Cour d'appel, 8 juillet 2014, La Société anonyme de droit monégasque E c/ Monsieur A. R. KI.

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Abstract🔗

Témoignage – Caractère probant (non)

Indemnité de nourriture – Applicabilité (oui) – Calcul

Complément de nourriture – Recevabilité (non)

Licenciement – Faute grave (non) – Caractère abusif (oui)

Résumé🔗

Selon l'article 323 du Code de procédure civile, la juridiction appelée à statuer peut recevoir des tiers les déclarations de nature à l'éclairer sur les faits litigieux auxquels ils ont assisté ou qu'ils ont personnellement constatés. En l'espèce il n'est pas discuté que les témoignages en cause sont des témoignages indirects, les tiers n'ayant pas personnellement assisté aux faits qu'ils n'ont donc pas constatés. Il s'ensuit que sans qu'il soit nécessaire d'écarter ces pièces des débats, celles-ci apparaissent dépourvues de caractère probant suffisant dès lors que leurs auteurs n'ont pas été témoins des faits litigieux, mais se contentent de rapporter ce que le client leur aurait indiqué à ce propos.

La SAM E admet en appel que le régime de travail comportait au titre des avantages une indemnité nourriture au sens de l'article 20 de la Convention collective des hôtels, cafés, restaurants. Elle soutient toutefois que cette indemnité doit être versée sur la base de 30 jours par mois en application de l'arrêté ministériel n° 2011-566 du 10 octobre 2011, déduction faite des jours de congés payés ou de congés maladie dès lors que tant l'indemnité de congés payés que l'indemnité versée par les Caisses sociales intègreraient cette indemnité. Toutefois, il n'est nullement établi, ainsi qu'à bon droit relevé par les premiers juges, qu'un rappel transactionnel d'indemnité de nourriture sur la base de l'accord du 15 juillet 2011 étendu par arrêté ministériel n° 2011-556 du 10 octobre 2011 avait été convenu entre les parties de sorte que les bases de calcul proposées par l'employeur seront écartées. Il ne saurait être discuté que A. R. KI. n'a pas totalement été rempli de ses droits en ce qui concerne l'indemnité de nourriture et qu'il établit par les pièces produites que l'employeur reste redevable de ce chef de la somme de 3.858,56 euros nets. Toutefois, la SAM E ne sera condamnée qu'au paiement de la somme nette de 3.339,79 euros dans la mesure où seule cette demande a été soumise au préliminaire de conciliation, la somme supplémentaire réclamée pour tenir compte de l'erreur de calcul alléguée s'avérant en cet état irrecevable.

C'est à bon droit et par une exacte appréciation des demandes présentées au bureau de conciliation par A. R. KI., non démentie par les éléments de la cause en appel, que le Tribunal du Travail a déclaré irrecevable la demande en complément de nourriture faute d'avoir été soumise à ce préliminaire, la Cour observant en ce sens que le fondement de cette réclamation est différent de la demande tendant au paiement de l'indemnité de nourriture sur le fondement de l'article 20 précité.

En droit, a faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis. En l'espèce, que pour rapporter la preuve, qui lui incombe, de la faute grave qu'elle invoque, la SAM E produit les attestations 9 et 10 dénuées de force probante faute de contenir une relation directe des faits et d'être corroborées par d'autres éléments, une télécopie du client GO., adressée postérieurement aux faits à la demande de l'employeur, portant sa relation des évènements (dont la Cour observe qu'elle s'avère plus proche de celle du salarié que de celle des témoins indirects, aucune insulte ou attitude agressive n'y étant mentionnée) et enfin le rapport de nuit faisant état du contrôle des «stats fidelio» et fiche police. Les premiers juges ont parfaitement tiré les conséquences d'une telle carence probatoire et ont aux termes d'une exacte appréciation des faits de la cause non démentie par les pièces du dossier soumis en cause d'appel, par des motifs que la Cour adopte, à bon droit estimé que le seul fait d'avoir manqué de discrétion pour obtenir des informations nécessaires n'était pas un motif valable de licenciement et donc encore moins une faute grave d'autant que ce salarié avait toujours donné satisfaction dans son travail. La Cour observera encore que rien ne permet de retenir que le réceptionniste avait reçu des instructions concernant le caractère confidentiel de la présence de l'épouse du client à ses côtés et qu'il n'a pu qu'être déstabilisé par les dénégations formelles de Monsieur GO. sur ce point, alors qu'il se devait, conformément aux instructions permanentes, de vérifier le nombre des occupants de chaque chambre.

