Tribunal correctionnel, 27 mars 2012, Ministère public c/ g. DE., l. PR., o. BR.

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Abstract🔗

Garde à vue - Audition en qualité de témoin - Assistance par un avocat Interprète - Information sur les faits reprochés - Article 14 § 3 du Pacte International sur les Droits Civils et Politiques - Procès-verbal de première comparution - Présomption d'innocence - Nullités

Résumé🔗

L'audition sous un régime de privation de liberté du mis en cause par les services de police puis déféré devant un juge d'instruction sans que l'assistance d'un avocat ne leur soit jamais proposée viole l'article 14 § 3 du Pacte International sur les Droits Civiles et Politiques et justifie l'annulation des procès-verbaux d'audition recueillis dans ces conditions.

L'information sur les faits reprochés résulte à suffisance de la communication de la commission rogatoire, de la fiche du SICCFIN et de l'enquête alors que les interrogatoires démontrent que les mis en cause en avaient une parfaite connaissance et qu'ils n'ont formulé aucune plainte lors de leur défèrement devant le juge d'instruction à propos de cette connaissance des faits reprochés.

Le prévenu qui a déclaré comprendre, lire et parler français aux enquêteurs et n'a jamais requis l'assistance d'un interprète tout au long de l'information judiciaire apparaît de mauvaise foi à critiquer cette circonstance.

Le prévenu ne peut sérieusement soutenir qu'en le qualifiant d'inculpé avant la notification des faits poursuivis le juge d'instruction a porté atteinte à la présomption d'innocence car, par définition, un inculpé est présumé comme tel.

La mention « SI » au procès-verbal de première comparution ne signifie pas en elle-même qu'une question autre que celle tendant à demander au prévenu s'il souhaitait faire des déclarations lui a été posée.

L'annulation de l'ensemble des actes de la procédure postérieurs aux auditions dont la nullité a été constatée n'est pas justifiée alors qu'au cours desdites auditions aucun élément de culpabilité n'a été recueilli à l'égard des prévenus puisque ceux-ci n'ont cessé de nier la commission de toute infraction.


Motifs🔗

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2007/000070

2007/000717

INF. J. I. B5/07

JUGEMENT DU 27 MARS 2012

____________________

En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;

Contre les nommés :

1) g. DE., né le 27 mai 1969 à PARIS (75012), de Claude et de Renée VA., de nationalité française, consultant en immobilier, demeurant X à ASNIERES (92600) ;

Prévenu de :

- SOUSTRACTION AU PAIEMENT DE

L'IMPÔT

- ESCROQUERIE

- PRÉSENT aux débats (détention préventive du 17 février 2007 au 14 mars 2008), assisté de Maître Denis DEL RIO, avocat au barreau de Nice et plaidant par ledit avocat ;

2) l. PR., né le 3 juillet 1974 à CUNEO (Italie), de Mauro et d'Aurelia DE. TO., de nationalité italienne, consultant sportif, demeurant X à MONACO ;

Prévenu de :

- SOUSTRACTION AU PAIEMENT DE

L'IMPÔT

- ESCROQUERIE

- PRÉSENT aux débats, assisté de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

3) o. BR., né le 22 octobre 1974 à PARIS (75008), de Jean-Pierre et de Marta JU., de nationalité française, responsable commercial, demeurant X à PARIS (75017) ;

Prévenu de :

- COMPLICITÉ DE SOUSTRACTION AU

PAIEMENT DE L'IMPÔT

- TENTATIVE D'ESCROQUERIE

- ESCROQUERIE

- PRÉSENT aux débats (détention préventive du 19 février au 13 octobre 2009), assisté de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

En présence de :

- L'État de Monaco (Services Fiscaux), représenté au sens de l'article 153 du Code de procédure civile par Monsieur le Ministre d'État, demeurant en cette qualité Palais du Gouvernement, place de la Visitation à MONACO, constitué partie civile, ABSENT, représenté par Maître Jacques SBARRATO, avocat-défenseur, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 20 février 2012 ;

Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous les numéros 2007/000070 et 2007/000717 ;

Vu l'ordonnance de non lieu partiel, de requalification et de renvoi devant le Tribunal correctionnel rendue par le Magistrat instructeur, en date du 10 août 2011 ;

Vu l'ordonnance de non lieu partiel, de requalification et de renvoi devant le Tribunal correctionnel rectificative d'une erreur matérielle, rendue par le Magistrat instructeur, en date du 11 août 2011 ;

Vu les citations signifiées, suivant exploits, enregistrés, de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date des 3 et 7 novembre 2011 ;

