Tribunal de première instance, 23 janvier 2014, Monsieur W. VI. et Madame L. J. F. LE. épouse VI. c/ L'association de droit monégasque O et Monsieur L. PU.

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Abstract🔗

Contrats et obligations - Qualification du contrat - Contrat d'agent commercial - Résiliation (non) - Refus de renouvellement - Droit de l'agent commercial à indemnité (non).

Résumé🔗

Le contrat constitue un contrat d'agent commercial au sens de l'article 1 de la loi n° 1008 du 4 juillet 1978, puisque les mandataires, qui exerçaient une activité indépendante, étaient chargés de démarcher des clients et avaient le pouvoir de négocier des contrats avec certaines sociétés, après accord du mandant. Les agents commerciaux doivent cependant être déboutés de leur demande d'indemnité sur le fondement de l'article 3 de la loi n° 1008, puisqu'il n'y a pas eu résiliation du contrat mais refus de renouvellement du contrat arrivé à son terme.


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

JUGEMENT DU 23 JANVIER 2014

En la cause de :

  • Monsieur W. VI., né le 19 décembre 1950 à New York, de nationalité américaine,

  • Madame L. J. F. LE. épouse VI., née le 25 avril 1943 à Paris, de nationalité franco-américaine,

Exploitant l'activité commerciale de distribution et de conseil en matière de programmes télévisés sous l'enseigne « V », demeurant et domiciliés en cette qualité au 1X USA,

DEMANDEURS, ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Julie CITTADINI, avocat au barreau de Paris,

d'une part ;

Contre :

  • 1- l'association de droit monégasque , dont le siège est 2X à Monaco (98000), prise en la personne de son Président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,

  • 2- Monsieur L. PU., Vice-Président de l'association de droit monégasque dénommée O, demeurant et domicilié 3X à Monaco,

DÉFENDEURS, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 13 juin 2012, enregistré (n° 2012/000643) ;

Vu le jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 11 avril 2013 ayant notamment renvoyé la cause et les parties à l'audience du 15 mai 2013 ;

Vu les conclusions de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de l'association de droit monégasque O, en date des 15 mai 2013 et 9 octobre 2013 ;

Vu les conclusions de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. exerçant sous l'enseigne V, en date du 26 juin 2013 ;

À l'audience publique du 21 novembre 2013, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 23 janvier 2014 ;

EXPOSÉ

Par acte d'huissier délivré le 13 juin 2012, W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI., exerçant sous l'enseigne « V » ont fait assigner l'association de droit monégasque O en paiement sous le bénéfice de l'exécution provisoire des sommes suivantes :

  • 869.160 euros à titre d'indemnité compensatrice de fin de contrat ;

  • 72.430 euros de dommages et intérêts au titre de la rupture anticipée du contrat ;

  • 434.580 euros en réparation du préjudice commercial et d'image ;

  • 20.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Il est exposé que :

  • - de 1990 à 2010, des contrats d'agence ont été régulièrement renouvelés entre W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. et l'association de droit monégasque O ;

  • - ont ainsi été crées dans plusieurs pays les salons « S » qui se sont imposés comme des événements incontournables dans le secteur international des contenus sportifs pour la télévision et les nouveaux médias ;

  • - W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. exerçant sous l'enseigne V en qualité de représentant exclusif mondial avaient notamment pour mission de démarcher la clientèle, coordonner la signature des contrats, l'organisation de l'événement concerné, tandis que l'association de droit monégasque O conservait l'entière maîtrise de la vente et de la stratégie marketing concernant l'organisation des salons ;

  • - W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. percevaient à ce titre des commissions calculées sur les revenus obtenus par l'association de droit monégasque O ;

  • - cette dernière a le 25 mars 210 avisé W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. de son intention de ne pas renouveler le contrat d'agence pour l'année 2011 et a mis fin de manière anticipée aux relations contractuelles en octobre 2010.

