Cour d'appel, 1 mars 2016, Monsieur a. VI. c/ Monsieur s. MO.

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Abstract🔗

Procédure civile - Loyauté des débats - Communication tardives des pièces

Action en justice - Qualité pour agir (oui) - Intérêt direct et personnel (oui)

Saisie-arrêt - Mainlevée (oui) - Reconnaissance de dette (non) - Simple commencement de preuve par écrit - Preuve non rapportée de l'existence de la dette - Eléments extrinsèques complétant l'acte imparfait (non)

Résumé🔗

Au regard du principe de loyauté, il convient d'écarter les deux pièces produites hors du calendrier procédural.

Le demandeur, qui ne soutient pas intervenir dans la présente instance pour le compte de la société prêteuse, apparaît donc disposer de la qualité à agir et d'un intérêt direct et personnel à intenter une action sur le fondement de ce qu'il estime être une reconnaissance de dette contractée à son profit.

Les protocoles produits étant dépourvus de la mention du bon ou de l'approuvé requise par l'article 1173 du Code civil, ils ne peuvent valoir reconnaissance de dette, mais constituent un commencement de preuve par écrit. Cependant, les pièces produites sont insuffisantes à caractériser l'élément extrinsèque susceptible de compléter l'acte imparfait de reconnaissance de dette valant simple commencement de preuve par écrit. Les premiers juges ont inversé la charge de la preuve en ne demandant pas au demandeur de rapporter la preuve de la remise des fonds sous-tendant sa propre créance envers le défendeur, alors même que les protocoles versés aux débats ne valaient pas reconnaissance de dette et ne permettaient donc pas d'induire une quelconque présomption de cause. La mainlevée de la saisie-arrêt sera ordonnée.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 1ER MARS 2016

En la cause de :

  • - Monsieur a. VI., né le 20 décembre 1968 à Kivioli (Estonie), de nationalité estonienne, demeurant et domicilié X1 à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT et Maître Thomas GIACCARDI, avocats-défenseurs près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par lesdits avocats-défenseurs ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

  • - Monsieur s. MO., né le 14 mai 1963 à Donetsk (Ukraine), de nationalité ukrainienne, administrateur de sociétés, demeurant X2 - 01004 Ukraine ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉ,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 20 février 2014 (R.3237) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 19 février 2015 (enrôlé sous le numéro 2015/000097) ;

Vu les conclusions déposées les 12 mai 2015, 14 octobre 2015 et 12 janvier 2016 par Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de s. MO. ;

Vu les conclusions déposées les 15 septembre 2015, 1er décembre 2015 et 18 janvier 2016 par Maître Richard MULLOT et Maître Thomas GIACCARDI, avocats-défenseurs, au nom de a. VI. ;

À l'audience du 2 février 2016, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par a. VI. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 20 février 2014.

Considérant les faits suivants :

s. MO., autorisé par le Président du Tribunal de première instance suivant ordonnance du 7 septembre 2012 à faire pratiquer une saisie-arrêt auprès des établissements bancaires situés à Monaco dénommés A et B à concurrence de la somme de 3.400.000 euros sur toutes sommes ou valeurs dues par a. VI., pour avoir sûreté garantie de paiement de ladite somme, montant auquel a été évaluée provisoirement sa créance en principal frais et accessoires a, suivant acte d'huissier du 12 septembre 2012, fait signifier saisie-arrêt à la société anonyme monégasque A et à la société anonyme de droit français B tout en assignant a. VI. aux fins d'injonction aux tiers saisis de faire la déclaration prévue à l'article 500-1 du Code de procédure civile et à l'effet d'obtenir la condamnation de ce débiteur à lui payer la somme de 3.993.550 dollars US et à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive tout en ordonnant la validation de la saisie-arrêt à hauteur de ces sommes.