Ouï Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur pour Monsieur l. PR. qui soulève, in limine litis, des exceptions de nullité conformément aux conclusions en date du 16 février 2012 ;

Ouï Maître Denis DEL RIO, avocat pour Monsieur g. DE. qui soulève, in limine litis, des exceptions de nullité conformément aux conclusions déposées à l'audience du 20 février 2012 ;

Ouï le Ministère Public en réponse ;

Ouï Monsieur le Président qui, après avoir pris l'avis de ses assesseurs, décide de joindre l'incident au fond ;

Ouï les prévenus en leurs réponses ;

Ouï Maître Jacques SBARRATO, avocat-défenseur pour la partie civile, en ses demandes, fins et conclusions en date du 15 février 2012 ;

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Ouï Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur pour Monsieur l. PR., en ses moyens de défense et plaidoiries par lesquels il sollicite, à titre subsidiaire, la relaxe de son client ;

Ouï Maître Denis DEL RIO, avocat au barreau de Nice, régulièrement autorisé par Monsieur le Président à assister Monsieur g. DE., en ses moyens de défense et plaidoiries par lesquels il sollicite la relaxe de son client ;

Ouï Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur pour Monsieur o. BR., en ses moyens de défense et plaidoiries, par lesquels il sollicite la relaxe de son client ;

Ouï les prévenus, en dernier, en leurs moyens de défense ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Aux termes d'une ordonnance du Magistrat instructeur en date du 11 août 2011, Messieurs g. DE., l. PR. et o. BR. ont été renvoyés par devant le Tribunal correctionnel, sous les préventions :

1) Monsieur g. DE.

« De s'être à MONACO, courant 2006, en tout cas depuis temps » non couvert par la prescription,

« - frauduleusement soustrait ou tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel de l'impôt sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée, soit qu'il ait volontairement dissimulé une part de sommes sujettes à l'application de l'impôt ou de la taxe, soit qu'il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d'autres » manœuvres au recouvrement de l'impôt ou de la taxe, soit en agissant de toute autre manœuvre frauduleuse, en participant sciemment à l'organisation,

« - d'un circuit frauduleux de facturations ne correspondant pas à » des opérations réelles et générateur, au regard de la TVA, de droits à déduction inclus,

« - de circuits financiers opaques visant, d'une part, à détourner » le produit de la fraude et, d'autre part, à assurer l'insolvabilité des différents opérateurs impliqués, en effectuant les règlements toutes taxes comprises sur des comptes ouverts à l'étranger,

« - avec cette circonstance que lesdits fais ont été réalisés ou facilités au moyen de factures ne se rapportant pas à des opérations réelles et que ce même moyen a eu pour effet d'obtenir de l'État des remboursements injustifiés à hauteur de 6.444.196 euros,

» FAITS prévus et réprimés par les articles 1, 3, 5, 6 de l'ordonnance souveraine n° 653 du 25 août 2006 ;

« De s'être à MONACO, courant 2006, en tout cas depuis temps » non couvert par la prescription,

« - en employant des manœuvres frauduleuses, en participant » sciemment à l'organisation d'un circuit commercial fictif (opération dite « carrousel de taxe à la valeur ajoutée »), par l'intermédiaire d'une part de «sociétés défaillantes à la TVA» ayant pratiqué des ventes à perte et d'autre part de sociétés écran, afin d'éluder le paiement de la taxe à la valeur ajoutée dû par ces sociétés ainsi que par la société bénéficiaire de la fraude, et d'avoir ainsi par ce moyen escroqué le Trésor Public, à hauteur de 6.444.196 euros,

« FAITS prévus et réprimés par l'article 330 du Code pénal ».

2) Monsieur l. PR.

« - De s'être à MONACO, courant 2006, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

» - frauduleusement soustrait ou tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel de l'impôt sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée, soit qu'il ait volontairement dissimulé une part de sommes sujettes à l'application de l'impôt ou de la taxe, soit qu'il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d'autres manœuvres au recouvrement de l'impôt ou de la taxe, soit en agissant de toute autre manœuvre frauduleuse, en participant sciemment à l'organisation,

« - d'un circuit frauduleux de facturations ne correspondant pas à » des opérations réelles et générateur, au regard de la TVA, de droits à déduction indus,

« - de circuits financiers opaques visant, d'une part, à détourner le produit de la fraude et, d'autre part, à assurer l'insolvabilité des différents opérateurs impliqués, en effectuant les règlements toutes taxes comprises sur des comptes ouverts à l'étranger,

