Tribunal du travail, 24 octobre 2013, Monsieur A. R. KI. c/ La SAM E
Abstract🔗
Tribunal du travail - Procédure - Bureau de jugement - Modification des demandes devant le bureau de jugement (non).
Contrat de travail - Licenciement - Manque de discrétion d'un réceptionniste d'hôtel - Motif valable (non).
Résumé🔗
Si le demandeur peut, en vertu des dispositions de l'article 42 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifier ses demandes devant le bureau de conciliation, la possibilité d'augmenter ses prétentions ou d'en formuler de nouvelles, en l'absence d'une disposition identique contenue dans cette même loi, ne lui est pas ouverte devant le bureau de jugement, lequel ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum, en application de l'article 1er de la loi précitée.
Le salarié, réceptionniste de nuit dans un hôtel, a certes manqué de discrétion à l'égard d'un client venu accompagné de son épouse lors d'un voyage d'affaire, en signalant la présence « d'une femme dans la chambre »devant l'employeur de ce client qui se trouvait avec lui dans le hall de l'hôtel, pour obtenir des informations qu'il était tenu de rechercher en application des consignes de police. Il n'est cependant pas établi qu'il aurait traité le client de menteur, aurait laissé entendre qu'il était accompagné d'une prostituée et aurait pris l'employeur de ce dernier à partie de manière agressive. Dans ces conditions, la seule attitude fautive caractérisée du salarié, qui n'a en outre pas renseigné le registre de bord sur l'incident en cause, méritait certainement le prononcé d'une sanction (pouvant aller jusqu'à la mise à pied) mais ne justifiait en aucun cas un licenciement, a fortiori pour faute grave, et ce d'autant qu'aucun reproche n'avait été précédemment formulé par l'employeur sur le comportement ou le travail de l'intéressé.
Motifs🔗
TRIBUNAL DU TRAVAIL
AUDIENCE DU 24 OCTOBRE 2013
En la cause de Monsieur A. R. KI., demeurant : X à NICE (06300),
demandeur, bénéficiant de l'assistance judiciaire par décision n° 66/BAJ/10 du bureau d'assistance judiciaire en date du 28 mai 2010, ayant primitivement élu domicile en l'Étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et puis ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Danièle RIEU, avocat au barreau de Nice, substituée par Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice,
d'une part ;
Contre :
La société anonyme monégasque E exploitant de l'Hôtel X, dont le siège social est : X à MONACO (98000),
défenderesse, plaidant par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant élu domicile en son Étude,
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu la requête introductives d'instance en date du 22 mars 2010, reçue le 23 mars 2010 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 27 avril 2010 ;
Vu les conclusions déposées, au nom de Monsieur A. R. KI., par Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, en date du 7 octobre 2010 et par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, en date des 2 février 2012, 19 décembre 2012 et 25 avril 2013 ;
Vu les conclusions déposées par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme monégasque E, en date des 3 mars 2011, 12 juillet 2012 et 7 mars 2013 ;
Après avoir entendu Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice, pour Monsieur A. R. KI., et Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, pour la société anonyme monégasque E, en leurs plaidoiries ;
Vu les pièces du dossier ;
A. R. KI. a été employé par la société anonyme monégasque E, exploitant l'Hôtel X, suivant contrat à durée déterminée du 20 septembre 2005 au 30 novembre 2006, puis suivant contrat à durée indéterminée, en qualité de réceptionniste de nuit.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 15 octobre 2009, celui-ci s'est vu notifier son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :
« Vous exercez les fonctions de réceptionniste de nuit. En cette qualité, il vous appartient, au regard de vos fonctions et de votre proximité avec notre clientèle, de faire montre d'une attitude professionnelle et d'un comportement professionnel irréprochable.
Tel n'est manifestement pas le cas, si l'on en juge votre comportement au cours de la nuit du 13 octobre 2009 envers notre client Monsieur GO..
Monsieur GO., accompagné de son épouse, avait réservé une chambre dans notre établissement dans le cadre d'un séminaire professionnel se déroulant en Principauté. Les formalités d'entrée dans l'établissement (photocopies des passeports, fiches de police, etc…) ont été régulièrement enregistrées pour chacun des occupants.
Comme pour l'ensemble de nos clients, l'ensemble des informations relatives au séjour de Monsieur GO. en nos murs est confidentiel.
Or vous avez totalement dépassé les limites de vos fonctions en divulguant des informations d'ordre personnel qui ont porté un grave préjudice à Monsieur GO.
En effet, alors que Monsieur GO. revenait de son séminaire tard dans la soirée, et s'était installé dans les fauteuils du hall de l'hôtel pour parler avec son employeur, présent également sur Monaco, vous avez interpellé le client, sans aucune discrétion, lui demandant si une autre personne occupait sa chambre.
Monsieur GO. n'ayant pas averti son employeur de la présence de sa femme, et visiblement surpris par votre manque de discrétion devant un tiers, a répondu qu'il était seul dans la chambre afin de ne pas se trouver dans une situation compromettante vis-à-vis de son employeur.