Suivant jugement en date du 20 février 2014, le Tribunal de première instance a :

  • - déclaré s. MO. recevable en sa demande,

  • - condamné a. VI. à verser à s. MO. l'équivalent en euros au jour du jugement de la somme de 7.987.100 dollars US outre les intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2012 sur l'équivalent en euros de la somme de 3.993.550 dollars US et à compter du 13 février 2013 sur l'équivalent en euros de 3.993.550 dollars US,

  • - ordonné la capitalisation trimestrielle des intérêts à compter du jugement,

  • - déclaré régulière et valide à hauteur de cette condamnation outre intérêts, frais et accessoires la saisie-arrêt pratiquée le 12 septembre 2012 entre les mains de l'établissement bancaire B et de la SAM A,

  • - dit que l'établissement bancaire B pourra valablement se libérer entre les mains de s. MO. ou de l'huissier de justice des sommes qu'il détient pour le compte de a. VI.,

  • - commis Maître Henry REY, notaire, pour faire procéder à la vente des titres saisis et dit que cette vente aura lieu sur le marché auprès duquel les titres ont été acquis en vue du paiement de la créance,

  • - ordonné en tant que de besoin la mainlevée de la saisie-arrêt infructueuse auprès de la SAM A,

  • - débouté s. MO. du surplus de ses demandes, et a. VI. de l'ensemble de ses prétentions ;

  • - condamné a. VI. aux dépens.

Les premiers juges ont motivé en substance leur décision de la façon suivante :

  • - s. MO. agit sur le fondement de différents protocoles signés par lui-même et par a. VI. dont il soutient qu'ils s'analysent en une reconnaissance de dette de ce dernier à son profit, en sorte qu'il est recevable à agir,

  • - les différents protocoles versés aux débats par s. MO. s'analysent en un commencement de preuve d'une reconnaissance de dette d a. VI. à son encontre,

  • - l'inobservation des dispositions de l'article 1173 du Code civil prive seulement ces écrits de leur force probante mais n'affecte pas la validité de l'acte,

  • - d'autres éléments probants sont versés aux débats pour compléter ce commencement de preuve par écrit parmi lesquels un contrat de prêt signé le 10 novembre 2010, une déclaration de fiducie et une attestation de fonction, ces pièces démontrant que a. VI. entretenait des relations d'affaires avec s. MO.,

  • - le débiteur a. VI. ne prouve cependant pas que la remise des fonds, cause de cette reconnaissance de dette, n'est pas intervenue, et ce, alors que la preuve lui en incombe,

  • - il doit dès lors être condamné à payer à s. MO. l'équivalent en euros au jour du jugement de la somme de 7.987.100 dollars US outre les intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer sur une première moitié de cette somme et à compter du 13 février 2013, date des conclusions valant mis en demeure, sur l'équivalent en euros de la seconde moitié,

  • - par application des dispositions de l'article 1009 du Code civil, les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts si une demande judiciaire de capitalisation est formée en sorte qu'il est fait droit cette prétention.

Suivant exploit du 19 février 2015, a. VI. a régulièrement interjeté appel du jugement précité signifié le 21 janvier 2015 à l'effet de voir la Cour :

  • - le recevoir en son appel et au fond le déclarer fondé,

  • - à titre principal dire et juger que s. MO. n'est pas le représentant légal ni le bénéficiaire économique de la société C.,

  • - dire et juger que s. MO. a usé de manœuvres dolosives qui ont vicié le comportement d a. VI. dans le cadre de la signature des protocoles,

  • - dire et juger que s. MO. ne peut valablement se prévaloir d'un contrat de prêt mentionnant comme créancier la société D,

  • - dire et juger que par l'effet même de la société E située à Anguilla et du trust panaméen F., s. MO. se trouve dessaisi et privé de toutes capacité, qualité et intérêt à agir à son encontre,

  • - dire et juger qu'en l'état des pièces versées aux débats il est établi que s. MO. n'a jamais versé les sommes litigieuses à a. VI. entre 2010 et ce jour en sorte que c'est de parfaite mauvaise foi qu'il a saisi le juge monégasque d'une demande en paiement à son encontre,

en conséquence :

  • - dire et juger que les protocoles sont nuls et non avenus pour défaut de consentement libre et éclairé d a. VI.,

  • - déclarer s. MO. irrecevable en toutes ses demandes fins et conclusions,

À titre subsidiaire, dire et juger :

  • - qu'aucune des conventions sur lesquels s. MO. fonde sa demande ne comporte de mention manuscrite d a. VI. démontrant qu'il ait écrit par lui-même, un bon ou un approuvé portant en toutes lettres la somme ou la quantité de la chose,

  • - que les conventions dont s. MO. se prévaut à l'appui de sa demande ne respectent pas les dispositions de l'article 1173 du Code civil de sorte qu'elles encourent la nullité,

