Cour d'appel, 4 novembre 1977, Dame M. c/ K.

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Abstract🔗

Vente

Agent immobilier - Absence de mandat écrit - Gestion d'affaires - Rémunération

Résumé🔗

A défaut de mandat prouve, les diligences d'un agent immobilier peuvent trouver le fondement d'une certaine rémunération dans la gestion d'affaires qui existe toutes les fois qu'une personne s'immisce sans mandat dans les affaires d'autrui pour lui rendre service sans que la gestion d'affaires doive toujours avoir un caractère désintéressé de la part du gérant mais à la condition d'avoir été utile au maître de l'affaire sans que celui-ci manifeste d'opposition.


Motifs🔗

La Cour

Statuant sur l'appel régulièrement interjeté en la forme, par la dame M., propriétaire de l'agence immobilière J. T. & Son à Monte-Carlo, à l'encontre du jugement du Tribunal du 16 décembre 1976, qui l'a déboutée de sa demande de paiement d'une commission de 700 000 francs, formulée à l'égard du sieur K., à l'occasion de l'acquisition du terrain propriété de la Compagnie Grand Métropolitain Hôtels LTD (ci-après G.M.H.) et qui, faisant partiellement droit à la demande reconventionnelle de ce défendeur, l'a condamnée à lui payer 5 000 francs de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Attendu que, sans contester l'inexistence d'un mandat écrit, l'appelante reproche à ce jugement d'avoir dénié l'existence d'un mandat et même, en-dehors des termes de sa demande, d'un service effectivement rendu justifiant la rétribution de peines et soins, et ce par une inexacte appréciation des faits et circonstances de la cause :

1° l'accord que lui avait donné le cabinet J., L. et W., mandataire exclusif de la Société venderesse, de rechercher à Monte-Carlo un acquéreur, à la seule condition que la commission soit supportée par ce dernier ;

2° l'obtention par elle, sur l'autorisation de J., L. et W., des architectes N., de plans et études détaillés qu'elle a été seule à fournir à K., les 23 et 27 février 1973, à l'exclusion de toute autre personne, alors que le Tribunal a inexactement retenu que les renseignements auraient pu être donnés par n'importe quelle agence de la Principauté ;

3° les relations suivies que, par son préposé G., son agence a eues avec K., lequel n'a pu traiter directement avec G.M.H. à Londres, que grâce à la documentation qu'il tenait d'elle, relations prouvées par une lettre de K. à un sieur D., en date du 23 août 1974, qui établit, en même temps, que l'option obtenue a été cédée par lui à une Société dans laquelle il est intéressé ou qu'il dirige, ce qui fait de lui le véritable acquéreur, qualité qu'il tente de dénier ;

Qu'elle produit enfin des copies de lettres établissant ses réclamations réitérées et relatant les promesses au moins temporairement faites par K. d'y satisfaire ;

Qu'à la faveur d'un certain nombre de « dire et juger », notamment que c'est par son intermédiaire que K. a réalisé l'affaire, elle demande la condamnation de celui-ci au paiement d'une commission de 700 000 francs soit 5 % du prix d'achat ;

Attendu que l'intimé, soulignant sa contractation directe avec G.M.H. et la banalité des renseignements fournis par l'Agence T., dans le cadre des prospections habituelles de telles agences, de même que le fait significatif que deux années se soient écoulées entre les faits et l'assignation, soutient que le jugement ne peut encourir aucune critique en droit ni en fait, conclut à sa confirmation mais, par voie d'appel incident demande la majoration à 50 000 francs du montant des dommages-intérêts à lui allouer en raison du préjudice personnel et de réputation que lui occasionne cette procédure téméraire, préjudice accru par l'instance d'appel ;

Attendu qu'il est constant que K., mis en possession par l'Agence T., en février 1973, de plans et études que cette agence tenait des architectes N., autorisés à cette délivrance par le cabinet J., L. et W., mandataire exclusif de G.M.H. pour la vente du terrain, a traité directement à Londres avec cette Société, obtenant d'elle, pour un éventuel dédit de 50 000 livres sterling, une option de six semaines, du prix de 1 400 millions de francs dont il a cédé le bénéfice à une Société Interland au prix de 1 600 millions de francs ;

Attendu qu'il est également incontesté que l'appelante n'a jamais disposé d'un mandat écrit de K., tel que bon de commission ; que le Tribunal, en une analyse très juridique a relevé ce défaut de justification de mandat écrit et même d'un commencement de preuve par écrit émanant de l'acheteur qui eût seul justifié, K. n'étant pas commerçant, le recours à un autre mode de preuve ;

