Projet de loi n° 674 réglementant les sondages d'opinion

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Exposé des motifs🔗

Les sondages d'opinion occupent de nos jours dans nos moyens d'information une place que d'aucuns qualifieraient de démesurée, au point qu'un sondage peut devenir l'événement lui­ même en lieu et place du sujet principal auquel il se rapporte et sur lequel il est censé n'apporter qu'un élément d'information parmi d'autres.

Le grand public attribue en général aux sondages une portée qu'ils n'ont pas, sentiment qui s'explique par la présentation qu'en font la plupart des médias et qui leur confère cette aura de précision scientifique et de vérité quasi infaillible. Or, par exemple, ceux-ci omettent le plus souvent de préciser, ce que dans le Pays voisin la commission des sondages tente vainement de rappeler, que tout sondage comporte une marge d'erreur non négligeable, à prendre d'autant plus en considération que les écarts entre les résultats chiffrés obtenus sont faibles. Mais, il est évident que pour des raisons commerciales il est plus intéressant de présenter les résultats d'un sondage de cette manière, notamment en matière électorale, en raison de l'effet d'annonce attendu. D'ailleurs, certains présentent même les résultats avec des décimales qui n'ont, du fait de la marge d'incertitude, aucune signification réelle. Au surplus, les résultats publiés sont souvent différents des résultats bruts obtenus lors de l'enquête, ceux-ci ayant fait l'objet d'une pondération par l'institut de sondage par application de techniques de redressement dont il convient de s'assurer du sérieux.

Si les sondages constituent des moyens d'information précieux lorsqu'ils sont utilisés à bon escient et qu'il ne leur est pas accordé une importance supérieure à celle qui leur revient réellement, à savoir une photographie, quelque peu imprécise, de l'état de l'opinion publique à un instant donné, il convient néanmoins de s'assurer qu'ils ne sont pas manipulateurs de l'opinion. Ils peuvent en effet créer un sentiment de fatalité puisque les résultats d'une élection sont perçus comme étant annoncés d'avance, exercer une action sur l'électeur et amplifier ou réduire un mouvement d'opinion ; ils tendent par trop dans l'esprit des électeurs à devenir un élément d'appréciation déterminant se substituant à la réalité. La possibilité qu'ils offrent ainsi d'influencer l'opinion est bien réelle.

Les sondages font appel à des techniques complexes que celui qui les réalise doit bien maîtriser : choix de l'échantillon, collecte des réponses, technique de redressement des résultats bruts, etc. La formulation des questions peut aussi, de manière insidieuse, provoquer des réponses qui n'auraient pas forcément été obtenues avec une formulation différente.

En outre se pose dans la Principauté un autre problème, celui du nombre relativement réduit des habitants. Il est clair qu'il convient de s'opposer à un sondage qui porterait sur l'ensemble de la population, l'enquête tenant alors plus du référendum déguisé que du sondage.

Aussi convient-il, dans le respect des principes constitutionnels, de veiller au sérieux de la réalisation des sondages et de leur présentation de manière à assurer une information objective et transparente, de garantir la protection des libertés individuelles et notamment de préserver la vie privée et l'anonymat des personnes interrogées, en bref de prévenir les abus auxquels les sondages peuvent donner lieu.

Le présent projet de loi s'inscrit dans le droit fil de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993 réglementant les traitements d'informations nominatives, ainsi que de la loi n° 1.109 du 16 décembre 1987 concernant la protection de la vie privée et familiale, et participe de la volonté de doter la Principauté d'un ensemble cohérent de règles protectrices des libertés individuelles et de la vie privée et familiale.

Sous le bénéfice des observations générales, les dispositions proposées suscitent les commentaires ci-après :

Article premier. - Il énonce, sous forme de principe général, le concept dominant de la loi : l'obligation de soumettre tout sondage d'opinion, avant sa réalisation, à une procédure de déclaration, auprès de l'organisme compétent.

Article 2. - Il institue, auprès du Ministre d'État, un organe, la commission des sondages, et en détermine les missions, dont la principale consiste à contrôler la conformité aux dispositions de la loi et des textes d'application, d'une part, de la réalisation des sondages d'opinion, d'autre part, de leur publication ou diffusion, laquelle revêt, outre les formes classiques de publication dans des journaux ou revues et la diffusion télévisuelle ou radiophonique, toute autre forme de publication ou de diffusion, notamment par des procédés informatiques tels que le réseau Internet.

