Cour d'appel, 29 avril 2013, l. A., g. B. et o. C. c/ Ministère public

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Abstract🔗

Procédure pénale - Exceptions de nullité - Droits de la défense - Recevabilité

Infraction - Escroquerie - TVA - Caractérisation – Société-écran - Responsabilité des dirigeants

Action civile - Bien-fondé

Résumé🔗

Il ressort de la citation litigieuse qu'elle contient un énoncé incorrect puisque l. A. est renvoyé devant la Cour en l'état d'un appel, interjeté par ses soins, d'une décision l'ayant condamné à une peine erronée. Mais la mention erronée ne figure pas au nombre de celles visées par l'article 369 du Code de procédure pénale précité et ne saurait, de surcroît, être considérée comme une disposition substantielle susceptible d'entraîner la nullité de l'acte dont s'agit. L'article 456 du Code de procédure pénale définissant comme substantielles les formes prescrites pour garantir les droits de la défense et l'article 207 du même code sanctionnant de la nullité leur violation, ne lui sont pas applicables.

C'est à juste titre que le tribunal a annulé les procès-verbaux d'audition de l. A. par la police, intervenus dans des conditions violant incontestablement les droits de la défense, puisqu'interrogé sous un régime de privation de liberté, sous la foi du serment, sans l'assistance d'un avocat ; même s'il ne s'est jamais auto incriminé, contestant dès sa première audition et jusqu'à l'issue de l'information les faits qui lui étaient reprochés. Effectivement, à la date des actes incriminés, le Pacte relatif aux droits civils et politiques signé à New York le 16 décembre 1966 était régulièrement applicable pour avoir été rendu exécutoire en Principauté par l'Ordonnance n° 13.330 du 12 février 1998. L'article 14, § 3 de ce Pacte dispose que « toute personne accusée d'une infraction pénale a droit.... à ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s'avouer coupable ». L'expression « personne accusée » doit s'attacher à une personne sérieusement suspectée d'avoir commis une infraction pénale en raison d'indices graves et concordants rassemblés contre elle.

A. soutient que le juge d'instruction ne l'aurait pas informé, de façon détaillée, de la nature et des motifs de l'accusation portée contre lui et l'aurait qualifié d'inculpé portant ainsi atteinte à la présomption d'innocence. Cette situation aurait été particulièrement préjudiciable à ses intérêts alors et surtout de plus fort que des questions lui auraient été posées au cours de cet interrogatoire de première comparution, en violation des dispositions de l'article 166 du Code de procédure pénale. Mais, comme l'a justement retenu le Tribunal, qu'il n'est nullement démontré que cet article aurait été violé alors qu'il résulte des mentions du procès-verbal litigieux que le juge d'instruction lui a fait connaître ce dont il était inculpé (escroquerie et recel d'escroquerie à ce stade de la procédure) sans qu'il ne prétende ignorer les raisons de son défèrement et ne pas comprendre les qualifications retenues à son encontre. En outre, l'article 166 précité ne sanctionne pas - par la nullité - cette omission et que cette sanction ne saurait, en vertu de l'article 207 du même code, être prononcée qu'en ce qu'elle constitue une violation des dispositions substantielles du titre du Code de procédure pénale consacré à l'instruction. Il l n'est pas indiqué audit article 166 que le procès-verbal doit contenir mention expresse que le juge a informé l'inculpé des faits qu'on lui reproche. Il suffit donc que cette information existe et il appartient à la Cour, au-delà des seules mentions du procès-verbal, de s'assurer de la réalité de cette information. Dans ce contexte, au cas particulier, il apparaît que l. A. nonobstant l'absence de mention expresse dans le procès-verbal du 17 février 2007, avait bien été informé par le magistrat instructeur des faits qui lui étaient imputés.

Il est constant que les exceptions de nullité doivent être présentées avant toute défense au fond à peine d'irrecevabilité. En cas de défense au fond devant le Tribunal, les exceptions de nullité ne peuvent être invoquées pour la première fois en cause d'appel.

Il est clairement apparu que le rôle de la SCS A. a été celui d'une société « écran » dans un mécanisme d'escroquerie à la TVA (« carrousel européen de TVA »). En effet, cette société était facturée par des sociétés françaises membres du carrousel, soi-disant « fournisseurs » puis refacturait à l'identique, avec une marge de 1%, à d'autres sociétés françaises, soit-disant « clients », sans que les produits prétendument négociés passent jamais par Monaco, où la société ne possédait d'ailleurs aucune installation physique, ni de stockage, les locaux pouvant être considérés comme un appartement de passage. Les dirigeants de droit et de fait ne pouvaient ignorer cet état de chose et le caractère frauduleux de l'activité à laquelle ils se livraient.

Il est constant que la remise en cause des droits à déduction de la TVA ne peut être effectuée que s'il est acquis (ce qui est le cas en l'espèce) que la SCS A. et ses dirigeants de fait et de droit, savaient pertinemment qu'elle participait à un circuit de fraude à la TVA. C'est sans fondement que l. A. croit pouvoir soutenir que la SCS A. n'aurait à aucun moment lésé le Trésor monégasque alors qu'il a été démontré que le délit de fraude fiscale, entre autres, était bien constitué par la déduction abusive d'une TVA grevant des factures ne se rapportant pas à des opérations réelles.

