Projet de loi n° 779 portant statut de la magistrature

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Exposé des motifs🔗

La justice constitue, aujourd'hui plus que jamais, l'un des fondements essentiels de l'Etat de droit. Mais il ne peut en être ainsi qu'à la condition que soit respecté le principe, affirmé à l'article 88 de la Constitution, selon lequel l'indépendance des juges est garantie, ce qui suppose, comme l'énonce également le texte constitutionnel, que le statut des juges soit fixé par la loi.

Or, contrairement au corps des greffiers qui s'est récemment vu doter d'un statut par la loi n° 1.228 du 10 juillet 2000, les dispositions constituant présentement les éléments du statut de la magistrature monégasque figurent dans des textes, certes législatifs ou de valeur législative, mais bien souvent anciens, épars, et pour partie tombés en désuétude.

Ce constat, partagé par le gouvernement princier et la direction des services judiciaires, a amené cette dernière à entreprendre une étude législative dans le but d'élaborer un texte répondant, en la matière, aux exigences de notre temps. Cette tâche a été confiée à une commission composée de juristes d'expérience provenant de différents horizons et appartenant à des institutions diverses tels le conseil d'Etat, les juridictions ou l'administration monégasques.

Au cours de ses travaux, il est rapidement apparu à la commission que la création d'un nouveau statut des magistrats et l'abrogation corrélative de dispositions du droit positif traitant de cet objet entraîneraient inévitablement la remise en cause d'autres textes concernant notamment l'administration et l'organisation judiciaires. Aussi, le parti a-t-il été pris de mettre au point un dispositif d'ensemble composé de deux projets de loi, l'un portant statut de la magistrature, l'autre relatif à l'administration et à l'organisation judiciaires.

Le présent projet de loi constitue le premier volet de ce dispositif.

La méthodologie suivie par la commission a tout d'abord consisté à légiférer sur la base de la situation de fait et de droit existante. Il en a notamment été ainsi, par exemple, pour ce qui est de la composition du corps judiciaire.

Les statuts des autres corps publics, et en particulier le statut général de la fonction publique de l'Etat institué par la loi n° 975 du 12 juillet 1975, ont également constitué une source d'inspiration, sous réserve bien entendu des indispensables aménagements requis par la spécificité des fonctions judiciaires. Le titre VIII relatif aux positions est, par exemple, tout à fait révélateur de cette démarche puisqu'il procède par renvoi au statut général, tout en prévoyant expressément deux exceptions en matière de détachement ou de disponibilité.

La commission n'a pas manqué, non plus, de se pencher sur les dispositions comparables en vigueur dans d'autres pays, notamment pour ce qui est de la procédure disciplinaire et, plus généralement, des droits et obligations des magistrats.

De fait, ces diverses sources d'inspiration juridique ont permis à la commission de maintenir des principes et des solutions ayant fait leurs preuves dans notre droit tout en modernisant ou en améliorant leur mise en œuvre in concreto.

Ainsi, par exemple, la nomination aux premières fonctions judiciaires dans un emploi spécifique et temporaire a été confirmée. Elle est, en effet, apparue hautement opportune parce que permettant aux jeunes magistrats monégasques, à leur sortie de l'école les ayant formés au métier de juge – école située par définition à l'étranger - une adaptation progressive et harmonieuse au contexte judiciaire monégasque. La dénomination de cet emploi était jusqu'à ce jour juge suppléant soit une appellation identique à celle en vigueur, il y de nombreuse années, dans le pays voisin mais qui pourrait présentement laisser croire que les intéressés ne seraient pas magistrats à part entière. Aussi, lui-a-t-il été préférée celle de magistrat référendaire, regardée comme correspondant mieux à la réalité de ce poste. Cette précision terminologique s'est de surcroît accompagnée d'une valorisation de la fonction et d'une clarification des missions y afférentes.

Cela étant, les dispositions projetées introduisent dans la législation monégasque une innovation de taille, en l'occurrence une nouvelle institution : le haut conseil de la magistrature. Cet organe collégial est investi par la future loi d'un rôle essentiel et d'une double nature.

En effet, le haut conseil a, en premier lieu, pour mission de garantir l'équité, l'égalité de traitement et tous les principes que l'Etat de droit se doit de respecter dans la gestion des carrières de magistrats indépendants. Le mode de nomination des membres du haut conseil, de même que les cas dans lesquels il est consulté et la nature de ses avis, qui peuvent être conformes, concourent à en faire, sur ce plan, un rouage éminent du statut à venir.

Mais le haut conseil serait également appelé à connaître des fautes disciplinaires les plus graves. En effet, après mûre réflexion, la commission a considéré que nonobstant la valeur du dispositif issu des articles 100 et suivants de la loi n° 783 du 15 juillet 1965 portant organisation judiciaire qui confère cette compétence à la cour de révision, il serait regrettable de priver le haut conseil d'une attribution dont sont investis nombre d'organes comparables d'autres Etats européens, dont la France. Bien entendu, la procédure disciplinaire est entourée de garanties renforcées tendant, en particulier, à assurer le respect de son caractère contradictoire.

Sous le bénéfice de ces observations d'ordre général, le présent projet de loi appelle les observations particulières ci-après.

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L'article premier, qui introduit le dispositif, énonce tout d'abord les références juridiques qui sont celles du droit statutaire et dont les principes sont, à Monaco, reconnus de longue date en droit de la fonction publique : grade, emploi, titularisation. Cette continuité des concepts devrait, en cas de litige, permettre au juge de se référer à une jurisprudence monégasque conséquente, d'ores et déjà rendue en la matière et éclairée, en tant que de besoin, par les décisions transposables des juridictions administratives du pays voisin.

Est ensuite affirmée la compétence du directeur des services judiciaires pour veiller au respect du statut de la magistrature, ce qui en fait constitue une application du principe général, prévu par l'ordonnance du 9 mars 1918 et réitéré dans le projet de loi relative à l'administration et à l'organisation judiciaires, selon lequel le directeur des services judiciaires assure la bonne administration de la justice.

Il est enfin fait mention du haut conseil de la magistrature comme concourant à l'application du statut aux côtés du directeur, ceci notamment afin d'annoncer ab initio l'existence de cette institution essentielle.

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Le titre premier de la loi projetée comprend quatre articles relatifs au corps judiciaire.

Il définit tout d'abord les composantes de ce corps (article 2) en citant ses deux subdivisions traditionnelles : le siège et le parquet.

Il annonce par la suite l'existence d'une troisième catégorie de magistrats, les magistrats référendaires en précisant leur situation au sein de l'institution judiciaire (article 3) : ceux-ci ont vocation à des affectations au siège, au parquet ou à la direction des services judiciaires.

Cette mobilité tend en premier lieu, comme ci-avant indiqué, à donner à ces magistrats débutant dans la carrière une formation aussi complète que possible, leur permettant d'appréhender la justice monégasque dans toute sa diversité. Le dispositif ainsi formalisé vise aussi à une utilisation optimale des ressources humaines d'où la mention expresse de « l'intérêt du service » qui doit présider aux décisions d'affectation concomitamment aux nécessités liées à la formation des intéressés.

Des explications particulières paraissent en outre devoir être données s'agissant de l'affectation de magistrats à la direction des services judiciaires. En effet, une telle pratique a cours depuis de nombreuses années et a notamment permis l'intégration, à leur sortie de l'institut de formation, de jeunes monégasques qui n'avaient pas l'âge légalement requis pour être nommés en qualité de juge suppléant. Cette possibilité n'était toutefois pas explicitement prévue par un texte, contrairement à la législation d'autres pays européens. Le projet comble cette lacune dans l'intérêt, là encore, de l'administration judiciaire comme des intéressés. En effet, l'importance croissante des missions confiées, y compris dans le champ du droit international, à la direction des services judiciaires la rend demanderesse de personnels juridiquement qualifiés. Parallèlement, une affectation auprès de l'administration de la justice est hautement profitable pour le magistrat dès lors que nonobstant les connaissances susceptibles d'être acquises à cette occasion, elle lui donne de l'institution qu'il sert une vision nouvelle dont il pourra tirer bénéfice dans ses futures missions juridictionnelles.

