Tribunal Suprême : abrogation d'un permis de travail justifiée par une décision suffisamment motivée et sans que la présomption d'innocence ne trouve à s'appliquer à une mesure de police administrative

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Le Tribunal Suprême a rendu une décision le 18 juin 2024 concernant un recours pour excès de pouvoir d'une décision du Directeur du Travail abrogeant un permis de travail (Tribunal Suprême, 18 juin 2024, d. A. c/ État de Monaco).

En l'espèce, le requérant avait obtenu en 2020 un permis de travail en qualité d'électricien technicien polyvalent pour le compte d'une société monégasque. En 2022, Madame le Directeur du Travail a procédé à l'abrogation de ce permis de travail, la Direction de la Sûreté Publique ayant constaté, dans le cadre du suivi des permis de travail de la Principauté de Monaco, sa condamnation en 2020 par le Tribunal judiciaire de Nice pour violences conjugales. Pour motiver sa décision, Madame le Directeur du Travail argue notamment que, du fait de cette condamnation, l'homme ne présente plus les garanties appropriées à l'occupation de son emploi et que cette situation est susceptible de porter atteinte à l'ordre public.

En 2023, à la suite du rejet implicite de son recours gracieux, le requérant demande, devant le Tribunal Suprême, l'annulation pour excès de pouvoir de la décision par laquelle Madame le Directeur du Travail a abrogé le permis de travail et la condamnation de l'État de Monaco aux entiers dépens. Le requérant soutient notamment que la décision attaquée est :

  • • insuffisamment motivée, notamment au regard de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 ;

  • • disproportionnée, dans la mesure où elle est fondée sur des faits pour lesquels le Tribunal correctionnel de Nice l'a relaxé par un jugement du 22 juin 2022 ;

  • • entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, la décision étant fondée sur des faits présumés. En outre, le Directeur du Travail aurait méconnu le principe de la présomption d'innocence garanti par l'article 6 §2 de la Convention européenne de la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le Tribunal Suprême s'appuie sur l'article 1er de la loi n° 629 du 17 juillet 1957 tendant à réglementer les conditions d'embauchage et de licenciement en Principauté, l'article 2 de l'Ordonnance Souveraine n° 16.675 du 18 février 2005 portant création d'une direction du Travail et l'article 3 de la loi n° 1.430 du 13 juillet 2016 portant diverses mesures relatives à la préservation de la sécurité nationale pour rejeter la requête.

Le Tribunal Suprême considère en effet que la décision attaquée est suffisamment fondée et motivée sur les résultats d'une enquête réalisée par la Direction de la Sûreté Publique qui a révélé la condamnation du requérant, le 8 octobre 2020 par le Tribunal judiciaire de Nice, pour violences conjugales. Ces faits portant atteinte à l'ordre public, Madame le Directeur du Travail a pu estimer, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que le requérant ne présentait plus, à la date à laquelle elle a pris sa décision, les garanties appropriées à l'occupation de l'emploi pour lequel il avait obtenu un permis de travail.

En ce qui concerne la relaxe alléguée par le requérant, celui-ci n'apporte néanmoins aucune preuve, alors que le Ministre d'État démontre que celle-ci se rapporte à d'autres faits de violence commis en 2022, soit postérieurement aux faits sur lesquels s'est fondé le Tribunal judiciaire de Nice. Enfin, le requérant ne peut se prévaloir de la méconnaissance du principe de la présomption d'innocence garanti par l'article 6 §2 de la Convention européenne de la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par le Tribunal Suprême. En effet, ce principe ne s'applique pas aux mesures de police administrative qui ne constituent pas des sanctions ayant le caractère de punition. La relaxe alléguée par le requérant est donc inopérante.

Par conséquent, le Tribunal Suprême conclut au rejet de la requête.

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