Tribunal de première instance, 20 février 2014, M. s MO c/ M. a VI

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Abstract🔗

Saisie-arrêt - Créance certaine (oui) - Reconnaissance de dette - Validation (oui)

Résumé🔗

Il ressort de l'ensemble des éléments produit que, même si la déclaration de fiducie et l'attestation de fonction sont de simples copies non certifiées ni légalisées, le débiteur entretenait des relations d'affaires avec le créancier saisissant, notamment dans la société visée à la fois dans les protocoles signés entre les parties et dans le contrat de prêt. Dès lors, le saisissant démontre l'existence de ces protocoles emportant reconnaissance de dette du débiteur à son égard et il appartient donc à ce dernier, qui soutient que cette reconnaissance de dette n'est pas causée, de rapporter la preuve de ce que la remise des fonds, cause de la reconnaissance de dette, n'est pas intervenue, ce qu'il ne fait pas. En conséquence, la saisie-arrêt doit être validée à hauteur de la condamnation prononcée.


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

JUGEMENT DU 20 FÉVRIER 2014

En la cause de :

  • M. s MO, né le 14 mai 1963 à Donetsk (Ukraine), de nationalité ukrainienne, demeurant X1 - 01004 Ukraine, administrateur de société,

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

d'une part ;

Contre :

  • M. a VI, né le 10 décembre 1968 à Kivioli (Estonie), de nationalité estonienne, demeurant et domicilié X2 à Monaco ;

DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit de saisie-arrêt, d'assignation et d'injonction du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 12 septembre 2012, enregistré (n° 2013/000056) ;

Vu les déclarations originaires, des établissements bancaires dénommés SAM E (Monaco) et la SA F, tiers-saisis, contenues dans ledit exploit ;

Vu la déclaration complémentaire formulée par l'établissement bancaire SAM E (Monaco), par courrier en date du 24 septembre 2012 ;

Vu les déclarations complémentaires formulées par l'établissement bancaire SA F par courriers en date des 1er octobre 2012 et 19 octobre 2012 ;

Vu les conclusions de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom d a VI, en date des 12 décembre 2012, 21 mars 2013, 11 juillet 2013 et 28 novembre 2013 ;

Vu les conclusions de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de s MO, en date des 13 février 2013, 8 mai 2013, 31 octobre 2013 et 17 décembre 2013 ;

À l'audience publique du 19 décembre 2013, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 13 février 2014 et prorogé au 6 mars 2014, les parties en ayant été avisées par le Président, et enfin pour être prononcé par anticipation le 20 février 2014 ;

CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :

Le Président du Tribunal de première instance de Monaco, par ordonnance du 7 septembre 2012, a autorisé M. s MO à faire pratiquer une saisie-arrêt auprès des établissements bancaires sis à Monaco dénommés SAM E et SA F, à concurrence de la somme de 3.400.000 euros, sur toutes sommes ou valeurs dues à M. a VI, et ce pour avoir sûreté, garantie et paiement de ladite somme, montant auquel a été évaluée provisoirement la créance du requérant en principal, frais et accessoires, sauf à parfaire ou à diminuer.

Par acte d'huissier en date du 12 septembre 2012, M. s MO a fait signifier saisie-arrêt à la société anonyme monégasque SAM E (Monaco) et à la société anonyme de droit français SA F et fait assigner M. a VI, aux fins d'injonction aux tiers saisis de faire la déclaration prévue à l'article 500-1 du Code de procédure civile et de voir :

  • condamner M. a VI à lui payer la somme de 3.600.000 euros correspondant à la contre valeur de 3.993.550 USD,

  • condamner M. a VI à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

  • valider la saisie-arrêt à hauteur de ces sommes,

  • dire que les tiers saisis pourront valablement se libérer entre ses mains ou entre les mains de l'Huissier de justice des sommes qu'ils détiennent ou détiendront au jour de la validation pour le compte de M. a VI, et ce jusqu'à concurrence desdites sommes.