Pour le reste, les dispositions du présent titre procèdent au classement hiérarchique des magistrats en trois grades (article 4) ou, s'ils exercent les plus hautes fonctions, à leur placement hors hiérarchie (article 5).

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Le titre II du projet traite des droits et obligations des magistrats. En effet, les magistrats, à l'instar des fonctionnaires des autres corps de l'Etat, doivent voir fixer par le législateur leurs obligations, droits et garanties fondamentaux de même que les conditions de mise en œuvre de leur responsabilité.

A ce titre, les magistrats disposent en premier lieu de droits concernant leur carrière, tel celui d'être nommé à des fonctions du siège ou du parquet (article 6) ou bien l'inamovibilité du juge du siège (article 7). A contrario, le magistrat du parquet se trouve placé dans une hiérarchie, comprenant le procureur général et le directeur des services judiciaires, avec le bénéfice de la règle « la plume est serve, la parole est libre », expressément rappelée (article 8).

Il s'agit là de principes traditionnels existant d'ores et déjà dans notre droit comme dans d'autres, dont celui du pays voisin et, du reste, réitérés et mis en oeuvre dans le projet de loi relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

Toujours au titre des droits, les magistrats disposent, conformément à l'article 28 de la Constitution, de celui tenant à la défense de leurs intérêts professionnels par l'action syndicale (article 15).

Ils bénéficient également du droit d'accès à leur dossier administratif (article 17). Ce dossier doit rassembler les documents concernant leur situation administrative : recrutement, position, formation, congés, discipline … Ces pièces ne peuvent en aucun cas faire mention des opinions politiques, philosophiques, syndicales ou religieuses des intéressés, ce qui, là encore, constitue une application législative des principes constitutionnels, et en particulier de ceux inscrits aux articles 22 et 23 : respect de la vie privée et familiale, liberté des cultes, liberté d'opinion. Contrairement à la règle figurant au statut général des fonctionnaires, en l'occurrence l'article 13 de la loi n° 975 du 12 juillet 1975, l'accès au dossier n'est pas limité au seul cas où une procédure disciplinaire serait engagée. A cet égard, il a en effet été considéré que la protection particulière dont les magistrats doivent jouir, à raison de leur indépendance et de la nature de leurs fonctions, justifie qu'ils puissent exercer plus largement ce droit d'accès personnel et confidentiel. Toutefois, afin d'en éviter un exercice intempestif, manifestement abusif ou déraisonnable, il est prévu que le directeur des services judiciaires, saisi par demande écrite et motivée, fixe les conditions de la consultation.

Par ailleurs, le projet confirme, dans le cadre de la procédure disciplinaire, ce droit d'accès au dossier de même qu'aux pièces de l'enquête concernant les faits reprochés au magistrat, sujet à poursuites (article 20). Dans ce cadre, il ajoute que l'autorité compétente ne peut prononcer aucune sanction disciplinaire sans que l'intéressé n'ait au préalable « été personnellement entendu en ses explications ou dûment appelé à les fournir ». Cette formule désormais classique est celle qu'emploie usuellement le législateur pour imposer à l'administration le respect d'un principe général du droit monégasque, en l'occurrence le principe dit du contradictoire ou des droits de la défense. Pratiquement, il s'agit d'éviter que certaines mesures, et en particulier celles ayant la nature de sanctions administratives, puissent s'appliquer aux personnes concernées sans que celles-ci aient pu, au préalable, discuter les griefs que la puissance publique formule à leur encontre (cf. Tribunal Suprême, 19 décembre 1989 : Sieur Armel DEVILLE).

Enfin, les magistrats, tout comme les autres fonctionnaires, bénéficient, de la part de l'Etat, d'une protection contre les menaces, outrages, injures, diffamations ou attaques de toute nature qu'ils peuvent subir dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions (article 18). Cette protection peut prendre diverses formes et à ce titre, l'Etat peut notamment avoir à réparer le préjudice subi par un magistrat, quitte à intenter lui-même les actions appropriées à l'encontre des responsables des faits dommageables. Conformément au principe général posé par l'article 139 du code de procédure civile, l'Etat est en l'occurrence représenté par le directeur des services judiciaires.

Parallèlement à ces droits, le texte impose aux magistrats les obligations inhérentes à leur état.

A ce titre, doivent en premier lieu être citées les incompatibilités dont le but tend à assurer l'impartialité du magistrat en garantissant son indépendance tant par rapport aux autres pouvoirs constitués qu'à des intérêts privés ou susceptibles de nuire à sa mission. Ainsi, les fonctions de magistrat sont incompatibles avec toute fonction publique ou élective, ou bien avec toute activité lucrative, exercée à Monaco ou à l'étranger (articles 9 et 10).

Des possibilités sont toutefois expressément ouvertes aux magistrats, sur autorisation du directeur des services judiciaires, afin de leur permettre notamment de dispenser des enseignements (article 11). Le texte confère également des pouvoirs au directeur des services judiciaires en vue de sauvegarder les intérêts de la justice à l'égard des magistrats en position de disponibilité ou des conjoints de magistrats exerçant ou souhaitant exercer des activités privées (articles 12 et 13).

Le projet fixe par ailleurs diverses obligations classiquement attachées à la fonction de magistrat : obligation de réserve (article 14), obligation de discrétion professionnelle (article 16).

Il prohibe également toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions (article 14). A cet égard, le texte est conforme à l'article 28 de la Constitution qui permet au législateur de limiter le droit de grève. Une telle interdiction est imposée aux membres du corps judiciaire d'autres pays, la France par exemple.

Le présent titre traite enfin leur responsabilité (article 19), conformément à l'article 51 de la Constitution, en se fondant, tout d'abord, sur les dispositions des articles 460 et suivants du code de procédure civile qui régit la prise à partie des magistrats coupables de fraudes, dols, concussions et dénis de justice. Lorsque la prise à partie est admise, le magistrat est tenu de réparer le dommage causé, sans préjudice de l'annulation de la décision juridictionnelle litigieuse. Pour le reste, le texte ajoute qu'en cas de faute inexcusable d'un magistrat, l'Etat, en ayant indemnisé la victime, pourra engager l'action récursoire à l'encontre de l'auteur. Comme précédemment indiqué, seul le directeur des services judiciaires serait compétent pour introduire une telle instance, ce en vertu du second alinéa de l'article 139 du code de procédure civile.

L'ensemble de ces dispositions serait bien entendu appelé à s'appliquer indépendamment des actions pénales ou disciplinaires susceptibles d'être engagées pour les mêmes faits.

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Le titre III du projet est consacré à l'une des innovations déterminantes du dispositif : le haut conseil de la magistrature.

Après l'avoir institué, l'article 21 précise sa mission qui, comme annoncé précédemment, s'exercera en matière consultative ou en matière disciplinaire.

De fait, sa consultation est soit rendue obligatoire par une disposition de la loi projetée, par exemple préalablement à une décision de l'administration judiciaire relative à la carrière d'un magistrat, soit facultative, en l'occurrence laissée à la discrétion du Prince pour toute question portant sur l'organisation ou le fonctionnement de la justice. Ainsi, la vocation du haut conseil est de devenir une instance de réflexion dans laquelle se forgeront les grandes orientations appelées à encadrer le développement de l'institution judiciaire monégasque.

En matière disciplinaire, la compétence du haut conseil est simplement annoncée, le détail de la procédure étant fixé au titre VII auquel il est fait renvoi (article 21).

La composition du haut conseil (article 22), en raison de son pluralisme, est destinée à atteindre cet objectif, outre que de garantir le respect du principe constitutionnel d'indépendance des magistrats :

  • le directeur des services judiciaires, président ;

  • le premier président de la cour de révision, vice-président ;

  • un membre titulaire désigné par le conseil d'Etat ;

  • un membre titulaire désigné, hors de son sein, par le conseil national ;

  • un membre titulaire désigné, hors de son sein, par le tribunal suprême.