  • - que l'obligation n'a aucune existence juridique,

  • - que la charge de la preuve de la remise des fonds incombe à s. MO., en sa qualité de prêteur, ce qu'il ne démontre pas,

  • - que s. MO. est défaillant dans l'administration de cette preuve puisqu'aucune pièce n'établit que les sommes litigieuses soit 7.987.100 dollars US auraient bien été versées à a. VI. ou seraient dues conformément aux règles applicables aux prêts alors même que ce dernier conteste vigoureusement les avoir reçues,

  • - que pour reconnaître la validité de la reconnaissance de dette il convient au préalable de justifier que celle-ci ait donné lieu à une remise des fonds,

  • - que s. MO. ne produit aucun élément de nature à démontrer la validité ou l'exécution d'un quelconque contrat de prêt et partant, la validité de la reconnaissance de dette en est affectée avec toutes conséquences de droit,

  • - qu'en application du protocole du 12 janvier 2011 toute action contre a. VI. ne peut être que subsidiaire ce qui suppose que s. MO. ait au préalable usé des garanties prévues aux protocoles, ce qui n'est pas le cas,

En tout état de cause :

  • - réformer le jugement du Tribunal de première instance du 20 février 2014 en toutes ses dispositions,

  • - donner acte à a. VI. de ce qu'il se réserve de déposer plainte pour escroquerie au jugement,

  • - débouter s. MO. de l'ensemble de ses demandes et le condamner à lui payer une somme de 50.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de ses préjudice matériel, moral et financier et le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de ce recours, a. VI., observe dans l'ensemble de ses écrits judiciaires que :

  • - s. MO. a entretenu une confusion pour faire croire qu'il était l'ayant droit économique de la société C en se prévalant d'un contrat de prêt du 10 novembre 2010 dont il n'est pas signataire,

  • - aucune somme ne lui a au demeurant jamais été versée,

  • - la preuve n'est pas rapportée d'une cession de créances entre la société C et s. MO. lequel ne démontre pas davantage être le représentant légal ou l'associé majoritaire de cette entité,

  • - les seules pièces fondant la condamnation sont constituées par un document démontrant que la société C a pour actionnaire unique une société dénommée E dont le trust panaméen F. détient une action, tandis que s. MO. apparaît être le bénéficiaire économique de ce trust,

  • - il est impossible en l'état de ces seuls documents de reconnaître à s. MO. intérêt et qualité à agir contre a. VI.,

  • - alors que le contrat de prêt du 10 novembre 2010 est rédigé en anglais et en français, les protocoles ne sont rédigés qu'en langue russe sans qu'aucune traduction n'ait été remise à a. VI. dont le consentement n'a dès lors pas été valablement éclairé sur leur contenu en sorte que la nullité apparaît encourue sur le fondement des dispositions des articles 964 et suivants du Code civil et en particulier de l'article 971 du même Code, dans la mesure où sans les man¿uvres de s. MO., a. VI. n'aurait jamais contracté,

  • - l'absence de toute mention manuscrite d a. VI. sur les trois protocoles sous-tendant la demande entache de nullité ces derniers dans la mesure où les dispositions de l'article 1173 du Code civil n'ont pas été respectées,

  • - les premiers juges ont eu tort d'estimer que lesdits protocoles étaient dépourvus de force probante mais constituaient un commencement de preuve par écrit en l'absence de toute démonstration du versement des sommes visées,

  • - les autres documents produits aux débats ne permettent aucunement de démontrer que la somme de 7.000.000 de dollars US aurait été prêtée par s. MO. alors même que le contrat de prêt du 10 novembre 2010 signé avec la société C n'a débouché sur le versement d'aucune somme et n'a jamais donné lieu à un commencement d'exécution,

  • - s'agissant des garanties mentionnées dans les contrats litigieux, s. MO. n'a jamais démontré avoir exercé les actions en recouvrement de sa prétendue créance consistant d'une part en un nantissement des actions détenues par a. VI., au sein de la société J, et d'autre part en l'hypothèque d'un bien immobilier appartenant à ce dernier et situé à Mougins, une ordonnance du juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Grasse du 29 août 2012 ayant toutefois consenti à s. MO. une hypothèque judiciaire provisoire sur ce bien,