Sur le caractère abusif du licenciement, il appartient au salarié au soutien de sa demande en paiement de dommages-intérêts de justifier de l'existence de l'abus commis par l'employeur dans l'exercice de son droit unilatéral de rupture et du préjudice qui en est résulté. À cet égard, que l'exercice par l'employeur de ce droit sans que le salarié soit rempli de ses droits est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 SA R c/ SAM V) ou reposant sur de faux motifs. L'absence de tout motif valable ne suffit cependant pas à caractériser un tel abus, de sorte que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'usage excessif par l'employeur de son pouvoir disciplinaire conférait au principe du licenciement un caractère abusif. L'abus dans la prise de décision ne saurait en effet résulter que dans le cas de motifs de rupture reposant sur une cause illégale (licenciement d'une salariée pour cause de grossesse, de considération discriminatoire?). En l'espèce, il est constant que la SAM E a procédé au licenciement de son salarié avant même d'avoir obtenu des explications tant du client que de son salarié sur le déroulement exact des évènements de la nuit, sur la base de seuls mails d'employés non présents au moment de l'incident et au prétexte que le client en question se serait plaint au directeur, ce qui n'est pas avéré. Il sera également relevé que ce même directeur écrivait le lendemain du licenciement au client GO. pour lui demander de retracer les évènements, précisant faussement qu'une mesure disciplinaire allait être prise à l'encontre du réceptionniste, alors que le licenciement avait déjà été prononcé. Ces circonstances caractérisent une précipitation et légèreté blâmable rendant abusive la rupture.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

R

ARRÊT DU 8 JUILLET 2014

En la cause de :

  • - La Société anonyme de droit monégasque E, immatriculée au RCI de Monaco sous le n°X, exploitant l'Hôtel A, dont le siège social est 1X, à Monaco, représentée par son président délégué en exercice, Monsieur j. CA., domicilié en cette qualité audit siège,

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

  • - Monsieur A. R. KI., né le 9 septembre 1952, réceptionniste, demeurant et domicilié X à Nice,

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Danièle RIEU, avocat au Barreau de Nice, substituée par Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au même Barreau ;

INTIMÉ,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal du Travail, le 24 octobre 2013 ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 16 janvier 2014 (enrôlé sous le numéro 2014/000102) ;

Vu les conclusions déposées les 25 mars et 16 juin 2014, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de A. R. KI. ;

Vu les conclusions déposées le 6 juin 2014, par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la SAM E ;

À l'audience du 17 juin 2014, Ouï Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au Barreau de Nice, substituant Maître Danièle RIEU avocat au même Barreau, assistée de Maître Joëlle PASTOR-BENSA en ses plaidoiries pour A. R. KI. et vu la production des pièces de Maître Arnaud ZABALDANO pour la SAM E ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la SAM E, à l'encontre d'un jugement du Tribunal du Travail du 24 octobre 2013.

Considérant les faits suivants :

A. R. KI., réceptionniste de nuit au sein de l'hôtel trois étoiles A, a été licencié par courrier recommandé avec accusé de réception du 15 octobre 2009 pour faute grave.