À titre liminaire, W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. exerçant sous l'enseigne V soulignent que le Tribunal de première instance est compétent en application de l'article 14 du dernier contrat d'agence signé le 15 décembre 2009.

Sur le fond, ils se prévalent de la qualité d'agent commercial au sens de l'article 1 de la loi n° 1.008 du 4 juillet 1978.

Arguant n'avoir commis aucune faute, ils revendiquent en premier lieu, sur le fondement de l'article 3 de cette loi, la réparation des préjudices consécutifs à la cessation par l'association de droit monégasque O des relations contractuelles.

Ils relèvent de ce chef que :

  • - doit être pris en considération la durée totale de la collaboration entre W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. et l'association de droit monégasque O soit 21 ans dans la mesure où la loi ne distingue pas selon qu'il s'agit d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat durée indéterminée ;

  • - doit être compensée la perte des rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties, y compris les frais et charges exposés au titre de l'exécution du mandat ;

  • - W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. n'ont pas pu bénéficier d'un temps de reconversion indispensable pour pallier la rupture de la relation commerciale ; et ce, alors même que leur portefeuille de clientèle n'a été constitué qu'au seul bénéfice de l'association de droit monégasque O ;

  • - V a été contraint de trouver un nouveau mandant et de reconstruire l'ensemble de son organisation qui a été basée sur le modèle de l'association de droit monégasque O ;

  • - la rupture est d'autant plus préjudiciable compte tenu du secteur concerné, et de l'importante contribution de W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. dans la création de la marque S ;

  • - il est donc légitime que l'indemnité soit calculée sur la base des commissions brutes perçues pendant les trois derniers exercices.

En deuxième lieu, W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. exerçant sous l'enseigne V font état d'un manque à gagner sur les commissions qui auraient du être perçues jusqu'au 31 décembre 2010 dans la mesure où l'association de droit monégasque O n'ayant pas respecté le délai de préavis, ils n'ont pu finaliser leur mission.

En troisième lieu et en invoquant l'article 989 du Code civil, les demandeurs font valoir que l'association de droit monégasque O engage sa responsabilité pour avoir rompu brutalement une relation commerciale établie depuis 1990 et qu'à ce titre :

  • - il existait un véritable accord exclusif avec V qui a réussi à imposer la marque S ;

  • - il en est résulté une perte de confiance à l'égard de W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. ;

  • - ceux-ci ont dû reconstruire l'ensemble de leur organisation qui a été basée sur le modèle établi par l'association de droit monégasque O ;

  • - W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. ont ainsi subi un préjudice commercial et d'image correspondant à un an de commissions sur la base des trois derniers exercices.

Enfin, la partie demanderesse indique avoir engagé des frais du fait de la résistance abusive de l'association de droit monégasque O.

Par jugement rendu le 11 avril 2013, l'association de droit monégasque O a été déboutée de son exception tendant à la nullité de l'assignation et condamnée à payer la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts aux époux VI.

Dans ses conclusions déposées le 15 mai 2013, l'association de droit monégasque O demande au Tribunal de :

  • - dire que le contrat liant les parties n'est pas un contrat d'agence commerciale mais de conseil ;

  • - subsidiairement, dire que les époux W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. ne remplissent pas les conditions pour bénéficier du statut protecteur des agents commerciaux ;

  • - encore plus subsidiairement, dire qu'il n'y a pas rupture du contrat s'agissant d'un contrat à durée déterminée venu à échéance et qu'elle n'a commis ni faute ni abus ;

  • - en tout état de cause rejeter l'action des époux W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. et les condamner solidairement à lui payer la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Il est soutenu en premier lieu que les époux W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. exercent une activité de conseil, comme ils l'indiquent eux-mêmes dans leurs écritures, et non d'agents commerciaux en ce que :

  • - leur objet social est décrit comme tel dans le « certificat d'exercice d'activité commerciale » ;

  • - cela est stipulé expressément dans tous les contrats, sans qu'il y ait erreur de rédaction ;

  • - ils ne sont nullement des mandataires et sont au mieux des intermédiaires puisqu'ils démarchaient les clients mais ne négociaient pas les contrats ;

  • - ils ont été rémunérés par des honoraires de consultant ;

  • - le terme de représentant exclusif ne confère pas la qualité d'agent commercial exclusif.