Pour répondre à l'argument soulevé oralement à la barre par le conseil d o. C. consistant à revendiquer l'application de l'adage « una via electa...», motif pris de ce que l'État monégasque disposerait déjà d'un titre exécutoire, savoir une contrainte, et ne serait donc pas recevable à solliciter, par le biais de sa constitution de partie civile, un nouveau titre, la Cour observe qu'outre le fait que cette exception n'a pas été soulevée « in limine litis » et est en conséquence irrecevable, la SCS A. a saisi le Tribunal de première instance d'une demande de décharge d'imposition par voie d'assignation et que l'instance est toujours pendante devant cette juridiction. Ainsi l'État de Monaco ne dispose pas déjà d'un titre exécutoire et sa constitution de partie civile est parfaitement recevable outre le fait qu'elle est de plus fort bien fondée. Encore et pour faire reste de raison à l'argumentation tardive d o. C., il n'est pas inutile de rappeler que la contrainte est établie à l'encontre de la société et non pas contre les associés solidairement responsables, savoir entre les mêmes parties.


Principauté de Monaco Dossier PG n° 2007/000070 et 2007/000717

Cour d'appel correctionnelle JI n° B5/07

ARRÊT DU 29 AVRIL 2013

En la cause de :

  1. l. A., né le 3 juillet 1974 à CUNEO (Italie), de m.et d a.D. de nationalité italienne, consultant sportif, demeurant X1. à MONACO ;

Prévenu de :

  • SOUSTRACTION AU PAIEMENT DE L'IMPÔT

  • ESCROQUERIE

  • présent aux débats, assisté de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel, et plaidant par ledit avocat-défenseur et par Maître Alain CUNY, avocat au Barreau de Nice ;

APPELANT/INTIMÉ

2. g. B., né le 27 mai 1969 à PARIS (75012), de c.et de r.E. de nationalité française, consultant en immobilier, demeurant X2(92600) ;

Prévenu de :

  • SOUSTRACTION AU PAIEMENT DE L'IMPÔT

  • ESCROQUERIE

  • absent, ( détention préventive du 17 février 2007 au 14 mars 2008 ), représenté par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel et plaidant par Maître Denis DEL RIO, avocat au barreau de Nice ;

APPELANT/INTIMÉ

3. o. C., né le 22 octobre 1974 à PARIS (75008), de j-p.et de m.F. de nationalité française, responsable commercial, demeurant X3 (75017) ;

Prévenu de :

  • > COMPLICITÉ > > DE SOUSTRACTION AU PAIEMENT DE L'IMPÔT

  • > TENTATIVE D'ESCROQUERIE

  • > ESCROQUERIE

  • absent, ( détention préventive du 19 février au 13 octobre 2009 ), représenté par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANT/INTIMÉ

CONTRE :

  • le MINISTÈRE PUBLIC ;

INTIME/APPELANT

ET :

  • L'État de Monaco (Services Fiscaux), représenté au sens de l'article 153 du Code de procédure civile par Monsieur le Ministre d'État, demeurant en cette qualité au Palais du Gouvernement, place de la Visitation à MONACO, constitué partie civile, absent, représenté par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel et plaidant par Maître j-p. GASTAUD, avocat au barreau de Nice ;

INTIMÉ

Visa🔗

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 4 février 2013 ;

Vu le jugement rendu contradictoirement par le Tribunal de Première Instance jugeant correctionnellement le 27 mars 2012 ;

Vu les appels interjetés tant par l. A. en toutes ses dispositions que par le Ministère public, suivant actes de greffe en date du 5 avril 2012 ;

Vu les appels interjetés tant par g. B. et o. C. en toutes ses dispositions que par le Ministère public, suivant actes de greffe en date du 6 avril 2012 ;

Vu l'ordonnance de Madame le Premier Président en date du 2 octobre 2012 ;

Vu les citations à prévenus et à partie civile, suivant exploits, enregistrés, de Maître ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 22 octobre 2012 ;

Vu les pièces du dossier ;

Vu les conclusions de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur pour l'État de Monaco, partie civile, reçues au Greffe de la Cour d'appel le 1er février 2013 ;

Vu les conclusions de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur pour l. A. prévenu, reçues au Greffe de la Cour d'appel le 1er février 2013 ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur pour o. C. remises à l'audience du 4 février 2013 ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur et Maître Denis DEL RIO, avocat, pour le compte de g. B. remises à l'audience du 4 février 2013 ;

Ouï Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur pour l. A. en ses plaidoiries sur les exceptions de nullité soulevées in limine litis ;

Ouï Maître Denis DEL RIO, avocat au barreau de Nice, et celui de g. B. régulièrement autorisé à plaider par Monsieur le Président, en ses plaidoiries sur les exceptions de nullité soulevées in limine litis ;

Ouï Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur pour o. C. en ses plaidoiries sur les exceptions de nullité soulevées in limine litis ;

Ouï Maître j-p. GASTAUD, avocat au barreau de Nice, et celui de la partie civile, régulièrement autorisé à plaider par Monsieur le Président, sur les exceptions de nullités soulevées in limine litis ;

Ouï Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur pour la partie civile, sur les exceptions de nullités soulevées in limine litis ;

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions sur les exceptions de nullité ;

La Cour, après en avoir délibéré, a joint l'incident au fond ;

Ouï Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, en son rapport ;

Ouï l. A. en ses réponses ;

Ouï Maître j-p. GASTAUD, avocat pour la partie civile, en ses demandes et plaidoiries ;

Ouï Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur pour la partie civile ;

