Cour européenne des droits de l'homme : absence de violation du principe de sécurité juridique par l'application immédiate du Code de droit international privé monégasque à une succession ouverte avant l'entrée en vigueur de la loi

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La Cour européenne des droits de l'homme vient de rendre une décision concernant le principe de sécurité juridique. Elle reconnaît que l'application immédiate des règles de conflit de lois du Code de droit international privé monégasque issu de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 à une succession ouverte avant son entrée en vigueur ne viole pas le principe de sécurité juridique posé par l'article 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH, 18 janvier 2024, n° 36965/22 et n° 20769/23, Michaux c/ Monaco).

Dans la présente affaire, le père de la requérante, décédé en 1963 en Belgique ab intestat, était propriétaire de biens situés en Belgique, en France et à Monaco. Un litige oppose la requérante à ses deux frères relativement à la succession paternelle concernant notamment un appartement situé dans la Principauté.

Les juridictions monégasques ont estimé en l'espèce que le droit successoral belge devait s'appliquer en vertu du Code de droit international privé monégasque (Loi n° 1.448 du 28 juin 2017), dont les dispositions étaient d'application immédiate, la loi du 28 juin 2017 n'ayant pas prévu de dispositions transitoires pour les instances en cours. La Cour d'appel de Monaco, statuant au fond, a donc appliqué le droit belge au litige successoral et jugé que les trois parties étaient héritières de l'appartement.

Invoquant l'article 6 § 1 de la Convention et l'article 1 du Protocole n° 1, la requérante soutient qu'en appliquant rétroactivement le Code de droit international privé à la succession ouverte en 1963, les juridictions monégasques auraient violé le principe de sécurité juridique et l'auraient privée du bien immobilier monégasque dont elle aurait dû hériter seule.

La Cour déclare les requêtes irrecevables et manifestement mal fondées.

Elle constate en premier lieu, que le grief de la requérante fondé sur l'article 1er du Protocole n° 1, invoquant la violation du principe de sécurité juridique pour la privation d'un bien dont elle aurait dû hériter seule, est irrecevable ratione personae en l'absence de ratification du protocole par la Principauté de Monaco.

S'agissant de la violation du principe de sécurité juridique au regard de l'article 6 de la Convention, la Cour rappelle ensuite que la notion de « sécurité juridique » renvoie à l'idée d'un cadre juridique stable, complet et prévisible, qui exclut tout arbitraire. Or, en l'espèce, la Cour relève qu'aucune « situation juridique cristallisée » n'a été anéantie par les juridictions monégasques à son détriment, aucun « jugement définitif » en sa faveur n'ayant été remis en cause. Par ailleurs, le dossier ne fait apparaître ni de jurisprudence divergente ou contradictoire, ni d'élément d'arbitraire dans les décisions des juridictions monégasques. Enfin, la requérante ne démontre aucun lien direct entre l'application de la loi de conflit monégasque et l'impossibilité pour elle d'être reconnue comme héritière de l'ensemble de l'appartement.

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