Tribunal de première instance, 28 janvier 1999, G. c/ Communauté immobilière « Le Roqueville »

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Abstract🔗

Copropriété

Règlement de copropriété - Difficultés d'exécution - Clause compromissoire - Incompétence du tribunal

Arbitrage

Règlement de copropriété - Clause compromissoire

Résumé🔗

Selon l'article 10 du règlement de copropriété litigieux, les difficultés inhérentes aux conditions de jouissance et de copropriété, non prévues audit règlement, seront en cas de désaccord tranchées par un arbitrage dont les modalités en sont fixées.

Cette disposition constitue une clause compromissoire au sens de l'article 4 dernier alinéa de l'ordonnance-loi n° 662 du 23 mai 1959 sur la copropriété, dans la mesure où elle impose, en cas de désaccord sur les clauses du règlement de copropriété, le recours à l'arbitrage et ne laisse pas le choix aux copropriétaires de saisir directement les tribunaux de droit commun pour faire trancher le litige au fond.

Selon ce texte, dérogatoire au principe général posé à l'article 940 du Code de procédure civile, « la clause compromissoire est admise dans le règlement de copropriété en vue des difficultés relatives à son application ».

La clause contenue dans l'article 10 dudit règlement faisant la loi des parties est donc régulière.

Ayant également pour objectif, ainsi qu'il vient d'être indiqué, les difficultés relatives à l'application du règlement de copropriété, elle concerne nécessairement la jouissance et l'Administration des parties communes selon la définition du règlement d'Administration tirée de l'article 4 de l'ordonnance-loi précitée.

En particulier, la contestation pour des raisons de forme et de fond concernant les conditions de représentation des copropriétaires aux assemblées générales relève de la clause compromissoire, de sorte qu'il convient de faire droit à l'exception d'incompétence soulevé par le syndicat des copropriétaires.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

M. G. est copropriétaire au sein de la communauté immobilière du Domaine de Roqueville ;

Pour se faire représenter lors des assemblées de copropriétaires, M. G. a mandaté son frère A. G., et M. G. ;

Le 19 avril 1996, la communauté immobilière adressait à « Monsieur G. », sans autre précision, une lettre lui interdisant l'accès à la prochaine réunion devant se tenir le 26 avril 1996, aux motifs que l'article 7 du règlement de copropriété fait obstacle à la libre représentation des copropriétaires en imposant une parenté ascendante ou descendante entre le mandant et le mandataire, excluant tout collatéral ;

Par l'exploit susvisé du 29 janvier 1997, M. G., A. G. et M. G. ont fait assigner la communauté immobilière de l'immeuble dénommé « Le Roqueville » aux fins de voir le tribunal :

  • déclarer nulles et non avenues les assemblées générales tenues depuis l'établissement du règlement de copropriété des 28 janvier et 3 mai 1956, en ce qu'elles ont été tenues sans consultation du quorum, ni les demandeurs mis en possession des feuilles de présence, seule preuve de la majorité requise,

  • déclarer nulle et non avenue l'assemblée générale du 26 avril 1996 dans la mesure où son accès a été refusé aux demandeurs sur le seul fondement d'une prétendue stipulation du règlement de copropriété qui devra être déclarée contraire à l'ordre public,

  • dire que si une assemblée devait être tenue sous les formes contraires à l'ordre public, la défenderesse devra faire figurer aux prochains ordres du jour des séances l'opposition des demandeurs aux mesures arbitraires et illégales prises dans le cadre d'une refonte du cahier des charges de la copropriété,

  • enjoindre à la communauté immobilière de procéder à toute modification du règlement de copropriété en conformité avec les dispositions initiales qui n'ont pu être valablement amendées par des assemblées n'ayant pas réuni le quorum nécessaire, sous astreinte comminatoire de 1 000 francs par jour de retard dès le prononcé du jugement à intervenir,

  • condamner la défenderesse au paiement d'une somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts pour sanctionner son attitude vexatoire et non justifiée,

  • le tout avec le bénéfice de l'exécution provisoire ;

La communauté immobilière « Le Roqueville » soulève en premier lieu l'incompétence du Tribunal, en l'état de la clause compromissoire contenue dans le règlement de copropriété en son article 10 ;