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Ouï Maître Alain CUNY, avocat, pour l. A. en ses moyens de défense et plaidoiries ;

Ouï Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur pour l. A. en ses moyens de défense et plaidoiries ;

Ouï Maître Denis DEL RIO, avocat pour g. B. en ses moyens de défense et plaidoiries ;

Ouï Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur pour o. C. en ses moyens de défense et plaidoiries ;

Ouï l. A. prévenu, en dernier, en ses moyens de défense ;

Motifs🔗

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Par jugement contradictoire en date du 27 mars 2012, le Tribunal correctionnel a :

  • annulé les procès-verbaux d'audition de Messieurs g. B. et l. A. antérieurs à leur comparution devant le Juge d'instruction ;

  • dit n'y avoir lieu a étendre cette nullité aux actes d'information postérieurs ;

Sur l'action publique,

  • déclaré g. B. coupable :

  • « De s'être à MONACO, courant 2006, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

  • frauduleusement soustrait ou tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel de l'impôt sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée, soit qu'il ait volontairement dissimulé une part de sommes sujettes à l'application de l'impôt ou de la taxe, soit qu'il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d'autres manœuvres au recouvrement de l'impôt ou de la taxe, soit en agissant de toute autre manœuvre frauduleuse, en participant sciemment à l'organisation,

  • d'un circuit frauduleux de facturations ne correspondant pas à des opérations réelles et générateur, au regard de la TVA, de droits à déduction inclus,

  • de circuits financiers opaques visant, d'une part, à détourner le produit de la fraude et, d'autre part, à assurer l'insolvabilité des différents opérateurs impliqués, en effectuant les règlements toutes taxes comprises sur des comptes ouverts à l'étranger,

  • avec cette circonstance que lesdits fais ont été réalisés ou facilités au moyen de factures ne se rapportant pas à des opérations réelles et que ce même moyen a eu pour effet d'obtenir de l'État des remboursements injustifiés à hauteur de 6.444.196 euros », faits prévus et réprimés par les articles 1, 3, 5, 6 de l'Ordonnance Souveraine n° 653 du 25 août 2006,

  • « De s'être à MONACO, courant 2006, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

  • en employant des manœuvres frauduleuses, en participant sciemment à l'organisation d'un circuit commercial fictif (opération dite » carrousel de taxe à la valeur ajoutée «), par l'intermédiaire d'une part de » sociétés défaillantes à la TVA « ayant pratiqué des ventes à perte et d'autre part de sociétés écran, afin d'éluder le paiement de la taxe à la valeur ajoutée dû par ces sociétés ainsi que par la société bénéficiaire de la fraude, et d'avoir ainsi par ce moyen escroqué le Trésor Public, à hauteur de 6.444.196 euros », faits prévus et réprimés par l'article 330 du Code pénal,

en répression l'a condamné à la peine d' UN AN D'EMPRISONNEMENT ;

  • déclaré l. A. coupable :

  • « De s'être à MONACO, courant 2006, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

  • frauduleusement soustrait ou tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel de l'impôt sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée, soit qu'il ait volontairement dissimulé une part de sommes sujettes à l'application de l'impôt ou de la taxe, soit qu'il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d'autres manœuvres au recouvrement de l'impôt ou de la taxe, soit en agissant de toute autre manœuvre frauduleuse, en participant sciemment à l'organisation,

  • d'un circuit frauduleux de facturations ne correspondant pas à des opérations réelles et générateur, au regard de la TVA, de droits à déduction indus,

  • de circuits financiers opaques visant, d'une part, à détourner le produit de la fraude et, d'autre part, à assurer l'insolvabilité des différents opérateurs impliqués, en effectuant les règlements toutes taxes comprises sur des comptes ouverts à l'étranger,

  • avec cette circonstance que lesdits faits ont été réalisés ou facilités au moyen de factures ne se rapportant pas à des opérations réelles et que ce même moyen a eu pour effet d'obtenir de l'État des remboursements injustifiés à hauteur de 6.444.196 euros », faits prévus et réprimés par les articles 1, 3, 5, 6 de l'Ordonnance Souveraine n° 653 du 25 août 2006 .

  • « De s'être à MONACO, courant 2006, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

  • en employant des manœuvres frauduleuses, en participant sciemment à l'organisation d'un circuit commercial fictif (opération dite » carrousel de taxe à la valeur ajoutée «), par l'intermédiaire d'une part de » sociétés défaillantes à la TVA « ayant pratiqué des ventes à perte et d'autre part de sociétés écran, afin d'éluder le paiement de la taxe à la valeur ajoutée dû par ces sociétés ainsi que par la société bénéficiaire de la fraude, et d'avoir ainsi par ce moyen escroqué le Trésor Public, à hauteur de 6.444.196 euros », faits prévus et réprimés par l'article 330 du Code pénal,

en répression l'a condamné à la peine de DIX-HUIT MOIS D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS, l'avertissement prescrit par l'article 395 du Code pénal n'ayant pu être adressé au condamné, absent lors du prononcé de la décision ;

  • déclaré o. C. coupable :

  • « D'avoir à MONACO, courant 2006, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

  • été complice du délit de fraude fiscale reproché à B g.et A l.en ayant, avec connaissance, aidé ou assisté les auteurs de l'action dans les faits qui l'auront préparée ou facilitée ou dans ceux qui l'auront consommée, notamment en participant sciemment à l'organisation d'un circuit frauduleux de facturations et en donnant des instructions à cet effet », FAITS prévus et réprimés par les articles 41, 42 du Code pénal et les articles 1, 3, 5, 6 de l'Ordonnance Souveraine n° 653 du 25 août 2006 .