Suivant jugement du 24 octobre 2013, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits de la cause, le Tribunal du Travail statuant dans l'instance opposant A. R. KI. à la SAM E, exploitant l'hôtel A, a :

  • « (…) Déclaré irrecevables la demande en paiement d'un rappel de salaire au titre de l'indemnité de nourriture pour sa partie excédant la somme brute de 3.339,79 euros, la demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des jours fériés pour sa partie excédant la somme brute de 560 euros ainsi que la demande en paiement de l'indemnité de congédiement,

  • Constaté que la demande en paiement de l'indemnité de licenciement ne peut porter que sur la somme de 3.142,82 euros et ne peut s'assimiler à une demande en paiement de l'«indemnité de licenciement abusif,

  • Déclaré nulle l'attestation produite par la société anonyme monégasque E sous le numéro 7,

  • Condamné la société anonyme monégasque E à payer à A. R. KI. la somme brute de 385,79 euros (trois cent quatre vingt cinq euros et soixante dix neuf centimes) à titre de rappel de salaire pour les jours fériés ainsi que la somme brute de 38,58 euros (trente huit euros et cinquante huit centimes) au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2010,

  • Dit que le licenciement d A. R. KI. par la société anonyme monégasque E n'est pas fondé sur une faute grave ou un motif valable et revêt un caractère abusif,

  • Condamné la société anonyme monégasque E à payer à A. R. KI. la somme brute de 3.142,82 euros (trois mille cent quarante deux euros et quatre vingt deux centimes) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2010,

  • Condamné la société anonyme monégasque E à payer à A. R. KI. la somme de 3.142,82 euros (trois mille cent quarante deux euros et quatre vingt deux centimes) à titre d'indemnité de licenciement ainsi que la somme de 18.880,92 euros (dix huit mille huit cent quatre vingt euros et quatre vingt douze centimes) à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

  • Débouté A. R. KI. du surplus de ses demandes,

  • Condamné la société anonyme monégasque E aux dépens du présent jugement (…)»

Au soutien de cette décision, les premiers juges ont pour l'essentiel, d'une part fait droit partiellement aux demandes de A. R. KI. relatives à l'exécution du contrat de travail après avoir déclaré un certain nombre d'entre elles irrecevables par l'application combinée des articles 42 et 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946 ou non fondées, d'autre part retenu que la seule attitude fautive caractérisée ne justifiait pas un licenciement, que l'usage excessif par l'employeur de son pouvoir disciplinaire conférait au principe du licenciement un caractère abusif justifiant l'allocation de dommages-intérêts et enfin qu'aucune résistance abusive ou faute procédurale ne pouvait être reprochée à l'employeur.

Suivant exploit du 16 janvier 2014, la SAM E a régulièrement interjeté appel partiel de ce jugement signifié le 17 décembre 2013 dont elle a sollicité la réformation aux fins de voir :

  • « (…) - dire et juger que le licenciement de A. R. KI. repose bien sur une faute grave, et donc sur un motif valable, et ne présente pas un caractère abusif,

  • - dire et juger que A. R. KI. a été entièrement rempli de ses droits, et le débouter de toutes ses demandes,

  • - confirmer le jugement pour le surplus,

  • - condamner A. R. KI. aux dépens (…)»

Au soutien de son appel, l'employeur reproche aux premiers juges d'avoir réalisé une mauvaise appréciation des faits de la cause relativement au bien fondé de la rupture et à son caractère abusif.

Il soutient que A. R. KI. a fait preuve d'un défaut de discrétion portant atteinte à la vie privée d'un client en sollicitant certains renseignements, doublé d'une attitude agressive, insultante et humiliante inacceptable en raison du particularisme de l'activité d'un réceptionniste d'hôtel de luxe.

Il ajoute que ce comportement, qui ne relevait selon lui d'aucune nécessité professionnelle dans la mesure où les éléments nécessaires avaient déjà été recueillis, résulte à suffisance des pièces produites (attestations, mail et télécopie du client) et s'analyse en une faute grave contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges.

C'est encore à tort, en méconnaissance des contraintes et des exigences du service, que les premiers juges auraient estimé qu'il avait fait un usage excessif de son pouvoir disciplinaire et qualifié d'abusif le licenciement, précisant que la décision de rupture n'avait été prise qu'après la plainte du client.

