Tribunal de première instance, 9 novembre 2000, A. c/ Société A. R.

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Abstract🔗

Contrat de travail

Contrat de VRP à durée indéterminée : loi n° 762 du 26 mai 1964 modifiée conclu entre Société monégasque et salarié domicilié en France - Compétence de la juridiction du travail monégasque - Préavis - Inexécution par le salarié - Absence de faute grave de l'employeur et de la force majeure (loi n° 729, art. 11) - Indemnité due par le salarié - Concurrence déloyale du VRP - Indemnité due par celui-ci - Juridiction monégasque compétente : loi n° 446, art. 1, loi n° 762, art. 8

Résumé🔗

Sur la compétence :

L'appelante réfute la compétence du Tribunal du travail de la Principauté de Monaco, en excipant des dispositions de l'article R. 517-1 du Code du travail français, au regard duquel la demande aurait dû être portée devant le conseil des prud'hommes de son domicile, en l'occurrence Nantes, s'agissant d'un travail effectué en dehors de tout établissement ou à domicile.

Force est cependant de constater que les dispositions légales susvisées sont étrangères à l'ordre juridique interne monégasque ; si les tribunaux de la Principauté ont vocation à appliquer des lois étrangères pour régler le fond de certains litiges, ils déterminent cependant leur compétence par référence à leurs propres règles internes.

En l'espèce, sans qu'il y ait lieu de se référer à la règle de conflit édictée par l'article 3 du Code de procédure civile, relative au droit commun des obligations, retenue par le Tribunal du travail, il suffit de constater que le litige opposant un employeur et son salarié relève de la compétence exclusive et d'ordre public du Tribunal du travail, conformément aux dispositions de l'article 1 de la loi n° 446 du 16 mai 1946.

En outre, le contrat de travail, dont s'agit, liant la société A. R. à C. A. est une « convention de représentante » relevant selon l'article 6 de cet accord des dispositions de la loi n° 762 du 26 mai 1964 sur le statut des VRP modifiée le 5 juillet 1979.

En conséquence, quel que soit le lieu d'exécution du travail ou le domicile du salarié, la compétence exclusive du Tribunal du travail apparaît établie par application des règles de compétence d'ordre public de la Principauté, en sorte que l'exception soulevée de ce chef doit être rejetée et la décision des premiers juges confirmée.

Sur l'inexécution du préavis et l'indemnité réclamée par la Société A. R. :

Il est constant que C. A., ayant présenté sa démission par courrier du 31 octobre 1996, n'a pas exécuté son préavis de trois mois, ainsi qu'elle y était tenue en fonction de son ancienneté.

Se référant aux dispositions de la loi n° 729 du 16 mars 1963, auxquelles était soumis son contrat de travail, C. A. estime que l'attitude méprisante et insultante de son employeur a rendu impossible l'exécution du préavis ; or l'article 11 de la loi susvisée dispose : « la rupture du contrat peut intervenir sans préavis si elle résulte de l'accord des parties, d'une faute grave ou d'un cas de force majeure ».

Cependant, au soutien de son argumentation, C. A. se contente de produire une attestation d'une nommée C. T. faisant état du « mauvais relationnel qu'entretenait envers elle Mme A. R. ».

L'on ne saurait trouver dans cet unique document la preuve d'un manquement de l'employeur caractérisant la faute grave requise par la loi, étant en effet observé que ni la nature, ni l'origine des mauvaises relations ne sont expliquées par le témoin et qu'aucune circonstance précise ne se trouve rapportée.

Il s'en suit que C. A. ne saurait se voir exonérer de l'exécution de son préavis sur la base de cette seule pièce, la société A. R., apparaissant quant à elle fondée à percevoir l'indemnité correspondant à la rémunération et aux avantages de toute nature dont aurait bénéficié le travailleur durant le délai de préavis non respecté, et ce conformément aux dispositions de l'article 11 de la loi n° 729 du 16 mars 1963.