  • « D'avoir à MONACO, le 1er mars 2007, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

  • tenté de commettre une escroquerie au préjudice de la SCS G. tentative manifestée par un commencement d'exécution, en l'espèce établissement de trois faux ordres de virement (87.438,94 € - 73.741,14 € - 94.315,60 €), et n'ayant manqué son effet que par une circonstance indépendante de sa volonté, en l'espèce des comptes bloqués par décision de justice », FAITS prévus et réprimés par les articles 2, 3 et 330 du Code pénal,

  • « De s'être à MONACO, courant 2006, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

  • en employant des manœuvres frauduleuses, en participant sciemment à l'organisation d'un circuit commercial fictif (opération dite » carrousel de taxe à la valeur ajoutée «), par l'intermédiaire d'une part de »sociétés défaillantes à la TVA « ayant pratiqué des ventes à perte et d'autre part de sociétés écran, afin d'éluder le paiement de la taxe à la valeur ajoutée dû par ces sociétés ainsi que par la société bénéficiaire de la fraude, et d'avoir ainsi par ce moyen escroqué le Trésor Public, à hauteur de 6.444.196 euros », FAITS prévus et réprimés par l'article 330 du Code pénal,

en répression l'a condamné à la peine de TROIS ANS D'EMPRISONNEMENT et décerné mandat d'arrêt à son encontre ;

  • ordonné la confiscation du véhicule Porsche Carrera 997, immatriculé H. et des fonds détenus par la SCS A.dans les livres de la I. saisis en cours d'information ;

Sur l'action civile,

  • accueilli l'État de Monaco en sa constitution de partie civile,

  • condamné solidairement o. C., g. B. et l. A. à lui payer la somme de 6.444.196 euros ;

  • condamné solidairement o. C., g. B. et l. A. aux frais ;

l. A. a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions le 5 avril 2012.

Le Ministère public a interjeté appel de ladite décision le même jour.

g. B. et o. C. ont interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions le 6 avril 2012.

Le Ministère public a interjeté appel le même jour.

Les appels réguliers sont recevables.

Considérant les faits suivants :

Le 11 janvier 2007 le Service d'Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers (SICCFIN) portait à la connaissance du Procureur Général une note de renseignements afférente à la SCS A. et Cie -Enseigne « G. », en exposant que ladite société dont le capital social s'élève à 30.000 euros réparti à hauteur de 80% pour l. A. et de 20 % pour g. B. avait ouvert des comptes auprès de plusieurs établissements bancaires de Monaco (dont notamment la AD. Private Bank pour la période incluse du 20 avril au 15 octobre 2006, puis la Banque Populaire de la Côte d'Azur le 27 juin 2006) et qu'à chaque fois il avait été constaté des mouvements de fonds entrant et sortant pour plus de 20 millions d'euros à la AD.Private Bank et à hauteur de 11.478.000 euros en fonds entrants et de 10.919.700 euros en fonds sortants pour les mois de septembre à décembre 2006 à la Banque Populaire de la Côte d'Azur.

Le SICCFIN relevait également que :

  • l'activité de la SCS A.et Cie s'insérait dans le domaine des composants électroniques et matériels informatiques sensible au « carrousel de TVA », avec un développement très rapide du chiffre d'affaires déclaré,

  • les mouvements enregistrés sur les comptes intervenaient entre des sociétés de droit français pour les fonds entrants et des sociétés de droit français ayant toutes leurs comptes à Hong Kong pour les fonds sortants, ce qui était de nature à susciter des interrogations quant au rôle que cette société pourrait remplir à titre de société « écran » ou de « passage » dans un mécanisme organisé de type « carrousel de TVA ».

L'enquête dont était saisie la Direction de la Sûreté publique à la demande du Procureur Général, établissait le 12 février 2007 que notamment, dans la seule journée du 1er au 2 février 2007, le compte ouvert par la SCS A.dans les livres de la Banque Populaire avait été débité pour plus de 500.000 euros.

Le même jour le Ministère Public requérait l'ouverture d'une information contre X... du chef d'escroqueries et recel d'escroqueries et le blocage du compte dont était titulaire cette société auprès de la J.

Ce blocage intervenait le 14 février 2007, alors que le compte était créditeur de la somme de 477.828,67 euros, sous réserve d'un encours de carte bancaire d'un montant de 634 euros.

L'enquête menée sur commission rogatoire établissait que l. A. s'occupait de la partie administrative tandis que g. B. avait en charge la partie commerciale de la société.

Selon les associés, le fonctionnement commercial de cette société s'organisait ainsi :

  • les flux commerciaux consistaient pour une société cliente, domiciliée en région parisienne, à commander des composants informatiques à la société de droit monégasque, laquelle demandait à un transporteur d'enlever la marchandise chez un fournisseur qui se trouvait également en région parisienne pour la livrer au client,

  • les flux financiers consistaient à recevoir dans un premier temps les fonds des clients en provenance de banques situées en France, puis, dès leur réception, à régler les fournisseurs sur leurs comptes ouverts à Hong Kong.

La perquisition réalisée dans les locaux de cette société permettait notamment la mise sous scellés de divers matériels informatiques, ainsi que d'une clé de voiture et d'un certificat d'immatriculation établi au nom de la SCS A.afférents à un véhicule Porsche.