Après plusieurs échanges de conclusions entre les parties, l'affaire a été retenue à l'audience du 19 décembre 2013.

M. s MO maintient ses prétentions initiales en concluant au débouté des demandes contraires de M. a VI et en portant sa demande de condamnation en principal à la somme totale de 7.987.100 USD assortie des intérêts au taux légal en vigueur, capitalisés trimestriellement :

  • sur 3.993.550 USD à compter du 31 juillet 2012,

  • sur 3.993.550 USD à compter du 13 février 2013.

M. s MO expose et soutient :

  • qu'il est créancier de M. a VI, lequel s'est engagé par un contrat en date du 10 novembre 2010, à régler à la société de droit anglais O, dont il est l'ayant droit économique, à la somme de 7.000.000 USD avec un taux LIBOR + 5 %, au plus tard le 31 décembre 2012, en affectant en hypothèque de second rang, sa villa sise à Mougins ;

  • que par un protocole du 12 janvier 2011, M. a VI s'est reconnu débiteur à son profit au 1er janvier 2011 de la somme de 7.058.486 USD qu'il s'est engagée à payer par moitié les 31 décembre 2011 et 31 décembre 2012,

  • que par un acte sous seing privé dénommé « Protocole n° 2 » émis le 27 janvier 2011 mais portant les dates de signature des 27 décembre 2011 et 29 décembre 2011, il s'est reconnu débiteur à son profit au 1er février 2011 de la somme de 7.987.100 USD devant être payée par moitié les 31 décembre 2011 et 31 décembre 2012 ;

  • que par un acte dénommé « Protocole n° 3 » émis le 10 janvier 2012 mais portant la date de signature des 6 janvier 2012 et 11 janvier 2012, il s'est reconnu débiteur à son profit au 1er décembre 2011 de la somme de 7.987.100 USD dont la moitié n'avait pas été réglée avant le 31 décembre 2011 ;

  • que ces sommes n'ont toujours pas été réglées malgré sommation de payer signifiée le 31 juillet 2012,

  • que les trois protocoles signés entre lui et M. a VI ne sont pas des avenants au contrat de prêt initial mais des contrats à part entière, signés entre les deux parties, lesquels comportent stipulation pour autrui au profit de la société de droit anglais O, puisqu'aux termes des protocoles, M. a VI s'engage à rembourser la somme qu'il doit en la versant sur le compte de la société de droit anglais O, si bien que la fin de non recevoir soulevée sera rejetée,

  • que les conventions susvisées sont parfaitement causées, raison pour laquelle le Président du Tribunal de première instance a autorisé la saisie-arrêt par ordonnance dont M. a VI s'est abstenu de demander la rétractation,

  • que ces conventions tiennent lieu de loi entre les parties, puisque leur consentement est indubitablement intervenu par leur signature et ont valeur de reconnaissance de dette à son profit,

  • que M. a VI n'a pas estimé utile de verser aux débats l'ensemble des décisions de justice sur lesquelles il a basé son argumentation du renversement de la charge de la preuve,

  • qu'en matière de reconnaissance de dette l'existence de la cause est toujours présumée et que la preuve du défaut ou de l'illicéité de la cause est à la charge de celui qui l'invoque, en l'occurrence à la charge de l'emprunteur,

  • que contrairement à ce que celui-ci tente de soutenir, le protocole n° 3 en date du 10 janvier 2012 est bel et bien un acte unilatéral et non un contrat de prêt, puisqu'il ne comporte d'obligations qu'à la charge de M. a VI, l'argumentation selon laquelle les mentions obligatoires prévues par l'article 1173 du Code civil feraient défaut, relevant de l'imaginaire, dès lors que la mention manuscrite en lettres et en chiffres de la somme y figure (Rubrique 1 page 1),

