Projet de loi n° 1.089 relative à l'aide médicale de l'État payante

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Exposé des motifs🔗

Le droit à la santé fait aujourd'hui partie des droits économiques, sociaux et culturels reconnus au niveau international. Ainsi, la Constitution de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) énonce que « les gouvernements ont la responsabilité de la santé de leurs peuples, ils ne peuvent y faire face qu'en prenant les mesures sanitaires et sociales appropriées ».

De même, l'article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels énonce notamment que : « Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre. […] Les mesures que les États parties au présent Pacte prendront en vue d'assurer le plein exercice de ce droit devront comprendre les mesures nécessaires pour assurer : […] d) La création de conditions propres à assurer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie. ».

En droit interne, l'article 26 de la Constitution affirme que : « Les Monégasques ont droit à l'aide de l'État en cas d'indigence, chômage, maladie, invalidité, vieillesse et maternité, dans les conditions et formes prévues par la loi. ».

Ainsi, le droit à la santé pour tous est une préoccupation majeure à Monaco et le Gouvernement veille à ce que les dispositifs mis en place en la matière permettent un accès effectif aux soins pour l'ensemble des Monégasques et des résidents de la Principauté.

À Monaco, et comme dans de nombreux autres pays, la prise en charge des frais médicaux, condition pour permettre un accès effectif aux soins, relève schématiquement de deux mécanismes. D'une part, l'assurance maladie par l'affiliation, en tant qu'allocataire ou ayant droit, à un organisme d'assurance maladie du fait de l'exercice d'une activité professionnelle. D'autre part, l'assurance maladie dite « privée » par le biais de la souscription d'une assurance.

Néanmoins, il est parfois nécessaire de mettre en place des dispositifs intermédiaires pour venir appréhender des situations particulières qui interviennent en complément des dispositifs classiques.

C'est dans cette perspective que le Gouvernement Princier a mis en place, dès 2016, l'aide médicale de l'État, consacrée par la loi n° 1.465 du 11 décembre 2018 relative à l'aide à la famille et à l'aide sociale, permettant aux personnes monégasques et résidentes qui ne relèvent pas de l'assurance maladie au titre d'une activité professionnelle et qui ont des revenus ne leur permettant pas de souscrire une assurance privée, de bénéficier d'une prise en charge de leurs soins médicaux.

Le dispositif, objet du présent texte, s'inscrit dans une même logique, à savoir offrir un outil de prise en charge des frais médicaux pour des personnes qui ne relèveraient d'aucun des mécanismes déjà existants.

En effet, il est apparu que certains résidents, qui ne relèvent pas d'un organisme d'assurance maladie, ne pouvaient pas se tourner vers les assurances privées parce qu'ils présentent un risque assuranciel important, alors même que leurs ressources permettent d'en supporter la charge, les excluant ainsi du bénéfice de l'aide médicale de l'État.

Fort de ce constat, il est proposé, au sein du présent texte, d'instituer un nouveau mécanisme : l'aide médicale de l'État payante, dans le cadre duquel l'État serait l'assureur.

Ainsi, la personne qui ne relève d'aucun organisme d'assurance maladie, qui justifie de plusieurs refus de prise en charge par des assurances privées et qui, compte tenu de ses ressources, ne serait pas éligible à l'aide médicale de l'État pourrait, moyennant le paiement d'une cotisation, solliciter la prise en charge de ses frais médicaux par l'Office de protection sociale. À titre d'information, on indiquera que les modalités de gestion de cette aide seront similaires à celles prévues dans le cadre de l'aide médicale de l'État, à l'exception de la perception de la cotisation qui est spécifique à ce mécanisme.

À ce stade, il convient de préciser que l'objectif ici poursuivi est nullement d'entrer en concurrence avec les assurances privées. En effet, ce dispositif s'adresse à un public qui n'est pas celui desdites assurances compte tenu du risque assuranciel très important de leur situation.

Sous le bénéfice de ces considérations d'ordre général, le présent projet de loi appelle les commentaires particuliers ci-après.

L'article premier du dispositif fixe les conditions pour bénéficier de l'aide médicale de l'État payante. Ainsi, et en premier lieu, cette aide s'adresse, à l'instar de ce qui est prévu pour l'aide médicale de l'État, aux nationaux, quelle que soit leur résidence, et aux personnes qui résident en Principauté depuis cinq années ou plus.

En deuxième lieu, le demandeur doit justifier qu'il ne peut pas bénéficier d'une prise en charge de ses frais médicaux à un autre titre. En effet, comme indiqué ci-dessus, l'aide médicale de l'État payante n'a pas vocation à se substituer à un mécanisme préexistant ou bien à s'adresser à la clientèle des assurances privées. Ainsi, cette aide n'est servie qu'à titre subsidiaire.