Dès lors, si C. A. avait travaillé de manière effective durant les trois mois de préavis non exécuté, elle aurait perçu la rémunération résultant tant de sa propre activité (direct) que de celle des conseillères et vendeuses de son secteur (indirecte).

Il ne saurait en conséquence être dérogé aux dispositions légales susvisées pour calculer l'indemnité de l'appelante sur la seule base du commissionnement direct, celle-ci s'élevant comme l'a chiffré le Tribunal du travail à trois mois de salaire de cette représentante.

Sur les dommages-intérêts pour concurrence déloyale :

S'il est indéniable que les clients du VRP peuvent lui demeurer attachés après la rupture de son contrat de travail en vertu de l'article 6 de celui-ci, il n'apparaît pas que cette dérogation puisse s'étendre aux VDI (Vendeuses à domicile indépendantes) qui sont des vendeuses achetant et revendant des produits pour le compte de la société et qui selon la jurisprudence française font partie intégrante de la force de vente de l'entreprise à laquelle elles sont attachées.

Il suit que contrairement à ce qu'a dit le Tribunal du travail, le départ des VDI doit être assimilé à celui des VRP ayant quitté la société après C. A., à savoir les dames C., P. et D.

Les faits de concurrence déloyale sont dès lors caractérisés et doivent être retenus à la charge de C. A., comme au demeurant les actes de dénigrement ayant consisté pour cette ancienne salariée à critiquer courant octobre et novembre 1966 les produits A. R. et à inciter les partenaires de cette société à commander des produits « Or et Ambre ».

S'agissant de l'indemnisation due au titre de tels agissements, le Tribunal du travail a fort justement relevé qu'il n'était pas établi que la perte de marge brute durant l'exercice 1996-1997 en soit la conséquence directe et exclusive, étant à cet égard relevé que la société Or et Ambre a elle-même été déclarée coupable d'actes de concurrence déloyale ayant généré un préjudice chiffré à 6 millions de francs (TGI de Grasse 13 août 1997).

Néanmoins, les circonstances de la cause et les éléments d'appréciation dont le tribunal dispose permettent de dire que la société A. R. a subi une perte de bénéfice liée au départ des VDI et s'est trouvée dans l'obligation de réorganiser le réseau de vente directe.

Il y a lieu, en outre, de tenir compte du préjudice moral déjà pris en considération par le Tribunal du travail ; le tribunal estime dès lors équitable de chiffrer à 150 000 francs le montant des dommages-intérêts de ce chef, lesquels seront assortis des intérêts au taux légal à compter du présent jugement liquidant définitivement le préjudice.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Attendu que suivant jugement du 20 mai 1999, le Tribunal du travail - statuant dans l'instance opposant la société anonyme monégasque A. R. à son ancienne employée C. A. - a :

  • rejeté l'exception d'incompétence soulevée par C. A. ;

  • condamné C. A. à payer à la société A. R. les sommes de :

• 45 085,51 francs (quarante cinq mille quatre vingt-cinq francs et cinquante et un centimes) à titre de dommages-intérêts pour inexécution du préavis,

et celle de

• 25 000 francs (vingt-cinq mille francs) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral consécutif à la faute de cette salariée ;

  • déclaré irrecevables les autres demandes de la société A. R. ;

  • débouté C. A. de sa demande reconventionnelle ;

  • condamné C. A. aux dépens ;

Suivant exploit du 13 juillet 1999, C. A. a régulièrement interjeté appel de cette décision, signifiée le 12 juillet 1999, à l'effet de voir le Tribunal de première instance :

  • infirmer le jugement attaqué en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître de la présente affaire ;

  • se déclarer incompétent au profit du Conseil des Prud'hommes de Nantes, seul compétent pour connaître de la présente affaire ;

Subsidiairement,

  • constater que l'attitude méprisante de Mme A. R. à l'égard de C. A. et rendant l'exécution de son travail impossible, est démontrée ;

  • dire et juger que cette attitude est constitutive d'une faute grave de la part de l'employeur, rendant impossible l'exécution du préavis pour la salariée ;