La commission des sondages dispose d'un ensemble complet et cohérent de prérogatives, destiné à lui permettre l'exercice d'un véritable contrôle en vue d'assurer la qualité et l'objectivité des sondages et de garantir l'anonymat des personnes interrogées.

Articles 3 à 5. - La composition de la commission des sondages et le mode de désignation de ses membres, fixés par les présents articles, lui confèrent l'autorité et l'indépendance requises.

Sont imposées à ces membres ainsi qu'à toutes personnes dont ils s'assurent le concours les obligations traditionnelles des membres et collaborateurs d'instances administratives : le secret professionnel, dont la méconnaissance est pénalement réprimée, ainsi qu'une obligation plus générale de discrétion.

En outre, une incompatibilité est instaurée entre les fonctions de membre de la commission et le fait d'avoir des intérêts directs ou indirects dans un organisme de sondage ou un organe d'information, de manière à garantir au mieux l'indépendance et l'impartialité de la commission.

Article 6. - Il concerne la saisine de la commission des sondages. Il importe que, compte tenu du rôle essentiel de la commission au regard de l'effectivité du dispositif légal projeté, les administrés puissent la saisir aisément. La commission appréciera bien entendu souverainement les suites à donner aux demandes motivées qui lui seront adressées.

Articles 7 et 8. - Le premier détermine les mentions qui doivent être précisées dans la déclaration afin de permettre à la commission des sondages de vérifier que les objectifs poursuivis par la loi ne sont pas méconnus. Cette énonciation s'inspire largement des modalités figurant dans des lois en vigueur à l'étranger.

L'effectivité du dispositif projeté nécessitant que le contrôle de la commission puisse s'exercer tout au long de l'existence du sondage, le second article énonce que toute modification dans l'une de ces mentions doit faire l'objet d'une déclaration complémentaire.

Articles 9 et 10. - Ces articles soumettent les sondages à un régime de déclaration préalable assortie d'un pouvoir d'interdiction administrative. Ce procédé constitue un système intermédiaire entre celui de la déclaration préalable de type classique et celui de l'autorisation préalable. Il constitue une innovation dans la Principauté, les textes actuellement en vigueur ne prévoyant que ces deux derniers régimes.

Articles 11 et 12. - Ces articles interdisent la réalisation de certains sondages.

Le premier fait référence à des valeurs et des principes fondamentaux de la Principauté en application desquels une protection est traditionnellement prévue par les textes monégasques ; cet article est ainsi à rapprocher, notamment, des articles 3, 9 et 23 de la Constitution, de l'article 988 du Code civil, des articles 58 à 60 du Code pénal, du chapitre II de l'Ordonnance du 3 juin 1910 sur la liberté de la presse, de l'article 3 de l'Ordonnance du 23 décembre 1915 sur l'affichage, ou de l'article 5 de la loi n° 1.072 du 27 juin 1984 concernant les associations.

En revanche, le second article innove en instaurant dans la Principauté l'interdiction de la réalisation des sondages électoraux dans une période déterminée précédant les dates où se déroulent les élections.

Dans un cas comme dans l'autre l'interdiction vise la réalisation même du sondage en cause, et non uniquement sa publication ou sa diffusion, évitant ainsi une situation singulièrement hypocrite où serait établie une distinction peu justifiable entre, par exemple, personnes informées des résultats d'un sondage électoral réalisé quelques jours avant un scrutin, dont la publication et la diffusion seraient interdites et personnes non informées en raison même de cette interdiction. Au surplus, eu égard à la situation particulière de la Principauté, un tel sondage, une fois réalisé, pourrait être connu d'une grande partie de la population, qui plus est en ne manquant pas de subir au cours de sa propagation d'inévitables et importantes altérations quant à son contenu réel, inhérentes à la nature même de cette propagation.

Articles 13 à 15.- Ces articles traitent plus particulièrement des règles gouvernant la publication et la diffusion des sondages, quelle que puisse être la nature ou le support de cette publication ou diffusion, y compris par des moyens informatiques.

La portée des résultats des sondages ne doit pas être altérée. Il serait vain, en effet, de s'assurer que les sondages sont réalisés dans les règles de l'art si les résultats sont par la suite dénaturés par l'organe de presse qui en fait état.

Dans un souci de transparence, la publication, de même que la diffusion, d'un sondage doit obligatoirement s'accompagner de certaines indications. Cette règle s'impose non seulement à l'organe d'information qui rend publics les résultats d'un sondage, mais aussi à tous ceux qui reprendraient ces résultats, même partiellement. De même, cette disposition a pour conséquence importante qu'à défaut des mentions imposées par la loi, la publication, ainsi que la diffusion, d'un sondage est interdite.