Vous avez alors insulté Monsieur GO., allant jusqu'à le traiter de « menteur ». Vous avez affirmé que son épouse était enregistrée sur nos fichiers, et ceci devant une tierce personne. Vous êtes alors allé chercher la fiche de renseignement remplie par l'épouse de Monsieur GO., et avez de manière très agressive pris à parti le client devant son employeur en le forçant à reconnaître que la personne figurant sur la photo de la fiche de renseignement était bien sa femme, sous-entendant que si ce n'était pas le cas cette personne était peut être plutôt une prostituée.
Monsieur GO. a été terriblement insulté par votre comportement et considère votre intervention comme une agression, d'autant plus que votre manquement aux règles de confidentialité l'ont obligé à se justifier de la raison de la présence de son épouse auprès de son employeur, qui avait payé la chambre, pensant Monsieur GO. seul.
Monsieur GO. s'est plaint de votre comportement insultant et humiliant dès le lendemain à la réception, allant jusqu'à solliciter le Directeur.
Il semblerait néanmoins que vous ayez pris conscience de la gravité de vos actes puisque vous n'avez pas fait mention de cette altercation dans le registre de bord utilisé quotidiennement et dans lequel vous devez recenser les évènements survenus durant la nuit, ce manquement laissant supposer que vous avez délibérément voulu dissimuler vos actes.
Le comportement que vous avez eu est absolument incompatible avec vos fonctions de réceptionniste. Votre comportement reflète votre inconscience des préjudices que vous pouvez faire encourir à mon établissement dès lors que vous ne respectez pas la confidentialité de la vie privée de nos clients.
Votre attitude nuit gravement à l'image de marque de mon établissement, qui plus est lorsque votre agressivité se reporte sur notre clientèle au risque de voir celle-ci faire une terrible publicité de l'hôtel. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que j'ai à connaître l'insatisfaction de certains clients nous ayant fait part de leur mécontentement à votre égard.
Votre agressivité et votre nonchalance étaient jusqu'alors insupportables pour les autres membres du personnel qui me faisaient part de leurs craintes. Aujourd'hui votre comportement néfaste et votre négligence a également des répercussions sur la clientèle, ce qui ne peut être toléré.
En conséquence, eu égard à :
- votre négligence grave intolérable au plan professionnel, commise en violation des règles de confidentialité les plus élémentaires susceptible de causer un grave préjudice à mon établissement,
- à votre attitude agressive, insultante et humiliante inacceptable au regard de vos obligations professionnelles,
il est évident que l'ensemble de ces éléments rend impossible sans délai la poursuite de nos relations contractuelles, cela d'autant que les commentaires laissés par l'ensemble de vos collègues de travail ne laissent en rien présumer d'une perspective d'amélioration de votre comportement. (…) ».
Soutenant que la rupture de son contrat de travail n'est pas fondée sur un motif valable ou une faute grave et revêt un caractère abusif, A. R. KI. a, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 26 avril 2010, attrait la SAM E devant le bureau de jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
- 3.142,82 euros à titre d'indemnité de préavis de licenciement,
- 3.142,82 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 9.440,46 euros à titre d'indemnité de licenciement abusif,
- 18.880,92 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
- 3.339,79 euros à titre d'indemnité de nourriture,
- 480 euros à titre d'indemnité de salaire restant due,
- 400 euros à titre d'indemnité des heures complémentaires,
- 500 euros à titre d'indemnité des heures supplémentaires,
- 480 euros à titre d'indemnité des repos compensateurs,
- 560 euros à titre d'indemnité des jours fériés,
- 1.300 euros à titre d'indemnité de congés payés,
le tout avec intérêts au taux légal.
Il a également sollicité la somme de 5.000 euros au titre des frais exposés.
À l'audience fixée par les convocations, les parties ont régulièrement comparu.
Puis, après 20 renvois intervenus à leur demande, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 20 juin 2013 et le jugement mis en délibéré a été prononcé le 24 octobre 2013.
Aux termes de ses écritures judiciaires, A. R. KI. a précisé solliciter la somme de 7.059,79 euros à titre de rappel de salaire, la somme de 3.142,82 euros à titre d'indemnité de préavis, la somme de 314,28 euros au titre des congés payés afférents, la somme de 1.438,20 euros à titre d'indemnité de congédiement, la somme de 2.013,45 euros à titre d'indemnité de licenciement, la somme de 18.880,82 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ainsi que la nullité de la pièce adverse n° 7 (absence de la mention de l'article 324-5° du Code de procédure civile).