  • que la première chambre de la cour de cassation par un arrêt en date du 12 janvier 2012, a cassé, au visa des articles 1132 et 1326 du Code civil, l'arrêt rejetant la demande de remboursement d'un prêt au motif que la reconnaissance de dette ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 1326, faute de mention manuscrite en chiffres et en lettres de la somme due et exigeant du prêteur la preuve du versement effectif de la somme litigieuse au motif que « la règle énoncée par l'article 1132 du Code civil, qui institue une présomption que la cause de l'obligation invoquée existe et est licite, n'exige pas pour son application, l'existence d'un acte répondant aux conditions de forme prescrites par l'article 1326 »,

  • qu'entre temps, la deuxième échéance du 31 décembre 2012 est arrivée et que la dette de M. a VI qui s'élevait à la somme de 3.993.550 USD au 31 décembre 2011, s'élève aujourd'hui à 7.987.100 USD.

M. a VI demande au Tribunal :

  • à titre principal, de dire que M. s MO est irrecevable à se prévaloir d'un contrat de prêt mentionnant comme créancier la société de droit anglais O,

  • à titre subsidiaire, de débouter M. s MO de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

  • reconventionnellement, de condamner M. s MO, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui verser les sommes de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts, pour résistance abusive à la communication de pièces sollicitées et 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices matériel et moral subis du fait de la saisie-arrêt abusive, commise avec une légèreté blâmable.

M. a VI soutient :

  • pour la première fois dans ses dernières écritures, que la procédure vise au remboursement de la somme de 7.987.100 USD sur la base d'un contrat de prêt citant expressément comme créancier la société de droit anglais O, mystérieusement remplacée par M. s MO, sans aucune clause de substitution, si bien que M. s MO n'a aucune qualité ou intérêt à agir contre lui, domicilié dans l'acte de prêt tantôt Y dans la version française, tantôt X dans la version anglaise, ce qui démontre le caractère extrêmement approximatif dudit contrat, lequel porte sur des sommes colossales,

  • que les pièces produites pour justifier l'intervention de M. s MO ne démontrent rien de précis et doivent inviter à la plus grande prudence, à savoir le document concernant la société de droit anglais O domiciliée aux Iles Marshall qui a pour actionnaire unique une société sise à Anguilla dénommée société de droit anglais C et, la déclaration extrêmement sommaire la société de droit panaméen G . de laquelle il semble ressortir que ledit trust détient pour le compte de M. s MO une action au sein de la société société de droit anglais C , alors que le Tribunal de première instance a rendu une décision récente au terme de laquelle il a été jugé que le bénéficiaire d'un trust n'est aucunement le représentant légal de celui-ci de sorte qu'il se trouve dessaisi par l'effet même du trust,

  • subsidiairement, que la reconnaissance de dette dont se prévaut M. s MO ne répond pas aux exigences de l'article 1173 du Code civil et est donc nulle, puisque aucun des documents sur lesquels se fonde M. s MO ne comporte la moindre mention manuscrite, ce qui confirme l'outrecuidance de l'intéressé à affirmer que la somme manuscrite figure en chiffres et en lettres dans le protocole n° 3,

  • à titre infiniment subsidiaire, que M. s MO persiste dans sa position consistant à ne pas produire la moindre justification de la remise effective de la somme considérable de 8.000.000 USD, se contentant de se réfugier derrière la notion de reconnaissance de dette, alors qu'en l'espèce la situation est plus complexe dans la mesure où il s'agit à titre principal d'un contrat de prêt auquel est intégrée une reconnaissance de dettes, laquelle ne respecte pas les obligations de forme légales et s'inscrit dans un contexte de relations d'affaires très complexes,

  • que l'article 1er du contrat de prêt renvoie expressément à une annexe 1, essentielle pour trancher le fond du litige, dès lors qu'elle est censée détailler le calendrier et les modalités de remise des fonds de la part de la société de droit anglais O, laquelle n'a pas été produite, malgré sa demande expresse de communication de pièces par conclusions du 12 décembre 2012 tendant à ce que M. s MO verse aux débats tout document tendant à prouver le versement des sommes dont il se prétend créancier à son encontre,