Il s'oppose aux demandes relatives à l'exécution du contrat de travail pour les raisons suivantes :

  • - la régularisation des sommes dues avait été portée sur le bulletin d'avril 2009 sans avoir appelé d'observation de la part du salarié,

  • - ce n'est qu'à la suite de la notification du licenciement qu'il a adressé une nouvelle lettre de réclamation et qu'une nouvelle régularisation a été effectuée en conformité avec la position de l'inspection du travail,

  • - A. R. KI. n'a commencé à travailler que le 20 septembre 2005,

  • - en l'état des sommes trop perçues et des sommes restant dues, le Tribunal du Travail a jugé qu A. R. KI. avait été rempli de ses droits,

  • - il s'accorde sur la condamnation prononcée à son encontre du chef des jours fériés,

  • - la demande de 2.238,03 euros au titre des reprises sur avantages en nature constitue une demande nouvelle,

  • - la demande au titre de l'indemnité de nourriture sera rejetée faute pour A. R. KI. d'avoir sollicité le bénéfice de l'accord du 15 février 2011.

Dans ses conclusions du 6 juin 2014, la SAM E entend toutefois, voir dire et juger que A. R. KI. ne saurait prétendre au titre du rappel de salaire pour indemnités de nourriture, à une somme supérieure à 3.271 euros.

Pour sa part, A. R. KI., intimé et appelant incident, qui relève à titre liminaire que l'employeur a fait état d'une «négligence grave» pour le licencier alors que la négligence est par définition une faute légère, sollicite :

  • - le rejet des débats des pièces n° 9 et 10 produites par l'appelante par application de l'article 323 du Code de procédure civile,

  • - la confirmation de la décision entreprise en ses dispositions relatives au licenciement, sauf à retenir que les faits reprochés ne peuvent même pas caractériser un manque de discrétion,

  • - la confirmation de la décision entreprise en ses dispositions relatives à la condamnation de la SAM E à lui payer la somme de 385,79 euros, outre 38,58 euros de congés payés y afférents, à titre de rappel de salaire pour jours fériés,

  • - la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a constaté qu'il lui était dû la somme de 128,30 euros, outre 6,41 euros d'indemnité monégasque, à titre de rappel de salaire pour heures complémentaires et/ou supplémentaires, et sa réformation pour entendre la Cour condamner la SAM E à lui payer ladite somme avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice du 22 mars 2010,

  • - la réformation de la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté ses autres demandes relatives au rappel de salaire formulé, et en conséquence, la condamnation de la SAM E à lui payer, avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice du 22 mars 2010, les sommes de :

    • 336,71 euros à titre de salaire du 23 août au 19 septembre 2005,

    • 55,38 euros à titre de complément de salaire du 1er au 19 octobre 2009,

    • 357,43 euros à titre de rappel de salaire pour heures complémentaires, supplémentaires et repos compensateurs,

    • 3.838,56 euros à titre d'indemnité de nourriture ou au moins celle de 3.339,79 euros, en donnant acte à la SAM E qu'elle reconnaît devoir la somme de 3.271,04 euros à ce titre.

Selon l'intimé, la description par l'appelante des faits reprochés ne correspond pas à la réalité dans la mesure où l'échange avec le client a eu lieu à la réception dans le seul but de renseigner les fiches de l'hôtel et de police, que ce client ne s'est pas plaint mais a été sollicité par la direction et que ce contrôle a été mentionné dans son rapport de nuit.

Il observe qu'aucune nouvelle pièce n'est produite et que rien ne viendrait donc remettre en cause l'appréciation de faits de la cause faite par les premiers juges.

Il assure que compte tenu de son ancienneté, de l'absence de toute observation antérieure et des circonstances entourant la mésaventure du client, celui-ci ayant caché à son employeur la présence de sa femme, ce qu'il ignorait pour sa part, aucune sanction ne se justifiait pour le simple manque de tact dont il a fait preuve.