» - avec cette circonstance que lesdits faits ont été réalisés ou facilités au moyen de factures ne se rapportant pas à des opérations réelles et que ce même moyen a eu pour effet d'obtenir de l'État des remboursements injustifiés à hauteur de 6 444 196 euros,

« FAITS prévus et réprimés par les articles 1, 3, 5, 6 de l'ordonnance souveraine n° 653 du 25 août 2006 ;

» De s'être à MONACO, courant 2006, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

« - en employant des manœuvres frauduleuses, en participant sciemment à l'organisation d'un circuit commercial fictif (opération dite »carrousel de taxe à la valeur ajoutée«), par l'intermédiaire d'une part de »sociétés défaillantes à la TVA« ayant pratiqué des ventes à perte et d'autre part de sociétés écran, afin d'éluder le paiement de la taxe à la valeur ajoutée dû par ces sociétés ainsi que par la société bénéficiaire de la fraude, et d'avoir ainsi par ce moyen escroqué le Trésor Public, à hauteur de 6.444.196 euros,

» FAITS prévus et réprimés par l'article 330 du Code pénal «.

3) Monsieur o. BR.

» D'avoir à MONACO, courant 2006, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

« - été complice du délit de fraude fiscale reproché à g. DE. et l. PR. en ayant, avec connaissance, aidé ou assisté les auteurs de l'action dans les faits qui l'auront préparée ou facilitée ou dans ceux qui l'auront consommée, notamment en participant sciemment à l'organisation d'un circuit frauduleux de facturations et en donnant des instructions à cet effet,

» FAITS prévus et réprimés par les articles 41, 42 du Code pénal, 1, 3, 5, 6 de l'ordonnance n° 653 du 25 août 2006.

« D'avoir à MONACO, le 1er mars 2007, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

» - tenté de commettre une escroquerie au préjudice de la SCS FLAMENGO, tentative manifestée par un commencement d'exécution, en l'espèce établissement de trois faux ordres de virement (87.438,94 € - 73.741,14 € - 94.315,60 €), et n'ayant manqué son effet que par une circonstance indépendante de sa volonté, en l'espèce comptes bloqués par décision de justice,

« FAITS prévus et réprimés par les articles 2, 3 et 330 du Code pénal » ;

« De s'être à MONACO, courant 2006, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

» - en employant des manœuvres frauduleuses, en participant sciemment à l'organisation d'un circuit commercial fictif (opération dite «carrousel de taxe à la valeur ajoutée»), par l'intermédiaire d'une part de «sociétés défaillantes à la TVA» ayant pratiqué des ventes à perte et d'autre part de sociétés écran, afin d'éluder le paiement de la taxe à la valeur ajoutée dû par ces sociétés ainsi que par la société bénéficiaire de la fraude, et d'avoir ainsi par ce moyen escroqué le Trésor Public, à hauteur de 6.444.196 euros,

« FAITS prévus et réprimés par l'article 330 du Code pénal ».

À l'audience l'État de Monaco s'est constitué partie civile et a fait déposer par son conseil des conclusions tendant à voir retenir les prévenus dans les liens de la prévention et obtenir leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 9.279.641 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal.

Sur l'action publique,

Le 11 janvier 2007, le SICCFIN adressait au Parquet Général une fiche de renseignement relative à la SCS PR.

Immatriculée au répertoire du commerce de la Principauté de Monaco le 11 avril 2006, cette société au capital de 30.000 euros détenu à 80 % par Monsieur l. PR., gérant commandité et Monsieur g. DE., associé commanditaire, avait pour objet social déclaré le négoce de composants électroniques et matériel informatique pour un chiffre d'affaires prévisionnel de douze millions d'euros.

En quatre mois d'activité, son compte ouvert auprès de la H.S.B.C. Monaco le 20 avril 2006 recevait déjà plus de vingt millions d'euros de trois de ses clientes, les sociétés françaises AZIATEK, DHM26 et I.E.M.. Ces sommes, diminuées de la marge commerciale de 1 voire 2 % pratiquée sur les biens vendus, étaient ensuite rapidement transférées vers les comptes fournisseurs de la SCS PR., tous ouverts auprès de la H.S.B.C. de Hong Kong bien que détenues par des personnes morales françaises, les sociétés AGINA EURL, ALLIED ELECTRONIC Ltd et VALUE SYSTEM.

Avertie par son homologue asiatique qui nourrissait des soupçons de fraude à la T.V.A. à l'encontre de VALUE SYSTEM, l'agence H.S.B.C. de Monaco, elle-même dépourvue de factures propres à justifier les mouvements de fonds entretenus avec cette société, notifiait à la SCS PR., à la fin du mois de septembre 2006, sa décision de clôturer son compte.

