Tribunal du travail, 22 janvier 1987, Office maritime monégasque c/ T.

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Abstract🔗

Commission de classement

Détermination de la convention collective applicable. Classement : prise en considération des différentes tâches remplies. Prise d'effet du nouveau classement. Date d'embauchage (non).

Résumé🔗

Après avoir constaté que l'Office maritime monégasque avait notamment pour objet social le courtage d'assurance de toute nature, qu'il n'exerçait pas, à titre principal la profession d'agent général d'assurance et que les fonctions exercées par son employé correspondaient à la définition des emplois désignés à l'annexe n° 1 de la convention collective du personnel des cabinets de courtage d'assurances, la commission de classement a fait une juste appréciation des faits de la cause en décidant que la convention collective du personnel des cabinets de courtage d'assurances était opposable à l'Office maritime monégasque.

En classant cet employé au 3e niveau, coefficient 260, des emplois « cadre » désignés dans cette convention collective, en tenant compte des différentes tâches remplies par celui-ci depuis son entrée au service de l'employeur, la commission a fait une saine évaluation du travail qu'effectuait le demandeur dans le cadre de la définition des emplois.

La prétention de celui-ci tendant à faire juger que son nouveau classement prenne effet à compter du jour de son embauchage ne saurait être retenue puisque l'intéressé avait accepté à l'époque son classement contractuel de rédacteur d'assurances au coefficient 150, sans manifester son désaccord en saisissant l'inspecteur du Travail et que le litige actuel a reçu une solution au regard des tâches que remplissait le salarié au moment où la commission a été saisie et a statué.


Motifs🔗

Le Tribunal,

statuant en appel de la Commission de classement,

Sur les faits,

Par procès-verbal en date du 24 mai 1986 auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits de la cause, la Commission de classement instituée par l'article 11-1° nouveau de la loi n° 739 du 16 mars 1963 sur le salaire, saisie par le sieur R. T., rédacteur à l'Office maritime monégasque, afin de statuer sur sa situation professionnelle au sein de l'établissement employeur,

  • s'est déclarée compétente,

  • a estimé que la convention collective des cabinets de courtage d'assurance et (ou) de réassurance est opposable à l'employeur, compte tenu de l'objet social de la société,

  • a relevé que les fonctions exercées par le sieur T. ressortent de la catégorie des cadres,

  • a décidé à l'unanimité de classer l'intéressé au 3e niveau, coefficient 260 des emplois cadres de la classification des emplois de cette convention ;

Pour statuer ainsi, la Commission a considéré, après avoir rappelé que le sieur T. a été classé, lors de son embauchage le 17 juillet 1981, dans la catégorie des rédacteurs d'assurance - coefficient 150 - et a maintes fois sollicité le bénéfice des dispositions de la convention collective précitée auprès de son employeur qui lui refusait cette application en raison de son inopposabilité ;

Que le nouvel objet social de l'Office maritime monégasque déclaré le 5 mars 1980 au Répertoire du Commerce et de l'Industrie portait courtage d'assurance de toute nature ;

Que l'énumération des tâches précisées par le sieur T. ne donnait pas lieu à contestation de la part de l'employeur et correspondait à des fonctions définies dans la nomenclature des emplois de la convention collective applicable aux cabinets de courtage d'assurance et (ou) de réassurance tels l'entreprise ;

Que la convention collective des agences générales d'assurance à laquelle se réfère l'employeur depuis l'embauchage du sieur T., ne concerne pas l'Office maritime monégasque qui n'est pas agent général d'une compagnie d'assurances ;

Sur les moyens et prétentions des parties

L'Office maritime monégasque soutient, en appel, à l'appui de sa demande de mise à néant de la décision rendue par la Commission de classement, que la convention collective applicable est celle sur laquelle les parties étaient d'accord lors de l'embauche, et celle à laquelle il a été fait référence à ce moment-là, et qui a été appliquée ;

Que cette convention collective est celle du personnel des agences générales d'assurances, le sieur G., administrateur de l'Office maritime monégasque, étant agent général de la Compagnie « La Foncière » ; qu'en effet, le sieur T. a exercé sans modification des fonctions de rédacteur sinistre 1er degré, définies par ladite convention collective, pour assister l'agent général depuis son embauchage en 1981 et a été payé pendant quatre ans sous cette qualification sans protestation ;