  • - aucune action contre a. VI. n'est donc recevable tant que les garanties visées dans les documents litigieux n'ont pas été exercées,

  • - s. MO. a usé de manœuvres dolosives en produisant des documents en langue russe pour faire croire que seule la signature de ces divers protocoles pouvait permettre le déblocage des fonds promis en sorte que ce comportement déloyal sera sanctionné par l'octroi d'une indemnisation chiffrée à 50.000 euros pour réparer les préjudice moral, matériel et financier subséquents.

s. MO., intimé, et appelant incident entend pour sa part au terme de ses écrits judiciaires successifs :

  • - voir débouter a. VI. des fins de son appel et de l'ensemble de ses demandes,

  • - infirmer le jugement rendu le 20 février 2014 ayant condamné a. VI. à lui payer l'équivalent en euros au jour du jugement de la somme de 7.987.100 dollars US outre les intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2012, date de la sommation de payer sur l'équivalent en euros de la somme de 3.993.550 dollars US et à compter du 13 février 2013, date des conclusions valant mise en demeure sur l'équivalent en euros de la somme de 3.993.550 dollars US,

  • - voir la Cour statuer à nouveau sur ce point et condamner a. VI. à lui verser l'équivalent en euros au jour de l'arrêt à intervenir de la somme de 7.987.100 dollars US outre les intérêts légaux à compter du 31 juillet 2012, date de la sommation de payer sur l'équivalent en euros de la somme de 3.993.550 dollars US et à compter du 13 février 2013, date des conclusions valant mis en demeure sur l'équivalent en euros de la somme de 3.993.550 dollars US,

  • - et pour le surplus, confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 20 février 2014 ultérieurement signifié le 21 janvier 2015,

  • - rejeter la pièce adverse numéro 9 au visa de l'article 475 du code de procédure civile,

  • - débouter a. VI. des fins de sa demande de dommages et intérêts,

  • - condamner a. VI. à lui verser une somme de 50.000 euros à titre de dommages intérêts pour appel abusif.

Il expose pour l'essentiel aux termes de l'ensemble de ses écrits que :

  • - il agit sur le fondement de divers protocoles qu'il a lui-même signés tout comme a. VI., à propos desquels il soutient qu'il s'agit d'une reconnaissance de dettes de ce dernier à son profit, en sorte que son intérêt à agir et sa qualité apparaissent incontestables,

  • - si une reconnaissance de dette est présumée causée, c'est-à-dire apparait fondée sur une remise préalable de fonds, c'est à l'unique condition qu'elle existe et soit régulière,

  • - l'article 1173 du Code civil dispose que le billet ou la promesse sous-seing privé par lequel une partie s'engage à payer une somme d'argent à une autre doit être écrit par celui qui le souscrit, ou encore faut-il qu'outre sa signature, il ait lui-même écrit un « bon » ou un « approuvé » portant en toutes lettres la somme ou la quantité de la chose,

  • - il verse aux débats trois document respectivement intitulés « protocole », « protocole n° 2 » et « protocole n° 3 » qui sont tous dactylographiés en langue russe et ont été signés tant par lui-même, que par a. VI., dont la teneur permet d'établir l'existence d'une reconnaissance de dette d a. VI. envers lui.

  • - l'appelant ne conteste pas avoir signé chacun de ces documents et se contente en réalité d'affirmer qu'ils sont rédigés en langue russe et qu'étant lui-même estonien, il n'a pas la connaissance de cette langue,

  • - à défaut de « bon pour » ou d' « approuvé », ces protocoles ne peuvent valoir que comme commencement de preuve par écrit de la reconnaissance de dette, les pièces versées aux débats par ses soins révélant qu' a. VI. entretenait avec lui des relations d'affaires notamment dans une société société G et dans le contrat de prêt souscrit avec la société C ;

  • - la preuve de la reconnaissance de dette apparaît donc rapportée et il appartient au débiteur qui soutient pour sa part qu'elle n'est pas causée de démontrer que la remise des fonds, cause de celle-ci, n'est pas intervenue,

  • - a. VI. ne rapporte nullement cette preuve se contentant d'affirmer que la remise des fonds n'est pas établie alors même qu'il a signé en connaissance de cause les divers protocoles caractérisant la reconnaissance de dette,