Subsidiairement, l'association de droit monégasque O s'oppose à l'application du statut protecteur des agents commerciaux dès lors que :

  • - les époux W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. ne sont pas inscrits sur le registre spécial prévu par l'article 4 de la loi n° 1008 et son ordonnance d'application du 6 décembre 1978 ;

  • - ils ne peuvent non plus revendiquer les règles du mandat d'intérêt commun ;

  • - ils n'exercent pas une telle profession à titre habituel.

Encore plus subsidiairement, l'association de droit monégasque O conteste être redevable de la moindre indemnisation en l'absence de rupture abusive des relations contractuelles et avance, pour ce faire que :

  • - conformément aux stipulations contractuelles, il s'agit simplement du non-renouvellement d'un contrat à durée déterminée, et non de la rupture d'un contrat à durée indéterminée de sorte que l'article 3 de la loi n° 1008 est inapplicable ;

  • - elle a parfaitement respecté le délai de préavis et n'a pas rompu le contrat de manière anticipée.

Enfin, l'association de droit monégasque O affirme que les époux W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. ne pouvaient croire sérieusement au succès de leur action qui constitue un moyen de pression.

Dans leurs dernières écritures déposées le 1er juillet 2013, les époux W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. exerçant sous l'enseigne V réitèrent leurs moyens et prétentions antérieurs et répondent à l'association de droit monégasque O que :

  • - il appartient au juge de requalifier les actes juridiques ;

  • - la dénomination du contrat importe peu si la mission effective et la relation commerciale inscrite depuis 20 ans entre les parties attestent de l'exercice d'une activité d'agent commercial ;

  • - le contrat litigieux ne peut être qualifié de contrat de conseil en ce que :

    • l'activité du consultant est une prestation purement intellectuelle qui doit être distinguée de celle du mandat ;

    • V, peu importe son objet social, était le représentant exclusif et mondial de l'association de droit monégasque O et avait, sur instructions de celle-ci, une attitude active de démarchage ;

  • - la catégorie d'intermédiaire évoquée en défense n'est qu'un terme générique et constitue bien un contrat d'agence commerciale ;

  • - V disposait d'une certaine autonomie et outre le démarchage, négociait, coordonnait les signatures et percevait les recettes ;

  • - V ne peut être considéré comme simple agent d'affaires compte tenu de la continuité et de la stabilité des relations commerciales entretenues avec l'association de droit monégasque O ;

  • - V bénéficiait d'une exclusivité mondiale à l'exception de certains secteurs d'activité qui venait renforcer la permanence du lien contractuel ;

  • - V n'étant pas de droit monégasque et n'exerçant pas son activité en Principauté de Monaco n'avait aucune obligation de procéder à son immatriculation en tant qu'agent commercial à Monaco étant ajouté que le défaut d'accomplissement de cette formalité ne peut lui être opposé pour lui dénier le statut d'agent commercial ;

  • - sa rémunération, calculée sur un pourcentage du volume d'affaires effectuées, ne peut être assimilée à un honoraire et constitue bien une commission attestant de l'activité d'agent commercial ;

  • - alors qu'un contrat à durée déterminée peut être résilié, l'association de droit monégasque O a rompu la relation contractuelle durant la période de préavis de sorte que l'article 3 de la loi n° 1008 doit recevoir application

l'association de droit monégasque O a le 11 octobre 2013 déposé de dernières conclusions aux termes desquelles elle reprend ses dernières écritures et ajoute pour l'essentiel que :

  • - les parties sont liées par un contrat de conseil s'analysant en un contrat d'entreprise et non par un mandat ;

  • - les contrats ont tous été rédigés par les époux W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. de la même manière ;