La SCS PR. se retournait alors vers la B.P.C.A. et à nouveau, en quatre mois d'activité, soit de septembre à décembre 2006, ce deuxième compte recevait plus de 11 millions d'euros en provenance des mêmes clients, voire de nouveaux, tels les sociétés françaises HEAVEN SAS, LTECH et VECI.

Les fonds repartaient invariablement vers Hong Kong au profit des fournisseurs précédemment cités, auxquels s'étaient ajoutées les sociétés KONWAY TECHNOLOGIE Ltd et SWH Ltd.

Les investigations douanières menées dans le cadre de l'information judiciaire ouverte suite à la dénonciation de ces faits révélaient que la plupart de ces sociétés s'étaient récemment immatriculées en France, entre mai 2005 et juillet 2006. Leur fonctionnement commercial permettait de les classer en deux catégories :

  • soit il s'agissait de sociétés qui, massivement, acquéraient hors taxe et pour plusieurs millions d'euros du matériel informatique ou des composants électroniques auprès d'entreprises européennes puis revendaient immédiatement ces marchandises à perte, auprès de sociétés de la deuxième catégorie. À cette occasion, elles les grevaient d'une T.V.A. qu'elles ne déclaraient ni reversaient au Trésor Public, mais que déduisaient en revanche les entreprises clientes de leurs propres ventes. Qualifiées de sociétés « taxi » en matière d'escroqueries à la T.V.A., dites carrousel de T.V.A., elles étaient toutes nanties d'un représentant légal injoignable et dont on pouvait même douter de l'existence. Leur siège établi auprès d'une société de domiciliation, dépourvues de tout moyen humain et matériel propre à assurer leur activité, elles se contentaient de faire livrer la marchandise auprès de plates-formes logistiques qui la relâchaient au bénéfice des clients. C'était le cas d'ALLIED ELECTRONIC, de KONWAY TECHNOLOGIE Ltd et de SWH Ltd,

  • soit il s'agissait de sociétés, toutes aussi inconsistantes que les précédentes, qui se livraient à des opérations d'achat et de revente quasi-instantanées avec une marge bénéficiaire dérisoire, proche de 1 %. Elles s'approvisionnaient auprès des entités précédentes et fournissaient soit les bénéficiaires finales de la fraude, appelées sociétés « déductrices », (LTECH, VECI, DHM26) soit d'autres sociétés du même type (IEM, HEAVEN, EVANALAND). Qualifiées de sociétés « écran », leur seule fonction consistait à complexifier la chaîne commerciale afin d'opacifier la relation société taxi - société déductrice et de prolonger ainsi la survie du système mis en place.

C'était en l'espèce le rôle joué par la SCS PR., dont le chiffre d'affaires s'était élevé à plus de 39 millions d'euros en dix mois d'activité seulement.

Sur la procédure,

Les conseils de Messieurs g. DE. et l. PR. sollicitent la nullité de l'entière procédure pour violation des articles 14 du Pacte International sur les Droits et Civils et Politiques et 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, aux motifs que leurs clients ont été entendus dès le début de la procédure, sur commission rogatoire, en qualité de témoins, alors qu'il existait déjà à leur encontre des indices graves et concordants de culpabilité et que, privés de liberté, ils auraient dû pouvoir bénéficier de certains droits, notamment de l'assistance effective d'un avocat.

En outre, les raisons de leur arrestation, comme la teneur des faits qui leur étaient reprochés, ne leur auraient jamais été notifiées de manière précise par le juge d'instruction.

Cette situation aurait été particulièrement préjudiciable à Monsieur l. PR. dont le français n'était pas la langue maternelle et auquel, de surcroît, des questions auraient été posées au cours de son interrogatoire de première comparution, en violation de l'article 166 du Code de procédure pénale.

L'examen des pièces concernées révèle effectivement que c'est sous un régime de privation de liberté que les deux prévenus ont été entendus par les enquêteurs le 16 février 2007 puis déférés devant le juge d'instruction le lendemain, sans que l'assistance d'un avocat ne leur fût jamais proposée. Cette violation des articles précités justifie dès lors l'annulation des procès-verbaux d'audition enregistrés dans ces conditions.

S'agissant des faits reprochés aux mis en cause, le Tribunal observe que dès le début de leur première audition, les enquêteurs ont donné à chacun des prévenus connaissance des termes de la commission rogatoire dont ils étaient saisis, laquelle se référait expressément à la fiche de renseignement du SICCFIN du 11 janvier 2007 ainsi qu'à la courte enquête préliminaire menée sur la base de cette pièce.