Les allégations et insinuations formulées dans la lettre de licenciement sont, selon lui, des extrapolations dans la mesure où la preuve des griefs n'est pas rapportée, observant à cet égard que la réalité du comportement qui lui est reproché et sa gravité ne sauraient être révélées par les témoignages produits, les attestants n'ayant pas assisté personnellement aux faits litigieux.

Enfin il relève que le licenciement a été décidé au seul visa d'un échange de mails, sans aucune explication de sa part, ni vérification.

Au soutien de son appel incident, il expose essentiellement que :

Rappel de salaire : 392,09 (336,71 + 55,38) euros :

  • Entré au service de la SAM E le 23 août 2005 (confer pièce n°20 qu'il produit), il est en droit de percevoir le reliquat de salaire portant sur la période du 23 août au 19 septembre 2005, veille de son embauche officielle, la somme de 336,71 euros nets,

  • Embauché mensuellement pour 138,66 heures, il est en droit de percevoir pour la période du 1er au 19 octobre 2009 la somme de 996,49 euros, alors qu'il n'a perçu que celle de 941,11 euros, soit un reliquat dû de 55,38 euros.

Rappel de salaire pour heures complémentaires, supplémentaires et repose compensateurs :

  • Il a travaillé 10 nuits du 5 au 14 novembre 2005, 11 nuits d'affilées du 24 juin au 4 juillet 2006, 10 nuits du 11 au 20 novembre 2006, 11 nuits du 23 juin au 3 juillet 2007 et 11 nuits du 10 au 30 novembre 2007 ce qui lui ouvre droit au paiement de la somme de 357,43 euros, le Tribunal ayant à tort considéré qu'il avait été rempli de ses droits de ces chefs.

Indemnité de nourriture :

  • Son bulletin de salaire portant mention du versement d'une indemnité de nourriture, il est en droit de prétendre au versement d'un complément d'indemnité par application de l'article 20 de la Convention collective des hôtels de 3.838,56 euros, sa demande initiale de ce chef ne portant sur une somme moindre qu'en l'état d'une erreur de calcul ; en toutes hypothèses l'appelante a reconnu dans ses écrits lui devoir la somme de 3.271 euros de ce chef.

Subsidiairement pour le cas où il ne se serait pas rempli de ses droits au titre de l'indemnité de nourriture, indemnité de nourriture pour retenues injustifiées :

  • Cette demande relative à l'indemnité de nourriture ne peut être entendue comme une demande nouvelle et il lui sera octroyé la somme de 2.238,03 euros nets.

Enfin, il fait valoir que les interventions et recommandations de l'inspection du travail n'ont pas la force d'une décision judiciaire.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé ;

SUR CE,

Attendu quant à la procédure, que les appels régulièrement régularisés sont recevables ;

Attendu que ne sont pas remises en cause dans le cadre de ces appels croisés les dispositions du jugement ayant déclaré irrecevables les demandes en paiement d'un rappel de salaire au titre des jours fériés pour sa partie excédant la somme brute de 560 euros et de l'indemnité de congédiement, ayant constaté que la demande en paiement de l'indemnité de licenciement ne pouvait porter que sur la somme de 3.142,82 euros et ne pouvait s'assimiler à une demande en paiement de l'indemnité de licenciement abusif, pas davantage que celles relatives à la nullité de la pièce SAM E n°7 et à la condamnation de l'employeur au paiement d'un rappel de salaire pour 10 nuits du 11 au 20 novembre 2006 et de l'indemnité pour les jours fériés ;

Que ces dispositions sont donc désormais définitives ;

Attendu que la société appelante a produit deux attestations sous les numéros 9 et 10, dont la régularité formelle n'est pas contestée, mais dont le rejet est demandé ;

Attendu que selon l'article 323 du Code de procédure civile, la juridiction appelée à statuer peut recevoir des tiers les déclarations de nature à l'éclairer sur les faits litigieux auxquels ils ont assisté ou qu'ils ont personnellement constatés ;

