Cour européenne des droits de l'homme : le refus d'autorisation de constitution d'une société au motif du placement sous contrôle judiciaire ne porte pas atteinte aux articles 6 § 1 et 8 de la CEDH

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La Cour européenne des droits de l'homme a rendu une décision le 24 avril 2025 concernant une demande d'annulation du refus d'autorisation de constitution d'une société au motif du placement sous contrôle judiciaire du demandeur pour des infractions économiques et financières. La Cour rejette les griefs du requérant fondés sur les articles 6 § 2 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH) pour atteinte à la présomption d'innocence et atteinte irrémédiable à sa réputation (Cour européenne des droits de l'Homme, 24 avril 2025, M. A.M. c/ Monaco).

En 2021, le requérant, administrateur d'une société de conseil en matière patrimoniale et fiscale, demande l'autorisation de constituer une société anonyme monégasque. Sa demande est rejetée aux motifs qu'il est placé sous contrôle judiciaire pour des infractions économiques et financières et ne présente pas toutes les garanties de moralité requises. Son recours en annulation de la décision de refus pour excès de pouvoir est rejeté par le Tribunal suprême.

Invoquant l'article 6 § 2, le requérant soutient que la motivation du refus d'autorisation de constitution d'une société porte atteinte à la présomption d'innocence. La Cour constate que le principe de la présomption d'innocence s'applique en l'espèce bien qu'il ne s'agisse pas ici d'une procédure relevant de la « matière pénale ».

La question de savoir si la motivation de la décision, au motif du placement sous contrôle judiciaire du requérant, constitue une violation du principe de la présomption d'innocence doit être tranchée à l'aune des circonstances particulières dans lesquelles la déclaration a été formulée. La Cour examine si les mentions évoquées dans la décision du Ministre d'État reflétaient le sentiment que le requérant était coupable des infractions pour lesquels il avait été inculpé et placé sous contrôle judiciaire. Pour la Cour, il n'en est rien : les déclarations sur la situation du requérant, d'un point de vue pénal, n'ont pas été soumises à l'attention du public, mais simplement formulées dans le cadre d'une décision administrative individuelle communiquée au seul requérant, à laquelle il n'a été donné aucune publicité par les autorités monégasques.

Le requérant se plaignait également d'une atteinte irrémédiable à sa réputation sur le fondement de l'article 8 de la CEDH. La Cour reconnaît que le requérant avait pu se sentir offensé à la lecture de la décision de refus d'autorisation qui portait un jugement hâtif sur sa probité alors que le tribunal correctionnel l'avait in fine relaxé en 2024 de l'ensemble des faits pour lesquels il était poursuivi. Cependant la décision de refus, rédigée en termes prudents, était fondée sur la circonstance que le requérant avait été inculpé. L'affaire n'avait pas donné lieu à publicité puisque la décision était destinée à lui seul et la décision du Tribunal suprême rendue sur sa requête aux fins d'annulation avait été anonymisée avant publication. Ainsi, la Cour considère que l'atteinte à la réputation du requérant était d'une très faible intensité et qu'elle était nécessaire à la défense du « bien-être économique du pays » au sens de l'article 8 § 2.

La Cour a donc estimé que la requête était mal fondée et a déclaré celle-ci irrecevable conformément aux dispositions de l'article 35 de la Convention.

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