  • que la preuve de la remise des fonds ne saurait valablement découler d'un document intitulé « contrat de prêt » qui n'a pas été produit dans son intégralité, alors au surplus qu'il conteste fermement devoir de telles sommes à M. s MO et que les protocoles qui suivent nécessairement le sort du contrat de prêt, sont tous rédigés en langue russe, qu'il ne parle pas ni ne comprend, étant de nationalité estonienne,

  • que par référence à l'arrêt de la cour de cassation du 12 janvier 2012, le Tribunal doit, pour reconnaître la validité de la reconnaissance de dette, s'assurer qu'elle a donné lieu à une remise des fonds, à défaut de quoi celle-ci doit être déclarée nulle pour absence de cause,

  • que le taux de 17 % prévu dans les protocoles dépasse de plus de moitié les taux moyens fixés par les ordonnances n° 3.102 du 26 janvier 2011 et 3.651 du 30 janvier 2012, et est comme tel usuraire, si bien que le prêt est abusif et illégal et qu'il se réserve le droit d'introduire toute procédure visant à reconnaître la culpabilité de M. s MO,

  • que M. s MO a multiplié la prise de garanties pour l'asphyxier, que ce soit à Monaco ou en France, puisque sur la base de documents contestables, il s'est non seulement fait autoriser à pratiquer une saisie-arrêt sur son compte bancaire, mais également à inscrire une hypothèque conservatoire sur sa villa, suivant ordonnance du juge grassois du 29 août 2012, alors que sa créance n'est pas fondée, ce qui justifie ses demandes de dommages et intérêts,

  • qu'il y a donc urgence à rétracter la mesure conservatoire prise, si bien que l'exécution provisoire doit être ordonnée.

SUR CE,

  • - Sur l'irrecevabilité de la demande

Il est soutenu que M. s MO n'a pas qualité, ni intérêt à agir, au motif essentiel que le contrat de prêt a été signé entre la société de droit anglais O et M. a VI.

Or, il est constaté que M. s MO agit sur le fondement de protocoles signés par lui-même et par M. a VI, dont il soutient qu'ils s'analysent en une reconnaissance de dette de M. a VI à son profit.

Dès lors, M. s MO sera déclaré recevable en sa demande.

  • - Sur le fond

Selon les dispositions de l'article 989 du Code civil, les conventions légalement formées, tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, étant précisé que les conditions de validité des conventions sont posées par l'article 963 du même code : le consentement de la personne qui s'oblige, la capacité de contracter, un objet certain qui forme la matière de l'engagement, une cause licite dans l'obligation.

Les articles 986 et 987 du même code disposent que l'obligation non causée, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet, mais que la convention est valable même si la cause n'est pas exprimée.

Il en ressort que si une reconnaissance de dette est présumée causée, c'est à dire présumée reposer sur une remise préalable de fonds par le bénéficiaire de la reconnaissance de dette, c'est à la condition qu'elle existe et soit valable.

S'agissant de la preuve des obligations, l'article 1173 du Code civil énonce que le billet ou la promesse sous seing privé par laquelle une seule partie s'engage envers l'autre à lui payer une somme d'argent ou une chose appréciable, doit être écrit par celui qui le souscrit, ou du moins il faut, qu'outre sa signature, il ait écrit par lui-même un bon ou un approuvé, portant en toutes lettres la somme ou la quantité de la chose.

