Tribunal de première instance, 27 juin 1974, N. c/ Richelmi et U.A.P. Urbaine et Seine.

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Abstract🔗

Accident du travail

Juge des accidents du travail - Conciliation - Pouvoirs - Limites

Résumé🔗

L'article 17 4e alinéa de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 confiant au juge des accidents du travail une mission de conciliation générale, permet aux parties de se présenter en tout état de cause devant ce magistrat pour faire constater leur accord. Cependant les pouvoirs de ce magistrat se limitent à la conciliation et il ne saurait être saisi pour constater une non conciliation dès lors qu'il a été dessaisi par une précédente ordonnance de conciliation ou de non conciliation.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Attendu que le sieur N. a été victime d'un accident du travail le 17 février 1970, alors qu'il était au service de l'entreprise Richelmi dont l'assureur-loi est la Compagnie l'Union ; qu'examiné le 23 décembre 1970 par le Docteur Pastorello qui l'a reconnu atteint d'une I.P.P. de 6 %, il a refusé de se concilier et a saisi le tribunal de céans qui, par un jugement du 10 août 1971, l'a débouté de sa demande et a entériné les conclusions de l'expert ;

Attendu que le 17 juillet 1972, N. a formé une demande en révision et que le Docteur Pastorello, à nouveau commis comme expert, a conclu, le 4 août 1972 que l'état de l'intéressé s'était aggravé et que le taux d'I.P.P. devait être porté à 8 % ; que N. ayant refusé ces conclusions, une ordonnance de non conciliation a été rendue par le Juge des accidents du travail le 10 novembre 1972 ;

Attendu que le 5 janvier 1973, N. a formé une nouvelle demande en révision et que, le 2 mars suivant, le Juge des accidents du travail a désigné le Docteur Bus, qui a déposé, le 31 juillet 1973, un rapport aux termes duquel il fixait à 30 % le taux d'I.P.P. dont la victime demeurait atteinte ; qu'à la date du 23 août 1973, une ordonnance de non conciliation a été rendue par le juge des accidents du travail ;

Attendu que suivant exploit du 28 novembre 1973, N. a assigné Richelmi et son assureur-loi, aux fins d'homologation du rapport Bus, cependant que, le 30 novembre suivant, Richelmi et l'Union ont assigné N. aux fins de faire déclarer nulle la procédure diligentée par le juge des accidents du travail, à la suite de la demande d'aggravation du 5 janvier 1973 et d'obtenir homologation des conclusions de l'expert Pastorello, en ce qui a trait à son second rapport déposé le 4 août 1972 ;

Attendu que ces demandes sont connexes et doivent être jointes, afin qu'il soit statué à leur sujet par un seul et même jugement ;

Attendu que Richelmi et la Compagnie l'Union fondent leur demande de nullité d'une part sur le moyen tiré de la non observation du délai d'un an prévu par l'article 25 de la loi 636 modifiée sur les accidents du travail, et qui doit séparer une demande d'aggravation d'une précédente guérison ou consolidation des blessures, et d'autre part, sur le moyen tiré de ce qu'à partir de l'ordonnance de non conciliation du 10 novembre 1972, le juge des accidents du travail n'avait plus compétence pour connaître d'une demande concernant le problème dont il avait été saisi et n'aurait donc pas dû ordonner une nouvelle expertise, le 5 janvier 1973 ;

Attendu que N. répond, sur le premier moyen, que l'article 25 prévoit que les intervalles qui doivent séparer une demande d'aggravation d'une précédente guérison ou consolidation peuvent être diminués d'un commun accord, ce qui est le cas de l'espèce, la Compagnie ayant donné son accord au dépôt d'une nouvelle demande d'aggravation, par une lettre datée du 12 décembre 1972 ; que sur le second moyen, il conclut qu'aucune disposition de la loi 636 susvisée n'interdit au juge des accidents du travail d'ordonner une expertise, dans le cadre d'une demande d'aggravation ;

Attendu sur les deux moyens réunis, que si le juge des accidents du travail qui est en principe dessaisi dès l'instant où il a rendu une ordonnance de non conciliation, en sorte qu'il n'est plus compétent pour connaître, à propos d'un accident déterminé, des problèmes concernant la durée de l'I.T.T. la date de consolidation et partant les rechutes ou le taux d'I.P.P., ce magistrat demeure compétent sur le fondement de l'article 25, pour connaître de toute demande d'aggravation même si le tribunal n'a pas encore statué sur la contestation née à la suite de l'ordonnance de non conciliation qu'il a rendue à condition toutefois que le délai de deux ans ou de un an, selon le cas, prévu par l'article 25 ait été respecté, le point de départ dudit délai devant être fixé soit par rapport à une date de consolidation ou de guérison non contestée ou définitivement jugée, soit par rapport à une précédente demande d'aggravation ; que dans cette dernière hypothèse, en effet, l'obligation de respecter le délai d'un an perdrait toute valeur si l'on continuait à faire référence à la date de consolidation lorsque celle-ci comme cela est le cas en l'espèce, n'a pas été modifiée puisqu'il serait alors possible à la victime de présenter des demandes d'aggravation en cascade dès l'instant qu'une année sépare ces demandes de ladite date de consolidation ;

Attendu qu'en l'espèce, il apparaît que la demande en aggravation de N. a été formée le 5 janvier 1973, alors que le rapport Pastorello, dont les conclusions avaient été contestées, sans que le litige né du procès-verbal de non conciliation du 10 novembre 1973 ait été tranché, a été déposé le 4 août 1972 ;

Que la circonstance que la Compagnie l'Union ait adressé le 12 décembre 1971 à l'avocat de N., une lettre dans laquelle il était indiqué « ...si l'état de M. N. s'est aggravé, il convient de déposer un certificat médical auprès de M. le Juge des accidents du travail en vue d'une nouvelle expertise... » ne peut s'interpréter comme une renonciation formelle au délai d'un an prévu par l'article 25 non plus que comme un accord quant à la diminution de ce délai, mais constitue, en fait, un simple rappel de la procédure à suivre en cas d'aggravation ; qu'il y a lieu, en conséquence, ledit délai d'un an n'ayant pas été respecté, de déclarer nulle la procédure instaurée par le juge des accidents du travail à la suite de cette demande ;

Attendu en revanche, qu'en ce qui concerne la demande d'homologation des conclusions du rapport Pastorello, déposé le 4 août 1972, présentée par Richelmi et la Compagnie l'Union, il apparaît que N. ne fournit aucun élément permettant d'établir que cet expert ait commis une erreur dans ses constatations de fait, en ce qui concerne les séquelles de l'accident qu'il a subi ; qu'il y a donc lieu de faire droit à cette demande et d'entériner lesdites conclusions ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Joint les instances numéros 152 et 190 du rôle général de l'année 1973 :

Annule la procédure suivie par le juge des accidents du travail à la suite de la demande d'aggravation présentée par N. le 5 janvier 1973 ;

Déboute en conséquence N. de ses demandes, fins et conclusions sur ce point ;

Statuant sur la demande de Richelmi et de l'Union déclare satisfactoire leur offre de payer à N. une rente viagère de 371,50 F par an calculée sur un salaire annuel de 9 293,95 F et un taux d'I.P.P. de 8 % ;

Composition🔗

M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Sanita et Clérissi av. déf.

Note🔗

Ce jugement a été réformé par arrêt de la Cour d'Appel en date du 4 février 1975 (cf. infra à sa date).

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