l'objet dans l'exercice de ses fonctions » (article 12).

Ainsi, le texte décline, dans le cadre de l'objectif qui est le sien, le principe de subrogation de la personne publique employeur à son agent pour ce qui est de poursuivre en responsabilité l'auteur des faits dommageables.

Dans tous les cas, le tribunal de première instance aura juridiction, au titre de sa compétence de droit commun, pour connaître des actions visant à la réparation de dommages résultant de faits de harcèlement, de chantage sexuel ou de violence au travail causés à des fonctionnaires ou à des agents des services publics. une telle action pourra en outre prendre la forme d'une constitution de partie civile devant le juge pénal.

De fait, le dernier chapitre du projet de loi, le Chapitre IV, est relatif aux sanctions Pénales.

Il s'attèle, d'une part, à ériger en infraction particulière les faits de harcèlement au travail et, d'autre part, à créer l'infraction de chantage sexuel au travail (article 14).

Il est liminairement à noter que ces infractions ne sauraient être constituées dès lors que l'auteur a eu avec la victime un contact Physique constitutif du crime d'attentat à la pudeur puni par les articles 263 et 264 du Code pénal.

S'agissant de l'infraction de harcèlement au travail, il est fait renvoi, pour sa définition, à celle précédemment présentée. Celle-ci n'est qu'une réitération de la définition du délit institué par l'article 236-1 du Code pénal, mais en limitant son domaine d'application aux relations de travail. Par conséquent, l'élément matériel du délit de harcèlement au travail projeté est identique à celui du délit de harcèlement figurant dans le Code pénal à cette différence qu'il ne vise pas les « conditions de vie », mais les « conditions de travail ».

Il résulte de ce qui précède que le harcèlement commis, par exemple, par un employeur sur son employé serait alors susceptible de faire l'objet de poursuites pénales sur le fondement du présent projet de loi et de l'article 236-1 du code pénal puisque le délit de harcèlement prévu par ce dernier a vocation à réprimer tout harcèlement, quelle que soit la relation pouvant exister entre la victime et l'auteur. Pour éviter ce concours d'infractions, le Gouvernement a jugé utile d'écarter expressément l'application de l'article 236-1 dudit Code.

Le délit de harcèlement au travail est puni des mêmes peines que celles prévues par le Code pénal pour le délit de harcèlement dans la mesure où ils présentent le même degré de gravité.

Concernant l'infraction de chantage sexuel au travail, il est également fait renvoi, pour sa définition, à celle précédemment présentée. Cette infraction constitue un délit assorti des mêmes peines et circonstances aggravantes que celles prévues pour le harcèlement au travail.

En outre, le minimum de la peine d'emprisonnement ainsi encourue est porté au double lorsque l'infraction est accompagnée de la circonstance aggravante qu'elle a été commise par plusieurs personnes ou sur une personne dont la vulnérabilité ou l'état de dépendance étaient

apparents ou connus de son auteur (article 15).

Tel est I'objet du présent projet de loi.

Dispositif🔗

Chapitre premier - Dispositions générales🔗

Article 1er🔗

Les dispositions de la présente physique loi s'appliquent à toute personne employée, de manière contractuelle ou statutaire, par une autre personne physique ou par une personne morale de droit privé ou de droit public ainsi qu'à cet employeur, sous réserve de l'article 4-4 du Code pénal.

Les stagiaires relèvent également des dispositions de la présente loi.

Au sens de la présente loi, la relation de travail est celle, de droit privé ou de droit public, qui lie I'employé à son employeur ou aux autres employés de ce dernier.

Pour l'application de la présente loi, est assimilée à l'employeur la personne qui, par convention avec une autre, bénéficie de la mise à disposition d'un employé de cette dernière.

Article 2🔗

Nul ne peut se livrer au harcèlement, au chantage sexuel et à la violence au travail.

Le harcèlement au travail est le fait de soumettre, sciemment et par quelque moyen que ce soit, dans le cadre d'une relation de travail, une personne physique à des actions ou omissions répétées ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale.

Le chantage sexuel au travail est le fait, éventuellement répété, dans le cadre d'une relation de travail ou d'une procédure de recrutement, d'user envers une personne physique de toute forme de pression grave dans le but d'obtenir d'elle un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de I'auteur ou d'un tiers.

La violence au travail est le fait de menacer ou d'agresser, physiquement ou psychiquement, une personne physique dans le cadre d'une relation de travail.

Article 3🔗

Aucun employé ne saurait encourir de sanction disciplinaire ni faire l'objet de la part de son employeur d'une mesure ayant pour objet ou pour effet d'affecter défavorablement le déroulement de sa carrière pour avoir subi ou refusé de subir l'un des faits mentionnés à I'article 2, pour en avoir témoigné ou pour l'avoir relaté.