En l'espèce, M. s MO verse aux débats trois documents intitulés « protocole », « protocole n° 2 » et « protocole n° 3 », dactylographiés en langue russe et signés par M. s MO et M. a VI, ainsi libellés :

  • protocole établi et signé le 12 janvier 2011 : « la somme de la dette de M. a VI auprès de M. s MO à la date du 01.01.2011 est confirmée pour le montant de 7.058.426 (sept millions cinquante huit mille quatre cent vingt six) dollars. L'acquittement de la dette est à effectuer selon le planning suivant : 50 % avant le 31.12.2011 et les 50 % restant avant le 31.12.2012. Le taux d'intérêt pour le montant de la dette est de 17 % annuel à partir de 01.02.2011 (5 % jusqu'au 01.02.2011)… », suivent des indications sur les garanties de remboursement au moyen de la participation de M. a VI dans des projets d'affaires communs,

  • protocole n° 2 daté du 27 janvier 2011 mais signé les 27 et 29 décembre 2011 : « la dette de M. a VI vis à vis de M. s MO (une dette personnelle, sans compter les pertes communes dans les business de l'Ouest) s'élève à un montant de 7.987.100 (sept millions neuf cent quatre-vingt-dix-sept mille cent [en fait quatre-vingt-sept mille cent par comparaison avec le protocole suivant]) dollars USA en date du 01.02.2011. La somme de la dette a été calculée en prenant en considération le taux, prévu par le précédent protocole, le taux est de 17 % par an, à partir du 01.02.2011 (5 % avant le 01.02.2011 : Annexe n° 1). Les échéances prévues par le précédent protocole, prévoient le règlement suivant : 50 % de la dette avant le 31.12.2011, 50 % de la dette avant le 31.12.2012…. », y sont également évoquées leurs affaires communes,

  • protocole n° 3 daté du 10 janvier 2012 mais signé les 6 et 11 janvier 2012 intitulé « d'adoption des conditions de service et d'acquittement de la dette de M. a VI auprès de M. s MO et des conditions de sortie de M. s MO de l'affaire commune « La société de droit anglais T/ SCI P », stipulant : « 1. Conformément au protocole n° 2 du 21 novembre 2011 les deux parties confirment le montant de la dette de M. a VI auprès de M. s MO en date du 01.12.2011 pour le montant de 7.987.100 (sept millions neuf cent quatre-vingt-sept mille cent) dollars. 2. Les deux parties constatent que le planning d'acquittement de la dette établi dans le protocole précédent pour l'acquittement de 50 % de la dette avant le 31.12.2011 n'est pas respecté... » ; y est évoquée la sortie de M. s MO de l'affaire commune « La société de droit anglais T/SCI P » et indiqué : « 7. La partie du bénéfice après déduction de toutes les charges appartenant à M. a VI, est déduite de la dette indiquée dans le paragraphe 1 du présent protocole et sera reportée dans le protocole n° 4 suivant (voir paragraphe 11 du présent protocole)….14. En exécutant les conditions déterminées ci-dessus les deux parties préparent et signent le protocole n° 4 dans lequel seront déterminés le montant exact de la dette, le planning et les moyens de remboursement de la dette. ».

Ces protocoles s'analysent en une reconnaissance de dette de M. a VI à l'égard de M. s MO.

M. a VI ne conteste pas avoir apposé sa signature sur chacun de ces protocoles, mais affirme qu'ils sont rédigés en langue russe qu'il ne comprend pas, étant de nationalité estonienne.

Pour autant, il est établi qu'il a signé chacun d'entre eux, dans lesquels la somme due est mentionnée en chiffres (arabes) et en lettres, mais sans la mention « bon » ou « approuvé », si bien que ces protocoles ne peuvent valoir que comme commencement de preuve de la reconnaissance de dette, puisque l'inobservation des formalités de l'article 1173 du Code civil, prive seulement l'écrit de sa force probante, mais n'affecte pas la validité de l'acte et ne fait pas obstacle à ce qu'il constitue un commencement de preuve par écrit.