Étaient également saisis les coordonnées bancaires et un code d'accès confidentiel pour un compte bancaire ouvert à la banque K.de Hong Kong, au nom d o. C.

Lors de ses auditions par les services de police, l. A. déclarait être associé gérant commandité, avoir apporté 80% du capital social soit 25.000 euros pour la création de la société, laquelle limitait son activité à faire du commerce de produits informatiques.

g. B. déclarait pour sa part être associé commanditaire de la même société et être en charge de la partie commerciale de l'activité de la société dont il avait eu l'initiative de la création et en être le moteur.

Son travail consistait à réceptionner la commande du client, à la répercuter sur le fournisseur et, dès le paiement du prix par le client, lequel intervenait souvent avant la fourniture du produit, il réglait le fournisseur par virement à Hong Kong.

Une fois réglé par lui, le fournisseur autorisait l'enlèvement de la marchandise qui intervenait à la demande du transporteur qui avait été missionné à cette fin par lui-même.

Les règlements des clients étaient réalisés TTC.

Ce système présentait l'avantage, selon lui, de ne pas avoir de stock à gérer, le bénéfice de la société étant constitué par un pourcentage qu'elle prélevait sur la valeur des transactions réalisées.

Présentés devant le juge d'instruction le 17 février 2007, g. B. et l. A. étaient inculpés du chef d'escroqueries et recel d'escroqueries, g. B. était incarcéré.

Il avait déjà précisé aux enquêteurs qu o. C. qu'il avait connu en 2003-2004 en tant que responsable commercial d'une société L. basée à Paris et spécialisée dans le négoce de produits informatiques, les aidait à titre gracieux en cas d'augmentation ponctuelle de l'activité de la SCS A. et qu'il envisageait avec l. A. de l'embaucher dans la société le moment venu car il leur avait apporté son expérience et ses connaissances.

Le 10 avril 2007 le magistrat instructeur inculpait g. B. de manière supplétive de faux et usage dès lors qu'il apparaissait que les documents commerciaux (commandes et factures) découverts, étaient pour partie destinés à couvrir des transactions fictives, et de blanchiment puisque les agissements ainsi constitués permettaient la dissimulation de biens et capitaux illicites dans le cadre d'une activité organisée au moins pour ceux commis après le 10 novembre 2006.

Le 13 avril 2007 le Procureur Général requérait supplétivement contre X... du chef de tentatives d'escroqueries par faux ordres de virement (87.438,94 euros, 73.741,14 euros et 94.315,60 euros commis à Monaco le 1er mars 2007 au préjudice de la SCS A., ce qui a donné lieu à la délivrance par le juge d'instruction d'une commission rogatoire complémentaire le 16 avril 2007.

Les 18 et 26 avril 2007, g. B. adressait au juge d'instruction deux lettres reprenant les termes de son audition antérieure en insistant sur le rôle marginal qui lui était, selon lui, dévolu au sein de la société dès lors qu'il n'agissait que sur ordre d o. C. et qu'il était démuni de tout pouvoir d'initiative au sein de cette société.

Il expliquait notamment qu o. C. n'avait pas voulu apparaître nommément au sein de la SCS A. au motif qu'il était salarié d'une société L.dont l'activité était concurrente et qu'il risquait ainsi de se voir reprocher des faits de concurrence déloyale.

Le 7 mai 2007 le juge d'instruction recevait une lettre du nommé o. C.lequel, sans indiquer son adresse, cherchait à exonérer g. B. des charges pesant à son encontre.

Ce document était accompagné d'une clef USB qui a fait l'objet du scellé numéro 1 du juge d'instruction.

L'exploitation des disques durs des deux ordinateurs, fixes et portables, saisis dans les locaux de la SCS A. a permis de réaliser la retranscription sous format Word des conversations « chat » de type « Skype » qu'ils contenaient.

Sur le fondement de ces documents g. B. a été réentendu le 1er juin 2007, aux fins de préciser l'étendue du rôle qui était le sien au sein de la société.

Le 14 juin 2007 le rapport d'expertise informatique afférent à l'analyse de la clef USB était déposé et l. A. était de nouveau entendu le 14 septembre 2007.

Le 5 octobre 2007 le juge d'instruction procédait à la confrontation des deux inculpés, ses premières investigations ayant fait apparaître que :

  • la SCS A. s'insère manifestement dans des circuits de facturation frauduleux où elle pourrait jouer le rôle d'écran (ou fusible) destiné à protéger les bénéficiaires de la fraude et s'inscrire dans un mécanisme d'escroquerie à la TVA,

  • o. C. est animateur de la SARL M.et gérant statutaire de la SARL L. deux sociétés impliquées dans ce carrousel ; il a un rôle important dans la création et le fonctionnement du circuit frauduleux,

  • les fournisseurs de la SCS A.paraissent tous présenter les mêmes caractéristiques, à savoir un siège social établi à une adresse de domiciliation commerciale, des volumes très importants de marchandises facturées sur une courte période, ainsi qu'une absence de salariés, de lieux de stockage et de comptes bancaires en France, ces derniers étant ouverts à Hong Kong,

  • l'identité du représentant de l'une de ces sociétés, N.est fausse, son véritable gérant n'a pas été identifié et sa comptabilité fait apparaître un seul client qui n'est pas la SCS A. alors qu'elle a pourtant perçu des virements supérieurs à une somme de 21 millions d'euros de cette société sur un compte ouvert à Hong Kong,