  • infirmer le jugement en date du 20 mai 1999 en ce qu'il a condamné C. A. au paiement d'une somme de 45 085,51 francs à titre de dommages-intérêts pour inexécution du préavis ;

  • constater que la société A. R. a réclamé, devant le Tribunal du travail, l'allocation de dommages-intérêts en raison de la perte de marge brute sur l'exercice 1996-1997 pour concurrence déloyale de la part de C. A. qui serait fondée exclusivement sur le prétendu débauchage massif de salariés par cette dernière ;

  • rappeler que le jugement attaqué indique bien que, d'une part, aucune perte de la marge brute ne peut être imputée à C. A. et que, d'autre part, aucun débauchage massif ne peut être imputé à cette dernière ;

  • dire et juger qu'en condamnant C. A. au paiement d'une somme de 25 000 francs à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral subi par la société A. R., le Tribunal du travail a statué ultra petita ;

  • constater que C. A. a subi un préjudice important en raison de l'attitude méprisante de Mme R. et de la procédure engagée par la société A. R. ;

  • infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté C. A. de sa demande reconventionnelle tendant à réparation dudit préjudice ;

  • condamner la société A. R. au paiement d'une somme de 50 000 francs de dommages-intérêts en remboursement des frais de procédure exposés par C. A., ainsi qu'aux entiers dépens ;

Attendu que C. A. expose au soutien de son appel qu'elle a été engagée en vertu d'un contrat de travail à durée indéterminée le 1er mai 1989 par la société A. R., et ce, en qualité de « conseillère beauté confirmée VRP à temps choisi », ayant pour tâche de vendre des produits A. R. par réunions à domicile ;

Qu'en suite d'un avenant à son contrat l'ayant promue « manager », elle s'était trouvée responsable d'un secteur plus étendu ;

Qu'en raison de certaines difficultés relationnelles existant avec son employeur, C. A. démissionnait par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 octobre 1996 et s'abstenait d'effectuer son préavis de trois mois ;

Que c'est dans un tel contexte que la société A. R. saisissait le Tribunal du travail afin de voir dire et juger que sa salariée avait violé l'obligation de préavis et commis des actes de concurrence déloyale ;

Attendu que l'appelante critique la décision rendue par cette juridiction le 20 mai 1999 et fait valoir les moyens suivants :

1° sur la compétence :

  • le contrat de travail la liant à la société A. R. est de nature internationale, dès lors qu'il est conclu à Monaco et exécuté en France ;

  • dans cette hypothèse, l'article R. 517-1 du Code du travail français dispose que si le travail est effectué en dehors de tout établissement ou à domicile, la demande est portée devant le Conseil des Prud'hommes du domicile du salarié ;

  • la Cour de cassation condamne et répute « non écrites » les clauses dérogeant à ces dispositions ;

  • dès lors, l'article R. 517-1 du Code du travail paralyse l'attribution contractuelle de compétence au juge monégasque, et ce, même si la loi applicable au fond est monégasque ;

  • la salariée concernée travaillant en dehors de tout établissement ou à domicile, seul était compétent le Conseil des Prud'hommes de son domicile, en l'occurrence Nantes ;

2° Au fond,

• Sur la violation du préavis,

C. A. soutient que le comportement de la société A. R. était constitutif d'une faute grave à son encontre et de nature à l'exonérer de l'obligation de préavis ; elle se réfère à diverses circonstances et attestations faisant état d'une ambiance insupportable et de propos méprisants et vexatoires de Mme A. R. au regard desquelles l'article 11 de la loi du 16 mars 1963 la dispensait d'exécuter son préavis ;

• Sur la condamnation au paiement d'une somme de 25 000 francs,

  • la société A. R. n'a jamais demandé l'allocation de dommages-intérêts au titre d'un quelconque préjudice moral ;

  • les seuls dommages-intérêts étaient fondés sur une prétendue perte de marge brute sur l'exercice 1996-1997 suite à une prétendue concurrence déloyale dont C. A. serait l'auteur ;