La teneur des interrogatoires ensuite menés montre que l'ensemble des éléments ainsi préalablement recueillis à propos de la création puis de l'activité de la SCS PR. a été soumis aux intéressés et que ceux-ci ont pu fournir aux policiers les éclaircissements qu'ils pensaient devoir apporter.

Lors de leur interrogatoire de première comparution, aucun d'eux n'a prétendu ignorer les raisons de son défèrement et ne pas comprendre les qualifications retenues à son encontre.

Monsieur l. PR. n'avait jusqu'alors jamais sollicité l'assistance d'un interprète. Il avait au contraire affirmé aux enquêteurs, dès le début de ses auditions, comprendre, parler et lire le français. Tout au long de l'information, il n'a pas éprouvé le besoin de requérir cette assistance lors de ses interrogatoires par le juge d'instruction ou au cours des diverses confrontations organisées par le magistrat, actes auxquels ont d'ailleurs assisté ses conseils sans émettre la moindre réserve.

Les critiques qu'il émet désormais sur ce point apparaissent donc empreintes d'une grande mauvaise foi.

Le prévenu ne saurait non plus soutenir sérieusement qu'en le qualifiant d'inculpé avant de lui notifier les faits poursuivis, le juge d'instruction avait porté atteinte à la présomption d'innocence car, par définition, un inculpé est présumé tel.

S'agissant enfin de la mention « SI » inscrite sur son procès-verbal d'interrogatoire de première comparution, elle ne signifie pas en elle-même qu'une question autre que celle tendant à lui demander s'il souhaitait faire des déclarations a été posée.

L'annulation de l'ensemble des actes de procédures postérieurs aux auditions dont la nullité a été précédemment constatée n'apparaît donc pas justifiée étant observé, au surplus, qu'au cours desdites auditions aucun élément de culpabilité n'a été recueilli à l'égard des prévenus concernés, puisque ceux-ci n'ont cessé de nier la commission de toute infraction.

Sur le fond,

Sur la responsabilité de Monsieur o. BR.,

Bien que n'ayant aucun rôle officiel au sein de la SCS PR., Monsieur o. BR. a écrit puis déclaré au Juge d'instruction qu'il était à l'origine de la création de la société, qu'il savait dès le départ quels allaient en être les fournisseurs et les clients et que son action avait été déterminante à tous les niveaux de prise de responsabilité.

À l'occasion de sa dernière audition, il a concédé qu'il s'était placé au service de deux groupes distincts basés en Israël, l'un dirigé par un dénommé Da., l'autre un certain Yo. Sa mission, a-t-il ajouté, « était de leur assurer une représentation physique, de s'occuper des encaissements, décaissements et facturations ».

Pour le groupe Yo., c'était un certain « François… (qui) assurait toute la partie commerciale de FLAMINGO… il travaillait dans les bureaux de SWH et d'ALLIED ELECTRONIC à Tel Aviv. Les clients pouvaient commander auprès de lui, il envoyait (N.D.L.R. à la SCS PR.) par fax ou mail les commandes… et François disait d'acheter chez tel ou tel fournisseur ».

S'agissant du groupe Da. « il n'y avait pas de commercial attitré, (ils) recevaient la commande, l'argent … s'occupaient de toute la facturation ». Puis Monsieur o. BR. « attendait l'info de Da. pour savoir où commander ».

Le prévenu a par ailleurs indiqué « je n'avais contact avec le boss qu'en cas de problème et il n'était pas commode ! Ma mission (…) si elle est bien remplie, tout allait bien, mais sinon, on était enguirlandé ».

Les investigations douanières menées en France auprès de plusieurs clients de la SCS FLAMINGO n'ont pas manqué de mettre en évidence les incohérences nécessairement induites par ce mode de fonctionnement, caractérisées par une déconnexion totale des factures fournisseurs et bons de livraison émis avec les flux réels de marchandises (chronologie des factures émises par la SCS FLAMINGO qui ne correspondait pas à celles des commandes de son client, date de facturation de la SCS FLAMINGO à sa cliente antérieure à la date d'achat des marchandises auprès de son propre fournisseur ...).

Sur les lettres de voiture, la SCS PR. apparaissait en qualité de donneur d'ordre, transporteur et expéditeur de la marchandise, alors qu'elle était dépourvue de tout moyen matériel et humain pour ce faire. En réalité, Monsieur o. BR. s'était contenté de demander au transporteur d'apposer le timbre humide de la société sur ces documents, après avoir ôté de la marchandise tout élément d'identification du fournisseur d'origine.