  • les montants des factures des fournisseurs reportés dans les tableaux Excel découverts dans le disque de l'ordinateur de bureau de la société, ne correspondent pas exactement à ceux figurant sur les factures saisies,

  • plusieurs virements au débit ou au crédit mentionnés par les tableaux n'ont pas été retrouvés sur les relevés bancaires,

  • les nombreuses annotations et la présentation des tableaux Excel paraissent traduire un soin particulier à concilier des opérations fonds reçus /fonds envoyés ; il n'y a pas consolidation des fonds reçus pour régler les factures des fournisseurs au gré des besoins de trésorerie mais affectation précise d'un montant reçu d'un client précis à un fournisseur précis,

  • du papier à en-tête vierge de certains fournisseurs O. P. Q. et R. a été découvert lors de l'exploitation du disque dur de la société A.

  • les flux financiers observés sur les comptes de cette société sont identiques à ceux observés sur les comptes d'une société S. dans laquelle sont impliqués o. C. et g. B. ces deux sociétés ayant les mêmes clients et les mêmes fournisseurs, ce qui tendrait à démontrer qu'un autre circuit impliquant les mêmes sociétés a été mis en place en France par ces derniers,

  • la SCS A. est facturée par des sociétés françaises, membres du carrousel, soi-disant fournisseurs, puis refacturée à l'identique avec une marge de 1% à d'autres sociétés françaises soi-disant clients, sans que les produits prétendument négociés ne passent jamais par Monaco où la dite société ne possède aucune installation matérielle de stockage,

  • du mois d'avril 2006 au mois de février 2007, la SCS A. aurait ainsi servi d'intermédiaire entre sept clients et huit fournisseurs français, permettant, en sa qualité de point de fuite du carrousel, l'exportation du produit d'une escroquerie pouvant être estimée à la somme de 39 millions d'euros, virés sur des comptes ouverts à Hong Kong.

Les commissions rogatoires internationales délivrées par le juge d'instruction à ses homologues des tribunaux de grande instance de MEAUX, BOBIGNY et EVRY décortiquent le mécanisme et l'étendue du circuit de carrousel de TVA impliquant la SCS A. sous la qualification « d'écran d'écran » ou « fusible » délocalisée à Monaco dans le but de rendre plus complexe l'obtention des factures permettant de mettre à jour l'existence des ventes à perte.

Elles démontrent encore que :

  • la quasi-totalité des sociétés, fournisseurs et clients sont défaillantes à la TVA,

  • les nombreux dysfonctionnements et incohérences économiques de la SCS A. tels que ventes à perte, délai de quelques heures seulement entre la commande passée aux fournisseurs et la livraison au client, absence de service apporté par rapport au fournisseur, marge commerciale de 1% non viable économiquement, absence de livraison à Monaco des marchandises achetées par la société, absence de moyens humains et matériels,

  • les liens étroits entre o. C. et les dirigeants de certaines de ces entreprises, ainsi que ses voyages en Israël, pays d'origine de la plupart de ces derniers et à Hong Kong où il est titulaire d'un compte bancaire,

  • le numéro de téléphone attribué à la SCS A. était utilisé par o. C.

Au retour de ces commissions rogatoires, l'audition de g. B. par le juge d'instruction a été réalisée en deux temps :

  • une première fois le 28 novembre 2007, à sa demande, ce dernier entendant contester le contenu des charges pesant à son encontre et portant notamment sur l'établissement de fausses factures couvrant des transactions fictives,

  • la seconde fois, le 7 décembre 2007, à l'initiative du magistrat instructeur pour lui donner connaissance du contenu de ces commissions rogatoires.

C'est ainsi qu'invité à s'expliquer sur les caractéristiques atypiques des sociétés entretenant des relations commerciales avec la SCS A. les sociétés T. de Champs-sur-Marne (77), O. de Torcy (77), U. de Bobigny (93), V. au Pré Saint-Gervais (93) et la société W. g. B. a déclaré ne pas savoir que le fonctionnement de ces sociétés était fictif et s'être contenté d'exécuter les ordres que lui donnait o. C.

Il ne pouvait pas davantage justifier que l'ordinateur de la SCS A. contienne un exemplaire informatique du papier à en-tête des sociétés O.et U. notamment.

Dans une plainte en date du 2 juillet 2008 le Directeur des services fiscaux de la Principauté exposait que l'organisation du réseau frauduleux auquel participe la société A. repose :

  • sur des structures commerciales établies en France (les fournisseurs) dépourvues de toute activité économique réelle et dont l'objet consiste exclusivement à émettre des facturations génératrices de TVA dont le produit n'est pas réservé au Trésor Public français,

  • sur une structure commerciale établie à Monaco dont l'objet consiste, d'une part, à assurer le transfert de droits à déduction au profit de clients également établis en France et, d'autre part, à détourner le produit de la fraude (TVA non réservée en amont par les fournisseurs) sur des comptes ouverts à l'étranger, tout en permettant de manière concomitante d'organiser l'insolvabilité desdits fournisseurs,

  • sur un réseau de clients bénéficiant, à raison de leur participation à cette chaîne, de droits à déduction supplémentaires conduisant, soit à une situation créditrice associée à des demandes en restitution de TVA, soit à une réduction de TVA nette payée,

À travers cette plainte il était relevé que le caractère délibéré de la participation de la SCS A. à cette chaîne frauduleuse résulte :

  • d'anormalités particulièrement marquées dans les relations avec les fournisseurs,

  • des circuits de facturation ne traduisant aucune activité économique réelle,

  • des circuits financiers dont le seul objet est d'assurer le détournement du produit de la fraude ainsi que l'insolvabilité des opérateurs concernés.

