Tribunal Suprême, 3 décembre 2012, Sieur M. N. c/ Ministre d'État

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Abstract🔗

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel

Recours pour excès de pouvoir

Étranger - Décision administrative de refus d'abroger la mesure de refoulement du territoire monégasque - Loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs - Ordonnance de non-lieu mettant fin à l'information ouverte contre le requérant - Défaut de motivation - Décision illégale (oui) - Défaut de fondement légal de la décision administrative

Recours en indemnisation

Dommage allégué non rattachable à la décision attaquée. Demande non fondée. Rejet.


Motifs🔗

TRIBUNAL SUPRÊME

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TS 2012-03

Affaire :

m. NE.

Contre

Etat de Monaco

DÉCISION

AUDIENCE DU 20 NOVEMBRE 2012

Lecture du 3 décembre 2012

Recours en annulation du refus opposé le 13 septembre 2011 par S. E. M. le Ministre d'Etat à la demande du 10 mai 2011 sollicitant l'abrogation de la mesure de refoulement du territoire monégasque prononcée à l'encontre de M. m. NE. par décision ministérielle n° 60-90 du 21 novembre 2006.

En la cause de :

- M. m. NE., ou NEKRITZ, né le 18 décembre 1963 à SAINT-PETERSBOURG (Russie), de nationalité suisse, ayant demeuré et domicilié à OBERAGERI (Suisse) X1,

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur.

Contre :

- S. E. M. le Ministre d'Etat de la Principauté de Monaco, ayant pour avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation de France.

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en assemblée plénière

Vu la requête présentée par M. M. N., enregistrée au Greffe Général le 11 novembre 2011 tendant à l'annulation du refus d'abrogation opposé le 13 septembre 2011 par S.E. M. le Ministre d'État, de la décision ministérielle n° 60-90 du 21 novembre 2006, notifiée le 10 février 2007 (faussement indiqué 10 février 2006), de le refouler du territoire de la Principauté de Monaco.

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 90 B ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, telle qu'amendée par le protocole n° 11 ainsi que son protocole additionnel n° 4 et l'Ordonnance n° 408 du 15 février 2006 qui les ont rendus exécutoires ;

Vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté par l'Assemblée Générale des Nations Unies le 16 décembre 1966 et l'Ordonnance n° 1.330 du 12 février 1998 qui l'a rendu exécutoire ;

Vu la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 1.352 du 19 mars 1964 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers ;

Vu la décision du 4 juillet 2012 par laquelle le Tribunal Suprême a invité M. le Ministre d'État à produire, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision, copie de l'ordonnance de non-lieu intervenue sur l'information judiciaire contre X…, citée tant dans la contre-requête que dans la duplique du Ministre d'État ;

Vu le « mémoire de production » déposé le 2 août 2012 au Greffe Général par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de M. le Ministre d'État, produisant l'ordonnance de non lieu prononcée le 23 août 2011 par M. Pierre BARON, Juge d'instruction au Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco, dans le dossier JI n° 577/06, PG n° B 8/06 sur l'information suivie contre X… des chefs d'association de malfaiteurs, blanchiment du produit d'une infraction et complicité concours à une opération de blanchiment et non-déclaration de soupçons, et soulignant que ladite ordonnance de non-lieu confirmait les relations de M. M. N. avec « des mafieux russes d'envergure » et « des blanchisseurs notoires » ;

Vu le « mémoire en réponse à production » enregistré au Greffe Général le 31 août 2012 par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, et les pièces y annexées, affirmant que celles-ci établissent que la présence de M. M. N. sur le territoire de Monaco ne constitue pas et n'a jamais constitué un quelconque trouble susceptible de justifier une mesure de refoulement ;

Vu le procès verbal de clôture de la procédure en date du 18 septembre 2012 ;

Vu l'Ordonnance du 4 octobre 2012 par laquelle le Président du Tribunal suprême a renvoyé la cause à l'audience du Tribunal Suprême du 20 novembre 2012 ;

Ouï M. José SAVOYE, Membre Titulaire du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur pour M. M. N. ;

Ouï Maître Jacques MOLINIÉ, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour M. le Ministre d'État ;

Ouï le Ministère public en ses conclusions.

Après en avoir délibéré

Sur la légalité de la décision attaquée

Considérant qu'aux termes de l'article 1er-2° de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 sur la motivation des actes administratifs, doivent être motivées, les décisions administratives individuelles qui « restreignent l'exercice des libertés publiques ou constituent des mesures de police » ;

Considérant que le Ministre d'État, dans la décision de refus attaquée du 13 septembre 2011, invoque le bénéfice de l'article 5 alinéa 2 de ladite loi, lequel dispense de cette obligation lorsque « la motivation serait de nature à porter atteinte à la recherche par les services compétents de faits susceptibles d'être poursuivis (…) au titre de la lutte contre le blanchiment de capitaux (…) » ;

Considérant qu'une ordonnance de non-lieu en date du 23 août 2011 produite après jugement avant-dire-droit du Tribunal Suprême, a mis fin à l'information ouverte contre X… du fait de blanchiment de capitaux ; qu'il en résulte que le Ministre d'État n'était point fondé, à la date du 13 septembre 2011, à invoquer le bénéfice de la dispense de l'article 5 alinéa 2 précité ;

Que, dès lors, le refus d'abrogation de la mesure de refoulement du territoire monégasque opposé le 13 septembre 2011 à M. M. N. est entaché d'illégalité pour défaut de motivation ;

Sur la demande indemnitaire

Considérant qu'il résulte de l'article 90-B-1 de la Constitution que le Tribunal suprême statue sur l'octroi des indemnités qui résultent de l'annulation pour excès de pouvoir de décisions administratives ; qu'en l'espèce le dommage allégué, tenant aux conditions d'interpellation du requérant en 2007, ne trouve pas sa source dans la décision attaquée ; que la demande indemnitaire ne peut être que rejetée ;

Dispositif🔗

DÉCIDE :

Article 1er : La décision de refus d'annulation en date du 13 septembre 2011 de la mesure de refoulement du 21 novembre 2006, notifiée le 10 février 2007, est annulée.

Article 2 : La demande indemnitaire est rejetée.

Article 3 : Les dépens sont partagés.

Article 4 : Expédition de la présente décision sera transmise à S.E. M. le Ministre d'État et à M. M N.

Composition🔗

Ainsi jugé et délibéré par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de Messieurs Didier LINOTTE, chevalier de l'ordre de Saint Charles, Président, Jean-Michel LEMOYNE de FORGES, officier de l'ordre de Saint Charles, Vice-président, Monsieur José SAVOYE, membre titulaire, rapporteur, Madame Magali INGALL-MONTAGNIER et Monsieur Frédéric ROUVILLOIS, membres suppléants,

et prononcé le trois décembre deux mille douze en présence de M. Jean-Pierre DRÉNO, Procureur général par Monsieur Didier LINOTTE, officier de l'ordre de Saint-Charles, assisté de Madame Béatrice BARDY, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, greffier en chef.

Le Greffier en Chef, le Président,

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