L'Office expose que si une extension de son activité à celle de courtage d'assurance de toute nature est intervenue en mars 1980, aucune autorisation ministérielle ne l'a accrédité pour exercer une activité de courtier, alors qu'une demande a été présentée pour exercer une activité d'agent général ;

Il précise que l'Office n'a à l'égard de ses clients qu'un simple rôle d'un agent général d'assurance représentant la compagnie d'assurance, alors que le courtier représente le client ;

Il conteste avoir approuvé la nature des fonctions exercées par le sieur T. telles que celui-ci les a présentées devant la Commission de classement ;

Il reprend, en appel, les arguments développés devant la commission, à savoir :

  • que le sieur T. a été embauché en 1981 en qualité de rédacteur d'assurance, au coefficient 150, suivant la définition de la convention collective des agences générales, annexe I de la classification des emplois, reprise par l'autorisation d'embauchage et les bulletins de salaire délivrés pendant des années sans contestation,

  • qu'il avait pour tâche d'assurer un simple service d'assurance auprès de la clientèle en lui offrant la possibilité d'assurer ses bateaux et voitures à la Compagnie « La Foncière » dont un administrateur de la S.A.M., le sieur G., était agent général,

  • qu'il avait été autorisé à faire le démarchage à domicile de la clientèle de la Compagnie d'assurance « La Foncière »,

  • qu'après la perte du portefeuille de « La Foncière », le sieur T. a été appelé à placer les risques auprès de la Compagnie « Le Languedoc », le Groupement français d'assurance et l'Assurance du Cray à Nice, mais a conservé les mêmes fonctions ;

L'employeur fait observer, en produisant des lettres de la Compagnie d'assurance Rhin-et-Moselle et des attestations de divers clients de l'Office maritime monégasque que le sieur T. est totalement incompétent en matière de courtage d'assurance, et que c'est à l'occasion de la reprise des dossiers de la Compagnie « La Foncière » auprès de la Compagnie Rhin-et-Moselle qui avait accepté de travailler avec lui, que l'employeur s'est rendu compte des insuffisances du sieur T. et qu'il l'a licencié pour ce motif par lettre du 28 juin 1985, à laquelle aucune suite judiciaire n'a été réservée par l'intéressé ;

L'Office maritime monégasque conclut au maintien du sieur T. à l'emploi de rédacteur 2e degré de la convention collective des agences générales d'assurances et à la reformation de la décision de la Commission de classement ;

Le sieur T., appelant également de la décision de la Commission de classement du 24 mai 1985, et intimé en ce qui concerne l'appel exercé par l'Office maritime monégasque, soutient que si la commission a admis que la convention collective applicable était celle des cabinets de courtage, il y a lieu de réformer la décision en ce qu'elle a classé le demandeur au 3e niveau, coefficient 260, des emplois cadres de cette convention pour le faire bénéficier du coefficient 400 de ladite convention, et ce, avec rétroactivité au jour de son embauche le 17 juillet 1981 ;

À l'appui de ses prétentions, le sieur T. reconnaît que l'embauche a été faite pour effectuer des opérations d'assurances pour un employeur qui est l'Office maritime monégasque, et que l'accord des parties s'est réalisé sur ce point ;

Il remarque que l'Office maritime monégasque est, au vu des mentions portées au registre du Commerce et au Journal officiel, un courtier d'assurances, et qu'aucun mandat d'agent général d'assurance ni de traité de nomination n'a été produit au nom de l'employeur ;

Que par ailleurs, il n'est pas lui-même au service de l'un ou l'autre des administrateurs de la société, que ce soit les sieurs T. ou G., qui n'ont d'ailleurs produit eux-mêmes aucun mandat d'agent général ;

Il estime que ses fonctions telles qu'elles sont définies par la décision du 24 mai 1985, dont est appel, correspondent à la réalité et aux tâches devant s'exécuter dans un cabinet de courtage ;

Que lesdites fonctions qui lui sont reconnues n'ont pas fait l'objet de contestations sérieuses de la part de l'employeur ;

Que les griefs qui lui sont reprochés par l'Office maritime monégasque à l'occasion de l'exercice desdites fonctions, pour justifier le licenciement intervenu après la réunion de la Commission de classement, n'ont aucun rapport avec le problème du classement ;