Au vu de ces éléments, des réquisitions supplétives du chef de soustraction frauduleuse au paiement de l'impôt et de complicité de ce délit ont été transmises au juge d'instruction le 28 août 2008.

o. C. a fait l'objet d'un mandat d'arrêt international délivré par le magistrat instructeur le 14 décembre 2007 et a été placé sous écrou extraditionnel par les autorités judiciaires espagnoles le 12 mars 2008.

Il a été extradé vers la Principauté le 19 février 2009 et inculpé d'escroquerie, recel d'escroquerie, faux et usage de faux, blanchiment, tentatives d'escroquerie, complicité de soustraction frauduleuse au paiement de l'impôt et placé en détention provisoire le même jour.

Sa position peut être exposée de la manière suivante :

  • il reconnaît son entière responsabilité dans les opérations effectuées par la SCS A. en soutenant qu'elles ne présentaient aucun caractère illicite,

  • il a choisi de s'installer à Monaco, d'une part, à cause de l'efficacité et de la rapidité des banques monégasques par rapport à celle des banques françaises, d'autre part, pour des raisons fiscales, la taxe sur le chiffre d'affaires n'existant pas à Monaco,

  • la SCS A. agissait en tant que grossiste à l'égard des distributeurs auxquels elle vendait des produits à des prix très avantageux car elle se fournissait par quantités très importantes,

  • les atouts de cette société se trouvaient dans la grande diversité des produits présentés, l'application d'un tarif calculé au jour le jour en fonction de l'évolution des cours du marché, ainsi que dans la rapidité des livraisons, une marchandise commandée avant 16 heures étant nécessairement livrée le lendemain avant midi,

  • il se livrait à des contrôles méticuleux pour s'assurer du sérieux et de la probité de ses fournisseurs et de ses clients, ces derniers étant des petits revendeurs, boutiques informatiques, grandes et moyennes surfaces et sites de e-commerce, comme X. ou Y.

  • il est surpris par l'enquête des services fiscaux estimant que la SCS A. traitait presque exclusivement avec des fournisseurs et des clients convaincus de fraude, lesdits clients ne s'approvisionnant qu'auprès de fournisseurs se trouvant pour la plupart en opposition à contrôle fiscal,

  • la SCS A. avait une véritable finalité économique et commerciale de trading, à savoir l'achat revente avec une faible marge de gros volumes de produits de grande consommation non périssables,

o. C. a constamment maintenu cette position, notamment lorsque le juge d'instruction lui a fait observer que la logique économique et commerciale d'une telle activité semblait incompatible avec les particularités qu'il défendait, ainsi qu'avec des flux financiers très importants et très rapides.

Les confrontations organisées entre les trois inculpés ont permis de préciser les conditions dans lesquelles ils s'étaient rencontrés avant de participer à l'activité de la SCS A. o. C. répétant que la création de cette dernière, intervenue à la même époque que celle d'autres sociétés où il exerçait également des responsabilités, ne se rapportait pas à la mise en place d'un circuit frauduleux.

La participation de l'expert-comptable de la société A. à l'une de ces confrontations a établi que celui-ci, qui s'est déclaré surpris par les poursuites engagées, n'imaginait pas que cette société pouvait être impliquée dans un carrousel de TVA.

Lors d'une ultime audition o. C. s'est expliqué plus avant, précisant que s'il n'avait rien dit auparavant c'est parce qu'il avait peur des représailles pour lui et sa famille.

Il donnait les noms des instigateurs du réseau, précisant qu'il se décomposait en deux groupes, celui de AB. et celui de AC. installés en Israël.

Pour ce qui le concerne il n'aurait eu qu'un rôle d'exécutant et il en aurait été de même pour g. B. et l. A.

Ces derniers ont également livré leur dernière version, savoir pour g. B. qu'il n'aurait jamais été au courant de ce qu'a pu révéler o. C.sur l'existence des deux groupes ; quant à l. A. il a confirmé n'être au courant de rien, en lisant le dossier « il croyait lire un roman ! ».

L'absence de o. C. à l'audience de la Cour, sans motif précis, n'a pas permis que lui soit posé un certain nombre de questions de nature à éclairer plus avant la juridiction sur son implication dans cette affaire.

Il en a été de même pour g. B. qui, lui aussi, a estimé devoir se faire représenter par son avocat.

Par conclusions déposées à l'audience du 4 février 2013, le conseil de l'État de Monaco, partie civile, demande à la Cour de :

  • déclarer les prévenus coupables des faits qui leur sont reprochés,

  • statuer ce que de droit sur les peines pénales,

sur l'action civile :

  • confirmer le jugement querellé et condamner solidairement g. B., o. C. et l. A. à payer à l'État de Monaco la somme de 6.444.196 euros avec intérêts au taux légal.