  • - contrairement à ce qu'ils prétendaient, ils ne bénéficient d'aucune exclusivité, le démarchage des sociétés de nouvelles technologies étant confié à une autre entreprise ;

  • - le démarchage par V correspond à son activité de distribution ;

  • - les époux W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. n'effectuaient aucun acte juridique au nom de l'association de droit monégasque O n'encaissaient pas les recettes, et accomplissaient de simples taches d'exécution ;

  • - les contrats de participation aux événements organisés proposés aux clients, sont de purs contrats d'adhésion ;

  • - le paiement de commissions (en plus d'honoraires) est courant pour la distribution et ne caractérise pas en soi l'existence d'un contrat d'agence commerciale ;

  • - le dernier contrat est bien arrivé à terme et n'a pas été renouvelé ;

  • - les époux W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. ne peuvent nullement s'inspirer du droit français relativement à la résiliation du contrat ;

  • - au surplus ils semblent avoir abandonné dans leur dernières écritures la thèse d'une rupture anticipée.

MOTIFS

  • Sur le contrat liant les parties

Les parties ne discutent pas que le droit monégasque soit applicable à leurs relations contractuelles.

Les époux W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. exerçant sous l'enseigne V se prévalent de la qualité d'agent commercial en se fondant sur l'article 1 de la loi 1008 du 4 juillet 1978 qui dispose que :

« Est agent commercial le mandataire qui, à titre de profession habituelle et indépendante, sans être lié par un contrat de travail, négocie et éventuellement conclut des achats, des ventes, des locations ou des prestations de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels ou de commerçants.

L'agent et ses mandants s'engagent en la forme et dans les conditions prévues par l'article 1824 du Code civil. Leurs engagements peuvent être à durée déterminée ou indéterminée ; ils peuvent contenir notamment une convention d'exclusivité, une convention ducroire, une convention de consignation de marchandises en vue de livraison à la clientèle. »

l'association de droit monégasque O s'y oppose et conclut à l'existence d'un contrat de conseil s'analysant en un contrat d'entreprise.

Il convient donc de se reporter aux quatorze conventions versées aux débats par les époux W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI., qui en sont les rédacteurs, pour vérifier les tâches qui leur incombent effectivement.

Il en ressort que certains d'entre eux sont intitulés « accords de consultation V » dont le dernier en vigueur conclu le 15 décembre 2009.

Y sont également stipulés des « honoraires de consultation ».

L'activité de conseil, selon l'association de droit monégasque O, consiste à donner des avis, des renseignements, des consultations.

Il s'agit donc d'une prestation intellectuelle.

Les différents contrats conclus entre les parties prévoient que :

  • - V (ou V) est le « représentant exclusif et mondial des ventes et de la commercialisation » pour S, à l'exception, les dernières années, des sociétés de nouvelles technologies ;

  • - « V s'engage à soumettre à l'association de droit monégasque O toutes les stratégies de vente et de commercialisation. Il incombe à V de communiquer à l'association de droit monégasque O, en vue de recueillir son accord préalable, un document indiquant toutes les actions à mener en matière de vente et de commercialisation » ;

  • - « V s'engage à contacter par téléphone, télécopie et par courrier électronique et postal des clients potentiels issus de sociétés dites « traditionnelles » qui exercent dans l'achat et la distribution de programmes, télédiffuseurs, chaînes cablées, DBS (satellites de communication directe), télédiffusion directe par satellite, services de diffusion extérieure, distributeurs de vidéo, annonceurs publicitaires, sponsors organisateurs d'évènements, équipes et ligues professionnelles, producteurs, fédérations sportives et agents de marketing dans le domaine du sport » (…) ;

  • - V s'engage […] « avec le consentement préalable » de son cocontractant « à convenir d'offres spéciales » avec certaines sociétés ;

  • - en « rémunération pour ses services », V perçoit des pourcentages sur les recettes brutes hors taxe générées par l'association de droit monégasque O, qualifiés tantôt d'« honoraires de consultant » tantôt de « commissions ».