Il est à noter que lorsqu'il siègera en matière disciplinaire, le haut conseil s'adjoindra un membre supplémentaire, en l'occurrence le premier président ou le vice-président de la cour d'appel (cf. infra).

L'importance du haut conseil au sein de l'institution judiciaire justifie naturellement que ses membres soient soumis à des obligations particulières et en premier lieu l'incompatibilité de la qualité de membre désigné avec des fonctions diverses de nature à affecter l'impartialité des délibérations : magistrat, avocat, fonctionnaire ou agent public, en situation d'activité (article 23). Rien ne s'oppose donc à ce que des retraités ayant antérieurement assuré ces fonctions soient nommés au haut conseil.

Les intéressés sont par ailleurs fort normalement liés par une obligation de discrétion pour tous les faits dont ils peuvent avoir connaissance dans le cadre de leurs fonctions (article 25), ce sans préjudice bien entendu des règles fixées par le code pénal et notamment les articles 308 et 308-1 du code pénal qui sanctionnent d'une peine de 1 à 6 mois d'emprisonnement et/ou d'une amende de 2.250 à 9.000 € les divulgations d'informations en méconnaissance du secret professionnel.

Pour le reste, le texte renvoie à une ordonnance souveraine le soin de fixer le détail des règles régissant le fonctionnement du haut conseil (article 26) si ce n'est sur quelques points : existence de membres suppléants et durée du mandat de 4 ans (article 22), publication de la liste des membres (article 24).

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Le titre IV traite du recrutement et affirme d'emblée, pour les motifs ci-avant explicités, le principe selon lequel l'emploi de magistrat référendaire est celui par lequel débute la carrière judiciaire (article 27).

Pour être admis à exercer ces fonctions, le texte énonce diverses conditions dont certaines des plus classiques : être de nationalité monégasque bien sûr ; avoir atteint un âge minimum, en l'occurrence 23 ans ; ne pas être privé de ses droits civils ou politiques ; être de bonne moralité et avoir été reconnu physiquement apte à l'exercice de la fonction.

Une condition constitue en revanche une nouveauté : la réussite à un concours (articles 27, 28 et 29).

Il est en effet apparu indispensable d'imposer un concours pour l'accès aux fonctions de magistrat référendaire afin de garantir, le niveau de connaissance des nouveaux membres du corps judiciaire.

Les conditions de recevabilité des candidatures sont doubles. Les postulants doivent en effet être âgés de 21 ans accomplis et titulaires d'une maîtrise de droit ou d'un diplôme juridique déclaré équivalent par le directeur des services judiciaires (article 28).

Cette double condition est destinée à permettre à un étudiant, ayant réussi le baccalauréat à l'âge de 17 ans et suivi une scolarité universitaire sans redoublement, de présenter le concours dès la délivrance de sa maîtrise. Concrètement, du fait que la plupart des monégasques étudiant le droit fréquentent les facultés françaises, le projet prend prioritairement en compte le diplôme français, en l'occurrence la maîtrise qui nécessite quatre années d'études après le baccalauréat. Toutefois, afin de ne léser aucun candidat, la possibilité de reconnaître la validité d'un autre diplôme étranger est reconnue au directeur des services judiciaires.

Il s'agit là d'une compétence discrétionnaire dont l'exercice peut bien entendu être soumis au contrôle du juge par la voie du recours en annulation pour excès de pouvoir, conformément à l'article 90-B de la Constitution.

Les modalités d'organisation et de déroulement du concours sont, quant à elles, similaires à celles en vigueur dans la fonction publique. Le concours est ouvert par arrêté du directeur des services judiciaires qui, par suite, fixe la liste des candidats admis à concourir puis, au terme des épreuves et de la délibération d'un jury, arrête le résultat et le classement par ordre de mérite des candidats (article 29).

S'agissant du jury, on notera que sa composition le rend représentatif du corps judiciaire monégasque dans sa globalité puisque, présidé par le premier président de la cour de révision, il comporte en outre un représentant de chaque juridiction ainsi que du parquet général. Une personne désignée à raison de sa compétence par le directeur des services judiciaires pourra compléter utilement ce jury.

La dernière condition que les aspirants aux fonctions de magistrat référendaire devront remplir consiste en une formation théorique et pratique, suivie avec succès dans une école supérieure d'enseignement de langue française préparant aux fonctions de magistrat (article 27).

Cette condition, bien que n'étant présentement imposée par aucune disposition légale n'est, en réalité, pas véritablement une nouveauté. En effet, jusqu'à ce jour, les magistrats monégasques se sont formés au sein de l'école nationale de la magistrature du pays voisin, dans les conditions appliquées aux auditeurs de justice français, à savoir deux années au cours desquelles sont dispensés des enseignements magistraux complétés par des stages en juridictions, siège et parquet, et auprès des services de police judiciaire et de gendarmerie.

On notera également l'institution d'un recrutement parallèle à caractère exceptionnel ; il s'agit du système dit du « tour extérieur » permettant d'intégrer dans le corps judiciaire des personnes de nationalité monégasque que la compétence et l'expérience dans le domaine juridique ou la pratique juridictionnelle qualifient pour l'exercice des fonctions judiciaires (article 30). Ce dispositif souple et pratique, existant dans d'autres pays, est à l'évidence de nature à permettre une gestion optimale des ressources humaines judiciaires tout en offrant à des juristes monégasques des perspectives de déroulement de carrière ou de changement professionnel tout à fait remarquables.

Conformément à l'article 46 de la Constitution, l'acte juridique portant nomination est une ordonnance souveraine prise sur le rapport du directeur des services judiciaires (article 31). Une distinction est cependant introduite entre le recrutement au tour extérieur, pour lequel une telle ordonnance doit, afin de donner à l'institution judiciaire toutes garanties (compétence juridique, moralité, personnalité …) être précédée de l'avis du haut conseil de la magistrature, et les autres cas dans lesquels les résultats du concours sont déterminants.

Enfin, le projet confirme l'obligation, pour chaque magistrat , de prêter serment avant d'entrer en fonctions (article 32).

La formule de ce serment énumère l'ensemble des vertus nécessaires à la déontologie bien comprise de la profession : respect des institutions et loyauté envers la loi, impartialité, diligence, sens du devoir, discrétion et dignité. On peut considérer que sont ainsi synthétisés les « devoirs de l'état de magistrat » évoqués à l'article 43 et dont la méconnaissance constitue une faute disciplinaire.

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La rémunération et les avantages sociaux font l'objet du titre V du projet (articles 33 à 35). Les règles en la matière, parce que ne différant en rien de celles applicables aux fonctionnaires de l'Etat conformément à la loi n° 975 du 12 juillet 1975, n'appellent aucun commentaire particulier.

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Consacré à l'avancement et au déroulement de carrière, le titre VI commence par poser la règle de l'évaluation biennale de l'activité professionnelle de chaque magistrat (article 36). Un tel dispositif est aujourd'hui indispensable à une gestion optimale de la ressource humaine judiciaire en permettant aux magistrats, quelle que soit leur position, de faire régulièrement le point sur leur carrière.

De fait, cette appréciation est portée :

  • par le chef de cour dont relève l'intéressé lorsqu'il exerce des fonctions juridictionnelles ; 

  • par le directeur des services judiciaires lorsque le magistrat est affecté en ses services ;

  • par l'organisme ou l'administration compétente dans le cas de détachement.

Le système d'évaluation est gouverné par le principe de transparence, dans le respect des droits légitimes des magistrats. En effet, le résultat de l'évaluation est communiqué à chaque intéressé qui peut présenter toutes observations écrites qui seront jointes à son dossier.

Le titre VI s'attache, par la suite, à définir les normes régissant le déroulement des carrières judiciaires.

Il règle, en premier lieu, le cas spécifique de la promotion du magistrat référendaire dans des fonctions du siège ou du parquet, savoir, au sein du troisième grade, en qualité de juge ou de substitut (article 37). Comme à l'accoutumée, cette nomination requiert, en la forme, une ordonnance souveraine sur le rapport du directeur des services judiciaires. Cette ordonnance doit toutefois avoir été précédée d'un avis favorable du haut conseil de la magistrature. Il s'agit, en d'autres termes, d'un avis conforme.