Par ailleurs, la publication, comme la diffusion, de sondages réalisés en violation de la loi est bien évidemment interdite. Il n'est pas concevable en effet qu'un sondage réalisé en violation de l'article 11 puisse être publié ou diffusé impunément.

Articles 16 à 24. - Ils établissent les principes régissant la réalisation des sondages d'opinion, en vue d'en assurer l'objectivité, la qualité et la transparence, ainsi que de garantir la protection de la vie privée et de l'anonymat des personnes interrogées. Ces dispositions constituent en quelque sorte un code de bonne conduite des organismes de sondage. Il a cependant été estimé opportun de donner une valeur législative à ces règles eu égard à l'importance qu'il convient de leur accorder et aux buts poursuivis par le présent projet de loi.

L'article 23 a été conçu dans un souci de protection des libertés individuelles et vise à assurer un strict respect de la confidentialité de l'identité des personnes ayant répondu à un sondage et des réponses qu'elles ont pu donner à cette occasion. Il est expressément interdit de divulguer ces informations, de quelque façon que ce soit, ces derniers termes ayant été employés de manière à permettre d'englober tous les moyens de communication, existants ou à venir, et notamment l'informatique. C'est ainsi que tombe sous le coup de la loi une divulgation au moyen aussi bien d'une simple lettre que du réseau Internet. De même, cet article prévoit la destruction de tout document mentionnant l'identité de ces personnes, quelle que soit la nature du support de ce document, de manière à englober toute forme de conservation de ces informations papier, bande magnétique, microfilm, disque dur d'un ordinateur, disquette, CD-ROM, etc.

Articles 25 à 27. - Ces articles prévoient les modalités de contrôle applicables par la commission des sondages pour s'assurer du respect de la loi et des textes d'application. La commission est dotée de pouvoirs d'investigation qui lui permettent d'exercer effectivement ses missions, en toute indépendance, et dans le respect des droits des administrés. Ces opérations de contrôle sont en effet entourées de garanties comparables à celles accordées aux administrés lors de vérifications effectuées en application de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 concernant certaines activités économiques et juridiques ou de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993 réglementant les traitements d'informations nominatives. Si la commission l'estime utile, ces investigations peuvent se dérouler au cours même de la réalisation du sondage.

Article 28. - Indépendamment des investigations susvisées que la commission peut entreprendre, cet article prévoit une autre forme de contrôle pour qu'elle puisse s'assurer du respect de la loi et des textes d'application, contrôle de plano cette fois : dès qu'un sondage a été réalisé, un certain nombre d'éléments d'information doivent être communiqués d'office à la commission des sondages, dont l'examen lui permet d'opérer un tri entre les sondages qui ne présentent pas a priori d'anomalies et ceux qui nécessitent une intervention de sa part. Le contenu de cette notice est inspiré de celui prévu par l'article 3 de la loi française n° 77-808 du 19 juillet 1977.

Articles 29 à 31. - Ces articles énoncent les sanctions administratives prévues. Celles-ci sont de deux types.

Les premières, prévues par l'article 29, consistent en des mises au point émanant de la commission des sondages, dont la publication ou la diffusion peut, dans l'hypothèse où le sondage en cause en aurait fait l'objet, être imposée dans les mêmes conditions insertion à la même place et en mêmes caractères pour une publication, conformément aux règles concernant le droit de réponse posées par l'article 10 de l'Ordonnance du 3 juin 1910 sur la liberté de la presse, et conditions d'écoute équivalentes pour une diffusion à l'antenne.

L'objet premier de ces mises au point est de mettre en garde l'opinion publique contre un sondage dont les résultats ou la présentation sont sujets à caution. Elles peuvent prendre la forme de simples mises en garde à titre préventif, comporter des réserves plus ou moins précises et, dans les cas les plus graves, constituer une condamnation de principe des pratiques en cause. Elles sont susceptibles d'être déférées au juge de l'excès de pouvoir, à savoir le Tribunal Suprême.

Ces mises au point peuvent être, notamment, efficacement utilisées en cas d'observations relatives aux dispositions énoncées aux sections V et VI. Ce type d'intervention de la commission procède essentiellement d'un contentieux de notoriété ; des mises au point réitérées à l'encontre d'un organisme de sondage terniraient son image de marque et risqueraient de lui faire perdre une partie de sa clientèle, d'autant que ces organismes sont peu nombreux ; il en est de même, bien que dans une moindre mesure, pour un organe d'information dont les concurrents pourraient se faire l'écho des insuffisances relevées par une commission impartiale. La commission jouera, de ce point de vue, un rôle de dissuasion morale efficace.