Elle excipe en second lieu de la nullité de l'exploit introductif d'instance, dans la mesure où la communauté immobilière ainsi assignée n'a pas la personnalité juridique, seul le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier du domaine de Roqueville ayant la capacité de représenter lesdits copropriétaires ;

Elle entend également voir déclarer irrecevable la demande tendant à la nullité des assemblées générales tenues depuis juillet 1956, aux motifs qu'en application des dispositions de l'article 2082 du Code civil, toutes les actions tant réelles que personnelles se prescrivent par trente ans, et alors en outre que M. G. n'est copropriétaire du domaine de Roqueville que depuis 1987 ;

Le syndicat des copropriétaires du domaine du Roqueville se réserve, s'il n'était pas fait droit à ses moyens de défense, de conclure au fond, mais sollicite d'ores et déjà la condamnation des demandeurs à lui payer la somme de 10 000 francs de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

M. G., A. G. et M. G. contestent l'ensemble de l'argumentation qui leur est opposée par le syndicat, faisant valoir pour l'essentiel :

  • que l'article 19 du règlement de copropriété prévoyant le recours à l'arbitrage ne vise que les difficultés ayant trait aux conditions de jouissance et de copropriété, lesquelles ne sont pas concernées par le présent litige relatif à la représentation et au mandat,

  • que la communauté immobilière a été assignée en la personne de son syndic, apte à représenter le syndicat des copropriétaires de la copropriété dont s'agit,

  • que M. et A. G. avaient la qualité de mandataires de M. G., et sont dès lors fondés à agir contre une décision de la copropriété qui leur a refusé d'accomplir la mission de représentation qui leur avait été confiée,

  • que seule l'assemblée du 29 juin 1970 a réuni le quorum nécessaire pour entériner les nouvelles dispositions relatives à la représentation, en sorte que la clause concernée peut faire l'objet d'une action judiciaire jusqu'à la date du 29 juin 2000 ;

Tout en réitérant ses précédentes conclusions, la communauté immobilière fait également remarquer que M. G. a reconnu, aux termes de son acte de vente des 9 et 10 septembre 1987 acquérir « sous les charges et conditions ordinaires, sous celles résultant du cahier des charges susvisé et sa modification et notamment sous celles suivantes que l'acquéreur s'oblige à bien et fidèlement exécuter et accomplir (...) », tandis que les demandeurs rétorquent que l'acquisition d'un bien immobilier ne saurait justifier qu'il puisse être fait interdiction ou opposé à l'acquéreur de recourir à l'encontre soit d'un élément vicié, soit même des dispositions et règlements entachés de nullité au sein de la communauté ;

SUR CE :

Attendu que le tribunal devra, compte tenu des exceptions et fin de non-recevoir soulevées, statuer en premier lieu sur la nullité invoquée de l'exploit d'assignation qui le saisit, puis en second lieu sur l'incompétence alléguée ;

Attendu que l'action introduite par un copropriétaire et tendant notamment à l'annulation de décisions adoptées en assemblées générales de copropriétaires doit être dirigée contre le syndicat des copropriétaires, lequel est le représentant légal de la collectivité ;

Attendu que selon l'article 3 de l'ordonnance-loi n° 662 du 23 mai 1959, le syndic est l'agent l'officiel dudit syndicat, chargé de le représenter en justice ;

Attendu qu'en assignant la communauté immobilière du Roqueville, tout en précisant « prise en la personne de son syndic », c'est en réalité le syndicat des copropriétaires qui a, implicitement, été attrait en la cause par l'intermédiaire de son représentant ;

Qu'il suit que la fin de non-recevoir soulevée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « Le Roqueville » doit être rejetée ;

Attendu, sur l'exception d'incompétence, que le règlement de copropriété de l'immeuble, en date des 28 janvier et 3 mai 1956, comporte en son article 10, intitulé « Cas imprévus - Modifications », la disposition suivante :

« Les conditions de jouissance et de copropriété qui n'auraient pas été prévues au présent règlement, seront réglées suivant les usages de la Principauté, et conformément à la loi.