Il ajoute enfin que la convention collective des agences générales d'assurances, dont l'Office maritime monégasque réclame l'application, concerne les rapports entre les employeurs exerçant, à titre principal, la profession d'agent général d'assurance, et leurs employés, et que cette convention ne peut, par conséquent, régir les relations ayant existé entre les parties ;

SUR CE,

Sur la recevabilité des actes d'appel :

Attendu que l'Office maritime monégasque a régulièrement interjeté l'appel par-devant le Bureau de jugement du Tribunal du travail, le 4 juin 1985, de la décision de la Commission de classement, en date du 24 mai 1985 ;

Que le sieur T. a également régulièrement interjeté appel par-devant le Bureau de jugement du Tribunal du travail, le 5 juin 1985, de la même décision ;

Attendu que ces appels sont recevables, conformément à l'article 11-1° de la loi n. 739 du 16 mars 1963 ;

Attendu qu'il y a lieu de joindre ces deux recours pour qu'il soit statué par un seul et même jugement ;

Sur le fond,

  • En ce qui concerne la convention collective applicable :

Attendu que la Commission de classement, en constatant que l'objet social de la S.A.M. dénommée Office maritime monégasque, était notamment le courtage d'assurance de toute nature ;

Que l'Office maritime monégasque n'exerçait pas, à titre principal, la profession d'agent général d'assurance ;

Que les fonctions réellement exercées par le sieur T. au moment où celui-ci saisissait ladite commission, correspondaient à la définition des emplois désignés à l'annexe n° 1 de la convention collective du personnel des cabinets de courtage d'assurances, a fait une juste appréciation des faits de la cause en décidant que la convention collective du personnel des cabinets de courtage d'assurances était opposable à l'Office maritime monégasque ;

  • Sur le classement du sieur T. à l'emploi défini,

Attendu qu'en classant le sieur T. au 3e niveau, coefficient 260, des emplois « cadre » désignés dans cette convention collective, en tenant compte des différentes tâches remplies par le sieur T. depuis son entrée au service de l'employeur, la commission a fait une saine évaluation du travail qu'effectuait le demandeur dans le cadre de la définition des emplois ;

Attendu que les parties n'apportent dans le débat aucun fait nouveau susceptible de modifier le classement intervenu, sinon l'existence de griefs reprochés au sieur T. dans l'exercice de ses fonctions et qui ont constitué à l'encontre de celui-ci le motif allégué par l'employeur pour mettre fin au contrat de travail, par lettre recommandée avec avis de réception du 28 juin 1985 ;

Attendu en conséquence que le Tribunal du travail estime qu'il y a lieu de confirmer en toutes ses dispositions la décision de la Commission de classement rendue le 24 mai 1985 dont est appel ;

Attendu que la prétention nouvelle du sieur T. tendant à faire juger que son nouveau classement prendra effet à compter du jour de son embauchage, soit le 17 juillet 1981, ne saurait être retenue en considérant :

  • d'une part, que le sieur T. avait accepté, à l'époque, son classement contractuel de rédacteur d'assurance, au coefficient 150, sans manifester son désaccord en saisissant l'inspecteur du Travail,

  • d'autre part, que le litige actuel déféré en 1985 devant les institutions compétentes a reçu une solution au regard des tâches que remplissait le salarié au moment où la commission a été saisie et a statué ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu à ordonner la rétroactivité de l'effet du présent jugement ;

Attendu qu'il convient de débouter les parties pour le surplus de leurs conclusions et prétentions ;

Attendu que l'Office maritime monégasque, qui a succombé sur l'ensemble de ses demandes, doit supporter la charge des dépens ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal du travail,

Statuant publiquement, contradictoirement en appel de la Commission de classement,

Reçoit les appels de l'Office maritime monégasque et du sieur T. R. ;

Ordonne la jonction des deux procédures pour qu'il soit statué par un seul et même jugement ;

Confirme la décision de la Commission de classement en toutes ses dispositions ;

Dit n'y avoir lieu à rétroactivité de l'effet du présent jugement ;

Déboute les parties pour le surplus de leurs demandes ;

Condamne l'Office maritime monégasque aux dépens de l'instance ainsi qu'aux coût et accessoires du présent jugement ;

Composition🔗

M. Rosselin, prés. ; MMe Léandri, av. déf. ; Gastaldi, av. (Barreau de Grasse).

Note🔗

Note. - Le pourvoi formé contre cette décision a été rejeté par arrêt de la Cour de Révision du 19 novembre 1987.

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