  • - s'agissant du grief consistant à dire qu'il aurait dû exercer les actions en recouvrement de sa créance au regard des garanties prévues par le protocole et notamment le contrat de nantissement, à défaut d'enregistrement de ce privilège et de sa signification au débiteur de la créance donnée en gage, le nantissement des parts sociales dont se prévaut a. VI. pour échapper à ses obligations n'existe pas,

  • - de même, si une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire a été prise suivante ordonnance du juge de l'exécution en date du 29 août 2012 sur le bien immobilier appartenant à a. VI. situé à Mougins, ce bien apparaît grever d'une hypothèque de premier rang en garantie d'une créance de la SAM A d'un montant d'environ 2.500.000 euros en principal alors qu'elle a été acquise pour le prix de 3.000.000 euros en sorte que l'hypothèque inscrite par ses soins n'est pas couverte et que l'ensemble des garanties alléguées sont inexistantes.

Suivant conclusions en date du 15 janvier 2016, déposées le 18 janvier 2016, a. VI. conclut au rejet des pièces adverses n° 12 et 13 consistant selon lui en des attestations de complaisance établies par des subordonnés de s. MO. pour les besoins de la cause hors le calendrier de procédure fixé par la Cour le 13 octobre 2015.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que les appels, principal et incident, ont été régulièrement formés dans les formes et conditions prévues par le Code de procédure civile et seront déclarés recevables ;

  • Sur la demande de rejet des pièces n°12 et 13 produites par s. MO. :

Attendu que le calendrier de procédure fixé par la Cour autorisait le conseil de s. MO. à conclure sans pièce nouvelle à la date du 12 janvier 2016 ;

Que deux attestations ayant néanmoins été produites à cette date hors du calendrier procédural ainsi prescrit et a. VI. en ayant demandé le rejet des débats, il y a lieu de rappeler qu'une telle communication tardive et non autorisée a privé les intimés de faire valoir pleinement leurs droits sur le fond de telles attestations ;

Qu'en conséquence, au regard du principe de loyauté devant nécessairement présider aux débats, il convient de faire droit à la demande de ce dernier et d'écarter les deux pièces produites conformément aux dispositions processuelles du droit du for, et notamment de l'article 181 du Code de procédure civile ;

  • Sur la recevabilité de la demande :

Attendu que l'appelant soutient que s. MO. n'a pas intérêt, ni qualité à agir à son encontre, l'opacité du montage invoqué n'étant pas de nature à lui conférer la qualité de créancier, alors même qu'il n'est pas le signataire du contrat de prêt initial du 10 novembre 2010, et que n'est intervenue aucune clause de substitution du contrat de prêt, ni même une cession de créances entre la société C et lui-même ;

Que force est cependant de relever que l'instance initiée par s. MO. ne tend pas à obtenir le remboursement du prêt consenti le 10 novembre 2010 par la société C mais trouve son fondement exclusif dans les différents protocoles régulièrement signés par a. VI. et lui-même, aux termes desquels a. VI. reconnaîtrait être débiteur de la somme de 7.987.100 dollars qu'il s'engage à rembourser par moitié à deux dates différentes, la référence expresse à « la dette de Monsieur a. VI. auprès de Monsieur s. MO. » étant à cet égard dénuée d'équivoque ;

Attendu que s. MO., qui ne soutient pas intervenir dans la présente instance pour le compte de la société C, apparaît donc disposer de la qualité à agir et d'un intérêt direct et personnel à intenter une action sur le fondement de ce qu'il estime être une reconnaissance de dettes contractée à son profit ainsi que les premiers juges l'ont à bon droit apprécié en déclarant recevable sa demande ;

Le jugement déféré sera sur ce point confirmé ;

  • Sur le fond :

Attendu qu'il convient au préalable de constater que la demande tendant à voir rejeter des débats la pièce 9 produite par a. VI., n'est pas autrement motivée que par la référence à l'article 475 du Code de procédure civile sans aucune argumentation et sera dès lors rejetée comme ne reposant pas sur des moyens explicites ;

Attendu quant au fond des demandes, que s. MO. verse aux débats trois pièces intitulées respectivement « protocole », « protocole n° 2 » et « protocole n° 3 », rédigés en langue russe et signés par M. s. MO. et M. a. VI., dont la teneur suit :