A ce stade, il paraît utile de rappeler que si le droit monégasque répugne à conférer aux organismes consultatifs le pouvoir d'émettre des avis conformes, c'est généralement lorsque sont en cause des décisions gouvernementales. Il importe en effet, dans ce cas, de préserver la plénitude de l'exercice du pouvoir de gouvernement que la Constitution, en son article 43, reconnaît au Prince. Celle-ci serait, à l'évidence, annihilée du fait de la compétence liée induite par le système de l'avis conforme. Or, tel n'est pas présentement le cas, dès lors que l'avis conforme ne se rapporte pas à l'exercice du pouvoir exécutif mais à celui du pouvoir judiciaire et qu'il vise à garantir l'application d'un principe constitutionnel fondamental : l'indépendance des juges.

Il est légitime de s'interroger quant à savoir pourquoi la promotion du magistrat référendaire au sein du troisième grade est le seul cas, en matière de déroulement de carrière, pour lequel l'avis conforme du haut conseil est requis. La réponse tient à ce qu'il s'agit du premier changement d'emploi dans la carrière des magistrats monégasques, un moment déterminant pour leur avenir dans le corps judiciaire.

Le projet poursuit en rappelant la distinction classique entre l'avancement d'échelon, au sein d'un même grade, et l'avancement de grade, en renvoyant à une ordonnance souveraine le soin de déterminer le nombre d'échelons propre à chaque grade (article 38).

Il pose par la suite le principe de base de l'avancement des magistrats : l'ancienneté. En effet, contrairement au droit commun de la fonction publique, les possibilités d'avancement au choix sont exclues en ce qui concerne les magistrats de manière à éviter toute suspicion quant aux atteintes susceptibles d'être portées à leur indépendance, par leur hiérarchie, au moyen de l'avancement.

Ainsi, l'avancement d'échelon s'effectue dans tous les cas à l'ancienneté (articles 39), de même que l'avancement de grade entre les fonctions de juge ou de substitut du procureur général, relevant du troisième grade, et celles de premier juge ou de premier substitut relevant du deuxième grade (article 40).

Toutefois, afin de tenir compte des mérites propres à certains membres du corps judiciaire, relevés lors de l'évaluation professionnelle, il est prévu que l'ancienneté requise pour cette promotion du troisième au deuxième grade puisse être réduite, sans pour autant pouvoir être inférieure à quatre ans, ce pour des motifs évidents d'équité. Une telle décision appartient au directeur des services judiciaires, après avis du haut conseil de la magistrature.

Les durées d'ancienneté déterminant l'avancement sont fixées par ordonnance souveraine (article 40).

De même, une durée d'ancienneté fixée par ordonnance souveraine (article 41) est la condition nécessaire à la nomination :

  • à l'emploi de juge de paix, accessible aux magistrats du troisième ou du deuxième grade ;

  • aux emplois du premier grade, accessibles aux magistrats du deuxième grade.

La nomination à ces emplois intervient par ordonnance souveraine sur le rapport du directeur des services judiciaires mais doit être précédée de l'avis du haut conseil de la magistrature.

Il en est de même pour les emplois hors hiérarchie, cette mesure n'étant cependant pas assortie d'une condition d'ancienneté (article 42). En effet, la nature et l'importance des responsabilités afférentes à ces fonctions éminentes sont telles qu'elles ne peuvent être confiées qu'à des magistrats d'expérience. Dès lors, la condition objective d'ancienneté perd toute utilité d'autant que la décision de nomination aura été préparée par l'appréciation de l'aptitude des intéressés par le haut conseil de la magistrature.

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Tout statut applicable à des agents publics doit comporter des dispositions traitant de la responsabilité disciplinaire. Tel est l'objet du titre VII du présent projet de loi.

Fort logiquement, le texte commence par définir la faute disciplinaire, savoir le manquement, par un magistrat, à ses obligations statutaires, aux devoirs de son état ainsi qu'à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité que requièrent ses fonctions (article 43). Il s'agit bien entendu d'une définition relativement abstraite, la qualification juridique des faits susceptibles de constituer une telle faute devant être établie au regard de chaque cas d'espèce donnant lieu à poursuite disciplinaire.

Le projet s'attache parallèlement à remédier aux négligences professionnelles, en énonçant qu'un magistrat peut faire l'objet de la part, selon les cas, du président de la juridiction dont il relève, du procureur général ou du directeur des services judiciaires, d'un rappel à ses obligations (article 44). L'objectif poursuivi par cette disposition tend à ramener à un comportement professionnel satisfaisant un magistrat qui, sans se rendre coupable d'une véritable faute professionnelle, n'accorde pas à ses fonctions le sérieux et l'attention indispensables au traitement des affaires ou des dossiers qui lui sont confiés.

La gamme des sanctions disciplinaires prévues par le projet (article 45) est, selon le schéma classiquement retenu, établie par ordre croissant en vue de l'adéquation la meilleure à la faute, en fonction de sa gravité : réprimande avec inscription au dossier, abaissement d'échelon, rétrogradation, exclusion de toutes fonctions judiciaires pour une durée maximale d'un an, mise à la retraite d'office, révocation. De plus, une exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois mois peut être prononcée à titre de complément aux sanctions les moins lourdes.

Par suite, le texte affirme le principe du partage de l'exercice du pouvoir disciplinaire entre le directeur des services judiciaires et le haut conseil de la magistrature (article 46), étant précisé que ce dernier, lorsqu'il siège en matière disciplinaire, n'est pas présidé par le directeur des services judiciaires mais par le premier président de la cour de révision. Sa composition est en outre complétée par le premier président ou, si nécessaire, le vice-président de la cour d'appel (article 49).

La présidence du haut conseil par le plus haut magistrat du siège de la Principauté vise bien entendu à accorder une garantie juridique substantielle au magistrat faisant l'objet de poursuites disciplinaires. La commission de rédaction a de surcroît estimé opportune, parce que de nature à assurer la représentation de l'intérêt général de la profession, la présence supplémentaire du premier président de la cour d'appel, en raison de son rang hiérarchique, de l'expérience qui s'en induit ainsi que des missions spécifiques de contrôle qui lui sont conférées par la loi.

S'agissant de l'action disciplinaire elle-même, elle se déroule globalement en quatre phases :

  • 1°) la saisine du directeur des services judiciaires (article 47)

    C'est en effet au directeur que revient l'initiative de lancer l'action disciplinaire, soit en raison d'informations dont il a eu directement connaissance, soit au vu d'une dénonciation de faits notifiée par un chef de juridiction ou le procureur général. S'il estime que ces faits caractérisent une faute disciplinaire justifiant une sanction autre que la réprimande, le directeur des services judiciaires saisit le haut conseil de la magistrature.

  • 2°) la procédure préalable à l'audience disciplinaire (articles 49, 50 et 51)

    Convoqué par simple lettre du greffe général, le magistrat poursuivi se voit en outre communiquer, par le procureur général, qui assure les fonctions de poursuite, ses conclusions ainsi que le dossier de la poursuite. Il s'agit là d'une application du principe des droits de la défense dont l'application a été annoncée à l'article 20. Conséquemment, l'intéressé peut, sur sa demande, se voir accorder un délai minimal de 15 jours francs pour préparer et présenter une argumentation écrite.

  • 3°) l'audience du haut conseil de la magistrature (articles 50 et 52)

    L'intéressé est tenu de comparaître personnellement, assisté s'il le souhaite d'un conseil de son choix. A défaut de comparution et de justification d'un motif légitime d'empêchement, le haut conseil statue en l'absence de l'intéressé.

  • 4°) la décision (articles 48, 53, 54, 56 et 57)

    La décision de réprimande avec inscription au dossier peut être prononcée directement par le directeur des services judiciaires, au seul vu des éléments et informations dont il a connaissance, dans le respect du principe du contradictoire (cf. supra).

