Tribunal de première instance, 28 mars 1974, M. c/ dame L.-D. et Cie Urbaine et Seine.

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Abstract🔗

Accidents du travail

Salarié - Protection prévue par la loi - Renonciation (non) - Assureur-loi - Prescription - Renonciation (oui)

Résumé🔗

En raison du caractère d'ordre public présenté par la législation sur les accidents du travail, un salarié ne peut renoncer, même d'une manière indirecte, à la protection instaurée en sa faveur par cette législation.

La prescription, qui sanctionne la négligence d'une victime d'un accident du travail, a été conçue au bénéfice de l'assureur-loi et peut faire l'objet d'une renonciation de la part de celui-ci.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Attendu que le 6 mai 1969, le sieur M. a été victime d'un accident de la circulation, à Roquebrune-Cap-Martin, alors qu'il venait de quitter son travail et qu'il regagnait son domicile à . ; que cet accident ayant un caractère d'accident du travail, le docteur Carecchio a été désigné comme expert par le juge des accidents du travail le 18 juin 1970 et a déposé son rapport à la suite duquel une ordonnance de non-conciliation a été rendue par ce magistrat le 18 septembre 1970 et l'affaire renvoyée devant le Tribunal ;

Attendu que, parallèlement, une procédure pénale a été instaurée en France, à l'encontre du sieur A., auteur de l'accident lequel a été déclaré, par le Tribunal correctionnel de Nice, entièrement responsable des blessures éprouvées par cette victime, une expertise médicale étant ordonnée ; que lorsque l'affaire est revenue pour être statué sur la demande de dommages-intérêts présentée par M., le tribunal correctionnel de Nice a sursis à statuer, en l'état de l'intervention de la Compagnie l'Urbaine et la Seine, assureur-loi de l'employeur de M., jusqu'à ce que le tribunal de Monaco se soit prononcé sur la prétendue prescription de l'action invoquée par le requérant et trouvant sa base dans la législation monégasque sur les accidents du travail ;

Attendu que M., se fondant sur le fait que, ni lui, ni la Compagnie l'Urbaine et la Seine n'avaient assigné devant le Tribunal de Monaco à la suite de l'ordonnance de non conciliation susvisée du 18 septembre 1970, et estimant que l'action qui lui était ouverte en application de la loi n° 669 sur les accidents du travail, était prescrite faute d'avoir été exercée dans l'année de cette non conciliation, a, suivant l'assignation susvisée, attrait en justice la Compagnie l'Urbaine et la Seine, aux fins de faire constater le caractère déclaratoire de l'action dont il saisissait le tribunal de Monaco et de faire déclarer prescrite l'action dont il bénéficiait ayant un intérêt actuel évident à faire constater cette prescription ;

Attendu que la Compagnie l'Urbaine et la Seine, tout en demandant, dans ses conclusions du 11 février 1974, qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle s'en rapporte purement et simplement à justice, soulève, dans des observations dont elle entend réclamer le bénéfice dans le dispositif desdites conclusions, un moyen tendant à faire juger que la prescription applicable en l'espèce est une prescription trentenaire et non annuelle ;

Attendu que, compte tenu de ce que rapport à justice constitue une contestation de la demande, et de ce que l'Urbaine et Seine n'a pas invoqué la prescription à l'encontre de son assuré, il doit être considéré que cette compagnie, en concluant que la prescription applicable est la prescription trentenaire, soutient implicitement mais nécessairement que la demande de M. doit être rejetée, dans la mesure où celui-ci entend faire déclarer prescrite l'action dont il dispose ;

Attendu que la législation sur les accidents du travail présente un caractère d'ordre public qui est consacré par l'article 46 de la loi 669, lequel déclare nulle de plein droit toute convention contraire aux dispositions qu'elle édicte ; qu'en conséquence, les salariés ne peuvent renoncer, même d'une manière indirecte, à la protection instaurée en leur faveur par cette législation ;

Attendu que la prescription qui sanctionne la négligence d'une victime d'un accident du travail, a été conçue au bénéfice de la compagnie d'assurances mais demeure, aux termes de l'article 24 de la loi 669, soumise aux règles de droit commun ; qu'elle ne présente donc pas un caractère d'ordre public, ne peut être soulevée d'office par la juridiction saisie et peut faire l'objet d'une renonciation de la part de la Compagnie qui est en droit de l'invoquer ;

Attendu en conséquence qu'en l'état de la position adoptée par la Compagnie l'Urbaine et Seine qui non seulement n'entend pas opposer cette prescription, mais encore la déclare inapplicable en l'espèce, M. n'est pas fondé à invoquer lui-même ladite prescription, une telle attitude constituant de sa part une renonciation indirecte à la protection dont il bénéficie en vertu de la législation sur les accidents du travail ; qu'il suit de là que la demande doit être rejetée, et que les dépens doivent être mis à sa charge, vu sa succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Déboute M. de ses demandes, fins et conclusions ;

Composition🔗

M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Marquilly, Clérissi av. déf., Rey av.

Note🔗

Sur appel cf. infra C.A. 15 octobre 1974.

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