Dès lors, le demandeur doit justifier qu'il ne relève d'aucun régime d'assurance maladie, qu'il ne peut pas bénéficier de l'aide médicale de l'État et qu'il est dans l'impossibilité de souscrire une assurance privée. Ce dernier critère est considéré comme rempli lorsque l'intéressé produit les refus de prise en charge émis par au moins trois assurances monégasques différents. Toutefois, et dans la mesure où cette aide est ouverte aux Monégasques quelle que soit leur lieu de résidence, les refus ainsi sollicités doivent, en cas de résidence étrangère, provenir de trois assureurs différents du lieu de résidence du demandeur.

L'article 2 définit l'aide médicale de l'État payante. À cet égard, cet article renvoie à un arrêté ministériel pour déterminer les frais qui seront pris en charge tout en énonçant les hypothèses dans lesquelles cette prise en charge est susceptible d'intervenir.

Il désigne également l'organisme qui supportera les frais médicaux dans ce cadre, à savoir, l'Office de protection sociale. À cet égard, il importe d'expliquer que cet organisme est déjà celui qui supporte les fais de prise en charge au titre de l'aide médicale de l'État. Il paraissait donc de bonne logique de lui attribuer la gestion de cette aide analogue. Par ailleurs, il a la capacité de recevoir des recettes ce qui facilite la perception de la cotisation. En effet, à l'instar de tout mécanisme assuranciel classique, le paiement de ladite cotisation est une condition pour bénéficier de cette aide.

Enfin, il est prévu que cette aide est versée pour une période d'une année renouvelable ce qui permet d'opérer un réexamen annuel lorsque le bénéficiaire sollicite le renouvellement du dispositif. Cela ne fait néanmoins pas obstacle à l'obligation pour ce dernier de déclarer, en cours de bénéfice, tout changement dans sa situation familiale, personnelle, professionnelle, financière ou de résidence de nature à modifier ou à faire cesser son bénéfice à ladite aide. Tel est l'objet de l'article 3.

Le dernier alinéa de l'article 3 et les articles 4 et 5 prévoient le remboursement des sommes indument perçues par le bénéficiaire du fait d'une absence de déclaration ou d'une déclaration inexacte et en prévoit les modalités.

L'article 6, quant à lui, attribue à la Direction de l'action et de l'aide sociales, chargée de l'instruction des demandes d'aide, les prérogatives nécessaires pour vérifier la réalité des déclarations faites par le demandeur. À ce titre, ladite direction peut solliciter la production de pièces complémentaires ou s'adresser aux administrations publiques pour obtenir les informations utiles, à la condition qu'elles soient strictement nécessaires au contrôle de la réalité des déclarations.

En complément, et ce de manière classique, les articles 7 et 8 précisent les sanctions pénales encourues par le demandeur en cas de fausse déclaration ou de fraude.

L'article 9 du projet de loi opère un renvoi à un arrêté ministériel pour fixer les modalités d'application de la loi, étant précisé que ces modalités seront similaires à celles prévues dans le cadre de l'aide médicale de l'État.

L'article 10 opère une modification à l'article 24 de la loi n° 1.465 du 11 décembre 2018 relative à l'aide à la famille monégasque et à l'aide sociale afin d'y apporter une précision pour éviter toute difficulté d'interprétation.

Enfin, l'article 11 prévoit une entrée en vigueur au 1er janvier de l'année qui suit la publication au journal de Monaco du projet de loi pour les articles premier à 9 afin que les sommes nécessaires au financement de ce dispositif figurent au budget de l'Office de protection sociale.

Tel est l'objet du présent projet de loi.

Dispositif🔗

Article 1er🔗

Toute personne de nationalité monégasque ou de nationalité étrangère résidant dans la Principauté de façon stable et régulière depuis au moins cinq années peuvent bénéficier de l'aide médicale de l'État payante définie à l'article 2, sous les conditions suivantes :

  • 1°) que le demandeur ne relève d'aucune caisse sociale monégasque ou étrangère ;

  • 2°) que le demandeur ne puisse pas bénéficier de l'aide médicale de l'État instituée par l'article 24 de la loi n° 1.465 du 11 décembre 2018 relative à la famille monégasque et à l'aide sociale, modifiée ;

  • 3°) que le demandeur soit dans l'impossibilité de souscrire une assurance de santé auprès d'une assurance privée.

Pour l'application du chiffre 3 du précédent alinéa, est considérée comme dans l'impossibilité de souscrire une assurance de santé auprès d'une assurance privée, la personne qui justifie de trois refus de prise en charge au titre de la maladie, auprès de trois assureurs exerçant leur activité à Monaco ou, lorsque le demandeur est monégasque, auprès de trois assureurs exerçant leur activité au lieu de résidence du demandeur.