Les secondes, prévues par l'article 30, permettent au Ministre d'État de prendre les mesures qu'il estime appropriées pour faire cesser les irrégularités relevées par la commission ou pour en supprimer les effets. L'objectif de suppression des effets d'une irrégularité permettrait par exemple de s'opposer à la diffusion sur un réseau informatique d'un sondage électoral réalisé quelques jours avant un scrutin en violation de l'article 12.

Ces pouvoirs très étendus doivent ainsi permettre de réagir efficacement et à bref délai à tous types de situation, et les mesures prises sur la base de cet article peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge judiciaire dont la procédure de référé garantit la rapidité de la décision. Cette solution, laquelle offre à la fois l'efficacité, grâce à la promptitude de l'intervention administrative, et toutes les garanties judiciaires, s'inspire de celle prévue à l'article 11 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 concernant l'exercice de certaines activités économiques et juridiques.

Enfin, les dispositions de l'article 31 autorisent plus particulièrement le Ministre d'État à ordonner la saisie de publications qui auraient rendu public un sondage en violation des dispositions légales et réglementaires, disposition pour laquelle il a été estimé opportun de prévoir un article spécifique étant donné qu'elle a trait à la liberté de la presse.

Articles 32 à 37. - Ces articles édictent les peines applicables à des faits délictueux précisément définis.

Eu égard à la nature des infractions, il n'est pas apparu opportun de prévoir des peines privatives de liberté, et seules des peines d'amende ont été retenues.

La plupart des infractions à la présente loi sont ainsi punies de l'amende prévue au chiffre 3° de l'article 26 du Code pénal, soit actuellement une amende de 5.000 à 30.000 F. Quant aux infractions les plus graves, c'est-à-dire celles concernant, d'une part, les prohibitions édictées à la section IV, d'autre part, le non-respect, en pleine connaissance de cause, de l'anonymat des personnes interrogées, elles sont punies de l'amende prévue au chiffre 4° de l'article 26 du Code pénal, soit le taux le plus élevé actuellement édicté, en matière correctionnelle, par le Code pénal, à savoir présentement une amende de 10.000 à 150.000 F.

Par ailleurs, le texte permet au juge, afin de rendre la peine effective et dissuasive, de condamner, solidairement avec son représentant statutaire, une personne morale de droit privé au paiement de l'amende prononcée à l'encontre de ce dernier, à l'instar des dispositions prévues au chiffre 3° de l'article 13 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 concernant certaines activités économiques et juridiques, ainsi qu'à l'article 23 de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993 réglementant les traitements d'informations nominatives.

De même, et toujours dans un but dissuasif, en cas de récidive dans un délai de cinq ans, le taux de l'amende prévue est doublé, à l'exemple des dispositions de l'article 17 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 concernant certaines activités économiques et juridiques.

En outre, la décision de justice pourra être publiée ou diffusée dans les mêmes conditions que le sondage en cause.

Ce dispositif permet ainsi, d'une part, de laisser au tribunal la possibilité d'adapter le quantum de l'amende à la gravité des faits reprochés, d'autre part, de donner au texte un caractère dissuasif, le motif non avoué de la publication de sondages, notamment électoraux, étant souvent d'ordre purement économique.

Enfin, le projet prévoit la confiscation et la destruction des documents relatifs à l'identité des personnes interrogées et aux réponses qu'elles ont fournies, dans l'hypothèse où ceux-ci auraient été conservés au-delà du délai prévu au dernier alinéa de l'article 23. Le tribunal devra faire procéder à la destruction de ces documents au plus tôt, dès que leur conservation en tant que pièces à conviction ne sera plus nécessaire.

Tel est l'objet du présent projet de loi.

Dispositif🔗

Section I : Dispositions générales🔗

Article 1er🔗

La réalisation de tout sondage d'opinion est subordonnée à une déclaration préalable souscrite auprès de la commission des sondages.