Toute sanction ou toute mesure prise en méconnaissance des dispositions du précédent alinéa est nulle et de nul effet.

Article 4🔗

Tout employé ayant commis ou incité à commettre les faits mentionnés à l'article 2 est passible de sanctions disciplinaires.

Tout employé ayant délibérément fait une fausse déclaration portant sur la commission ou la non commission par autrui de l'un de ces faits est également passible de sanctions disciplinaires.

Article 5🔗

L'employeur prend toutes mesures nécessaires propres à faire cesser les faits mentionnés à l'article 2 dont il a connaissance.

Il peut mettre en place des procédures appropriées destinées à prévenir de tels faits et, le cas échéant, les identifier et y mettre un terme.

Article 6🔗

Il incombe à la personne qui allègue être victime d'un fait mentionné à I'article 2 d'en apporter la preuve par tous moyens conformes à la loi.

Chapitre II - De l'action devant le tribunal du travail🔗

Article 7🔗

Le Tribunal du travail connaît des tous les différends nés sur le fondement de l'article 2, à l'exception de ceux impliquant des fonctionnaires ou des agents de l'Etat, de la Commune ou des établissements publics.

Il ne peut en connaître par voie de conciliation, à moins que la personne qui allègue être victime d'un fait mentionné audit article ne le requière expressément.

Article 8🔗

Le Tribunal du travail est saisi par voie de requête adressée au Président de son bureau de jugement ou, conformément au second alinéa de l'article précédent de son bureau de conciliation.

Le Secrétaire du Tribunal convoque les parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal. Pour le reste, la procédure applicable est celle prévue par la loi n° 446 du 16 mai 1946.

Article 9🔗

Le Tribunal du travail peut, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser un fait mentionné à l'article 2.

Ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées conformément à la procédure de référé prévue par la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifiée.

Article 10🔗

Celui qui agit devant le Tribunal du travail en invoquant, de manière abusive les dispositions de la présente loi, peut être condamné à une amende civile dont le montant ne peut excéder trois mille euros (3.000), sans préjudice des dispositions du second alinéa de l'article 4, des dommages et intérêts qui pourraient être réclamés par le défendeur ou des sanctions pénales encourues.

Chapitre III - Dispositions applicables aux fonctionnaires et agents de services publics🔗

Article 11🔗

Tout fait mentionné à l'article 2 commis par un fonctionnaire ou un agent de l'Etat, de la Commune ou d'un établissement public constitue une faute personnelle au sens de l'article 3 de la loi n° 983 du 26 mai 1976.

Article 12🔗

Conformément à l'article 5 et aux dispositions légales statutaires applicables, l'employeur, personne morale de droit public, doit protection à ses fonctionnaires et agents lorsqu'ils sont victimes de faits mentionnés à l'article 2.

L'employeur est, à cet effet, subrogé aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des faits mentionnés à l'article 2, la restitution des indemnités qu'il aurait versées à titre de réparation. Il dispose à ce titre d'une action directe qu'il peut exercer par voie de constitution de partie civile devant la juridiction pénale.

Article 13🔗

S'il est établi que l'employeur, personne morale de droit public, n'a pas satisfait à l'obligation mentionnée au premier alinéa de l'article 5, les dispositions de l'article 4 de la loi n° 983 du 26 mai 1976 sont applicables.

Chapitre IV - Dispositions finales🔗

Article 14🔗

Le fait de harcèlement au travail défini au deuxième alinéa de l'article 2 est puni des peines suivantes :

  • 1) de trois mois à un an d'emprisonnement et de I'amende prévue au chiffre 3 de I'article 26 du code pénal lorsqu'il n'a causé aucune maladie ou incapacité totale de travail ;

  • 2) de six mois à deux ans d'emprisonnement et de l'amende prévue au chiffre 4 de l'article 26 du Code pénal lorsqu'il a causé une maladie ou une incapacité totale de travail n'excédant pas huit jours ;

  • 3) de un à trois ans d'emprisonnement et du double de I'amende prévue au chiffre 4 de I'article 26 du code pénal lorsqu'il a causé une maladie ou une incapacité totale de travail excédant huit jours.

Le fait de chantage sexuel au travail défini au troisième alinéa de l'article 2 est puni des mêmes peines'

Le fait de harcèlement au travail défini au deuxième alinéa de l'article 2 ne peut être poursuivi sur le fondement de l'article 236-1 du code pénal.

Article 15🔗

Le minimum de la peine d'emprisonnement précédent encourue au article est porté au double lorsque l'infraction a été commise par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice.

Il en est de même lorsqu'elle a été commise sur une personne dont la vulnérabilité ou l'état de dépendance étaient apparents ou connus de son auteur.

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