L'enquête des douanes a aussi montré que les sociétés « déductrices », telles LTECH ou DHM26, étaient approvisionnées par des fournisseurs qui se succédaient dans le temps. Ils émettaient régulièrement des factures sur une période de un à sept mois puis stoppaient net leurs ventes. Or, ce fonctionnement économique irrationnel s'avérait justement caractéristique des sociétés défaillantes à la T.V.A., qu'elles jouent le rôle de « taxi », d'« écran » ou d'« écran d'écran » dans l'organisation du carrousel de T.V.A.

L'activité de Monsieur o. BR. à ce niveau s'est révélée particulièrement constante et fournie puisque, depuis 2004, toutes les sociétés successives dont il avait été le gérant de droit ou de fait (RAMSES Europe, COMPARTS, LINK INTERNATIONAL) ou au sein desquelles il s'était infiltré (INDUSTRIAL DEVELOPMENT PROJECT, SYNERGIES LOGISTIQUES, GENERAL MERCHANDISES COMPANY, HEAVEN) ont été impliquées dans des carrousels de T.V.A. Dès que l'une ou l'autre connaissait des difficultés avec l'administration fiscale ou les autorités judiciaires, il s'en défaisait et transférait son activité sur une structure au fonctionnement identique, avec les mêmes partenaires commerciaux.

Ceci enlève donc toute crédibilité aux explications du prévenu selon lesquelles s'il avait bien été mis en cause dans toutes ces fraudes, il l'avait « toujours appris a posteriori lors des contrôles fiscaux et notamment lors de leurs conclusions ». Au demeurant, l'ouverture de l'information judiciaire à Monaco et l'incarcération de ses co-prévenus ne l'ont pas dissuadé de persister dans son activité délictuelle puisqu'à la SCS PR., il a substitué, en 2007-2008, la société TECHNIQUE et TECHNOLOGIE puis la société SOGIES, entités écran par lesquelles continuaient de transiter les flux commerciaux entre KONWAY TECHNOLOGIE et HEAVEN, notamment.

Par ailleurs, pour tenter de tenir en échec le blocage des comptes de la SCS PR. ordonné par le Juge d'instruction, Monsieur o. BR. n'a pas hésité à faxer à la banque de faux ordres de virement accompagnés des factures censées justifier les mouvements de fonds sollicités. Élaborés par ses soins, il y avait frauduleusement apposé la signature de Monsieur l. PR., préalablement scannée.

Les infractions reprochées au prévenu apparaissent ainsi amplement caractérisées puisqu'en définitive, la seule finalité de la SCS PR. était de rejoindre une nébuleuse de sociétés déjà organisée pour commettre des fraudes à la T.V.A., au sein de laquelle chaque entité avait vocation à disparaître et être remplacée dès la découverte de sa participation à la structure d'ensemble.

Le préjudice financier causé à l'État de Monaco s'avère conséquent (6 millions d'euros environ) car la SCS PR. a ainsi indûment déduit, de la T.V.A. dont elle était redevable sur son chiffre d'affaires d'environ 39 millions d'euros en 10 mois, la T.V.A. prétendument payée à ses fournisseurs. Or, le prévenu savait pertinemment que celle-ci ne serait jamais reversée et il a en outre permis à ses clients de soustraire cette même T.V.A. de celle que devaient supporter leurs propres ventes.

La fraude s'est révélée particulièrement rentable pour ses auteurs car la marge bénéficiaire de 1 % pratiquée par la SCS PR. sur ses achats a permis à la société d'engranger un profit supérieur à 350.000 euros en moins d'un an, déduction faite de ses charges de fonctionnement particulièrement modestes.

Monsieur o. BR. a ainsi pu profiter, dès la fin de l'année 2006, d'une Porsche neuve acquise au nom de la SCS PR.

L'intéressé a déjà été condamné le 2 novembre 2007 par le Tribunal correctionnel de Nanterre à 6 mois d'emprisonnement avec sursis pour banqueroute.

Compte tenu de la gravité des faits poursuivis, au regard de l'importance du dommage causé et des éléments de personnalité précédemment évoqués, lesquels signent un ancrage particulièrement durable du prévenu dans la délinquance économique, une peine de trois ans d'emprisonnement, assortie d'un mandat d'arrêt, sera prononcée.

Sur la responsabilité de Monsieur g. DE.,

Au moment de la création de la SCS PR., Monsieur g. DE. œuvrait déjà aux côtés de Monsieur o. BR. depuis plusieurs années. Il avait participé au fonctionnement de la société COMPARTS SARL. Il avait également procédé aux demandes administratives nécessaires à la création de LINK INTERNATIONAL SAS et de la SCS HEAVEN.