  • la société A. R. a indiqué expressément que, pour elle, le grief de concurrence déloyale serait le fondement de sa demande de dommages-intérêts et tiendrait exclusivement au débauchage massif et systématique de la force de vente de la société A. R. par C. A. ;

  • Le Tribunal du travail a, à bon droit, constaté que d'une part les vendeuses à domicile indépendantes (VDI) étaient des clientes de la société qui acquéraient des marchandises qu'elles revendaient ensuite à domicile et que la salariée, après son départ, serait en droit de les conserver, conformément à l'article 6 du contrat de travail conclu entre les parties, et d'autre part que le départ de trois VRP, à savoir Mmes R., M. et M. ne saurait être interprété comme un « débauchage massif » eu égard au nombre important de salariés ;

  • il a conclu que dès lors aucun acte de concurrence déloyale ne pourrait être reproché à ce titre à C. A., déboutant la société A. R. de ses demandes de dommages-intérêts à ce titre ;

  • dès lors le Tribunal du travail se contredisant, ne pouvait condamner C. A. au paiement d'une somme de 25 000 francs pour un préjudice moral qui, d'une part, n'est pas démontré, et d'autre part, n'a jamais été réclamé ;

  • la seule demande de la société A. R. tendait à la réparation de son préjudice subi en raison de la baisse de sa marge brute, demande dont elle a été déboutée, et que le seul fait de concurrence déloyale qu'elle invoquait était celui d'un prétendu débauchage massif par C. A., moyen rejeté par le Tribunal du travail ;

  • en condamnant quand même C. A. au paiement d'une somme non réclamée par la société A. R., le Tribunal a statué ultra petita ;

  • il conviendrait dès lors d'infirmer ledit jugement en ce qu'il a condamné C. A. au paiement de ladite somme ;

• Sur sa propre demande reconventionnelle tendant à l'octroi d'une somme de 50 000 francs au titre des frais de procédure,

Elle estime devoir être indemnisée du préjudice subi du fait des frais de procédure engagés en raison d'une procédure abusive ;

Attendu qu'en réponse, la société A. R. entend pour sa part voir :

  • confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par C. A. ;

  • confirmer également ce même jugement en ce qu'il a condamné C. A. à payer à la société A. R. la somme de 45 085,51 francs au titre de l'inexécution de son préavis ;

Pour le surplus,

  • réformer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que C. A. ne s'est pas livrée à un débauchage massif de la force de vente de la société A. R. ;

  • en conséquence, condamner C. A. à payer à la société A. R. la somme de 390 062 francs à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, en réparation du préjudice subi par la concluante ;

  • dire et juger que les sommes susvisées porteront intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du Tribunal du travail soit le 14 octobre 1997 ;

  • enjoindre à C. A. de cesser tout acte de concurrence déloyale au préjudice de la société A. R., sous astreinte de 10 000 francs par infraction constatée, à compter du jugement à intervenir ;

  • ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

  • condamner C. A. au paiement de la somme de 50 000 francs à titre de dédommagement des frais engagés dans le cadre de la présente instance, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Attendu qu'en ce qui concerne la compétence, la société A. R. estime qu'à défaut de toute preuve contraire, le contrat de travail apparaît avoir été signé à Monaco, en sorte que le Tribunal du travail a à bon droit fondé sa propre compétence sur les dispositions de l'article 3 du Code de procédure civile sans tenir compte de la loi française inapplicable en Principauté ;

Que la société A. R. fait valoir quant au fond :

  • qu'aucun manquement, ni faute grave de l'employeur n'ont été démontrés, qui soient de nature à exonérer la salariée de son obligation de préavis ;

  • que les actes de concurrence déloyale de C. A. sont caractérisés, dès lors que si les vendeuses à domicile n'ont pas le statut de salarié, elles ne sont pas assimilables à de simples clients, en sorte que leur départ brutal à l'initiative de C. A. doit s'analyser en un débauchage massif de la force de vente de la société A. R. ;