À l'appui de ses prétentions, il fait valoir que :
- sa requête initiale étant du 22 mars 2010, la prescription quinquennale implique qu'il puisse solliciter paiement de ses salaires depuis le mois de mars 2005, même s'il n'a pas précisé la période concernée qui s'étend du 23 août au 19 septembre 2005 (absence de déclaration en dépit du remplacement d'un salarié en maladie) et du 1er au 19 octobre 2009 (calcul incorrect du nombre d'heures qui devait être payées sur cette période en dépit d'une régularisation partielle),
- sa demande initiale était de 480 euros et a été ramenée à la somme nette de 394,13 euros,
- la somme de 1.380 euros a été réclamée au titre des heures complémentaires, supplémentaires et repos compensateurs, alors que l'intervention de l'Inspection du travail, qui a permis certaines régularisations, ne saurait garantir le paiement intégral des sommes dues, aucune prescription ne pouvant davantage être opposée,
- le règlement de la somme brute de 462,72 euros en avril 2009 ne correspond pas à la régularisation des jours fériés réclamés, en sorte qu'il lui reste dû 601,61 euros bruts ou 527,32 euros nets (demande initiale 560 euros),
- en effet, conformément à l'article 11 de la convention collective, les fêtes légales, qui n'ont pas donné lieu à une « compensation », doivent être rémunérées sur la base du 1/20ème du salaire mensuel (dont le montant a évolué au cours du temps),
- s'agissant de l'indemnité de nourriture, la retenue abusive pour un total de 2.238,03 euros nets (reprise avantage en nature) devra lui être remboursée, sans que la prescription puisse être invoquée,
- en outre, l'arrêt de la Cour de Révision du 28 février 2011 lui permet de solliciter l'indemnité de nourriture non seulement les jours travaillés mais également les jours de repos et de congés payés (3.838,56 euros nets),
- l'accord conclu le 15 juillet 2011, même s'il a été étendu par arrêté ministériel n° 2011-556 du 10 octobre 2011, est sans influence sur sa demande qui est antérieure au 1er juillet 2011 et repose sur l'article 20 de la convention collective des hôtels, restaurants et débits de boissons, qui a été confirmé par ledit accord,
- la fixation à 50% de la somme due par l'employeur et la renonciation du salarié à réclamer le surplus ne peut découler que d'un accord transactionnel signé par les parties, alors qu'il n'est pas précisé qu'à défaut de souhaiter un tel accord transactionnel, l'employé perdrait tous ses droits,
- en tout état de cause, il a saisi la présente juridiction avant l'accord du 15 juillet 2011 et même l'arrêt de la Cour de Révision, pour voir statuer sur plusieurs autres demandes ensuite de son licenciement notifié le 15 octobre 2009,
- de plus, il a pris le soin de préciser les chefs de demande qui ont été ramenés au montant sollicité lors de la conciliation, en sorte qu'aucune irrecevabilité ne lui peut être opposée,
- la prétention concernant l'indemnité de congédiement n'est pas nouvelle et vise simplement à reformuler la demande initiale d'indemnité légale de licenciement qu'il a réduite à la somme de 1.438,20 euros,
- il n'a pas renoncé à sa demande d'indemnité de licenciement abusif, qui correspond en réalité à l'indemnité de licenciement et qui a été ramenée à la somme de 3.451,65 euros ou à la somme de 2.013,45 euros, déduction faite de l'indemnité de congédiement,
- par ailleurs, depuis son embauche, il n'a jamais fait l'objet de la moindre sanction ou remarque,
- les faits de la nuit du 13 octobre 2009 n'ont été qu'un prétexte puisqu'il était devenu indésirable en raison de ses revendications salariales,
- aucun élément probant n'est susceptible de justifier la sanction infondée et excessive prise à son encontre,
- il était impératif qu'il recueille l'information concernant la présence de l'épouse de Monsieur GO., ainsi qu'il ressort des « consignes fiches de police », étant précisé qu'il n'a jamais proféré d'insultes,
- I. TO. n'a pas personnellement assisté aux faits (de même pour P. P.I) et son lien de subordination doit conduire le Tribunal à examiner avec prudence ses déclarations et ce d'autant qu'il ne le croisait que lors de la relève à 7 heures,
- ce n'est que sur demande expresse de l'employeur (le lendemain de la notification de la rupture) que Monsieur GO. a été amené à relater les faits et s'en plaindre sans toutefois mentionner les prétendues offenses, humiliations ou insultes,
- le seul reproche qui pourrait lui être fait est d'avoir manqué de tact, alors que le client, qui n'avait pas signalé la présence secrète de son épouse, avait menti à son propre employeur,
- aucune faute grave et aucun motif valable de licenciement n'apparaissent justifiés,
- la défenderesse a également fait preuve de précipitation et de légèreté blâmable ainsi que d'une véhémence inutile dans un contexte où il a régulièrement sollicité l'intervention de l'Inspection du travail pour obtenir le juste paiement de sa rémunération,
- la SAM E n'a pas hésité en outre à faire établir à ses salariés des attestations sans aucun rapport avec les faits, et ce, afin de le discréditer,
- il n'a pas pu retrouver un emploi et est arrivé en fin de droits Pôle Emploi, si bien qu'il n'a pas eu d'autre choix que de déposer un dossier de retraite (ayant atteint le 9 septembre 2012 l'âge de 60 ans).
La SAM E demande au Tribunal de déclarer irrecevable la demande de rappel de salaire à hauteur de la somme de 7.059,79 euros, sa prétention initiale soumise au bureau de conciliation étant de 480 euros, de déclarer irrecevable la demande concernant l'indemnité de nourriture à hauteur de la somme de 6.079,59 euros, sa prétention initiale étant de 3.339,79 euros, de déclarer irrecevable la demande nouvelle relative à l'indemnité de congédiement, de constater la renonciation du salarié à l'indemnité de licenciement abusif à hauteur de 9.440,46 euros et de le débouter du surplus de ses prétentions.
