Dépôt d'un deuxième projet de loi pour répondre aux recommandations du rapport Moneyval

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Le Gouvernement Princier a déposé le 24 mai 2023 un projet de loi portant adaptation de dispositions législatives en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et de la prolifération des armes de destruction massive (partie II).

Enregistré au Conseil National sous le n° 1.078 – ce projet de loi s'inscrit directement dans la continuité du projet de loi dit « Partie I » déposé sur le bureau de l'Assemblée par le Gouvernement le 12 avril dernier.

Le législateur est ainsi appelé à poursuivre son action normative pour répondre aux recommandations internationales en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et ce, dans un mouvement de grande ampleur puisqu'avec le dépôt de ce second texte - ce sont 126 nouvelles dispositions législatives élaborées par les services gouvernementaux concernés qui viennent s'ajouter au plus de 130 dispositions dont le Conseil National a été déjà saisi au titre du projet de loi « Partie I ».

Alors que le projet de loi déposé en avril dernier a pour objet, fondamentalement, de modifier la loi n° 1.362 du 3 août 2009 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption, le nouveau projet de loi déposé au mois de mai apporte, en quatre chapitres distincts, les modifications nécessaires aux quatre lois suivantes :

  • la loi n° 721 du 27 décembre 1961 abrogeant et remplaçant la loi n° 598, du 2 juin 1955 instituant un répertoire du commerce et de l'industrie (chapitre I) ;

  • la loi n° 797 du 18 février 1966 relative aux sociétés civiles (chapitre II) ;

  • la loi n° 1.355 du 23 décembre 2008 sur les associations et les fédérations d'associations (chapitre III) ;

  • la loi n° 56 du 29 janvier 1922 sur les fondations (chapitre IV).

Consacrée à la transparence des personnes morales, la réforme législative s'articule autour de deux volets spécifiques.

1°) Le premier volet concerne le renforcement des mesures permettant d'assurer une meilleure transparence des personnes morales au titre des dispositions que les Etats doivent mettre en œuvre pour empêcher que celles-ci ne soient utilisées à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme.

Les moyens à mettre en place consistent en particulier à assurer aux autorités compétentes monégasques un accès renforcé et étendu à des informations satisfaisantes, exactes et à jour sur les bénéficiaires effectifs et sur le contrôle des personnes morales.

C'est ainsi que le registre spécial des sociétés civiles et le registre du commerce et de l'industrie voient leur régime juridique complété aux fins d'y faire figurer l'ensemble des « informations élémentaires » relatives aux sociétés et aux groupements d'intérêt économique (GIE), ce qui implique des mécanismes d'obtention, de conservation, d'actualisation et de mise à disposition desdites informations, mécanismes devant être mis en œuvre tant par les personnes morales elles-mêmes que par les autorités publiques chargées d'en assurer le contrôle.

Au demeurant, les exigences applicables aux sociétés ont vocation à s'appliquer aussi aux autres formes de personnes morales que sont les associations et les fondations (désignées par les recommandations du G.A.F.I. sous la formule « d'organismes à but non lucratif », OBNL)., lesquelles seront donc également tenues d'obtenir et de conserver des informations adéquates, exactes et actuelles sur les informations élémentaires les concernant et sur leurs bénéficiaires effectifs afin de les transmettre et de les tenir à la disposition des autorités compétentes.

De même, et en lien plus spécifiquement avec la recommandation 8 du GAFI, le projet de loi tend à compléter le droit national pour renforcer les mécanismes destinés à s'assurer que les associations et les fondations ne constituent pas des vecteurs de financement du terrorisme ; les informations essentielles les concernant seront ainsi rendues accessibles au public par l'intermédiaire d'un registre dédié. Le projet de loi pose de nouvelles exigences en matière de tenue d'une comptabilité et de mise en place de mécanismes par les OBNL leur permettant de s'assurer que leurs partenaires, leurs donateurs (dons reçus), et les bénéficiaires finaux de leurs dons (dons versés) ne sont pas impliqués dans le financement du terrorisme.

Les associations devront aussi mettre en place un registre de leurs membres, les informations détenues à ce titre restant cependant non accessibles au public mais devant être mises à jour et conservées pour être tenues à la disposition des autorités.

2°) Le second volet de la réforme induite par le projet de loi « Partie II », concerne la mise en place d'un cadre juridique adapté aux nouvelles mesures qui pourront être prises pour maintenir à jour l'ensemble des « informations élémentaires » que les personnes morales sont tenues d'obtenir, de conserver, de tenir à la disposition des autorités compétentes et de transmettre aux fins d'inscription au sein des registres tenus par la Direction du Développement Économique et par le Département de l'Intérieur.

Le projet de loi entend ainsi confier au Département de l'Intérieur comme à la Direction du Développement Économique un véritable pouvoir de supervision et de sanction administrative, dans le cadre de leur mission générale de surveillance du respect par les personnes morales relevant de leur compétence des obligations mises à leur charge au titre de la transparence, ce, sous le contrôle du juge.

Il est enfin projeté, en lien avec les recommandations 24 et 35 du Rapport d'évaluation qui estiment les sanctions applicables aux personnes morales, à leurs dirigeants ou aux personnes impliquées dans leur administration insuffisantes et non dissuasives, de renforcer le caractère dissuasif des sanctions. Est ainsi prévu un arsenal de sanctions administratives et pénales, dans le but notamment de garantir la tenue de registres complets et à jour. De même, le quantum et le libellé des sanctions pénales sont-ils revus de sorte qu'elles pourront être prononcées envers les personnes tant physiques que morales.

La stratégie nationale déployée par la Principauté au titre des actions prioritaires devant être mises en œuvre au plan règlementaire appellera le dépôt, dans les semaines à venir, d'un troisième projet de loi dit « Partie III » ; ce texte sera dédié aux dispositifs juridiques complémentaires élaborés à l'initiative de la Direction des Services Judiciaires en concertation avec les services gouvernementaux pour répondre aux recommandations du Comité Moneyval qui intéressent l'action des autorités judiciaires dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

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