Cette compétence du directeur des services judiciaires ne fait bien entendu nullement obstacle à ce qu'au terme de la procédure devant le haut conseil de la magistrature, celui-ci juge que les faits dont il a été saisi ne justifient que le prononcé d'une réprimande. Dans ce cas, la particularité de la décision tiendra à ce que la réprimande n'aura pas à être rendue exécutoire par ordonnance souveraine, ce qui est la règle pour les autres sanctions.

Autres impératifs de forme : les décisions disciplinaires du haut conseil doivent être motivées, signées par tous les membres ayant pris part à la délibération et transcrites dans un registre spécial tenu au greffe général.

Indépendamment de l'action disciplinaire – ou sans attendre son aboutissement – il est possible au directeur des services judiciaires, pour des motifs d'urgence, de suspendre un magistrat de ses fonctions, par décision motivée et sur avis du premier président de la cour d'appel ainsi que du procureur général. Cette compétence est, là encore, une application du principe selon lequel le directeur des services judiciaires veille à la bonne administration de la justice et détient, pour ce faire, de pouvoirs similaires à ceux du ministre d'Etat dans le champ de l'administration générale.

Les mesures conservatoires de suspension que le directeur des services judiciaires peut prendre à ce titre sont entourées de garanties diverses au profit des magistrats intéressés, tenant notamment à leur durée – quatre mois – au versement du traitement ainsi qu'aux allocations et prestations sociales diverses qui leurs sont ouvertes de même qu'à leurs ayants-droit.

On notera enfin :

  • le rappel par les dispositions projetées (article 55) du principe de l'indépendance entre l'action disciplinaire et les poursuites pénales engagées par le ministère public ou la (les) partie(s) civile(s) ;

  • l'instauration d'une procédure administrative permettant à un magistrat, sanctionné disciplinairement mais non révoqué, d'obtenir de la part du directeur des services judiciaires , au bout de 5 ou 10 années selon les cas, le retrait du dossier de toute trace de sanction (article 58).

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Ainsi qu'indiqué en introduction, le titre VIII, consacré aux positions, évite de réitérer les dispositions, en la matière, du statut général des fonctionnaires de l'Etat qui sont applicables aux magistrats. Il rappelle simplement les trois positions possibles - l'activité, le service détaché et la disponibilité - tout en précisant que pour un magistrat, l'activité s'entend d'une affectation en juridiction ou à la direction des services judiciaires (article 59).

Les positions en service détaché ou en disponibilité ont, quant à elles, nécessité deux précisions justifiées par la spécificité des fonctions judiciaires et des garanties qui doivent l'entourer.

Il s'agit, en l'occurrence, d'une part, du fait que le détachement et la disponibilité doivent être prononcés, à la demande de l'intéressé, par ordonnance souveraine sur rapport du directeur des services judiciaires après avis du haut conseil de la magistrature et, d'autre part, qu'à l'expiration des périodes concernées, le magistrat intéressé, en l'absence de vacance d'emploi dans son grade, est réintégré en surnombre dans un emploi correspondant à son grade (article 60).

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Les dispositions du titre IX concernant la cessation de fonctions, prévoient quatre cas dans lesquels le lien entre le magistrat monégasque et le service est rompu (article 61).

Le premier cas consiste en la démission, c'est-à-dire l'hypothèse où le magistrat manifeste l'intention de quitter définitivement le corps judiciaire. Les dispositions du projet sont proches de celles du statut général des fonctionnaires en ce qui concerne les conditions de la démission. Celle-ci doit résulter d'une demande écrite et non équivoque de l'intéressé.

Afin d'être exécutoire et irrévocable, elle doit être acceptée par ordonnance souveraine sur le rapport du directeur des services judiciaires. Cette ordonnance fixe la date d'effet de la démission, en considération notamment de l'intérêt de la continuité du service. Toutefois, ladite date ne peut être arrêtée au-delà d'un an à compter de la remise de la demande (article 62). Est également rappelé le principe général selon lequel la démission ne fait pas obstacle à l'exercice de l'action disciplinaire même en raison des faits qui n'auraient été révélés qu'après son acceptation (article 63).

Deuxième cas de cessation de fonctions : l'admission à la retraite. Cette hypothèse est la plus courante. En pratique, l'admission à la retraite est, conformément à la règle du parallélisme des formes, attestée par une ordonnance souveraine qui s'analyse, de jure, comme l'abrogation de l'acte de nomination.

Le magistrat retraité peut se voir conférer l'honorariat par ordonnance souveraine sur le rapport du directeur des services judiciaires et après avis du haut conseil de la magistrature (article 64). A ce titre, il demeure attaché aux fonctions du siège ou du parquet qu'il exerçait au moment de son départ à la retraite et peut assister, en costume d'audience, à toutes les cérémonies solennelles judiciaires. L'honorariat peut être retiré dans le cas d'un manquement du magistrat honoraire aux devoirs qu'impose cette qualité.

Les deux derniers cas de cessation de fonctions – la mise à la retraite d'office et la révocation (article 61) – ont d'ores et déjà été énoncés par le projet au titre des sanctions disciplinaires.

S'agissant de la mise à la retraite d'office, elle ne peut être prononcée que lorsque le magistrat réunit les conditions d'âge et de service pour percevoir une pension. Il est, en outre, à noter que hors le cas de la faute disciplinaire, une telle mesure peut également être justifiée par l'incapacité de servir, due à une infirmité ou à une affection rendant le magistrat définitivement inapte à l'exercice de tout emploi correspondant à son grade.

La révocation, en revanche, s'analyse uniquement comme le retrait de l'emploi de magistrat pour un motif disciplinaire. Elle doit obligatoirement avoir été précédée de la procédure contradictoire déterminée au titre VII.

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Le titre X, consacré aux dispositions diverses, comporte les deux derniers articles de la loi.

Le premier (article 65) pose le principe de l'application des dispositions statutaires aux magistrats de la cour de révision et aux magistrats détachés à Monaco en vertu de conventions ou d'accords internationaux, sauf en ses dispositions incompatibles avec lesdites conventions ou le statut propre des intéressés.

Afin d'expliciter la portée de cette disposition, il importe d'avoir à l'esprit que du point de vue de la ressource humaine, la réalité de la situation de la justice monégasque se caractérise présentement par le fait qu'une part substantielle des effectifs est composée de magistrats issus du corps judiciaire du pays voisin. Dans le cadre d'une démarche statutaire, il paraît donc difficile de se désintéresser de la portée des dispositions projetées à l'égard de magistrats dont la contribution, dans la Principauté, à l'œuvre de justice ne peut qu'être prise en considération.

A ce titre, il doit d'emblée être souligné que les dispositions du titre premier, et en particulier de l'article 2, sont constitutives d'un corps unique comprenant l'ensemble des magistrats exerçant des fonctions du siège ou du parquet.

Cela étant, dans la situation ci-avant définie, il est aisé de réaliser que, par exemple, les dispositions du titre IV (recrutement), à l'exception de l'article 32 relatif au serment, ne peuvent concerner des magistrats qui, par définition, ont été admis à exercer leurs premières fonctions judiciaires hors de la magistrature monégasque.

De même, pour le titre VIII (positions), seule l'activité est permise à ces magistrats puisqu'ils sont précisément mis à la disposition de la justice monégasque à cette fin, sans préjudice des règles qui leur sont propres à raison de leur statut d'origine, telle celle selon laquelle « détachement sur détachement ne vaut ».

En revanche, les dispositions du titre II (droits et obligations des magistrats) leur sont pleinement applicables à l'exception de l'article 12 qui ne fixe des obligations que pour les magistrats en position de disponibilité. En ce qui concerne l'inamovibilité (article 7), elle doit s'entendre comme visant les magistrats du siège intéressés, uniquement durant le temps de leur mise à disposition de la justice monégasque.

De la même manière, tous les magistrats exerçant leurs fonctions à Monaco sont soumis aux dispositions du titre VII (discipline), étant néanmoins précisé que la révocation d'un magistrat non monégasque aboutira, en pratique, à ce qu'il soit remis à la disposition de son corps d'origine.

Ces quelques exemples ne sont pas exhaustifs mais permettent de donner une lisibilité au dispositif de répartition entre les prescriptions uniquement applicables aux magistrats monégasques et celles qui le sont à l'ensemble du corps judiciaire de la Principauté.