Pour compléter ce commencement de preuve par écrit, M. s MO verse aux débats les pièces suivantes :

  • le contrat de prêt rédigé en langues anglaise et française, signé à Monaco, le 10 novembre 2010 entre la société de droit anglais O, société des Iles Marshall dénommée le créancier, et M. a VI dénommé le débiteur, par lequel « le débiteur reconnaît devoir au créancier la somme de 7.210.170 USD ramenée à 7.000.000 USD pour prêt de pareille somme que celui-ci lui a consentie dès avant ce jour, selon détail qui demeure annexé aux présentes (Annexe 1). Le débiteur s'engage à rembourser la somme précitée au créancier ou pour lui à son mandataire, dans les délais et sous les conditions ci-après… », à savoir avec un « intérêt au taux LIBOR + 5 % au plus tard le 31 décembre 2012, en une seule ou plusieurs échéances au choix du débiteur » ; le contrat précise que « le débiteur déclare qu'il utilisera pour le remboursement de la dette envers le créancier, les profits issus des actions qu'il possède dans les sociétés suivantes » ; sont mentionnés les noms de dix sociétés immatriculées dans les Iles Marshall, les Iles Caïman, en Arménie, en Suisse et en Estonie ; comme garantie, il est indiqué que « le débiteur s'engage à consentir au créancier une hypothèque de second rang sur le bien immobilier sis au X3, 06250 Mougins (France) pour un montant de 4.000.000 euros dans le délai de trois mois à compter de la signature des présentes, soit le 10 novembre 2010 »,

  • la déclaration de fiducie (« DECLARATION OF TRUST » en anglais) par laquelle la société de droit panaméen G . sise en République du Panama, déclare « détenir l'action portée dans l'Annexe et enregistrée sous le nom de société de droit anglais C en qualité de représentant de M. s MO (ci-après dénommé « le propriétaire »)… », à savoir « ANNEXE : société de droit anglais C UNE ACTION ORDINAIRE 50 000 Actions numérotées de 1 à 50 000, d'une valeur de 1 dollar US chacune »,

  • l'attestation de fonction de O (« CERTIFICATE OF INCUMBENCY OF O » en anglais) dans laquelle la société de droit anglais U sise en République des Iles Marshall, en qualité d'Agent enregistré dûment désigné de O (la « Société »), confirme que la société a une existence légale reconnue dans les Iles Marshall, que l'adresse d'exploitation est à Genève, que les administrateurs actuels sont i RA, estonien, et o FO, Ukrainien, et l'actionnaire actuel est société de droit anglais C qui détient 500 actions.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments, même si la déclaration de fiducie et l'attestation de fonction de O sont de simples copies non certifiées ni légalisées, que M. a VI entretient ou entretenait des relations d'affaires avec M. s MO, notamment dans la société La société de droit anglais T visée à la fois dans les protocoles signés entre M. s MO et M. a VI et dans le contrat de prêt souscrit entre la société de droit anglais O et M. a VI, ce que M. a VI évoque lorsqu'il fait état d' « un contexte de relations d'affaires très complexes » dans ses écritures et qui constitue l'explication à ses signatures sur chacun des différents protocoles versés aux débats, lesquels font d'ailleurs référence au même terme pour le remboursement de la dette, à savoir la date du 31 décembre 2012.

Dès lors, M. s MO démontre l'existence de ces protocoles emportant reconnaissance de dette de M. a VI à son égard et il appartient donc à M. a VI, débiteur, qui soutient que cette reconnaissance de dette n'est pas causée, de rapporter la preuve de ce que la remise des fonds, cause de la reconnaissance de dette, n'est pas intervenue.

Force est de constater que M. a VI ne cherche même pas à rapporter cette preuve, se contentant d'affirmer que M. s MO ne démontre pas avoir versé les fonds, alors pourtant qu'il a signé, en pleine connaissance de cause, les différents protocoles emportant reconnaissance de dette.

M. a VI sera donc condamné à verser à M. s MO l'équivalent en euros au jour du jugement de la somme de 7.987.100 USD, outre les intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2012, date de la sommation de payer sur l'équivalent en euros de la somme de 3.993.550 USD et à compter du 13 février 2013, date des conclusions valant mise en demeure sur l'équivalent en euros de la somme de 3.993.550 USD.