Elle soutient pour l'essentiel que :
- A. R. KI. ne rapporte pas la preuve qu'il aurait commencé à travailler pour son compte le 23 août 2005,
- le règlement des journées des 17 et 18 octobre 2009 a été réalisé suite aux injonctions de l'Inspection du travail,
- les revendications du demandeur relatives aux heures supplémentaires et complémentaires ont été examinées par l'Inspection du travail et ont donné lieu à des régularisations,
- le paiement effectué au mois d'avril 2009 porte sur les jours fériés valorisés des 1er novembre 2005, 19 novembre 2005 (complément), 15 juin 2006, 1er novembre 2006, 19 novembre 2006 (complément), 7 juin 2007, 1er novembre 2007 et 19 novembre 2007,
- le 15 juin 2010, elle a également réglé la somme de 228,09 euros au titre des jours fériés des 22 mai 2008, 1er novembre 2008 et 8 décembre 2008,
- les autres jours fériés réclamés ont fait l'objet de récupérations vérifiées par l'Inspection du travail,
- le bénéfice de l'accord étendu du 15 juillet 2011 est exclusif de toute autre demande au titre de l'indemnité de nourriture,
- si le salarié sollicite le bénéfice de cet accord, il devra se désister de toutes ses autres prétentions au titre de l'indemnité nourriture et s'il renonce au bénéfice de cet accord, il ne pourra prétendre qu'aux sommes dues au titre des reprises sur avantage en nature,
- par ailleurs, le personnel de l'hôtellerie est soumis à une obligation de discrétion renforcée à l'égard de la clientèle, étant précisé qu'A. R. KI. a suivi une formation complète lors de son arrivée,
- Monsieur GO. s'est plaint dès le lendemain du comportement du demandeur, les échanges de mails des 14 et 15 octobre 2009 ainsi que le fax du 31 mars 2010 démontrant l'exactitude des faits sanctionnés et la véracité des témoignages produits,
- le salarié a même reconnu, aux termes de sa lettre du 12 avril 2010, avoir brandi la fiche de renseignement devant Monsieur GO. et son employeur,
- en outre, A. R. KI. a sciemment omis de mentionner cet incident sur le registre de bord (loyauté),
- ces manquements professionnels graves, qui ont eu des répercussions intolérables sur la clientèle et l'image de marque de l'hôtel, justifiaient parfaitement le licenciement,
- aucune précipitation ou légèreté blâmable ne peut lui être reprochée puisqu'elle a vérifié les faits du 13 octobre 2009 avant d'adresser la lettre de rupture qui a été reçue par l'intéressé le 19 octobre 2009.
SUR QUOI,
Si le demandeur peut, en vertu des dispositions de l'article 42 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifier ses demandes devant le bureau de conciliation, la possibilité d'augmenter ses prétentions ou d'en formuler de nouvelles, en l'absence d'une disposition identique contenue dans cette même loi, ne lui est pas ouverte devant le bureau de jugement, lequel ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum, en application de l'article 1er de la loi précitée.
La demande en paiement de la somme de 7.059,79 euros à titre de rappel de salaire, formulée aux termes des écritures judiciaires déposées par A. R. KI. devant le bureau de jugement, n'a pas à être examinée dans sa globalité mais par poste de prétention, en sorte qu'elle n'apparaît pas irrecevable en tant que telle.
Cependant, les demandes additionnelles relatives aux jours fériés et à l'indemnité de nourriture, non soumises au préliminaire de conciliation, doivent être déclarées irrecevables (partie excédant le montant brut initialement réclamé).
La demande relative à l'indemnité de congédiement constitue bien une demande nouvelle non soumise au préliminaire de conciliation, dans la mesure où elle ne peut juridiquement être assimilée à la demande initiale d'« indemnité légale de licenciement », en sorte que le Tribunal doit la déclarer irrecevable. Il convient également de constater que la demande relative à l'indemnité de licenciement, telle qu'exprimée en conciliation, porte sur la somme de 3.142,82 euros (non de 9.440,46 euros) et ne peut être assimilée à une demande d'« indemnité de licenciement abusif ».
L'attestation produite par la défenderesse sous le numéro 7 doit être déclarée nulle puisque elle ne comporte pas la mention fondamentale de l'article 324-5° du Code de procédure civile.
En vertu des dispositions de l'article 2092 bis du Code civil, l'action des ouvriers, gens de travail et domestiques pour le paiement de leurs salaires, indemnités, accessoires et fournitures se prescrit par cinq années.
Cette prescription quinquennale ne peut, aux termes des articles 2064 et 2065 de ce même code, être valablement interrompue que par une citation en justice, y compris une citation en conciliation, un commandement ou une saisie.
En l'espèce, ladite prescription a été interrompue par la citation devant le bureau de conciliation du Tribunal du travail adressée le 23 mars 2010 à la SAM E par le secrétaire de cette juridiction, de telle sorte qu'A. R. KI. peut valablement solliciter paiement de rappel de salaire, indemnités et accessoires depuis le 1er mars 2005.
I) Sur la demande de rappel de salaire à hauteur de la somme brute de 480 euros
Aucune pièce ne permet de considérer qu'A. R. KI. aurait en réalité travaillé pour le compte de la SAM E depuis le 23 août 2005.
De plus, il résulte des éléments produits aux débats que suite à l'intervention de l'Inspection du Travail, l'employeur a régularisé le paiement de deux jours de salaires (16 heures de travail pour les 17 et 18 octobre 2009), alors qu'il n'est pas établi que le demandeur aurait travaillé plus de 72 heures du 1er au 16 octobre 2009 (138,66 - 74,66 + 8), en sorte que le calcul prorata temporis effectué par le salarié (par référence à l'horaire mensuel x 19/31) ne peut être retenu.