Enfin, la dernière disposition du projet (article 66) énonce la disposition abrogative usuelle.

Tel est l'objet du présent projet de loi.

Dispositif🔗

Article premier🔗

Le présent statut s'applique aux magistrats qui sont nommés dans l'un des emplois permanents du corps judiciaire, tel que défini dans la présente loi, et qui sont titularisés dans un grade de la hiérarchie.

Le directeur des services judiciaires veille à l'application du présent statut avec le concours du haut conseil de la magistrature.

Titre premier - Du corps judiciaire🔗

Article 2🔗

Outre les membres de la cour de révision, le corps judiciaire comprend :

  • les magistrats du siège de la cour d'appel, du tribunal de première instance et de la justice de paix ;

  • les magistrats du parquet général ;

  • les magistrats référendaires.

Article 3🔗

Les magistrats référendaires peuvent être affectés, par arrêté du directeur des services judiciaires, à toutes fonctions du siège ou du parquet, en fonction de l'intérêt du service.

Ils peuvent également, dans les mêmes conditions, être affectés à la direction des services judiciaires.

Article 4🔗

La hiérarchie du corps judiciaire comporte trois grades :

  • le troisième grade comprend les fonctions de magistrat référendaire, de juge et de substitut du procureur général ;

  • le deuxième grade comprend les fonctions de juge de paix, de premier juge et de premier substitut du procureur général ;

  • le premier grade comprend les fonctions de vice-président du tribunal de première instance, de conseiller à la cour d'appel et de procureur général adjoint.

Article 5🔗

Sont placés hors hiérarchie :

  • les membres de la cour de révision ;

  • le premier président de la cour d'appel ;

  • le procureur général ;

  • le président du tribunal de première instance ;

  • le vice-président de la cour d'appel.

Titre II - Des droits et obligations des magistrats🔗

Article 6🔗

Tout magistrat a vocation à être nommé, au cours de sa carrière, à des fonctions du siège ou du parquet.

Article 7🔗

Les magistrats du siège sont inamovibles.

En conséquence, le magistrat du siège ne peut recevoir, sans son consentement, une affectation nouvelle, même en avancement.

Article 8🔗

Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle du procureur général ainsi que sous l'autorité du directeur des services judiciaires. A l'audience, leur parole est libre.

Article 9🔗

Les fonctions de magistrat sont incompatibles avec celles de conseiller national, de conseiller communal, de membre du conseil économique et social ainsi qu'avec l'exercice, à Monaco ou à l'étranger, de tout mandat électif.

Article 10🔗

L'exercice des fonctions de magistrat est également incompatible avec l'exercice, à Monaco ou à l'étranger, de toutes fonctions publiques et de toute activité lucrative, professionnelle ou salariée.

Il est en outre interdit aux magistrats d'avoir, par eux-mêmes ou par personne interposée, sous quelque dénomination ou forme que ce soit, des intérêts de nature à compromettre leur indépendance à l'égard des justiciables.

Article 11🔗

Par dérogation aux dispositions de l'article précédent, les magistrats peuvent être autorisés, par décision du directeur des services judiciaires, à dispenser des enseignements ou à exercer des fonctions ou activités qui ne sont pas de nature à porter atteinte à leur indépendance ou à la dignité de la fonction judiciaire.

Article 12🔗

Lorsqu'il se propose d'exercer une activité privée, le magistrat en disponibilité ou qui demande à être placé dans cette position doit en informer préalablement le directeur des services judiciaires.

Celui-ci peut interdire l'exercice de cette activité lorsqu'il l'estime de nature à porter atteinte à la dignité de la fonction judiciaire ou à compromettre le fonctionnement de la justice. Tout magistrat méconnaissant cette interdiction est passible de sanctions disciplinaires.

Article 13🔗

Lorsque le conjoint d'un magistrat exerce une activité privée lucrative, déclaration doit en être faite au directeur des services judiciaires qui prend, s'il y a lieu, les mesures propres à sauvegarder la bonne administration de la justice ou la dignité de la fonction judiciaire.

Article 14🔗

Les magistrats doivent s'abstenir, soit pour leur propre compte, soit pour celui de toute autre personne physique ou morale, de toute démarche, activité ou manifestation incompatible avec la discrétion et la réserve qu'impliquent leurs fonctions.

Est également interdite toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions.

Article 15🔗

Dans le respect des dispositions de l'article précédent, les magistrats ont le droit de défendre les intérêts de leur profession par l'action syndicale.

Article 16🔗

Les magistrats sont liés par l'obligation de discrétion professionnelle pour tout ce qui concerne les faits et informations dont ils ont connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.

Article 17🔗

Les dossiers individuels des magistrats doivent contenir toutes les pièces intéressant leur situation administrative.

Aucune mention faisant état des opinions politiques, philosophiques, syndicales ou religieuses des intéressés ne peut figurer à leur dossier.

Tout magistrat a accès à son dossier individuel sur demande écrite et motivée adressée au directeur des services judiciaires qui, en réponse, fixe les conditions de cette consultation.

Article 18🔗

L'Etat, représenté par le directeur des services judiciaires, est tenu de protéger les magistrats contre les menaces, outrages, injures, diffamations ou attaques de toute nature dont ils seraient l'objet dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice subi.

Article 19🔗

Dans l'exercice de leurs fonctions, les magistrats sont civilement responsables de leurs fautes personnelles, dans les conditions fixées par les articles 460 et suivants du code de procédure civile.

Dans tous les cas de faute inexcusable, leur responsabilité ne peut être engagée que sur l'action récursoire de l'Etat.

La responsabilité civile des magistrats est indépendante de leur responsabilité pénale et de leur responsabilité disciplinaire.

Article 20🔗

Le magistrat faisant l'objet de poursuites disciplinaires a droit à la communication de son dossier et de toutes les pièces de l'enquête concernant les faits qui lui sont reprochés.

Aucune décision ne peut être rendue par l'autorité compétente pour le prononcé des sanctions disciplinaires sans qu'au préalable, le magistrat poursuivi n'ait été personnellement entendu en ses explications ou dûment appelé à les fournir.

Titre III - Du haut conseil de la magistrature🔗

Article 21🔗

Il est institué un haut conseil de la magistrature, consulté dans les conditions déterminées par la présente loi.

Il peut l'être également par le Prince sur toute question portant sur l'organisation ou sur le fonctionnement de la justice.

Le haut conseil de la magistrature est saisi et statue en matière disciplinaire conformément aux dispositions du titre VII.

Article 22🔗

Le haut conseil de la magistrature est composé comme suit :

  • le directeur des services judiciaires, président ;

  • le premier président de la cour de révision, vice-président ;

  • un membre titulaire désigné par le conseil d'Etat ;

  • un membre titulaire désigné, hors de son sein, par le conseil national ;

  • un membre titulaire désigné, hors de son sein, par le tribunal suprême.

La cour de révision et les trois autres institutions susmentionnées désignent également un membre suppléant chargé de remplacer le membre titulaire en cas d'empêchement.

Les membres titulaires et suppléants sont désignés pour des périodes de quatre ans, renouvelables.

Article 23🔗

Les membres désignés du haut conseil de la magistrature ne peuvent avoir la qualité de magistrat, d'avocat, de fonctionnaire ou d'agent public, en activité.

Article 24🔗

La composition du haut conseil de la magistrature est publiée par ordonnance souveraine.

Article 25🔗

Les membres du haut conseil de la magistrature sont tenus d'une obligation de discrétion pour tout ce qui concerne les faits et informations dont ils ont connaissance dans l'exercice de leurs fonctions.

Article 26🔗

Les règles de fonctionnement du haut conseil de la magistrature sont fixées par ordonnance souveraine.