Le président désigné de cette dernière société a concédé qu'il vivait alors du RMI et n'avait d'autre attribution que de représenter la personne morale auprès des établissements financiers, la constitution de cette structure ayant été décidée par un groupe de copains dont faisaient partie Monsieur o. BR. et Monsieur g. DE.

Au décès de son père, l'intéressé a repris la SARL GENERAL MERCHANDISES COMPANY (GMC) qui avait pour activité déclarée le commerce en gros de biens de consommation. Dépourvue de tout moyen humain et matériel, il l'a mise à disposition de Monsieur o. BR. qui lui a transféré une partie de l'activité de COMPARTS SARL.

Monsieur g. DE. a par ailleurs approché Monsieur l. PR. avec lequel il s'est associé pour créer la SCS PR., dont le capital social a été apporté, pour l'essentiel, par la société asiatique qui le rémunérait de façon occulte depuis plusieurs mois, ainsi que cela est apparu sur ses relevés bancaires.

Il a très largement participé à l'activité de la SCS PR., au demeurant identique à celle de la SARL GENERAL MERCHANDISES COMPANY, puisqu'il était chargé d'établir les factures avec l'aide ponctuelle d'un dénommé RO., qui travaillait pour les deux entités.

Les conversations échangées par Skype démontrent que loin d'avoir été un simple exécutant au service de Monsieur o. BR., il était en contact régulier avec la plupart des clients et fournisseurs de la société. Sa préoccupation majeure était de conférer une cohérence apparente à l'enchaînement des commandes et des factures, dont certaines étaient émises avant même que la commande ne fut répercutée auprès d'un fournisseur désigné, tandis que d'autres comportaient un numéro qui ne suivait par chronologiquement le numéro de facture fournisseur, ce qui le contraignait à solliciter les rectifications nécessaires. Il s'attachait également à faire correspondre les montants des versements et des factures, sans que ces disparités ne fussent justifiées par la moindre considération relative à la quantité ou la qualité des marchandises livrées dont, au demeurant, nul ne se préoccupait au sein de la SCS PR. pour celle en provenance de ses fournisseurs.

En définitive, Monsieur g. DE. n'apparaît pas avoir été, contrairement à ce qu'il soutient, un simple subordonné agissant dans l'ignorance de la réalité des choses.

Il est, en vérité, associé de longue date aux activités délictuelles de Monsieur o. BR. en matière de carrousel de T.V.A. Il l'a assisté pour donner naissance à des sociétés actrices de la fraude (LINK INTERNATIONAL et HEAVEN), il a accepté d'y impliquer la société de son père (SARL GENERAL MERCHANDISES COMPANY), il a sollicité Monsieur l. PR. pour constituer une entité supplémentaire et enfin, il s'est personnellement investi pour animer le système de facturation de la SCS PR., qu'il connaissait déjà chez COMPARTS SARL et dont il n'ignorait évidemment pas le caractère frauduleux, dès lors que celui-ci défiait les règles élémentaires qui régissent le fonctionnement normal d'une entreprise.

Il s'agit toutefois d'un délinquant dont l'envergure n'égale pas celle de Monsieur o. BR., véritable initiateur et moteur de la fraude. En conséquence, une peine d'un an d'emprisonnement lui sera infligée.

Sur la responsabilité de Monsieur l. PR.,

Pour la création de la SCS PR., Monsieur l. PR. a accepté de servir de simple prête nom.

Consultant sportif de métier, il ne disposait alors d'aucune compétence en matière de commerce en composants informatiques. Il n'a pas payé son apport en capital avec des fonds personnels mais s'est contenté d'utiliser l'argent viré sur son compte par la société asiatique que Monsieur g. DE. prétendait vouloir associer à l'affaire. Lui seul était rémunéré. Il lui appartenait simplement de s'occuper des relations de la société avec les banques et il ne consacrait à cette fonction qu'une à deux heures par jour. Son salaire s'élevait néanmoins à 3.000 euros mensuels. En réalité, seule sa domiciliation à Monaco intéressait ses co-prévenus, car elle leur permettait de constituer une société en Principauté.

Monsieur l. PR. prétend avoir voulu en être désigné gérant pour être à même d'exercer un contrôle total de son activité, aidé par son expert-comptable.

Cette affirmation se trouve toutefois contredite par les éléments de l'information.