Il ressort de ces seules stipulations contractuelles que les époux W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. exerçant sous l'enseigne V étaient bel et bien mandatés par l'association de droit monégasque O pour démarcher des clients et avaient le pouvoir de négocier des contrats avec certaines sociétés, après accord de son mandant.

Cette mission correspond à la définition légale ci-dessus rappelée.

De plus, il n'est pas contesté que les époux W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. exerçant sous l'enseigne V sont indépendants comme étant immatriculés à New-York, et nullement liés par un contrat de travail à l'association de droit monégasque O.

Par ailleurs, il est constant que la relation contractuelle a duré 21 ans ce qui révèle sans contexte que les demandeurs exerçaient une telle activité à titre habituel.

Ils n'étaient au surplus pas rémunérés forfaitairement mais au volume et à la valeur des affaires conclues.

Dès lors, au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de considérer que les époux W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. exerçant sous l'enseigne V sont bel et bien des agents commerciaux et en aucun cas des consultants.

  • Sur l'indemnité de fin de contrat fondée sur l'article 3 de la Loi du 4 juillet 1978

Aux termes de l'article 3 de la loi n° 1.008 du 4 juillet 1978 :

« Les engagements qui lient les agents commerciaux et leurs mandants sont contractés dans l'intérêt commun des parties. Leur résiliation par le mandant, si elle n'est pas justifiée par une faute du mandataire, ouvre droit au profit de ce dernier nonobstant toute clause contraire, à une indemnité compensatrice du préjudice subi ».

l'association de droit monégasque O s'oppose au versement d'une telle indemnité en arguant en premier lieu que les demandeurs ne peuvent revendiquer le statut protecteur des agents commerciaux car ils ne sont pas inscrits au répertoire du commerce et de l'industrie comme prévu à l'article 4 de cette loi.

Il apparaît néanmoins que les demandeurs ont leur siège à l'étranger de sorte qu'il ne peut leur être opposé un défaut d'immatriculation en Principauté.

En deuxième lieu, l'indemnité est due en cas de « résiliation » du contrat par le mandat.

Ce texte ne distingue pas selon qu'il s'agit d'un contrat à durée indéterminée ou d'un contrat à durée déterminée.

En l'espèce, le dernier contrat signé par les parties le 15 décembre 2009 a été conclu pour un an du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 et prévoyait :

« Si V ne souhaite pas renouveler le présent contrat pour 2011, V doit en informer l'association de droit monégasque O au plus tard le 25 mars 2010.

Si l'association de droit monégasque O ne souhaite pas renouveler le présent contrat pour 2011, l'association de droit monégasque O doit en informer V au plus tard le 25 mars 2010. »

En l'occurrence, le 25 mars 2010, l'association de droit monégasque O a avisé V que le contrat ne serait pas renouvelé à la fin de l'année.

Le 22 octobre 2010, l'association de droit monégasque O a adressé un mail dans lequel il était indiqué « Liliane et W. VI. quitteront notre organisation à la fin du mois ».

Il s'agit d'un simple mail d'information qui n'est d'ailleurs pas adressé aux demandeurs et qui ne vaut pas rupture anticipée du contrat.

Seule doit donc être prise en compte la lettre du 25 mars 2010 qui notifie le non-renouvellement du contrat à son échéance, le délai de préavis étant ainsi respecté.

Or, la survenance du terme d'un contrat à durée déterminée ne constitue pas une résiliation qui s'entend pour un tel contrat de sa rupture avant le terme, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

En conséquence, la partie demanderesse ne peut prétendre à une quelconque indemnité sur le fondement de l'article 3 de la loi n° 1.008.

  • Sur les commissions

Dès lors que la cessation du contrat a été fixée au 31 décembre 2010, il est légitime que V obtienne rémunération de ses services jusqu'à cette date.

Les demandeurs indiquent avoir été dans l'impossibilité de finaliser les missions en cours et ne pas avoir perçu les commissions y afférents.

