Tribunal de première instance, 16 décembre 1976, Dame M. c/ K.

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Abstract🔗

Vente

Agent immobilier - Commission - Mandat - Rétribution de peines et soins - Conditions

Résumé🔗

Un agent immobilier peut prétendre au paiement d'une commission soit en vertu d'un mandat passé avec le vendeur ou avec l'acquéreur ou avec les deux ensemble, soit au titre de la rétribution de ses peines et soins. En ce qui concerne le mandat, lorsque le défendeur n'a pas la qualité de commerçant, un contrat ne peut être prouvé que par écrit ; en l'absence d'écrit, l'existence d'un mandat verbal ne peut être démontrée que par témoins ou présomptions lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit émané de celui contre lequel la demande est formée, (art. 1194 du Code Civil) hors le cas où il n'a pas été possible au créancier de se procurer une preuve littérale (art. 1195 du même Code). D'autre part, la simple fourniture de renseignements par l'agent immobilier ne saurait justifier l'attribution d'une rétribution faute d'avoir correspondu de sa part à un service effectivement rendu.


Motifs🔗

Le Tribunal

Attendu que la dame M. a fait assigner le sieur K., aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 700 000 francs, à titre de commission sur l'achat du terrain de la Compagnie Grand Métropolitain Hotels Limited, sis à Monte-Carlo, . ;

Attendu que dame M. expose que K. a pris contact avec l'agence J. T. § Son, en février 1973, en lui indiquant qu'il était désireux d'acquérir un terrain à construire dans la Principauté ; que, par une lettre du 23 février, elle lui fournissait des renseignements sur les villas du Métropole, appartenant à la compagnie susvisée et qui étaient à vendre, joignant à cette lettre les documents suivants : carte de la Principauté de Monaco, trois plans d'architecte, un descriptif montrant les surfaces vendables et un plan sommaire financier indiquant le prix de la construction, le prix de vente et le profit ; que, par une seconde lettre du 27 février suivant, elle lui donnait les détails supplémentaires qu'il avait demandés par téléphone ; qu'elle devait apprendre, par la suite, que K. s'était rendu à Londres et avait obtenu de la compagnie propriétaire, une option à son bénéfice, pour le prix de 14 millions ; qu'en dépit de ses mises en demeure (lettres des 7 juin et 1er août 1973), elle n'a pu obtenir que K. lui paye la commission de 5 % qu'il lui devait et que, par la suite, K., en dépit de ses engagements pris verbalement, s'est refusé à payer ce qu'il devait ; qu'elle s'estime, dès lors, fondée à s'adresser à justice pour obtenir paiement de la commission qui lui est due ;

Attendu que K. s'oppose à cette demande, motif pris de l'absence de mandat entre dame M. et lui, ce qui interdit à la demanderesse de réclamer une quelconque commission, étant observé en outre que dame M. réclame une commission de 5 %, habituellement payée par le vendeur, alors que celle traditionnellement payée par l'acheteur n'est que de 3 % ; que K. forme, en outre, une demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour abus de procédure, qu'il chiffre en dernière analyse à 50 000 francs ;

Attendu qu'une agence immobilière peut prétendre à paiement d'une commission, soit en vertu d'un mandat passé avec le vendeur ou avec l'acquéreur, ou avec les deux ensemble, soit au titre de la rétribution de ses peines et soins ;

1° Attendu en ce qui concerne le mandat que, K. n'ayant pas la qualité de commerçant, ce contrat ne peut être prouvé que par écrit ; qu'en l'absence d'écrit, l'existence d'un mandat verbal ne peut être démontrée que par témoins ou présomptions, lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit, émané de celui contre lequel la demande est formée (article 1194 du Code Civil) hors le cas où il n'a pas été possible au créancier de se procurer une preuve littérale (article 1195 du même Code) ;

Attendu qu'en l'espèce, dame M. ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un mandat ; que les lettres, en date des 7 septembre 1972 et 6 octobre 1975, adressées par J. L. W., ne peuvent constituer une telle preuve car elles émanent d'un tiers et ne confèrent même pas un mandat quelconque à l'agence J. T. & Son qui ne bénéficie que d'une autorisation ; qu'il en va de même des différentes lettres adressées par cette agence à K., nul ne pouvant se préconstituer de preuve à lui-même ; qu'enfin les lettres signées par K., les 23 et 29 avril 1974, sont entièrement étrangères à l'affaire dont s'agit, aucune allusion n'étant faite à l'intervention de l'agence J. T. & Son dans l'achat des terrains du Métropole, qui puisse constituer le commencement de preuve par écrit exigé par l'article 1194 du Code Civil ; que, d'autre part, dame M. n'établit pas qu'elle ait été dans l'impossibilité de se procurer une preuve littérale, car rien ne lui interdisait, si le mandat qu'elle allègue avait existé, d'obtenir de K., l'établissement d'un écrit, dans une matière où la vigilance des agents immobiliers est professionnellement exacerbée ; que la demande de dame M. doit donc être rejetée, dans la mesure où elle est fondée sur le moyen tiré du mandat ;

2° Attendu sur la rétribution des peines et soins, qu'un agent immobilier qui adresse à un client une documentation de la nature de celle énoncée dans l'exploit introductif d'instance, se borne à remplir une activité s'apparentant à la simple fourniture de renseignements, qui ne saurait justifier l'attribution d'une quelconque rétribution faute d'avoir correspondu, de sa part, à un service effectivement rendu puisqu'il apparaît évident que ce genre de renseignements aurait pu être fourni par n'importe quelle autre agence, J. T. & Son ne bénéficiant en l'espèce d'aucune exclusivité, mais d'une simple autorisation (lettre du 6.10.1975 susvisée) ; que de ce chef également la demande de dame M. doit être rejetée ;

Attendu sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts, qu'il apparaît que l'action de dame M. a présenté un caractère de témérité certain et a constitué, de sa part, un abus de droit dont elle doit réparation à K. ; que le Tribunal dispose d'éléments suffisants d'appréciation pour fixer à 5 000 francs le montant des dommages-intérêts compensatoires du préjudice subi par K. ;

Que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Déboute dame J. M. de ses demandes, fins et conclusions ;

Faisant droit à la demande reconventionnelle de K. L., condamne dame M. à lui payer la somme de cinq mille francs (5 000 francs) à titre de dommages-intérêts ;

Composition🔗

M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Marquilly, Jean-Charles Marquet av. déf. et Michel Marquet av.

Note🔗

Ce jugement a été partiellement infirmé par arrêt de la Cour d'appel du 4 novembre 1977 cf. infra à sa date.

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