Qu'il eut été prudent pour l'Agence T., autorisée par le mandataire de la venderesse à chercher un acquéreur en déclinant la charge de toute commission, d'obtenir de K. un engagement de payer celle-ci sur des bases convenues ; qu'à défaut d'un tel écrit et du moyen légal d'en rapporter la preuve, l'appelante ne peut fonder sa demande sur la notion de mandat ;

Attendu cependant que ne peut être contestée la réalité des contrats de l'Agence T. avec K. ni l'efficacité des diligences et des informations qu'elle lui a seule apportées et qui n'étaient aucunement dans le domaine public comme l'a indiqué le Tribunal mal informé ;

Que les pièces fournies sur autorisation spéciale par les architectes N., comme ils l'attestent, constituaient une base d'étude et de discussion fort utile, consistant en plans détaillés et étude financière et de rentabilité d'une possible construction ; que leur remise par l'Agence à K. le 23 février 1973 suivie le 27 de la fourniture de détails supplémentaires demandés par téléphone est établie et que la chronologie des faits prouve l'usage qu'en a fait celui-ci pour sa contractation avec G.M.H. ;

Attendu qu'il appartient aux Tribunaux de donner aux relations juridiques des parties leur véritable qualification ;

Attendu que se trouvent réunis en l'espèce, à défaut de mandat prouvé, les éléments de la gestion d'affaires qui existe toutes les fois qu'une personne s'immisce sans mandat dans les affaires d'autrui pour lui rendre service (Planiol Tome II) sans que la gestion d'affaires doive toujours avoir un caractère désintéressé de la part du gérant, mais à la condition d'avoir été utile au maître de l'affaire et sans que celui-ci manifeste d'opposition ;

Attendu que la contractation directe de K. avec G.M.H. peut être considérée comme l'opposition à la continuation de la gestion d'affaires, bien qu'il résulte de sa lettre au sieur D. qu'il a continué à utiliser le concours de G. pour d'autres projets ; que même cette opposition ne fait pas disparaître les effets des actes antérieurs de gestion, pour lesquels le maître de l'affaire doit rétribution au gérant, dès lors qu'il a profité de ses diligences ;

Que s'il est toujours dû au gérant le remboursement de ses dépenses utiles, la rétribution de ses peines et soins peut être appréciée en considération de ses frais professionnels lorsqu'il est impossible de supposer qu'un professionnel ait pu consentir à donner ses soins sans la certitude d'une rétribution et que le maître ait pu les réclamer sans avoir eu la volonté de les payer ;

Attendu qu'il ne peut être déduit, en l'espèce, un aveu d'absence de droit de l'appelante du fait, inexactement soutenu par K., de la tardiveté de sa réclamation après deux ans écoulés entre la date des faits et celle de l'assignation, dès lors qu'il est produit, sans appeler de démenti, deux copies de lettres de G. des 7 juin et 1er août 1973 et deux de la dame M. des 8 novembre et 30 décembre 1974, réclamant toutes une rétribution dont le principe au moins ne semblait pas avoir été discuté par K. pendant une certaine période ;

Qu'il apparaît en conséquence, que les débours et pertes de temps entraînés par les diligences de l'Agence T., dont K. a profité, justifient le règlement d'une somme qui ne peut être évaluée en pourcentage du prix d'acquisition, mais que la Cour estime devoir fixer ex aequo et bono à trente mille francs ;

Que, de ce fait, le jugement doit être réformé non seulement en ce qu'il a débouté la demanderesse de toutes ses prétentions mais aussi en ce qu'il a attribué, à son action un caractère téméraire générateur de dommages-intérêts ; qu'il y a lieu, en conséquence, de supprimer ceux-ci contrairement aux fins de l'appel incident ;

Attendu que K. qui succombe sur le principe de sa résistance et en sa demande reconventionnelle doit supporter les dépens ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Accueille, en la forme, la dame M. en son appel ;

L'y déclare partiellement fondée et réformant le jugement entrepris ;

Condamne le sieur K. à payer à l'appelante la somme de trente mille francs (30 000 francs) en indemnisation des frais, débours, peines et soins de son Agence T. de Monte-Carlo qui a agi comme gérant d'affaires, en l'absence de mandat écrit ou prouvé ;

Déboute K. de sa demande reconventionnelle reprise sous forme d'appel incident ;

Le condamne aux entiers dépens tant de première instance que d'appel ;

Composition🔗

MM. de Monseignat prem. pr., Default prem. subst. gén., MMe Marquilly, Jean-Charles Marquet av. déf. et Michel Marquet av.

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