Les demandes formées pour la période du 23 août au 19 septembre 2005 et du 1er au 19 octobre 2009 doivent en conséquence être rejetées.
II) Sur les demandes en paiement d'heures complémentaires à concurrence de la somme brute de 400 euros, d'heures supplémentaires à concurrence de la somme brute de 500 euros, de repos compensateurs à concurrence de la somme brute de 480 euros
L'analyse des plannings et bulletins de paie démontre qu'A. R. KI., qui avait été employé pour un travail hebdomadaire de 32 heures (4 x 8 heures de travail),
n'a pas accompli d'heures complémentaires ou supplémentaires au cours de la période s'étendant du 5 au 14 novembre 2005,
a travaillé tous les jours de la semaine s'étendant du lundi 26 juin 2006 au dimanche 2 juillet 2006 (soit 8 x 7 = 56 heures) mais a obtenu une récupération pour son jour de repos hebdomadaire le 29 juillet 2006 (courrier du 10 février 2009 de l'Inspection du travail), en sorte que le règlement de la somme de 182,40 euros au titre des heures complémentaires laisse apparaître un trop perçu [7 x 7,60 (nombre d'heures complémentaires jusqu'à 39 heures) + 8 x 9,5 (heures supplémentaires à 25%) + 1 x 11,4 (heure supplémentaire à 50 %) = 140,60 euros ; trop perçu brut de 41,80 euros, outre la somme brute de 6,27 euros au titre du service 15% et la somme brute de 4,18 euros au titre de la prime de nuit, soit un total trop perçu de 52,25 euros bruts ainsi que de la somme de 2,61 euros au titre de l'indemnité monégasque de 5% ; l'application des dispositions conventionnelles sur les majorations relatives aux heures supplémentaires supposant la mise en œuvre du système conventionnel sur la durée du travail (49 heures) qui ne l'a pas été en l'espèce],
a travaillé tous les jours de la semaine s'étendant du lundi 13 novembre 2006 au dimanche 19 novembre 2006 (soit 8 x 7 = 56 heures dont un jour férié de 8 heures qui sera examiné ultérieurement) et n'a pas bénéficié de son jour de repos hebdomadaire sans qu'il soit justifié (courrier de l'Inspection du travail du 10 février 2009, « faire récupérer le repos hebdomadaire suspendu ») qu'il ait obtenu une récupération spécifique dans les trois mois qui ont suivi (article 5 et 6 de la loi n° 822 du 23 juin 1967), en sorte qu'il devait obtenir paiement de la somme brute de 8 x 7,904 x 2 (majoration de 100% pour le repos hebdomadaire) + 7 x 7,904 (nombre d'heures complémentaires jusqu'à 39 heures) + 1 x 9,88 (heure supplémentaire à 25%) - 126,46 (sommes réglées au titre des heures complémentaires) - 16,77 (sommes réglées en avril 2009) = 48,44 euros, outre la somme brute de 7,27 euros au titre du service 15% et la somme brute de 4,84 euros au titre de la prime de nuit, soit d'un total brut de 60,55 euros ainsi que de la somme de 3,03 euros au titre de l'indemnité monégasque de 5%,
a travaillé tous les jours de la semaine s'étendant du lundi 25 juin 2007 au dimanche 1er juillet 2007 (soit 8 x 7 = 56 heures) et n'a pas bénéficié de son jour de repos hebdomadaire sans qu'il soit soutenu ou justifié qu'il ait obtenu une récupération spécifique dans les trois mois qui ont suivi (article 5 et 6 de la loi n° 822 du 23 juin 1967), bien qu'il apparaisse un trop perçu brut de 444,59 (sommes réglées en juin et juillet 2007 sous déduction du paiement de 7 heures complémentaires et une heure supplémentaire effectuées au cours de la semaine du 9 au 15 juillet 2007) - 8 x 8,069 x 2 (majoration de 100% pour le repos hebdomadaire au taux de juillet 2007) + 7 x 7,904 (nombre d'heures complémentaires jusqu'à 39 heures) + 8 x 9,88 (heures supplémentaires à 25%) + 1 x 11,86 (heure supplémentaire à 50%) = 169,26 euros, outre la somme brute de 25,39 euros au titre du service 15% et la somme brute de 16,93 euros au titre de la prime de nuit, soit un total trop perçu de 211,58 euros bruts ainsi que de la somme de 10,58 euros au titre de l'indemnité monégasque de 5%,
a travaillé tous les jours de la semaine s'étendant du lundi 12 novembre 2007 au dimanche 18 novembre 2007 (soit 8 x 7 = 56 heures dont un jour férié de 8 heures) et n'a pas bénéficié de son jour de repos hebdomadaire sans qu'il soit justifié (courrier de l'Inspection du travail du 10 février 2009, « faire récupérer le repos hebdomadaire suspendu ») qu'il ait obtenu une récupération spécifique dans les trois mois qui ont suivi (article 5 et 6 de la loi n° 822 du 23 juin 1967), en sorte qu'il devait obtenir paiement de la somme brute de 8 x 8,069 x 2 (majoration de 100% pour le repos hebdomadaire) + 7 x 8,069 (nombre d'heures complémentaires jusqu'à 39 heures) + 8 x 10,09 (heures supplémentaires à 25%) + 1 x 12,10 (heure supplémentaire à 50%) - 193,48 (sommes réglées au titre des heures complémentaires) - 30,72 (sommes réglées en avril 2009) = 54,20 euros, outre la somme brute de 8,13 euros au titre du service 15% et la somme brute de 5,42 euros au titre de la prime de nuit, soit d'un total brut de 67,75 euros ainsi que de la somme de 3,39 euros au titre de l'indemnité monégasque de 5%.