Qu'en l'espèce il n'est pas discuté que les témoignages en cause sont des témoignages indirects, les tiers n'ayant pas personnellement assisté aux faits qu'ils n'ont donc pas constatés ;

Qu'il s'ensuit que sans qu'il soit nécessaire d'écarter ces pièces des débats, celles-ci apparaissent dépourvues de caractère probant suffisant dès lors que leurs auteurs n'ont pas été témoins des faits litigieux, mais se contentent de rapporter ce que le client leur aurait indiqué à ce propos ;

Attendu, au fond, que le Tribunal du Travail a, d'une part, fait droit pour l'essentiel aux demandes relatives à l'exécution du contrat de travail et a donc condamné l'employeur au paiement de diverses sommes, et d'autre part, considéré que le licenciement n'était fondé ni sur une faute grave ni sur un juste motif et qu'en outre il revêtait un caractère abusif ;

  • Sur les demandes remises en cause relatives à l'exécution du contrat de travail

  • - le salaire du 23 août au 19 septembre 2005 et du 1er au 19 octobre 2009 :

Attendu que A. R. KI. admet lui-même que le Tribunal du Travail a parfaitement constaté qu'aucune pièce ne permettait de retenir la date du 23 août 2005 comme étant celle de son entrée au service au sein de la SAM E, mais indique toutefois produire pour établir sa bonne foi les notes qu'il aurait prises à cette période ; que cependant, ce document émanant de la partie qui s'en prévaut ne saurait être admis comme élément de preuve ;

Attendu qu'il a été licencié par lettre du 15 octobre 2009, présentée le 19 octobre suivant, ainsi que mention en est portée sur l'accusé de réception dudit courrier, de sorte qu'il ne saurait utilement prétendre avoir droit à rémunération jusqu'au 19 octobre inclus, date à laquelle le contrat était déjà rompu, ainsi que l'a au demeurant considéré l'Inspection du Travail sans aucune protestation de sa part ;

Qu'il ne discute pas avoir été rémunéré jusqu'au 18 octobre inclus et n'établit pas avoir travaillé plus d'heures que celles convenues dans le contrat de travail, savoir 32 heures pour un travail hebdomadaire (4 x 8 heures) ;

Qu'en définitive, c'est de manière pertinente que le Tribunal, par une motivation exempte de critique adoptée par la Cour, l'a débouté de ses demandes de ce chef, la décision étant confirmée ;

  • - le rappel de salaire pour heures complémentaires, supplémentaires et repos compensateurs :

Attendu que A. R. KI. prétend avoir travaillé trois nuits supplémentaires pour la période du 5 au 14 novembre 2005 en remplacement d'un collègue, sur la base de la pièce n°4 qu'il produit, savoir son bulletin de salaire d'octobre 2009 ;

Que cette pièce s'avère inopérante à établir la réalité de ses assertions ; que la décision des premiers juges sera confirmée ;

Qu'en ce qui concerne les nuits effectuées du 24 juin au 4 juillet 2006, du 23 juin au 3 juillet 2007 et du 10 au 30 novembre 2007, le Tribunal du Travail a, par une analyse pertinente des pièces soumises à son appréciation, non démentie en cause d'appel, et aux termes d'une application exacte des textes en la matière, constaté que A. R. KI. avait été rempli de ses droits dans la mesure où les sommes à lui dues avait été compensées par les trop perçus dégagés ;

Attendu que force est de constater que l'appelant incident invoque son propre calcul de rémunération sans justifier ni même alléguer d'une erreur commise par les premiers juges quant à la détermination des sommes dues de ces chefs ;

Qu'en l'état de ce qui précède, il y a lieu de confirmer la décision entreprise sur ces points, les demandes du salarié étant rejetées ;

  • - indemnité de nourriture :

Attendu que la SAM E admet en appel que le régime de travail comportait au titre des avantages une indemnité nourriture au sens de l'article 20 de la Convention collective des hôtels, cafés, restaurants ;