  • que la condamnation du nouvel employeur la société Or et Ambre est à cet égard sans incidence sur le principe de la condamnation réclamée à l'encontre de C. A. du chef d'actes de concurrence déloyale ;

Attendu que C. A., réitérant les termes de ses précédents écrits judiciaires, rectifie une erreur matérielle contenue dans l'assignation et fait valoir que son contrat de travail est en fait daté du 1er mai 1989 et qu'aucune convention n'existe en date du 12 juillet 1989 ;

Qu'une autre erreur serait contenue dans le paragraphe B, les trois VRP étant en réalité les dames P., C. et D. et non R., M. et M. ;

Qu'elle fait par ailleurs valoir que son contrat de travail n'avait pas été signé à Monaco, aucune mention en ce sens ne figurant sur la convention ;

Qu'enfin, C. A. produit une attestation T. démontrant selon elle le climat insupportable et l'attitude gravement fautive de Mme R., l'ayant selon elle empêchée d'exécuter son préavis ;

Que si toutefois, une indemnité devait lui être imputée, elle estime que le mode de calcul ne doit tenir compte que de sa rémunération directe, et non du chiffre d'affaires effectué par ses propres conseillères ;

Attendu que par d'ultimes écrits en réponse, la société A. R. précise :

  • que C. A. a bien été embauchée par la société concurrente Or et Ambre le 8 novembre 1996 en qualité de directrice, soit durant la durée de son préavis se situant du 4 novembre 1996 au 4 février 1997 ;

  • que C. A. a perçu un salaire mensuel moyen de 15 028,50 francs au cours des douze derniers mois ayant précédé son départ, en sorte que le mode de calcul retenu par le Tribunal du travail apparaît tout à fait exact ;

  • que C. A. a même écrit à la société A. R. le 15 janvier 1997, soit deux mois après son départ, pour la remercier de ses vœux et lui adresser ses propres souhaits ;

Sur ce :

Attendu que l'appel régulièrement interjeté à l'encontre du jugement rendu le 20 mai 1999 par le Tribunal du travail doit être déclaré recevable ;

1 - Sur la compétence :

Attendu que l'appelante réfute la compétence du Tribunal du travail de la Principauté de Monaco en excipant des dispositions de l'article R. 517-1 du Code du travail français, au regard duquel la demande aurait dû être portée devant le Conseil des Prud'hommes du domicile du salarié s'agissant d'un travail effectué en dehors de tout établissement ou à domicile ;

Attendu que force est cependant de constater que les dispositions légales susvisées sont étrangères à l'ordre juridique interne monégasque ; que si les Tribunaux de la Principauté ont vocation à appliquer des lois étrangères pour régler le fond de certains litiges, ils déterminent cependant leur compétence par référence à leurs propres règles internes ;

Qu'en l'occurrence, sans qu'il y ait lieu de se référer à la règle de conflit édictée par l'article 3 du Code de procédure civile relative au droit commun des obligations retenue par le Tribunal du travail, il suffit de constater que le litige opposant les parties caractérise un différend entre un employeur et son salarié relevant de la compétence exclusive et d'ordre public du Tribunal du travail, conformément aux dispositions de l'article 1 de la loi n° 446 du 16 mai 1946 ;

Qu'en outre, le contrat de travail dont s'agit liant la société A. R. à C. A. est une « convention de représentante » relevant selon l'article 6 de cet accord des dispositions de la loi n° 762 du 26 mai 1964 sur le statut des VRP (modifiée le 5 juillet 1979) ;

Attendu que l'article 8 de cette loi d'ordre public dispose que tous les litiges relatifs à l'application du contrat de représentation sont de la compétence du Tribunal du travail ; qu'en outre, ladite convention de travail a expressément prévu la compétence des tribunaux monégasques ;

Attendu en conséquence, que quel que soit le lieu d'exécution du travail ou le domicile du salarié, la compétence exclusive du Tribunal du travail apparaît établie par application des règles de compétence d'ordre public de la Principauté, en sorte que l'exception soulevée de ce chef doit être rejetée et la décision des premiers juges confirmée ;