Il apparaît en définitive que le demandeur a bien été rempli de ses droits au titre des heures complémentaires et supplémentaires.
III) Sur la demande en paiement de la somme brute de 560 euros au titre des jours fériés
Conformément à l'article 11 de la convention collective des hôtels, restaurants et débits de boissons du 1er juillet 1968, étendue par arrêté ministériel n° 68-367 du 22 novembre 1968, les fêtes légales devront, soit être payées en supplément sur la base du 1/20ème du salaire mensuel, soit être compensées dans la quinzaine, au choix de la Direction.
En l'espèce, le calcul du 1/20ème du salaire mensuel devait tenir compte de l'ensemble de ses éléments fixes (salaire horaire, service 15%, prime de nuit, indemnité de nourriture) et non pas seulement de la rémunération de base.
Il résulte des pièces versées aux débats que :
Pour la période s'étendant jusqu'au mois de juin 2006,
Pour le 25 décembre 2005, le 1er janvier 2006, le 17 avril 2006 (Pâques), le 1er mai 2006, le 5 juin 2006 (Pentecôte), il était dû : [1/20ème (1.053,82 + 158,07 + 105,38 + 99,52) - 42,15 (somme effectivement réglée)] x 5 = (70,84 - 42,15) x 5 = 28,69 x 5 = 143,45 euros,
Pour la période s'étendant jusqu'au mois de juin 2007,
Pour le 1er janvier 2007, 27 janvier 2007 (Sainte-Dévote), 9 avril 2007 (Pâques), 1er mai 2007, 28 mai 2007 (Pentecôte), il était dû : [1/20ème (1.096 + 164,40 + 109,60 + 120,46) - 43,84] x 5 = (74,52 - 43,84) x 5 = 153,40 euros, bien que le salarié ait limité sa prétention à 5 x 27,92 = 139,60 euros
Pour la période s'étendant jusqu'au mois d'avril 2008,
Il n'est pas démontré que le salarié aurait travaillé le 15 août 2007,
Pour le 19 novembre 2007, il était dû : 1/20ème (1.118,93 + 167,83 + 111,89 + 121,98) = 76,03 euros
Pour les trois jours fériés de 2008, qui n'ont pas été récupérés, il n'est établi que le règlement de la somme brute de 201,38 euros en juin 2010 (suite au courrier de l'Inspection du Travail du 18 mai 2010) serait sans rapport avec leur paiement, en sorte que seule la somme de 3 x 76,03 euros (réclamés) - 201,38 = 26,71 euros peut être octroyée.
Le demandeur est dès lors en droit d'obtenir paiement de la somme brute totale de 385,79 euros ainsi que la somme brute de 38,58 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2010, date de la réception de la requête initiale.
IV) Sur la demande en paiement de l'indemnité de nourriture à concurrence de la somme brute de 3.339,79 euros
Un accord relatif à l'indemnité de nourriture du 15 juillet 2011 conclu entre l'association des industries hôtelières monégasques d'une part et le syndicat des employés des hôtels, cafés et restaurants de Monaco et le syndicat des cuisiniers et pâtissiers de Monaco d'autre part, a été étendu par arrêté ministériel n° 2011-556 du 10 octobre 2011 et rendu obligatoire pour tous les employeurs et salariés compris dans son champ d'application. Il prévoit :
« 1. Avec effet au 1er juillet 2011, l'indemnité de nourriture sera versée pour tous les jours du mois de présence ou de repos. Le versement sera effectué sur la base de 30 jours par mois. L'indemnité de nourriture ne sera pas versée pendant les congés payés si elle a déjà été prise en compte dans l'assiette de calcul des congés payés.
2. Les salariés engagés avant le 1er juillet 2011, toujours présents ou ayant quitté l'entreprise, pourront bénéficier, dans le cadre des accords individuels et en contrepartie d'une renonciation à toute autre demande sur ce sujet, du paiement d'un rappel transactionnel d'indemnités de nourriture.
Ce rappel sera égal (…)
Ce rappel transactionnel sera versé en trois versements (…)
L'entreprise proposera à chaque salarié concerné une lettre lui indiquant le montant transactionnel offert et les échéances de versement.
La lettre rappellera qu'en acceptant cette offre le salarié renonce à toute prétention pour le passé au titre de l'indemnité de nourriture. (…)
Pour exprimer son accord sur cette renonciation, le salarié retournera à l'entreprise le double de la lettre reçue après avoir apposé sa signature précédée de la mention manuscrite « Lu et approuvé, bon pour transaction ».