Qu'elle soutient toutefois que cette indemnité doit être versée sur la base de 30 jours par mois en application de l'arrêté ministériel n° 2011-566 du 10 octobre 2011, déduction faite des jours de congés payés ou de congés maladie dès lors que tant l'indemnité de congés payés que l'indemnité versée par les Caisses sociales intègreraient cette indemnité ;

Que toutefois, il n'est nullement établi, ainsi qu'à bon droit relevé par les premiers juges, qu'un rappel transactionnel d'indemnité de nourriture sur la base de l'accord du 15 juillet 2011 étendu par arrêté ministériel n° 2011-556 du 10 octobre 2011 avait été convenu entre les parties de sorte que les bases de calcul proposées par l'employeur seront écartées ;

Attendu qu'il ne saurait être discuté que A. R. KI. n'a pas totalement été rempli de ses droits en ce qui concerne l'indemnité de nourriture et qu'il établit par les pièces produites que l'employeur reste redevable de ce chef de la somme de 3.858,56 euros nets ;

Que toutefois, la SAM E ne sera condamnée qu'au paiement de la somme nette de 3.339,79 euros dans la mesure où seule cette demande a été soumise au préliminaire de conciliation, la somme supplémentaire réclamée pour tenir compte de l'erreur de calcul alléguée s'avérant en cet état irrecevable ;

Que le jugement étant réformé sur ce point, il sera donc alloué ladite somme à A. R. KI., outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du Tribunal du Travail du 23 mars 2010 ;

Qu'enfin, c'est à bon droit et par une exacte appréciation des demandes présentées au bureau de conciliation par A. R. KI., non démentie par les éléments de la cause en appel, que le Tribunal du Travail a déclaré irrecevable la demande en complément de nourriture faute d'avoir été soumise à ce préliminaire, la Cour observant en ce sens que le fondement de cette réclamation est différent de la demande tendant au paiement de l'indemnité de nourriture sur le fondement de l'article 20 précité ; que A. R. KI. sera débouté de toutes ses prétentions de ce chef et la décision confirmée ;

  • Sur le licenciement

Attendu sur le bien fondé du licenciement, qu'au moment de la dénonciation de son contrat à durée indéterminée le 15 octobre 2009, A. R. KI. exerçait pour le compte de la SAM E une activité de réceptionniste de nuit depuis plus de 4 années sans avoir jamais fait l'objet de reproches ou d'avertissements ;

Qu'il s'est vu notifier son licenciement pour faute grave, privative de toutes indemnités, pour avoir fait preuve avec un client de l'hôtel «d'un comportement absolument incompatible avec ses fonctions de réceptionniste» ;

Que lui étaient en substance reprochées une négligence grave commise en violation des règles de confidentialité pour avoir divulgué des informations d'ordre personnel et une attitude agressive, insultante et humiliante vis-à-vis de ce client ;

Attendu en droit, que la faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis ;

Attendu que les parties sont contraires en fait sur le déroulement des faits litigieux ;

Attendu en l'espèce, que pour rapporter la preuve, qui lui incombe, de la faute grave qu'elle invoque, la SAM E produit les attestations 9 et 10 dénuées de force probante faute de contenir une relation directe des faits et d'être corroborées par d'autres éléments, une télécopie du client GO., adressée postérieurement aux faits à la demande de l'employeur, portant sa relation des évènements (dont la Cour observe qu'elle s'avère plus proche de celle du salarié que de celle des témoins indirects, aucune insulte ou attitude agressive n'y étant mentionnée) et enfin le rapport de nuit faisant état du contrôle des «stats fidelio» et fiche police ;

Attendu que les premiers juges ont parfaitement tiré les conséquences d'une telle carence probatoire et ont aux termes d'une exacte appréciation des faits de la cause non démentie par les pièces du dossier soumis en cause d'appel, par des motifs que la Cour adopte, à bon droit estimé que le seul fait d'avoir manqué de discrétion pour obtenir des informations nécessaires n'était pas un motif valable de licenciement et donc encore moins une faute grave d'autant que ce salarié avait toujours donné satisfaction dans son travail ;