Section II : De la commission des sondages🔗

Article 2🔗

Il est institué auprès du Ministre d'État une commission des sondages qui est chargée :

  • 1°) de recevoir et d'examiner la déclaration visée à l'article premier, dans les conditions prévues à la section III ;

  • 2°) de contrôler que la réalisation, la publication ou la diffusion de sondages d'opinion ont été effectuées conformément aux dispositions de la présente loi et des textes pris pour son application ;

  • 3°) de donner un avis sur toute question relative aux sondages d'opinion que lui soumettrait le Ministre d'État ;

  • 4°) d'étudier et de proposer, s'il y a lieu, les règles supplémentaires, à édicter par ordonnance souveraine, tendant à assurer la qualité et l'objectivité des sondages d'opinion et à garantir l'anonymat des personnes interrogées ;

  • 5°) de faire tous rapports sur l'application des dispositions de la présente loi et des textes pris pour son application.

Le Ministre d'État peut, sur avis motivé de la commission des sondages, faire publier au Journal de Monaco tout communiqué ou toutes mises au point émanant de ladite commission.

Article 3🔗

La commission des sondages comprend quatre membres titulaires et quatre membres suppléants.

Sa composition est fixée ainsi qu'il suit :

  • un membre du Conseil d'État et son suppléant, proposés par le Président de cette Assemblée ;

  • un magistrat de la Cour d'Appel et son suppléant, proposés par le Directeur des Services Judiciaires ;

  • un représentant du Secrétariat Général du Ministère d'État et son suppléant, proposés par le Ministre d'État ;

  • un représentant du Département de l'Intérieur et son suppléant, proposés par le Ministre d'État.

Article 4🔗

Les membres de la commission des sondages sont nommés pour trois ans, par une ordonnance souveraine qui, parmi les membres titulaires, désigne le président, lequel a voix prépondérante. Ils peuvent être renouvelés dans leurs fonctions.

Les règles de fonctionnement de la commission sont fixées par ordonnance souveraine.

Les membres de la commission ainsi que toute personne dont elle s'assure le concours sont tenus au secret professionnel dans les conditions prévues à l'article 308 du Code pénal. Ils sont, en outre, liés par l'obligation de discrétion pour tout ce qui concerne les faits et informations dont ils ont connaissance dans l'exercice de leurs fonctions.

Les membres de la commission ne peuvent, aussi longtemps qu'ils exercent leurs fonctions et dans un délai de cinq ans suivant la cessation de celles-ci, avoir des intérêts directs ou indirects dans un organisme de sondage ou un organe d'information.

Article 5🔗

La commission des sondages peut entendre ou se faire assister de toute personne de son choix.

Article 6🔗

La commission des sondages peut être saisie par une demande signée adressée à son président par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal à l'occasion de la réalisation, de la publication ou de la diffusion d'un sondage d'opinion. Elle peut également se saisir d'office.

La demande doit préciser les motifs pour lesquels le demandeur prétend que le sondage contrevient aux dispositions de la présente loi et des textes pris pour son application. Elle doit comporter toutes indications utiles concernant la réalisation, la publication ou la diffusion du sondage.

Section III : De la déclaration de réalisation d'un sondage🔗

Article 7🔗

La déclaration prévue à l'article premier doit, pour être recevable, comporter

  • 1°) l'objet du sondage ;

  • 2°) le nom et la domiciliation de l'organisme chargé de réaliser le sondage ;

  • 3°) le nom et la qualité de l'acheteur du sondage ;

  • 4°) le nombre de personnes qui seront interrogées ;

  • 5°) la ou les dates auxquelles l'enquête aura lieue ;

  • 6°) le texte intégral des questions qui seront posées ;

  • 7 °) d'une maniere générale, la méthode envisagée pour réaliser le sondage, notamment :

  • le choix et la composition de l'échantillon ;

  • la méthode de collecte des réponses ;

  • la technique de redressement des résultats bruts éventuellement employée ;

  • 8 °) le cas échéant, le nom de la personne ou de l'organe d'information qui publiera ou diffusera le sondage, ainsi que la date prévue pour cette publication ou diffusion.

Article 8🔗

Toute modification intervenant dans l'un des éléments énoncés à l'article précédent doit faire l'objet d'une déclaration complémentaire.

Les dispositions prévues aux articles 9 et 10 sont applicables.

Article 9🔗

La déclaration prévue à l'article premier est déposée auprès du Président de la commission des sondages, qui en délivre récépissé.

Sauf opposition dûment motivée, notifiée par le Ministre d'État, sur avis motivé de la commission des sondages, dans le délai de huit jours à compter de la réception de la déclaration, le sondage peut être réalisé et, s'il y a lieu, publié ou diffusé, sous réserve, le cas échéant, du respect des prescriptions notifiées dans les mêmes conditions.