Sur la base d'une évaluation à partir des exercices précédents, faute de communication par l'association de droit monégasque O du chiffre d'affaires réalisé sur la période, ils réclament le règlement de la somme de 72.430 euros au titre des commissions sur le chiffre d'affaires réalisé en 2011 généré par les diligences effectuées en 2010 en application des dispositions du contrat.

Le non-renouvellement du contrat à son échéance a incontestablement privé les époux W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. exerçant sous l'enseigne V de l'intégralité des commissions qui auraient été perçues sur la fin de l'année 2010 si les relations commerciales s'étaient poursuivies postérieurement au 31 décembre 2010 avec l'association de droit monégasque O.

Cette dernière ne critique pas précisément ce chef de demande, ni dans son principe, ni dans son montant.

Il convient donc de faire droit sur ce point à la demande des époux W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. en condamnant l'association de droit monégasque O à leur payer à ce titre la somme de 72.430 euros réclamée.

  • Sur le préjudice commercial et d'image

Aux termes de l'article 989 du Code civil, les conventions « doivent être exécutées de bonne foi ».

En l'espèce, V reproche à l'association de droit monégasque O d'avoir rompu brutalement une relation commerciale ancienne et établie.

Il apparaît toutefois que l'association de droit monégasque O a, comme considéré ci-dessus, respecté le délai de préavis conventionnel de 9 mois.

De plus, même si la relation commerciale a duré 21 ans, les demandeurs n'établissent pas en quoi l'association de droit monégasque O aurait abusé du droit qui était le sien de ne pas renouveler à son expiration le contrat à durée déterminée liant les parties.

Au surplus, ils ne fournissent aucun justificatif à l'appui du préjudice commercial et d'image allégué.

En conséquence, la demande de dommages et intérêts formée de ce chef à hauteur de 434.580 euros ne peut qu'être rejetée.

  • Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive

La preuve d'une résistance abusive de l'association de droit monégasque O n'est pas rapportée dès lors que les époux W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. exerçant sous l'enseigne V succombent pour une grande partie dans leurs prétentions.

Leur demande en dommages et intérêts ne peut donc être accueillie de ce chef.

  • Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

L'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s'il s'agit d'une erreur équipollente au dol.

Un tel abus n'est nullement caractérisé de ce chef, de sorte que la demande de dommages et intérêts présentée par l'association de droit monégasque O sera rejetée.

  • Sur l'exécution provisoire

Les conditions prévues à l'article 202 du Code de procédure civile n'étant pas remplies, l'exécution provisoire de la présente décision ne peut être ordonnée.

  • Sur les dépens

En l'état des succombances respectives des parties il sera fait masse des dépens de la présente procédure qui comprendront ceux réservés par le jugement du 11 avril 2013 et qui seront supportés à raison des trois quarts par les époux VI. et du quart restant par l'association de droit monégasque O.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement par jugement contradictoire, et en premier ressort,

Dit que la convention liant les époux W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. exerçant sous l'enseigne V et l'association de droit monégasque O est un contrat d'agence commerciale ;

Condamne l'association de droit monégasque O à payer aux époux W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. exerçant sous l'enseigne V, la somme de 72.430 euros en compensation des commissions dont ils ont été privées ;

Rejette les autres demandes en dommages et intérêts présentées par les époux W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. exerçant sous l'enseigne V ;

Déboute l'association de droit monégasque O de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ;

Dit qu'il sera fait masse des dépens, qui comprendront ceux réservés par le jugement du 11 avril 2013, et qui seront supportés à raison d'un quart par l'association de droit monégasque O et des trois quarts restants par les époux W. VI. et L. J. F. LE. épouse VI. exerçant sous l'enseigne V, avec distraction au profit de Maître Jean-Pierre LICARI et Maître Olivier MARQUET, avocats-défenseurs, chacun en ce qui le concerne ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge, Madame Sophie LEONARDI, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 23 JANVIER 2014, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Madame Aline BROUSSE, Magistrat référendaire faisant fonction de Substitut du Procureur Général, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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