  • - le premier protocole établi et signé le 12 janvier 2011 comporte les mentions suivantes : «.. la somme de la dette de M. a. VI. auprès de M. s. MO. a la date du 01.01.2011 est confirmée pour le montant de 7.058.426 (sept millions cinquante-huit mille quatre cent vingt-six) dollars. L'acquittement de la dette est à effectuer selon le planning suivant: 50 % avant le 31.12.2011 et les 50 % restant avant le 31.12.2012. Le taux d'intérêt pour le montant de la dette est de 17 % annuel à partir de 01.02.2011 (5 % jusqu'au 01.02.2011)... » ;

  • - le protocole n° 2 daté du 27 janvier 2011 mais signé par les parties les 27 et 29 décembre 2011 stipule : « la dette de M. a. VI. vis à vis de M. s. MO. (une dette personnelle, sans compter les pertes communes dans les business de l'Ouest) s'élève à un montant de 7.987.100 (sept millions neuf cent quatre-vingt-dix-sept mille cent (en fait quatre-vingt-sept mille cent par comparaison avec le protocole suivant) dollars USA en date du 01.02.2011. La somme de la dette a été calculée en prenant en considération le taux, prévu par le précédent protocole, le taux est de 17 % par an, à partir du 01.02.2011 (5 % avant le 01.02.2011: Annexe n° 1). Les échéances prévues par le précédent protocole, prévoient le règlement suivant: 50 % de la dette avant le 31.12.2011, 50 % de la dette avant le 31.12.2012.... » ;

  • - le protocole n° 3 daté du 10 janvier 2012 mais signé par les parties les 6 et 11 janvier 2012 s'intitulant protocole « de sortie de M. s. MO. de l'affaire commune « société G/SCI H », stipule :

  • « 1. Conformément au protocole n° 2 du 21 novembre 2011, les deux parties confirment le montant de la dette de Monsieur a. VI. auprès de s. MO. en date du premier décembre 2011 pour le montant de 7.987.100 (sept millions neuf cent quatre-vingt-sept mille cent) dollars.

  • 2. Les deux parties constatent que le planning d'acquittement de la dette établi dans le protocole précédent pour l'acquittement de 50 % de la dette avant le 31.12.2011 n'est pas respecté... » ;

Attendu que force est en premier lieu de relever que si ces documents étaient dactylographiés en russe, a. VI., de nationalité estonienne, apparaît mal fondé à invoquer son ignorance de cette langue dans un pays où le russe caractérise la seconde langue officielle, et apparaît au demeurant avoir signé sans aucune observation les trois protocoles dont s'agit ;

Attendu en revanche que si la somme due est mentionnée en chiffres et en lettres sur lesdits documents, la mention du bon ou de l'approuvé requise par l'article 1173 du Code civil apparaît cependant faire défaut ;

Que la constatation d'une telle carence a légitimement conduit les premiers juges à déclarer que ces écrits se trouvaient simplement privés de leur force probante mais nullement affectés en leur validité, aucune nullité ne résultant en effet du non-respect du formalisme prescrit par l'article susvisé ;

Que les protocoles présentés comme des reconnaissances de dette en date des 12 et 27 janvier 2011 et du 10 janvier 2012 ne constituent donc que des actes imparfaits ne pouvant valoir à eux seuls reconnaissance de dette ;

Que ces documents peuvent en revanche caractériser l'acte écrit émané de celui contre lequel la demande est formée, c'est-à-dire a. VI., pouvant rendre vraisemblable le fait allégué par s. MO. et donc légitimement s'analyser en un commencement de preuve par écrit au sens des dispositions de l'article 1194 du Code civil ;

Attendu qu'il en résulte qu'aucune présomption de cause ne s'induit des protocoles susvisés qui ne valent pas juridiquement reconnaissance de dette et qu'il incombe à celui qui se prétend créancier et réclame l'exécution d'une obligation au sens des dispositions de l'article 1162 du Code civil de la prouver ;

Qu'à l'effet de compléter ce qui caractérise donc un simple commencement de preuve par écrit, s. MO. a produit aux débats, tant devant les premiers juges qu'en cause d'appel, les pièces suivantes :