Que la Cour observera encore que rien ne permet de retenir que le réceptionniste avait reçu des instructions concernant le caractère confidentiel de la présence de l'épouse du client à ses côtés et qu'il n'a pu qu'être déstabilisé par les dénégations formelles de Monsieur GO. sur ce point, alors qu'il se devait, conformément aux instructions permanentes, de vérifier le nombre des occupants de chaque chambre ;

Que la décision des premiers juges sera confirmée sur ce point et sur les conséquences légales qui en résultent, savoir le paiement des indemnités compensatrices de préavis et de licenciement dont le montant n'est pas discuté par la société appelante ;

Attendu, sur le caractère abusif du licenciement, qu'il appartient au salarié au soutien de sa demande en paiement de dommages-intérêts de justifier de l'existence de l'abus commis par l'employeur dans l'exercice de son droit unilatéral de rupture et du préjudice qui en est résulté ;

Attendu à cet égard, que l'exercice par l'employeur de ce droit sans que le salarié soit rempli de ses droits est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n°729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 PENMAN c/ SAM TRANSOCEAN MARITIME AGENCIES) ou reposant sur de faux motifs ;

Que l'absence de tout motif valable ne suffit cependant pas à caractériser un tel abus, de sorte que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'usage excessif par l'employeur de son pouvoir disciplinaire conférait au principe du licenciement un caractère abusif ; que l'abus dans la prise de décision ne saurait en effet résulter que dans le cas de motifs de rupture reposant sur une cause illégale (licenciement d'une salariée pour cause de grossesse, de considération discriminatoire…) ;

Attendu que A. R. KI. a soutenu devant les premiers juges que l'employeur aurait fait preuve de précipitation et de légèreté blâmable ainsi que d'une véhémence inutile dans un contexte où il a régulièrement sollicité l'intervention de l'Inspection du travail pour obtenir le juste paiement de sa rémunération ;

Attendu en l'espèce qu'il est constant que la SAM E a procédé au licenciement de son salarié avant même d'avoir obtenu des explications tant du client que de son salarié sur le déroulement exact des évènements de la nuit, sur la base de seuls mails d'employés non présents au moment de l'incident et au prétexte que le client en question se serait plaint au directeur, ce qui n'est pas avéré ;

Qu'il sera également relevé que ce même directeur écrivait le lendemain du licenciement au client GO. pour lui demander de retracer les évènements, précisant faussement qu'une mesure disciplinaire allait être prise à l'encontre du réceptionniste, alors que le licenciement avait déjà été prononcé ;

Que ces circonstances caractérisent une précipitation et légèreté blâmable rendant abusive la rupture ;

Que compte tenu du préjudice moral qui est nécessairement résulté pour A. R. KI. de ce contexte de rupture particulièrement brutal et désagréable, il convient de lui allouer en réparation la somme de 12.000 euros compte tenu des éléments d'appréciation dont dispose la Cour, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, la décision entreprise étant réformée de ce chef ;

Attendu que l'appelante principale qui succombe essentiellement supportera les dépens d'appel ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit les appels,

Confirme le jugement du Tribunal du Travail du 24 octobre 2013 en ses dispositions querellées, sauf en ce qu'il a débouté A. R. KI. de sa demande en paiement d'indemnité de nourriture et fixé à 18.880,92 euros le montant des dommages-intérêts,

Le réforme sur ces points et statuant à nouveau,

Condamne la SAM E à payer à A. R. KI. :

  • - la somme nette de 3.339,79 euros à titre d'indemnité de nourriture, outre intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2010,

  • - la somme de 12.000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Déboute les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires,

Condamne la SAM E aux dépens avec distraction au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Vu les articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, assistés de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 8 juillet 2014, par Madame Brigitte GRINDA GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Gérard DUBES, premier substitut du Procureur Général, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

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