Sur avis motivé de la commission des sondages, le Ministre d'État peut ainsi, notamment :

  • faire modifier le questionnaire, en vue d'une meilleure formulation des questions dont le sens apparaîtrait ambigu, ou qui pourraient induire en erreur les personnes interrogées ou orienter les réponses ;

  • faire supprimer les questions contraires aux dispositions de la présente loi et des textes pris pour son application ;

  • faire modifier la méthode prévue pour le sondage ;

  • prescrire que les résultats du sondage soient présentés, lors de leur publication ou diffusion, sous forme de fourchettes d'estimation ;

  • faire accompagner diffusion du sondage d'un commission des sondages.

Article 10🔗

Le Président de la commission des sondages peut demander la communication de tous documents ou renseignements complémentaires qu'il estimerait utiles.

Le délai au terme duquel le sondage peut être réalisé court alors à compter de la réception par la commission des documents ou renseignements complémentaires réclamés.

Section IV : De la prohibition de certains sondages🔗

Article 11🔗

Est prohibée la réalisation de tout sondage d'opinion ayant un rapport direct ou indirect avec le Prince ou les membres de Sa Famille, ainsi que de tout sondage d'opinion susceptible de porter atteinte à l'Église catholique, apostolique et romaine, à la liberté des cultes, aux Institutions ou aux relations de la Principauté avec les États souverains, et, d'une manière générale, la réalisation de tout sondage d'opinion contraire aux bonnes moeurs ou à l'ordre public.

Article 12🔗

Est prohibée la réalisation, la publication et la diffusion, par quelque moyen que ce soit, de tout sondage d'opinion ayant un rapport direct ou indirect avec une élection du Conseil National ou du Conseil Communal, pendant les quinze jours qui précèdent le premier tour de scrutin ainsi que, s'il y a lieu, pendant la période qui sépare les deux tours de scrutin. Cette interdiction s'applique aux jours où se déroule le scrutin.

En dehors de ces périodes, les sondages d'opinion ayant un rapport direct ou indirect avec une élection du Conseil National ou du Conseil Communal ne peuvent être réalisés qu'auprès de personnes de nationalité monégasque.

Section V : De la publication et de la diffusion des sondages🔗

Article 13🔗

La publication et la diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'un sondage d'opinion réalisé en violation des dispositions de la présente loi et des textes pris pour son application sont interdites.

Article 14🔗

Les personnes ou organes d'information qui publient ou diffusent un sondage d'opinion ne doivent pas altérer la portée des résultats obtenus.

Article 15🔗

La publication et la diffusion de tout sondage d'opinion doivent être accompagnées des indications suivantes, établies sous la responsabilité de l'organisme qui l'a réalisé :

  • 1°) le nom de l'organisme ayant réalisé le sondage ;

  • 2°) le nom et la qualité de l'acheteur du sondage ;

  • 3°) le nombre de personnes interrogées ;

  • 4°) la ou les dates auxquelles l'enquête a eu lieue ;

  • 5°) l'indication de la marge d'erreur statistique, à moins que les résultats ne soient présentés sous forme de fourchettes d'estimation ;

  • 6°) la proportion des personnes n'ayant pas répondu à chacune des questions ;

  • 7°) le texte intégral des questions qui ont été posées aux personnes interrogées.

Section VI : De la qualité et de l'objectivité des sondages, et de la protection de l'anonymat des personnes interrogées🔗

Article 16🔗

Les opérations concourant à la réalisation, à la publication et à la diffusion de sondages d'opinion doivent être effectuées de manière à en assurer la qualité et l'objectivité, ainsi qu'à garantir l'anonymat des personnes interrogées.

Article 17🔗

L'échantillon des personnes interrogées doit être représentatif de l'ensemble des catégories sur lesquelles porte l'enquête.

Article 18🔗

Les questions posées ne doivent pas être de nature à induire en erreur les personnes interrogées ou à orienter les réponses.

Le choix des enquêteurs et les instructions données à ceux-ci ne doivent pas être de nature à fausser les résultats de l'enquête.

Article 19🔗

La durée de l'enquête ne doit pas excéder un délai tel que ses résultats ne puissent plus être regardés comme homogènes.

Article 20🔗

Les redressements des résultats bruts de l'enquête éventuellement opérés ne doivent pas avoir pour effet d'affecter la sincérité des résultats du sondage.

