Cour européenne des droits de l'Homme : non-applicabilité de l'article 6 § 1 de la CEDH en raison de l'absence d'un « droit au renouvellement » du détachement d'un juge français

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La Cour européenne des droits de l'homme a rendu une décision concernant une demande d'annulation de la décision de non-renouvellement du détachement d'un juge français à Monaco. La Cour a conforté le raisonnement des juridictions nationales et a jugé qu'en l'absence d'un « droit » au renouvellement du détachement du requérant, l'article 6 § 1 de la Convention ne pouvait trouver à s'appliquer (CEDH, 9 juillet 2024, Levrault c/ Monaco).

Monsieur Levrault, magistrat français, a été nommé juge au Tribunal de Première Instance de Monaco pour trois ans par une Ordonnance Souveraine du 5 juillet 2016. Il a également été placé en position de détachement auprès de la direction des services judiciaires de Monaco par un décret du Président de la République française du 29 août 2016.

Dès 2018, il sollicita le renouvellement de son détachement pour trois ans supplémentaires. Les autorités monégasques, après avoir émis un avis favorable, ont produit une décision de non-renouvellement le 24 juin 2019. Monsieur Levrault contesta cette décision devant les juridictions nationales, soutenant notamment devant le Tribunal Suprême que ce renouvellement aurait été entériné par les deux États parties à la Convention franco-monégasque du 8 novembre 2005, citée par l'Ordonnance Souveraine et le décret du Président de la République de 2016, ce qu'il estimait être créateur de droit. Face au rejet de sa demande, le requérant décida d'invoquer la méconnaissance du droit au procès équitable protégé par l'article 6 § 1 de la Convention devant la Cour européenne des droits de l'Homme.

La Cour rappelle que pour que cet article trouve à s'appliquer, il faut qu'il y ait une contestation réelle et sérieuse portant sur un « droit » reconnu en droit interne et revêtant un caractère civil, et que l'issue de la procédure doit être directement déterminante pour le droit en question.

La Cour s'appuie ensuite sur le raisonnement du Tribunal Suprême, qui a constaté que le requérant n'avait aucun droit au renouvellement de son détachement. Le Tribunal Suprême a notamment relevé que la Convention franco-monégasque du 8 novembre 2005 ne contient aucune disposition prescrivant un droit au renouvellement d'un détachement et qu'elle ne fait pas obstacle à ce que le directeur des services judiciaires monégasque, après s'être prononcé favorablement sur la demande de renouvellement de détachement, décide ensuite de le refuser, eu égard aux circonstances et compte tenu de son large pouvoir d'appréciation. Ainsi, la Cour ne voit pas de raison de se départir de la décision du Tribunal Suprême qui a constaté l'absence de droit au renouvellement du détachement du requérant, et ce, au regard tant des dispositions de la Constitution, que de la Convention franco-monégasque du 8 novembre 2005, de la loi portant statut de la magistrature et de l'article 39 du Code de procédure pénale.

Le requérant contestait également la décision de non-renouvellement en affirmant qu'elle traduisait la volonté déguisée de l'écarter, en dépit de ses bonnes évaluations professionnelles, de la conduite d'une information sensible et qu'elle n'était en rien conforme à l'intérêt du service. La Cour constate cependant que le requérant a pu accomplir l'intégralité de la durée de son détachement de trois ans et n'a subi aucune obstruction dans l'exercice de ses fonctions.

En conclusion, la Cour décide de déclarer la requête irrecevable, considérant que le refus de renouveler le détachement du requérant ne relève pas d'un litige relatif « aux droits et obligations de caractère civil » de l'intéressé, de sorte que l'article 6 § 1 de la Convention ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce.

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