Article 2🔗

L'aide médicale de l'État payante visée à l'article premier consiste en une couverture médicale de base prise en charge par l'Office de protection sociale.

L'aide médicale de l'État payante permet une prise en charge des frais définis par arrêté ministériel et engagés en cas de maternité et de maladie autre que maladie professionnelle ou accident du travail, invalidité ou décès pour le demandeur ainsi que, le cas échéant, de ses ayants droit tel que définis par arrêté ministériel.

Sauf exception, l'aide médicale de l'État payante laisse à la charge du bénéficiaire des prestations une participation minimale qui ne peut excéder 20% de la base de remboursement des frais de santé.

La participation minimale aux frais de santé peut, au regard de la situation du bénéficiaire, être limitée ou supprimée, sur décision du directeur de l'action et de l'aide sociales. Elle peut également être prise en charge par l'Office de protection sociale sur décision du directeur de l'action et de l'aide sociales lorsque la personne ne dispose pas d'une assurance complémentaire santé.

L'aide médicale de l'État payante est versée à la condition que son bénéficiaire s'acquitte mensuellement du paiement d'une cotisation dont le montant est fixé par arrêté ministériel.

L'admission à l'aide médicale de l'État payante est prononcée par le Directeur de l'action et de l'aide sociales, pour une période maximale d'un an, renouvelable.

Article 3🔗

Le bénéficiaire de l'aide médicale de l'État payante est tenu de signaler à la Direction de l'action et de l'aide sociales tout changement dans sa situation familiale, personnelle, professionnelle, financière ou de résidence de nature à modifier ou à faire cesser son bénéfice à ladite aide, dans un délai de trente jours à compter de sa survenance.

Toute absence de déclaration expose le bénéficiaire à une restitution des sommes qu'il a indûment perçues, sans préjudice des sanctions prévues aux articles 7 et 8.

Article 4🔗

Toute déclaration inexacte expose le bénéficiaire de l'aide médicale de l'État payante à une restitution des sommes qu'il a indûment perçues, sans préjudice des sanctions prévues aux articles 7 et 8.

Article 5🔗

La répétition des sommes indûment perçues, sur le fondement des articles 3 et 4, est exigible, après que le bénéficiaire ait été entendu en ses explications ou dûment appelé à les fournir.

Si le droit subsiste, le recouvrement des sommes indûment perçues peut être procédé par des retenues sur les prestations servies au bénéficiaire concerné.

Article 6🔗

Afin de contrôler la réalité des déclarations effectuées par le demandeur de l'aide médicale de l'État payante, sur sa situation familiale, personnelle, professionnelle, financière ou de résidence, la Direction de l'action et de l'aide sociales peut lui réclamer toutes pièces complémentaires permettant d'apprécier la réalité de sa situation.

Dans le cadre du contrôle prévu au premier alinéa, les personnes dûment habilitées à instruire les demandes d'aide médicale de l'État payante peuvent également demander aux administrations publiques toutes les informations utiles, même couverte par le secret de la vie privée, à la condition que ces informations soient strictement nécessaires au contrôle des conditions de bénéfice de cette aide, telles qu'elles sont prévues par la présente loi et ses textes d'application.

L'échange d'informations visé au précédent alinéa ne donne pas lieu à la création d'échanges systématisés.

Article 7🔗

Sera puni de l'amende prévue au chiffre 2 de l'article 26 du Code pénal, sans préjudice des peines résultant d'autres lois, quiconque se sera rendu coupable de fraude ou de fausse déclaration pour obtenir ou faire obtenir l'aide médicale de l'État payante si celle-ci n'est pas due.

Article 8🔗

Sera puni de l'amende prévue au chiffre 1 de l'article 26 du Code pénal, sans préjudice des peines résultant d'autres lois, le bénéficiaire de l'aide médicale de l'État payante qui a effectué de fausses déclarations afin d'étendre le droit à son versement.

Article 9🔗

Les conditions d'application de la présente loi sont prévues par arrêté ministériel.

Article 10🔗

Le troisième alinéa de l'article 24 de la loi n° 1.465 du 11 décembre 2018 relative à l'aide à la famille monégasque et à l'aide sociale, modifiée, est modifié comme suit :

« Sauf exception, l'aide médicale de l'État laisse à la charge du bénéficiaire des prestations une participation minimale qui ne peut excéder 20% de la base de remboursement des frais de santé. ».

Article 11🔗

Les articles premier à 9 entrent en vigueur au 1er janvier de l'année suivant la publication de la présente loi au Journal de Monaco.

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