3. Les anciens salariés de l'industrie hôtelière de Monaco, s'ils en font la demande auprès de l'entreprise qui les employait, pourront bénéficier d'un rappel transactionnel identique en contrepartie d'une renonciation à toute autre prétention, au titre de l'indemnité de nourriture. Cette somme sera versée en une seule fois. À cet effet, les anciens salariés se verront proposer une lettre analogue à celle évoquée à l'article précédent (…) ».
Il apparaît toutefois qu'A. R. KI. n'a pas sollicité le bénéfice de cet accord (simple possibilité de transiger en l'état de l'emploi du terme « pourront ») et a maintenu ses demandes formulées devant le Tribunal du Travail avant ledit accord, si bien qu'il convient d'examiner de telles prétentions.
En vertu de l'article 20 de la Convention Collective des hôtels, restaurants et débits de boissons du 1er juillet 1968, étendue par arrêté ministériel n° 68-367 du 22 novembre 1968, « Les parties décideront, lors de la conclusion des contrats individuels de travail si le régime de travail comporte ou non la nourriture et le logement.
Cette clause pourra être modifiée au cours du contrat d'un commun accord sans que cette modification puisse être considérée comme une clause de rupture abusive du contrat de travail.
Les employeurs assureront à leur personnel une nourriture saine et abondante.
Les employés nourris et qui doivent suivre un régime pourront, après avis du Docteur, bénéficier de ce régime.
Les employés nourris auront la faculté, soit de venir prendre leur repas pendant le repos hebdomadaire et les congés payés, soit de recevoir l'indemnité compensatrice correspondante.
Ils devront choisir l'une ou l'autre option au début du congé ou au début du mois pour le repos hebdomadaire.
Les employés nourris ne pourront, sous aucun prétexte, être dérangés pendant leurs heures de repas.
Les réfectoires doivent être tenus dans le plus grand état de propreté et à l'abri des mauvaises odeurs.
Le personnel nécessaire au service des repas sera appointé dans les établissements qui occupent plus de 50 employés ».
La Cour de Révision a précisé, aux termes d'un arrêt du 28 février 2011 rendu dans une affaire Société M c/ DO, « attendu qu'ayant constaté, d'une part, qu'il résultait du permis de travail reprenant un document cosigné par les parties que le salarié bénéficiait d'une indemnité de nourriture et d'autre part, que les bulletins de salaire mentionnaient la participation de l'employeur à la nourriture du salarié sous forme d'indemnité de nourriture, c'est à bon droit, sans avoir à effectuer d'autre recherche et sans modifier l'objet du litige, que le tribunal retient qu'il résulte de l'accord des parties que l'employé est fondé à solliciter le paiement d'une indemnité de nourriture pour les jours où il était en repos et en congé (…) ».
En l'espèce, si les bulletins de paie du demandeur font état du versement d'une indemnité de nourriture, aucun autre document (permis de travail, demande d'autorisation d'embauchage cosigné par les intéressés, contrat de travail) ne vient corroborer que les parties avaient convenu que le régime de travail comportait la nourriture au sens de l'article 20 précité de la convention collective des hôtels, restaurants et débits de boissons, de telle sorte que le salarié ne peut prétendre à son bénéfice au cours de ses jours de repos ou congé à hauteur de la somme nette de 3.838,56 euros ou brute de 4.379,41 euros (prétention au demeurant partiellement irrecevable).
La demande nouvelle tendant au paiement de la somme de 2.238,03 euros nets (reprise avantage en nature) apparaît irrecevable, faute d'avoir été soumise au préliminaire de conciliation, étant en tout état de cause relevé qu'aucune explication suffisante n'a été fournie sur le caractère abusif de la retenue opérée par l'employeur, laquelle n'a au demeurant pas donné lieu à la moindre contestation de la part d A. R. KI. lors de l'exécution du contrat de travail, en dépit de ses multiples demandes d'intervention de l'Inspection du travail.
V) Sur le licenciement
Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de rupture et notamment de la faute grave alléguée.
La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat.
En l'espèce, il résulte de l'email adressé par Monsieur GO. le 18 octobre 2009 à J. CA. que « je peux seulement vous dire que cela été l'expérience la plus surréaliste et embarrassante de ma vie professionnelle.
En effet, ma femme, à laquelle je suis marié depuis 20 ans et moi-même nous sommes enregistrés à votre hôtel dimanche dernier, car j'assistais à SporTel 2009. Lorsque nous nous sommes enregistrés, on m'a dit que je devrais payer 20 euros supplémentaires par jour parce que la réservation avait été faite pour une chambre simple et que nous étions en fait deux. J'ai moi-même accepté de payer le supplément, le réceptionniste a ensuite photocopié les passeports de ma femme et de moi-même sur une page et m'a donné la clé de la chambre.
Comme il s'agissant d'un voyage d'affaires et que ma femme ne souhaite pas mélanger vie privée et vie professionnelle, elle est restée discrète ; sans compter que je n'avais dit à personne qu'elle était avec moi.
Malheureusement, lorsque je suis rentré à l'hôtel avec mon patron mardi soir, votre employé a commencé à dire qu'il y avait une femme dans ma chambre et qu'il avait besoin de connaître son identité. Pour ne pas perdre la face, je lui ai répondu que je ne savais pas de quoi il voulait parler. À ma surprise, votre employé a pris la photocopie de nos passeports et l'a montré à mon patron en disant « Oui, il y a une femme dans sa chambre, voilà une photocopie de son passeport ». Je me suis en effet senti complètement embarrassé et mon patron était furieux contre moi parce que j'avais menti. (…) ».