Article 21🔗

Le travail des enquêteurs doit être régulièrement contrôlé par l'organisme de sondage. Celui-ci doit s'assurer que l'enquête est exécutée conformément aux instructions qu'il a données et aux dispositions de la présente loi et des textes pris pour son application.

Article 22🔗

La personne interrogée doit être informée du nom de l'organisme qui réalise le sondage, ainsi que du nom et de la qualité de l'acheteur du sondage.

L'enquêteur doit rappeler à cette personne qu'elle est en droit de ne pas répondre et de mettre fin à tout moment à l'entretien.

Article 23🔗

L'organisme de sondage est tenu de prendre les mesures propres à préserver la confidentialité de l'identité des personnes interrogées et des réponses qu'elles ont fournies.

La divulgation de ces informations, de quelque façon que ce soit, est interdite.

Sous réserve des dispositions de l'article 24, tout document, quelle que soit la nature de son support, mentionnant l'identité des personnes interrogées doit être détruit au terme d'un délai de deux mois à compter de la fin de l'enquête.

Article 24🔗

L'organisme qui réalise un sondage d'opinion doit conserver et tenir à la disposition de la commission des sondages, pendant une durée de deux mois à compter de la fin de l'enquête, les documents permettant de vérifier l'objectivité et la qualité du sondage, notamment :

  • les détails du plan d'échantillonnage et de l'échantillon réel ;

  • la liste des enquêteurs, les instructions qui leur ont été données et les contrôles effectués ;

  • les réponses recueillies et les autres documents établis au cours de l'enquête ;

  • les documents relatifs au traitement des réponses ;

  • les résultats bruts du sondage et, le cas échéant, les redressements effectués ;

  • les contrats de vente de sondage.

Le délai prévu à l'alinéa précédent peut être prolongé par décision du Ministre d'État, sur avis motivé de la commission des sondages, lorsqu'il l'estime nécessaire pour que la commission procède à la vérification d'un sondage.

Section VII : Du contrôle de la réalisation, de la publication et de la diffusion des sondages🔗

Article 25🔗

La commission des sondages procède aux investigations nécessaires au contrôle de la mise en œuvre de la présente loi et des textes pris pour son application.

Les membres de la commission, munis d'un titre attestant leur identité et leur qualité, peuvent, dans les conditions prévues à l'article 26, accéder aux locaux, et procéder, sur pièces ou sur place, à toutes opérations de vérification nécessaires. Ils peuvent, pour ce faire, demander communication ou copie de tout document professionnel et recueillir auprès de toute personne compétente, sur convocation ou sur place, les renseignements utiles à leur mission.

Article 26🔗

La visite de locaux et les opérations de vérification sur place ne peuvent avoir lieu qu'entre six et vingt-et-une heures et en présence de l'occupant des lieux ou, à défaut, d'un officier de police judiciaire requis à cet effet.

À l'issue de la visite et des opérations de vérification sur place, un compte-rendu est établi. Un exemplaire est remis à l'occupant des lieux.

Article 27🔗

Lorsqu'ils constatent des faits de nature à entraîner des poursuites pénales, les membres de la commission établissent un procès-verbal que le Président de ladite commission transmet au Ministre d'État.

Article 28🔗

Indépendamment du contrôle visé à l'article 25, l'organisme qui a réalisé un sondage doit, préalablement à sa publication ou diffusion s'il échet, déposer auprès du Président de la commission des sondages, qui en délivre récépissé, une notice précisant notamment :

  • les conditions dans lesquelles s'est déroulée l'enquête ;

  • les résultats bruts du sondage et, le cas échéant, les redressements effectués ;

  • la proportion de personnes n'ayant pas répondu à chacune des questions ;

  • s'il y a lieu, les limites d'interprétation des résultats et la méthode utilisée pour en déduire les résultats de caractère indirect qui seraient publiés ou diffusés.

Cette notice doit permettre à la commission de vérifier que le sondage a été réalisé conformément aux énonciations de la déclaration et, le cas échéant, aux prescriptions visées à l'article 9.

Section VIII : Des sanctions administratives🔗

Article 29🔗

Si le contrôle exercé en application des articles 25 et 28 donne lieu à des observations de la part de la commission des sondages, le Ministre d'État peut, sur avis motivé de ladite commission, faire transmettre à l'organisme ayant réalisé le sondage et à l'acheteur du sondage des mises au point émanant de la commission, ainsi qu'ordonner, s'il y a lieu, que ces mises au point soient publiées ou diffusées sans délai dans les mêmes conditions que le sondage, sans préjudice des sanctions pénales encourues.