2 - Au fond :

A) Sur l'inexécution du préavis et l'indemnité réclamée par la société A. R. :

Attendu qu'il est constant que C. A., ayant présenté sa démission par courrier du 31 octobre 1996, n'a pas exécuté son préavis de trois mois, ainsi qu'elle y était tenue en fonction de son ancienneté ;

Que se référant aux dispositions de la loi n° 729 du 16 mars 1963, auxquelles était soumis son contrat de travail, C. A. estime que l'attitude méprisante et insultante de son employeur a rendu impossible l'exécution du préavis ;

Attendu que l'article 11 de ladite loi du 16 mars 1963 dispose :

« ... La rupture du contrat peut intervenir sans préavis si elle résulte de l'accord des parties, d'une faute grave ou d'un cas de force majeure » ;

Attendu cependant qu'au soutien de son argumentation, C. A. se contente de produire la pièce suivante :

  • l'attestation d'une nommée C. T. se contentant de faire état du « mauvais relationnel qu'entretenait envers elle Madame A. R. » ;

Attendu que la juridiction d'appel ne trouve dans cet unique document la preuve d'aucun manquement de l'employeur caractérisant la faute grave requise par la loi, étant en effet observé que ni la nature, ni l'origine des mauvaises relations ne sont expliquées par le témoin et qu'aucune circonstance précise ne se trouve rapportée ;

Qu'il s'ensuit que C. A. ne saurait se voir exonérer de l'exécution de son préavis sur la base de cette seule pièce, la société A. R. apparaissant quant à elle fondée à percevoir l'indemnité correspondant à la rémunération et aux avantages de toute nature dont aurait bénéficié le travailleur durant le délai de préavis non respecté, et ce, conformément aux dispositions de l'article 11 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 ;

Attendu dès lors que si C. A. avait travaillé de manière effective durant les trois mois de préavis non exécuté, elle aurait perçu la rémunération résultant tant de sa propre activité (directe) que de celle des conseillères et vendeuses de son secteur (indirecte) ;

Qu'il ne saurait dès lors être dérogé aux dispositions légales susvisées (article 11) pour calculer l'indemnité de l'appelante sur la seule base du commissionnement direct ;

Attendu que le Tribunal du travail a en effet justement chiffré l'indemnité revenant de ce chef à la société A. R. à la somme de 45 085,51 francs correspondant à trois mois de salaire de cette représentante ;

B) Sur les dommages-intérêts pour concurrence déloyale :

Attendu que si l'article 6 du contrat de travail liant les parties prévoit que la salariée pouvait conserver la clientèle acquise par elle, ce n'est que pour autant qu'il s'agisse bien de clients, c'est-à-dire de personnes recevant pour leur compte quelques produits ou service moyennant paiement ;

Qu'en l'occurrence, s'il est indéniable que les clients du VRP peuvent lui demeurer attachés après la rupture de son contrat de travail, il n'apparaît pas que cette dérogation puisse s'étendre aux VDI qui sont des vendeuses achetant et revendant des produits pour le compte de la société ;

Qu'à cet égard, en effet, la Cour de cassation française considère même que les VDI font partie intégrante de la force de vente de l'entreprise à laquelle elles sont attachées, alors que le Code français de la vente directe dispose en son article 124 « un vendeur direct est une personne membre du réseau de vente d'une société de vente directe » ;

Attendu qu'il suit que contrairement à ce qu'a dit le Tribunal du travail, le départ des VDI doit être assimilé à celui des VRP ayant quitté la société après C. A., à savoir les dames C., P. et D. ;

Attendu que les faits de concurrence déloyale sont dès lors caractérisés et doivent être retenus à la charge de C. A., comme au demeurant les actes de dénigrement ayant consisté pour cette ancienne salariée à critiquer courant octobre et novembre 1996 les produits A. R. et à inciter les partenaires de cette société à commander des produits « Or et Ambre » (cf. attestation D. G.) ;