En cas de désaccord, les difficultés quelles qu'elles soient ou puissent être, sur les présentes, notamment leur interprétation, seront soumises à deux arbitres choisis parmi les parties intéressées. À défaut de décision sur le choix des deux arbitres, ils seront nommés en référé par Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance de Monaco, sur requête de la partie la plus diligente.

Si les deux arbitres ne s'entendent pas, un tiers arbitre sur leur entente, à défaut de Monsieur le Président du Tribunal de première instance, ainsi que ci-dessus, sera nommé ; si les deux arbitres s'entendent, ou si le tiers les départagent, leurs modes d'instruction seront ceux d'arbitres amiables compositeurs, exécutoires par eux-mêmes, avec dispense de toutes formalités judiciaires » ;

Attendu que cette disposition constitue une clause compromissoire au sens de l'article 4 dernier alinéa de l'ordonnance loi n° 662 sur la copropriété, dans la mesure où elle impose, en cas de désaccord sur les clauses du règlement de copropriété, le recours à l'arbitrage et ne laisse pas le choix aux copropriétaires de saisir directement les tribunaux de droit commun pour faire trancher le litige au fond ;

Que selon ce texte, dérogatoire au principe général posé à l'article 940 du Code de procédure civile« la clause compromissoire est admise dans le règlement de copropriété en vue des difficultés relatives à son application » ;

Que la clause contenue dans l'article 10 dudit règlement faisant la loi des parties est donc régulière ;

Qu'ayant également pour objectif, ainsi qu'il vient d'être indiqué, le règlement des difficultés relatives à l'application du règlement de copropriété, elle concerne nécessairement la jouissance et l'administration des parties communes, selon la définition du règlement d'administration tirée de l'article 4 de l'ordonnance-loi précitée ; qu'en particulier ces demandeurs apparaissent contester les conditions de représentation des copropriétaires aux assemblées générales, telles que prévues par le règlement ;

Attendu que relève très directement de cette administration le fonctionnement des assemblées générales, lesquelles représentent le pouvoir délibérant de la copropriété ;

Qu'ainsi, en contestant pour des raisons de forme et de fond certaines décisions adoptées en assemblées générales, M. G., A. G. et M. G. ont saisi le tribunal d'une « difficulté » concernant l'application du règlement de copropriété, « difficulté » propre aux « conditions de jouissance et de copropriété » auxquelles il est fait allusion dans la clause compromissoire précitée ; qu'en particulier, ces demandeurs apparaissent contester les conditions de représentation des copropriétaires aux assemblées générales, telles que prévues par le règlement ;

Attendu qu'il convient en conséquence de faire droit à l'exception d'incompétence soulevée par le syndicat défendeur, et de renvoyer les parties à l'application de la clause compromissoire prévue par l'article 10 du règlement de copropriété, sans qu'il y ait lieu dès lors d'examiner les autres demandes ;

Attendu par ailleurs que le défendeur a dû engager des frais pour se défendre en justice sur l'assignation délivrée avec légèreté devant une juridiction incompétente par M. G., A. G. et M. G. ;

Qu'en conséquence, les demandeurs doivent être condamnés à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble dénommé Domaine de Roqueville une somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts, compte tenu des éléments d'appréciation dont le tribunal dispose pour l'évaluation du préjudice ainsi occasionné au défendeur ;

Et attendu que M. G., A. G. et M. G. qui succombent doivent supporter solidairement les dépens de l'instance, par application des articles 231 et 235 du Code de procédure civile ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

statuant contradictoirement,

Rejette l'exception de nullité de l'exploit d'assignation en date du 29 janvier 1997 ;

Faisant droit à l'exception d'incompétence soulevée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble dénommé Domaine de Roqueville,

Se déclare incompétent ;

Renvoie les parties à l'application de la clause d'arbitrage prévue à l'article 10 du règlement de copropriété de l'ensemble immobilier Domaine de Roqueville ;

Condamne M. G., A. G. et M. G. à payer au défendeur la somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Composition🔗

M. Narmino, prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Karczag-Mencarelli et Pastor, av. déf. ; Rey, av.

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