À cet égard, il est observé que M. s MO ne réclame pas le paiement des intérêts contractuels prévus dans les protocoles, mais simplement des intérêts légaux, si bien qu'il ne peut lui être reproché de pratiquer un taux usuraire.

Selon les dispositions de l'article 1009 du Code civil, les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts ou par une demande judiciaire ou par une convention spéciale.

Il convient dès lors de faire droit à la demande tendant à la capitalisation trimestrielle des intérêts à compter du présent jugement, la capitalisation ne figurant pas dans les protocoles litigieux.

  • - Sur la demande de dommages et intérêts

Au regard des circonstances de la cause qui révèlent la complexité des relations d'affaires entre M. s MO et M. a VI, il n'est pas démontré que M. s MO ait subi un préjudice autre que celui réparé par l'allocation d'intérêts de retard et leur capitalisation trimestrielle.

  • - Sur la validation de la saisie-arrêt

La saisie-arrêt pratiquée le 12 septembre 2012 doit être validée à hauteur de la présente condamnation, étant constaté :

  • que l'établissement bancaire dénommé SAM E a déclaré ne détenir aucune somme pour le compte de M. a VI,

  • que l'établissement bancaire dénommé SA F a déclaré détenir les sommes suivantes :

    • 27,19 USD sur un compte courant en dollars,

    • 3.605,03 euros sur un compte courant en euros,

    • 81.860,70 USD sur un compte spécial en dollars,

    • 25.762,59 euros sur un compte titre,

  • un gage de valeurs mobilières et de monnaie pour un montant de 100.000 euros garantissant tous les engagements que le constituant peut ou pourrait avoir à leur égard signé le 24 janvier 2007.

Il convient de dire que l'établissement bancaire dénommé SA F pourra valablement se libérer entre les mains de M. s MO ou entre les mains de l'Huissier de justice Maître Claire NOTARI, des sommes qu'il détient pour le compte de M. a VI et d'ordonner la vente des titres par application des articles 562 et suivants du Code de procédure civile, en désignant à cet effet Maître Henry REY, Notaire.

Il sera ordonné, en tant que de besoin, la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée entre les mains de l'établissement bancaire dénommé SAM E, infructueuse.

  • - Sur les dépens

M. a VI, qui succombe dans l'ensemble de ses demandes, sera condamné aux dépens de l'instance, avec distraction au profit de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déclare M. s MO recevable en sa demande ;

Condamne M. a VI à verser à M. s MO l'équivalent en euros au jour du jugement de la somme de 7.987.100 USD, outre les intérêts au taux légal :

  • à compter du 31 juillet 2012 sur l'équivalent en euros de la somme de 3.993.550 USD,

  • à compter du 13 février 2013 sur l'équivalent en euros de la somme de 3.993.550 USD ;

Ordonne la capitalisation trimestrielle des intérêts à compter du présent jugement ;

Déclare régulière et valide à hauteur de cette condamnation, outre intérêts, frais et accessoires, la saisie-arrêt pratiquée le 12 septembre 2012 entre les mains des établissements bancaires dénommés SA F et SAM E ;

Dit que l'établissement bancaire dénommé SA F pourra valablement se libérer entre les mains de M. s MO ou entre les mains de l'Huissier de justice Maître Claire NOTARI, des sommes qu'il détient pour le compte de M. a VI ;

Commet Maître Henry REY, Notaire, pour faire procéder à la vente des titres saisis et dit que cette vente aura lieu sur le marché auprès duquel les titres ont été acquis, en vue du paiement de cette créance ;

Ordonne, en tant que de besoin, la mainlevée de la saisie-arrêt infructueuse auprès de l'établissement bancaire dénommé SAM E ;

Déboute M. s MO du surplus de ses demandes et M. a VI de l'ensemble de ses prétentions ;

Condamne M. a VI aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Stéphanie VIKSTRÖM, Premier Juge, Madame Patricia HOARAU, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 20 FEVRIER 2014, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Monsieur Michael BONNET, Premier Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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