Titre IV - Recrutement🔗

Article 27🔗

La nomination aux premières fonctions judiciaires en qualité de magistrat référendaire est subordonnée aux conditions ci-après :

  • 1° - être de nationalité monégasque ;

  • 2° - être âgé d'au moins 23 ans accomplis ;

  • 3° - ne pas être privé de ses droits civils ou politiques ;

  • 4° - être de bonne moralité ;

  • 5° - avoir satisfait aux épreuves du concours prévu aux articles 28 et 29 ;

  • 6° - avoir suivi avec succès une formation théorique et pratique dans une école supérieure d'enseignement de langue française préparant aux fonctions de magistrat ;

  • 7° - avoir été reconnu physiquement apte à l'exercice de la fonction dans les conditions prévues pour les fonctionnaires de l'Etat.

Article 28🔗

Sont admis à concourir les candidats remplissant les conditions fixées aux chiffres 1, 3, 4 et 7 de l'article précédent, âgés d'au moins 21 ans accomplis et titulaires d'une maîtrise de droit délivrée par un établissement d'enseignement supérieur ou d'un diplôme juridique déclaré équivalent par le directeur des services judiciaires.

Article 29🔗

Le concours est ouvert par arrêté du directeur des services judiciaires.

Cet arrêté rappelle les conditions mentionnées à l'article précédent et mentionne en outre :

  • 1° - le nombre de postes mis au concours ;

  • 2° - les délais impartis pour présenter les candidatures et les pièces à produire à l'appui de celles-ci ;

  • 3° - l'indication du nombre, du programme, de l'objet et des conditions des épreuves écrites et orales, les coefficients de notation ainsi que la note moyenne minimale à obtenir ;

  • 4° - les noms et qualité des membres siégeant au jury qui comprend :

    • le premier président de la cour de révision ou le magistrat de cette cour délégué par lui, président ;

    • le premier président de la cour d'appel ou le magistrat de cette cour délégué par lui ;

    • le procureur général ou le magistrat du parquet général délégué par lui ;

    • le président du tribunal de première instance ou le magistrat du tribunal délégué par lui ;

    • une personnalité désignée, à raison de sa compétence, par le directeur des services judiciaires.

A la clôture des inscriptions, le directeur des services judiciaires fixe la liste des candidats admis à concourir ainsi que la date et le lieu des épreuves.

A l'issue des épreuves et au vu du procès-verbal établi par le jury, le directeur des services judiciaires en arrête le résultat et le classement par ordre de mérite des candidats.

Article 30🔗

Peuvent aussi être nommées en qualité de magistrat, les personnes remplissant les conditions fixées aux chiffres 1, 2, 3, 4 et 7 de l'article 27 et titulaires d'un au moins des diplômes mentionnés à l'article 28, que la compétence et 33

l'expérience dans le domaine juridique ou la pratique juridictionnelle qualifient pour l'exercice des fonctions judiciaires.

Article 31🔗

La nomination du magistrat référendaire et sa titularisation dans le grade correspondant interviennent par ordonnance souveraine sur le rapport du directeur des services judiciaires établi au vu des résultats du concours prévu aux articles 28 et 29 ou, dans le cas visé à l'article précédent, après avis du haut conseil de la magistrature.

Article 32🔗

Avant d'entrer en fonctions, tout magistrat prête le serment suivant :

« Je jure de respecter les institutions de la Principauté et de veiller à la juste application de la loi.

Je jure aussi de remplir mes fonctions en toute impartialité, avec diligence, d'observer les devoirs qu'elles m'imposent, de garder le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat ».

Le serment est prêté devant la cour d'appel. Toutefois, le premier président et les membres de la cour de révision, le premier président de la cour d'appel ainsi que le procureur général prêtent serment devant le Prince Souverain.

Titre V - Rémuneration et avantages sociaux🔗

Article 33🔗

Les grades du corps des magistrats, sont classés, hiérarchiquement dans des échelles indiciaires de traitement.

Le traitement indiciaire de base est celui fixé en application du statut des fonctionnaires de l'Etat.

Article 34🔗

Les magistrats ont droit, après service fait, à une rémunération comportant un traitement et des indemnités diverses.

Le traitement correspond au grade des intéressés et à l'échelon de l'échelle indiciaire dans laquelle ils sont classés.

Article 35🔗

Les magistrats ont droit ou ouvrent droit au profit de leurs ayants cause conformément à la législation en vigueur pour les fonctionnaires de l'Etat et dans les conditions générales d'attribution prévues pour ces fonctionnaires :

  • 1° - à des prestations familiales et à des avantages sociaux ;

  • 2° - à des prestations médicales, pharmaceutiques et chirurgicales ;

  • 3° - à une allocation d'assistance décès ;

  • 4° - à une pension de retraite.

Les magistrats bénéficiant d'une pension de retraite conservent le droit aux prestations prévues aux 1° et 2° à la condition qu'ils n'exercent aucune autre activité ouvrant droit aux mêmes prestations.

Titre VI - De l'avancement et du déroulement de carrière🔗

Article 36🔗

L'activité professionnelle de chaque magistrat fait l'objet d'une évaluation écrite tous les deux ans par le premier président de la cour d'appel ou le procureur général, selon qu'il relève du siège ou du parquet, après avoir recueilli tous avis utiles.

Les magistrats affectés à la direction des services judiciaires font l'objet d'une évaluation dans les mêmes conditions par le directeur des services judiciaires.

Les magistrats en position de détachement font l'objet d'une évaluation par l'administration ou l'organisme auprès duquel ils sont détachés.

Cette évaluation est communiquée au magistrat intéressé. Celui-ci peut présenter toutes observations écrites qui seront jointes à son dossier.

Article 37🔗

Les magistrats référendaires sont nommés, sur avis favorable du haut conseil de la magistrature, en qualité de juge ou de substitut du procureur général après trois ans dans le corps judiciaire.

Cette nomination intervient par ordonnance souveraine sur le rapport du directeur des services judiciaires.

Article 38🔗

L'avancement des magistrats comporte l'avancement d'échelon et l'avancement de grade.

Le nombre d'échelons que comprend chaque grade est fixé par ordonnance souveraine sur le rapport du directeur des services judiciaires.

Le magistrat accédant à un grade supérieur reçoit le traitement et les indemnités afférents à l'échelon qui lui est attribué dans l'échelle indiciaire du nouveau grade.

Article 39🔗

L'avancement d'échelon s'effectue en fonction de l'ancienneté.

Article 40🔗

S'effectue également à l'ancienneté l'avancement de grade entre les fonctions de juge ou de substitut du procureur général, relevant du troisième grade, et celles de premier juge ou de premier substitut relevant du deuxième grade. Toutefois, l'ancienneté requise pour cet avancement peut, compte tenu de l'évaluation prévue à l'article 36, être réduite par décision du directeur des services judiciaires sur avis du haut conseil de la magistrature, sans pour autant pouvoir être inférieure à quatre ans.

Les durées d'ancienneté sont fixées par ordonnance souveraine sur le rapport du directeur des services judiciaires.

Article 41🔗

Les magistrats du troisième ou du deuxième grade, justifiant d'une durée d'ancienneté fixée par ordonnance souveraine, peuvent être nommés aux fonctions de juge de paix.

De même, les magistrats du deuxième grade, justifiant d'une durée d'ancienneté fixée par ordonnance souveraine, peuvent être nommés aux fonctions du premier grade.

La nomination intervient par ordonnance souveraine sur le rapport du directeur des services judiciaires et après avis du haut conseil de la magistrature.

Article 42🔗

La nomination aux emplois hors hiérarchie n'est soumise à aucune condition d'ancienneté.

Elle intervient par ordonnance souveraine sur le rapport du directeur des services judiciaires et après avis du haut conseil de la magistrature.

Titre VII - De la discipline des magistrats🔗

Article 43🔗

Tout manquement, par un magistrat, à ses obligations statutaires, aux devoirs de son état ainsi qu'à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité que requièrent ses fonctions constitue une faute susceptible de poursuites disciplinaires.

Article 44🔗

En dehors de toute action disciplinaire, un magistrat peut, en cas de négligence professionnelle, faire l'objet, de la part du président de la juridiction dont il relève, du procureur général s'il est affecté au parquet général, ou du directeur des services judiciaires s'il est placé auprès de lui, d'un rappel à ses obligations.

Le président de la juridiction ou le procureur général en avise le directeur des services judiciaires.