Attendu cependant, que s'agissant de l'indemnisation due au titre de tels agissements, le Tribunal du travail a fort justement relevé qu'il n'était pas établi que la perte de marge brute durant l'exercice 1996-1997 en soit la conséquence directe et exclusive, étant à cet égard relevé que la société Or et Ambre a elle-même été déclarée coupable d'actes de concurrence déloyale ayant généré un préjudice chiffré à six millions de francs (TGI de Grasse 13 août 1997) ;

Que néanmoins, les circonstances de la cause et les éléments d'appréciation dont le Tribunal dispose permettent de dire que la société A. R. a subi une perte de bénéfice liée au départ des VDI et s'est trouvée dans l'obligation de réorganiser le réseau de vente directe ; qu'il y a lieu en outre de tenir compte du préjudice moral déjà pris en considération par le Tribunal du travail, outre des frais générés par la présente procédure ; que le Tribunal estime dès lors équitable de chiffrer à 150 000 francs le montant des dommages-intérêts de ce chef, lesquels seront assortis des intérêts au taux légal à compter du présent jugement liquidant définitivement le préjudice ;

Attendu par ailleurs qu'aucune réparation complémentaire n'a lieu d'être allouée à la société A. R. au titre des frais de procédure devant le Tribunal du travail, cette demande n'ayant pas fait l'objet du préliminaire de conciliation et s'avérant irrecevable ;

Attendu, s'agissant de la demande de cessation sous astreinte de tout acte de concurrence déloyale, qu'une même observation doit être faite et l'irrecevabilité prononcée par les premiers juges doit être confirmée ;

Qu'il en est également ainsi s'agissant de la demande d'exécution provisoire du jugement non soumise au préliminaire de conciliation et donc irrecevable ;

Attendu, sur la demande reconventionnelle formée par C. A., que les premiers juges l'en ont déboutée au motif qu'elle avait elle-même commis des manquements dans l'exécution de son contrat de travail ;

Qu'il y a lieu de confirmer cette décision, dès lors que C. A. demande à être remboursée des frais d'une procédure qui n'était pas abusive mais fondée ;

Attendu que les dépens de première instance et d'appel doivent en définitive demeurer à la charge de cette salariée ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS

Et ceux non contraires des premiers juges,

Le Tribunal, statuant contradictoirement comme juridiction d'appel du Tribunal du travail,

  • Déclare recevable l'appel formé par C. A. ;

  • Confirme le jugement prononcé par le Tribunal du travail le 20 mai 1999 en ce qu'il s'est déclaré compétent, a condamné C. A. à payer à la société anonyme monégasque A. R. la somme de 45 085,51 francs à titre de dommages-intérêts pour inexécution du préavis, a déclaré irrecevables les autres demandes de la société A. R. et a débouté C. A. des fins de sa demande reconventionnelle ;

  • Le réformant quant aux dommages-intérêts alloués au titre des agissements déloyaux de cette salariée, porte à la somme de 150 000 francs le montant de la réparation due par C. A. à la société A. R., avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

Composition🔗

MM. Narmino prés. ; Auter subst. proc. gén. ; Mes Pastor, Pasquier-Ciulla av. déf. ; Guetta av. bar. de Nice ; Riffaud-Longuespe av. bar. de Grasse.

Note🔗

Ce jugement statuant comme juridiction d'appel du Tribunal du travail a confirmé le jugement prononcé le 20 mai 1999 par le Tribunal du travail en ce qu'il s'est déclaré compétent, a condamné C. A. à payer à la S.A.M. A. R. la somme de 45 085,50 à titre de dommages-intérêts pour inexécution du préavis, a déclarés irrecevables les autres demandes de la Société A. R. et a débouté C. A. des fins de sa demande reconventionnelle ; l'a réformé quant aux dommages-intérêts alloués au titre des agissements de cette salariée.

Le pourvoi en révision formé contre ce jugement a été rejeté par arrêt de la Cour de révision du 28 juin 2001 (publié).

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