Ainsi le « business plan » élaboré à la création de la société n'a jamais été respecté, sans qu'il s'en émeuve. Les marchandises devaient être contrôlées par la SCS FLAMINGO avant d'être envoyées aux clients mais ne l'ont jamais été. L'entrepôt de stockage de 100 m² qui devait être pris n'a pas été loué auprès de MONACO LOGISTIQUE. Parmi les sept clients et fournisseurs prétendument prêts à travailler avec la SCS FLAMINGO, quatre présentaient une certaine notoriété propre à inspirer confiance (Pixmania, Rue du Commerce, Surcouf, Noos) mais aucun d'eux n'a jamais contracté avec la SCS PR.

Le triple du chiffre d'affaires annuel prévisionnel de 12 millions d'euros a été atteint après 7 mois d'activité seulement et cette réussite commerciale apparente aurait normalement dû aiguiser l'intérêt des banques pour l'entreprise. Or bien au contraire, la banque HSBC puis la B.P.C.A. lui ont successivement fermé ses comptes après quelques mois d'activité seulement.

Compte tenu de l'ensemble de ces anomalies flagrantes relatives à la fondation et au fonctionnement de la SCS PR., le prévenu ne peut valablement soutenir avoir ignoré le caractère frauduleux des transactions qui s'opéraient sous couvert d'un prétendu commerce en gros de matériel informatique. D'autant que cette activité, qui se révélait d'emblée extrêmement prospère et rentable, se nourrissait du travail clandestin de Monsieur g. DE. et de l'impulsion décisive mais totalement occulte de Monsieur o. BR.

La culpabilité de Monsieur l. PR. sera donc retenue.

Le mis en cause n'a jamais été condamné et sa participation au carrousel de T.V.A. apparaît bien plus limitée que celle de ses co-prévenus. En conséquence, une peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis lui sera infligée.

Au titre des pénalités, le Tribunal ordonnera enfin la confiscation des sommes et du véhicule saisis en cours d'information.

Sur l'action civile,

L'État de Monaco est fondé à solliciter, à titre de dommages-intérêts, une somme égale au montant de la T.V.A. frauduleusement déduite par les prévenus de celle dont était redevable la SCS PR. sur ses propres ventes, soit 6.444.196 euros.

S'agissant des pénalités de 2.835.445 euros également réclamées par la partie civile, le Tribunal observe que cette prétention procède de l'application des règles du droit fiscal et non de régime de la responsabilité délictuelle, seul applicable devant le Tribunal correctionnel. En conséquence, elle ne pourra qu'être rejetée.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement,

Annule les procès-verbaux d'audition de Messieurs g. DE. et l. PR. antérieurs à leur comparution devant le Juge d'instruction ;

Dit n'y avoir lieu à étendre cette nullité aux actes d'information postérieurs ;

Sur l'action publique,

Déclare Messieurs o. BR., g. DE. et l. PR. coupables des faits qui leur sont respectivement reprochés ;

En répression, faisant application des articles visés par les préventions, ainsi que des articles 393 du Code pénal et 395 du Code de procédure pénale,

Condamne Monsieur o. BR. à la peine de TROIS ANS D'EMPRISONNEMENT ;

Décerne MANDAT D'ARRÊT à son encontre ;

Condamne Monsieur g. DE. à la peine de UN AN D'EMPRISONNEMENT ;

Condamne Monsieur l. PR. à la peine de DIX-HUIT MOIS D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS, l'avertissement prescrit par l'article 395 du Code pénal n'ayant pu être adressé au condamné, absent lors du prononcé de la décision ;

Ordonne la confiscation du véhicule Porsche Carrera 997, immatriculé …, et des fonds détenus par la SCS PR. dans les livres de la B.P.C.A., saisis en cours d'information ;

Sur l'action civile,

Accueille l'État de Monaco en sa constitution de partie civile ;

Condamne solidairement Messieurs o. BR., g. DE. et l. PR. à lui payer la somme de 6.444.196 euros ;

Les condamne, en outre, solidairement aux frais, qui comprendront les droits prévus par l'article 63 de l'Ordonnance Souveraine n° 8361 du 29 Juillet 1985 avec distraction au profit de Maître Jacques SBARRATO, avocat-défenseur, dont la présence est reconnue effective et nécessaire aux débats.

Composition🔗

Ainsi jugé après débats du vingt février deux mille onze en audience publique tenus devant le Tribunal correctionnel, composé par Monsieur Marcel TASTEVIN, Vice-Président, Monsieur Jérome FOUGERAS LAVERGOLLE, Premier Juge, Monsieur Florestan BELLINZONA, Juge, le Ministère Public dûment représenté, et prononcé à l'audience publique du vingt-sept mars deux mille douze, par Monsieur Marcel TASTEVIN, Vice-Président, en présence de Michaël BONNET Substitut du Procureur Général, assistés de Mademoiselle Sandra PISTONO, Greffière.

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