Article 45🔗

Le magistrat ayant, dans l'exercice de ses fonctions, commis une faute au sens de l'article 43, peut faire l'objet de poursuites disciplinaires susceptibles d'aboutir, dans le respect de l'article 20, au prononcé de l'une des sanctions ci-après énumérées :

  • 1° - la réprimande avec inscription au dossier ;

  • 2° - l'abaissement d'échelon ;

  • 3° - la rétrogradation ;

  • 4° - l'exclusion de toutes fonctions judiciaires pour une durée maximale d'un an ;

  • 5° - la mise à la retraite d'office ;

  • 6° - la révocation.

De plus, une exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois mois peut être prononcée à titre de sanction complémentaire à celles prévues aux chiffres 2° et 3°.

Article 46🔗

Le pouvoir disciplinaire à l'égard des magistrats est exercé par le directeur des services judiciaires et par le haut conseil de la magistrature.

Article 47🔗

Le directeur des services judiciaires, s'il ne se saisit lui-même, est saisi par la dénonciation des faits motivant les poursuites disciplinaires à l'encontre d'un magistrat.

Cette dénonciation lui est adressée, selon le cas, par le premier président de la cour d'appel, par le président du tribunal de première instance ou par le procureur général.

Article 48🔗

Au vu des faits dénoncés, le directeur des services judiciaires peut prononcer la réprimande avec inscription au dossier.

Lorsqu'il estime que sont encourues d'autres sanctions, le directeur des services judiciaires saisit le haut conseil de la magistrature qui prononce, s'il y a lieu, l'une de celles prévues à l'article 45.

Article 49🔗

En matière disciplinaire, le haut conseil de la magistrature siège hors la présence du directeur des services judiciaires. Il est présidé par le premier président de la cour de révision et complété du premier président de la cour d'appel ou, le cas échéant, de son vice-président.

Le procureur général présente ses conclusions écrites.

Article 50🔗

Le magistrat poursuivi est convoqué devant le haut conseil de la magistrature par lettre du greffe général, indicative de son objet et fixant la date de la comparution.

A défaut de comparution et de justification d'un motif légitime d'empêchement, le haut conseil de la magistrature statue en l'absence de l'intéressé.

Article 51🔗

Le dossier de la poursuite et les conclusions écrites du procureur général sont, avant tout débat, communiquées par celui-ci au magistrat poursuivi et, si ce dernier le demande, un délai d'au moins quinze jours francs lui est accordé pour présenter une argumentation par écrit.

Article 52🔗

Le magistrat poursuivi peut se faire assister d'un avocat-défenseur ou d'un avocat monégasque ou étranger.

Article 53🔗

La décision du haut conseil de la magistrature est motivée. Elle est signée par tous les membres ayant pris part à la délibération et transcrite par le greffe général dans un registre spécial.

Article 54🔗

Les décisions du haut conseil de la magistrature prononçant l'abaissement d'échelon, la rétrogradation, l'exclusion de toutes fonctions judiciaires, la mise à la retraite d'office et la révocation sont rendues exécutoires par ordonnance souveraine.

Article 55🔗

L'exercice de l'action et le prononcé des peines disciplinaires ne mettent point obstacle aux poursuites pénales que le ministère public ou les parties intéressées pourraient intenter devant les tribunaux compétents.

Article 56🔗

Indépendamment de l'action disciplinaire, un magistrat peut, lorsque l'urgence le justifie, être suspendu de ses fonctions par le directeur des services judiciaires après avis du premier président de la cour d'appel et du procureur général.

La décision prononçant la suspension doit être motivée et préciser soit que l'intéressé conserve, pendant le temps où il est suspendu, le bénéfice de son traitement, soit qu'il fait l'objet d'une retenue dont la quotité ne peut excéder la moitié du traitement.

Si la situation du magistrat suspendu n'est pas définitivement réglée dans un délai de quatre mois à compter du jour où la décision de suspension a pris effet, l'intéressé reçoit à nouveau l'intégralité de son traitement, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales.

Si le magistrat n'a subi aucune sanction ou n'a été l'objet que de l'une de celles énoncées aux chiffres 1 et 2 de l'article 45 ou si, à l'expiration du délai de quatre mois, il n'a pas été statué sur son cas, l'intéressé a droit au remboursement des retenues opérées sur son traitement.

Toutefois, lorsqu'il est l'objet de poursuites pénales, sa situation n'est définitivement réglée qu'après que la décision juridictionnelle soit devenue définitive.

Article 57🔗

L'exclusion temporaire de fonctions mentionnée à l'article 45 ainsi que la mesure de suspension prévue à l'article précédent n'emportent pas la suspension des prestations familiales, médicales, pharmaceutiques et chirurgicales, des avantages sociaux ainsi que des allocations d'assistance-décès ou des pensions de retraite.

Article 58🔗

Le magistrat qui a fait l'objet d'une sanction disciplinaire mais qui n'a pas été mis à la retraite d'office ou révoqué peut, après cinq années en cas de réprimande ou dix années pour toute autre sanction, demander au directeur des services judiciaires que toute trace de la sanction soit retirée de son dossier.

Le directeur des services judiciaires se prononce après avoir entendu, s'il le demande, l'intéressé, le président de la juridiction dont il relève ou le procureur général.

Titre VIII - Des positions🔗

Article 59🔗

Les magistrats sont placés dans une des positions suivantes :

  • 1° - l'activité en juridiction ou par affectation auprès du directeur des services judiciaires ;

  • 2° - le service détaché ;

  • 3° - la disponibilité.

Article 60🔗

Les dispositions du statut général des fonctionnaires de l'Etat concernant les positions ci-dessus énumérées s'appliquent aux magistrats dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux règles statutaires du corps judiciaire et sous réserve des dérogations suivantes :

  • le détachement et la disponibilité sont prononcés à la demande de l'intéressé par ordonnance souveraine sur le rapport du directeur des services judiciaires et après avis du haut conseil de la magistrature ;

  • à l'expiration du détachement ou de la disponibilité, en l'absence de vacance d'emploi dans son grade, le magistrat est réintégré en surnombre dans un emploi correspondant audit grade.

Titre IX - Cessation de fonctions🔗

Article 61🔗

La cessation définitive des fonctions entraînant la perte de la qualité de magistrat résulte :

  • 1° - de la démission acceptée ;

  • 2° - de l'admission à la retraite ;

  • 3° - de la mise à la retraite d'office ;

  • 4° - de la révocation.

Article 62🔗

La démission ne peut résulter que d'une demande écrite de l'intéressé marquant sa volonté non équivoque de quitter le corps judiciaire.

La démission est acceptée, s'il y a lieu, par ordonnance souveraine sur le rapport du directeur des services judiciaires et prend effet à la date que celle-ci fixe sans pouvoir excéder une année à compter de la remise de la demande.

L'acceptation de la démission la rend irrévocable.

Article 63🔗

La démission ne fait pas obstacle à l'exercice de l'action disciplinaire même en raison des faits qui n'auraient été révélés qu'après son acceptation.

Article 64🔗

Le magistrat peut se voir conférer l'honorariat après sa mise à la retraite, par ordonnance souveraine, sur le rapport du directeur du services judiciaires, après avis du haut conseil de la magistrature.

L'honorariat peut être retiré, dans les mêmes formes, au cas où l'intéressé exercerait une activité incompatible avec la qualité de magistrat honoraire ou manquerait à la réserve qu'impose la dignité de la fonction judiciaire.

Le magistrat honoraire demeure attaché, en cette qualité, à la juridiction à laquelle il appartenait et peut assister, en costume d'audience, aux cérémonies solennelles de cette juridiction ou du corps judiciaire. Il prend rang à la suite des magistrats du même grade.

Titre X - Dispositions diverses🔗

Article 65🔗

Le présent statut est applicable aux membres de la cour de révision et aux magistrats détachés auprès de la justice monégasque en vertu de conventions ou d'accords internationaux, sauf en ses dispositions incompatibles avec lesdites conventions ou le statut propre des intéressés.

Article 66🔗

Sont abrogées toutes dispositions contraires à la présente loi.

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