  • - le contrat de prêt rédigé en langue anglaise et française signé à Monaco le 10 novembre 2010 entre la société C , société des îles Marshall, dénommée « le créancier » et a. VI. dénommé « le débiteur » aux termes duquel ce dernier reconnaît devoir au créancier la somme de 7.210.170 dollars US ramenée à 7.000.000 dollars US pour prêt de pareille somme que celui-ci lui a consenti, le débiteur s'engageant à rembourser cette somme au créancier ou pour lui à son mandataire, selon différentes modalités, le terme pour le remboursement étant par ailleurs fixé au 31 décembre 2012 ;

  • - la déclaration de fiducie (declaration of trust) par laquelle la société F sise en république du Panama déclare détenir l'action portée dans une annexe enregistrée sous le nom de la société E en qualité de représentant de s. MO. ;

  • - l'attestation de fonction de la société C dans laquelle le trust I situé en république des îles Marshall confirme que la société a une existence légale, et que s. MO. détient 500 actions ;

Mais attendu que l'analyse de ces pièces ne permet pas de démontrer l'existence d'un acte juridique antérieur ayant eu pour conséquence une remise préalable de fonds par le bénéficiaire de la reconnaissance de dettes alléguée ;

Qu'en effet, lesdits documents, permettent simplement d'établir que Monsieur s. MO. serait le bénéficiaire d'un trust situé au Panama, en l'occurrence la société F. détenant une unique action de la société E, et qu'il détient 500 actions de la société C ;

Attendu qu'une telle qualité d'actionnaire apparaît à elle seule insuffisante pour compléter utilement le commencement de preuve par écrit susvisé, et établir la réalité de la créance personnelle revendiquée par s. MO. au titre des trois protocoles, alors même que le contrat de prêt du 10 novembre 2010 dont la production est censée conforter son argumentation n'établit l'existence d'une dette qu'entre a. VI. et la société C et ne rend donc pas vraisemblable le fait par lui allégué ;

Que l'existence de relations d'affaires entre messieurs VI. et MO. ne saurait davantage caractériser l'élément extrinsèque susceptible de compléter l'acte imparfait de reconnaissance de dette valant simple commencement de preuve par écrit ;

Attendu qu'il résulte de l'analyse susvisée et de l'ensemble des pièces produites que les premiers juges ont inversé la charge de la preuve en ne demandant pas à s. MO. de rapporter la preuve de la remise des fonds sous-tendant sa propre créance envers a. VI., alors même que les protocoles versés aux débats ne valaient pas reconnaissance de dette et ne permettaient donc pas d'induire une quelconque présomption de cause ;

Qu'en définitive, le commencement de preuve par écrit résultant des protocoles susvisés n'apparaît pas avoir été utilement complété par les pièces produites par s. MO. qui ne permettent pas de rendre vraisemblable le fait allégué inhérent à sa propre créance envers a. VI., d'un montant supérieur à 7 millions d'euros ;

Attendu que le jugement déféré sera dès lors purement et simplement infirmé et s. MO. débouté de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre d a. VI. ;

Attendu qu'une prétention tendant à obtenir un donner acte ne caractérisant pas une demande judiciaire il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de réserve de ses droits formée par l'appelant ;

Attendu qu'eu égard à la réformation du jugement entrepris, il y a lieu d'ordonner la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 12 septembre 2012 entre les mains des établissements bancaires B et de la SAM A avec toutes conséquences de droit ;

Attendu enfin que l'intimé s. MO. qui succombe en ses prétentions sera également débouté des fins de son appel incident portant sur le montant des condamnations prononcées par les premiers juges et présentement infirmées comme des fins de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Attendu qu'il sera par ailleurs condamné aux dépens de première instance et d'appel ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare recevable les appels principal et incident,

Écarte des débats les pièces numéro 12 et 13 produites par s. MO.,

Déboute s. MO. des fins de sa demande de rejet de la pièce n° 9 produite par a. VI.,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 février 2014 par le Tribunal de première instance et déboute s. MO. de l'ensemble de ses demandes et des fins de son appel incident,

Ordonne la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 12 septembre 2012 entre les mains des établissements bancaires B et de la SAM A,

Déboute a. VI. du surplus de ses prétentions,

Condamne s. MO. aux entiers dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI et Maître Richard MULLOT, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Madame Virginie ZAND, Conseiller, assistées de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 1er mars 2016, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Mademoiselle Cyrielle COLLE, substitut du Procureur Général.

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