Article 30🔗

Lorsque des irrégularités sont relevées, le Ministre d'État, saisi par le Président de la commission des sondages, peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser les irrégularités ou en supprimer les effets, sans préjudice des sanctions pénales encourues.

Le Président du Tribunal de Première Instance, saisi et statuant comme en matière de référé, peut ordonner la levée des mesures prescrites en vertu du précédent alinéa.

Article 31🔗

En cas de publication d'un sondage d'opinion en violation des dispositions de la présente loi et des textes pris pour son application, le Ministre d'État peut ordonner la saisie des publications en cause, sans préjudice des sanctions pénales encourues.

Le Président du Tribunal de Première Instance, saisi et statuant comme en matière de référé, peut ordonner la levée de cette mesure.

Section IX : Des sanctions pénales🔗

Article 32🔗

Sont punis de l'amende prévue au chiffre 3° de l'article 26 du Code pénal :

  • 1°) ceux qui réalisent un sondage d'opinion :

  • sans avoir effectué la déclaration prévue à l'article premier;

  • sans avoir, le cas échéant, effectué la déclaration complémentaire prévue à l'article 8 ;

  • sans se conformer aux énonciations de la déclaration visées aux articles 7, 8 et 10 ;

  • sans se conformer aux prescriptions notifiées par le Ministre d'État en application de l'article 9 ;

  • nonobstant l'opposition notifiée par le Ministre d'État en application de l'article 9 ;

  • 2°) ceux qui publient ou diffusent un sondage réalisé en violation des dispositions de la présente loi et des textes pris pour son application ;

  • 3°) ceux qui falsifient les résultats d'un sondage ou qui publient ou diffusent sciemment des résultats falsifiés ;

  • 4°) ceux qui publient ou diffusent un sondage sans l'assortir de l'une ou plusieurs des indications prévues à l'article 15 ou en l'assortissant d'indications présentant un caractère mensonger ;

  • 5°) ceux qui par suite d'imprudences ou de négligences ne préservent pas ou ne font pas préserver la confidentialité de l'identité des personnes interrogées et des réponses qu'elles ont fournies, ou divulguent ou laissent divulguer ces informations ;

  • 6°) ceux qui conservent les documents mentionnés au dernier alinéa de l'article 23 au-delà du délai fixé par ce même article ou, le cas échéant, par le dernier alinéa de l'article 24 ;

  • 7°) ceux qui ne conservent pas les documents mentionnés à l'article 24 dans le délai de deux mois prévu audit article ou dans le délai prolongé par décision du Ministre d'État en vertu du dernier alinéa de 'article 24 ;

  • 8°) ceux qui volontairement empêchent ou entravent les investigations opérées pour l'application de la présente loi et des textes pris pour son application ou ne fournissent pas les renseignements ou documents demandés ;

  • 9°) ceux qui sciemment communiquent ou font communiquer des renseignements ou documents inexacts aux personnes chargées d'effectuer les investigations nécessaires ;

  • 10°) ceux qui ne déposent pas la notice prévue à l'article 28 ;

  • 11°) ceux qui refusent de publier ou de diffuser les mises au point de la commission des sondages en application de l'article 29 ;

  • 12°) ceux qui refusent d'obtempérer aux mesures ordonnées par le Ministre d'État en application de l'article 30.

Article 33🔗

Sont punis de l'amende prévue au chiffre 4° de l'article 26 du Code pénal :

  • 1°) ceux qui réalisent, publient ou diffusent un sondage en violation des dispositions des articles 11 et 12, ainsi que ceux qui passent commande d'un tel sondage ;

  • 2°) ceux qui sciemment divulguent ou laissent divulguer les informations mentionnées à l'article 23.

Article 34🔗

Si, dans les cas mentionnés aux articles 32 et 33, il y a récidive dans le délai de cinq années, l'amende est celle prévue auxdits articles dont les taux sont élevés au double.

Article 35🔗

Le Tribunal peut ordonner qu'une personne morale de droit privé soit tenue, solidairement avec son représentant statutaire, au paiement de l'amende prononcée à l'encontre de ce dernier.

Article 36🔗

Les documents mentionnés au dernier alinéa de l'article 23 conservés au-delà des délais fixés par la présente loi sont confisqués et détruits.

Article 37🔗

Le Tribunal peut ordonner que la décision de justice soit publiée ou diffusée par les mêmes moyens que ceux par lesquels il a été fait état du sondage publié ou diffusé en violation des dispositions de la présente loi.

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