Si ce document confronté à la version du demandeur (lettre du 12 avril 2010) confirme que celui-ci a manqué de discrétion, pour obtenir des informations qu'il était tenu de rechercher (en l'état des consignes de police, nom de l'épouse différent de celui de Monsieur GO.), en évoquant la question en cause devant un tiers, il n'est pas établi qu'il aurait traité le client de menteur, aurait laissé entendre qu'il était accompagné d'une prostituée et aurait pris l'employeur de ce dernier à parti de manière agressive. Sur ces derniers points, le témoignage isolé de P. PI., salariée de la SAM E, vise des propos qui auraient été tenus par Monsieur GO. mais rapporte des éléments dont celui-ci n'a pas lui-même fait état, et n'est pas conforté par d'autres attestations en dehors de courriels émanant de personnes n'ayant pas assisté aux faits. De plus, I. TO., également employé de la défenderesse, relate les faits litigieux sans préciser la personne qui les lui aurait décrits, bien qu'il mentionne ensuite que Monsieur GO. lui avait fait part qu'il avait rencontré le responsable de l'hôtel et qu'à son avis, A. R. KI. avait des problèmes de santé.
Dans ces conditions, la seul attitude fautive caractérisée du demandeur, qui n'a en outre pas renseigné le registre de bord sur l'incident en cause, méritait certainement le prononcé d'une sanction (pouvant aller jusqu'à la mise à pied) mais ne justifiait en aucun cas un licenciement, a fortiori pour faute grave, et ce d'autant qu'aucun reproche n'avait été précédemment formulé par l'employeur sur le comportement ou le travail de l'intéressé et qu'il n'est pas démontré que les griefs nouveaux résultant des attestations des salariés auraient également été à l'origine de la rupture.
A. R. KI., qui disposait d'une ancienneté supérieure à deux années, est dès lors fondé à obtenir paiement de :
- la somme brute réclamée de 3.142,82 euros (même s'il pouvait obtenir 1.573,41 x 2) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2010,
- la somme réclamée de 3.142,82 euros (même s'il pouvait obtenir 1.573,41/25 x 51 = 3.209,76 euros) à titre d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.
Enfin, l'employeur a fait un usage excessif de son pouvoir disciplinaire qui confère au principe du licenciement un caractère abusif, étant toutefois précisé que le lien causal entre la rupture et les revendications salariales n'est pas suffisamment établi. Les pièces versées aux débats justifient le préjudice financier subi par le demandeur, alors que celui-ci a également subi un préjudice moral lié à la perte de son emploi, de telle sorte qu'il convient de condamner la SAM E à lui régler la somme réclamée de 18. 880,92 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.
Outre que la demande en paiement de la somme de 5.000 euros pour les frais exposés n'a pas été explicitée, il apparaît qu'aucune résistance abusive ou faute procédurale ne peut être reprochée à la défenderesse.
La SAM E, qui succombe, doit supporter les dépens du présent jugement.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré,
Déclare irrecevables la demande en paiement d'un rappel de salaire au titre de l'indemnité de nourriture pour sa partie excédant la somme brute de 3.339,79 euros, la demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des jours fériés pour sa partie excédant la somme brute de 560 euros ainsi que la demande en paiement de l'indemnité de congédiement ;
Constate que la demande en paiement de l'indemnité de licenciement ne peut porter que sur la somme de 3.142,82 euros et ne peut s'assimiler à une demande en paiement de l'« indemnité de licenciement abusif » ;
Déclare nulle l'attestation produite par la société anonyme monégasque E sous le numéro 7 ;
Condamne la société anonyme monégasque E à payer à A. R. KI. la somme brute de 385,79 euros (trois cent quatre vingt cinq euros et soixante dix neuf centimes) à titre de rappel de salaire pour les jours fériés ainsi que la somme brute de 38,58 euros (trente huit euros et cinquante huit centimes) au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2010 ;
Dit que le licenciement d'A. R. KI. par la société anonyme monégasque E n'est pas fondé sur une faute grave ou un motif valable et revêt un caractère abusif ;
Condamne la société anonyme monégasque E à payer à A. R. KI. la somme brute de 3.142,82 euros (trois mille cent quarante deux euros et quatre vingt deux centimes) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2010 ;
Condamne la société anonyme monégasque E à payer à A. R. KI. la somme de 3.142,82 euros (trois mille cent quarante deux euros et quatre vingt deux centimes) à titre d'indemnité de licenciement ainsi que la somme de 18.880,92 euros (dix huit mille huit cent quatre vingt euros et quatre vingt douze centimes) à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
Déboute A. R. KI. du surplus de ses demandes ;
Condamne la société anonyme monégasque E aux dépens du présent jugement ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Jacques ORECCHIA, Jean-Pierre ESCANDE, membres employeurs, Monsieur Serge ARCANGIOLINI, Madame Fatiha ARROUB, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt quatre octobre deux mille treize, par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Jacques ORECCHIA et Serge ARCANGIOLINI, Monsieur Jean-Pierre ESCANDE et Madame Fatiha ARROUB étant empêchés, assistés de Madame Catherine CATANESE, Secrétaire en Chef.