Par conclusions déposées à l'audience du 4 février 2013, le conseil de l. A. a demandé à la Cour :

IN LIMINE LITIS et à titre principal :

  • de confirmer l'annulation de tous les procès-verbaux d'audition de « témoin » de l. A. en date du 16 février 2007 (D71 à D74), pour violation des droits de la défense, des principes de présomption d'innocence et du procès équitable, des dispositions du traité de New York en date du 16 décembre 1966 exécutoire à Monaco ainsi que des dispositions des articles 166, 207 et 212 du Code de procédure pénale,

  • de prononcer, avec toutes conséquences de droit, la nullité du procès-verbal de première comparution de l. A. en date du 17 février 2007 (D80) et dire qu'elle s'étend à tous les actes d'instruction subséquents pour violation des droits de la défense, des principes de présomption d'innocence et du procès équitable, des dispositions du traité de New York en date du 16 décembre 1966 exécutoire Monaco (en particulier l'article 14) ainsi que des dispositions des articles 166, 207 et 212 du Code de procédure pénale,

  • de déclarer irrégulier l'avis de vérification du 22 janvier 2007 ainsi que la notification de redressement du 23 octobre 2007 en relevant qu'ils ne peuvent servir à quelques poursuites que ce soit, avec toutes conséquences de droit,

  • de déclarer nuls tous les actes de procédure fondés sur cet avis de vérification, la notification de redressement du 23 octobre 2007 et l'assistance administrative obtenue de manière irrégulière par les autorités monégasques auprès des autorités françaises, en ce compris l'ordonnance de non-lieu partiel, de requalification et de renvoi devant le tribunal correctionnel du 10 août 2011 y faisant expressément référence,

  • de prononcer dès lors la nullité de tous les actes de la procédure en ce qui concerne l. A. et le renvoyer des chefs de toute poursuite,

  • de déclarer, en tout état de cause, irrégulière et inopposable à l. A. la procédure d'instruction, avec toutes conséquences de droit,

  • de prononcer la nullité de l'exploit de citation à prévenu du 22 octobre 2012 et du jugement déféré.

À titre subsidiaire :

  • de constater qu'aucun élément intentionnel ne peut être retenu à l'encontre de l. A.

  • de dire et juger que les éléments constitutifs du délit d'escroquerie à la TVA ou de tentative ne sont pas réunis et notamment qu'aucune manœuvre ou intention frauduleuse ne peut être retenue à l'encontre de l. A.

  • de constater qu'aucun délit de fraude à la TVA n'est établi,

  • d'entrer en voie de relaxe pure et simple, sans peine ni dépens,

  • de dire et juger qu'en tout état de cause l. A. doit bénéficier des plus larges circonstances atténuantes tirées de sa qualité de délinquant primaire.

Sur l'action civile :

  • de constater que l'État de Monaco ne justifie d'aucun dommage,

  • de déclarer irrégulière, avec toutes conséquences de droit, la constitution de partie civile de l'État de Monaco,

  • de le débouter en conséquence de toutes ses demandes fins et conclusions.

Suivant conclusions ne contenant aucun dispositif et déposées à l'audience, le conseil de g. B. demande en substance à la Cour :

  • de prononcer la nullité de l'entière procédure et notamment des auditions successives de g. B. tenant la violation des droits de la défense en général et des articles 5 et 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ainsi que de l'article 166 du Code de procédure pénale,

Par conclusions également déposées à l'audience, le conseil d o. C. demande à la Cour de :

  • constater la violation de l'article 214 du Code de procédure pénale,

  • dire et juger que le Tribunal correctionnel a statué en l'état de deux ordonnances de renvoi nulles et qu'en conséquence son jugement est entaché de nullité.

À l'audience fixée pour l'examen de l'affaire l'avocat de la partie civile a développé ses conclusions en invitant la Cour à rejeter les exceptions de nullité, sauf celle afférente à la nullité des procès-verbaux d'audition de l. A. et g. B. devant les services de police.

Le Ministère public a requis pour sa part le rejet des exceptions de nullité et la jonction des incidents au fond.

Les avocats de la défense ont développé les moyens contenus dans leurs conclusions.

La Cour a décidé de joindre les incidents de procédure au fond.

SUR CE :

A/ Sur l'action publique :

Attendu que l. A. a comparu en personne, assisté de ses conseils.

Que g. B. et o. C. ont été régulièrement représentés devant la Cour par leurs avocats défenseurs respectifs, les conseils français de g. B. et l. A. ayant été autorisés à plaider par Monsieur le Président ;

Attendu qu'il sera en conséquence statué contradictoirement à l'égard de tous les prévenus ;

1/ Sur la procédure :

a) Sur les moyens de nullité soulevés « in limine litis » par l. A. :

  • La nullité de la citation à prévenu du 22 octobre 2012 :

Attendu que c'est justement que l. A.fait observer que cette citation mentionne, entre autre, qu'il aurait été condamné à la peine d'un an d'emprisonnement alors pourtant qu'aux termes du jugement entrepris il a été condamné à la peine de 18 mois d'emprisonnement avec sursis ;

Que, pour lui, cet acte ne saurait produire le moindre effet et ne pourra qu'être déclaré nul ;

Que l'article 369 du Code de procédure pénale dispose que :

« l'exploit de citation doit contenir, à peine de nullité :

1- la date des jours, mois et an,

2- la désignation précise de la partie requérante,

3- le nom et, si possible les prénoms, profession du prévenu, sa demeure,

4- l'indication des jours, heures et lieux de la comparution,

5- la mention de la personne à laquelle la copie de l'exploit est laissée,

6- l'énoncé des faits imputés au prévenu et l'indication précise des textes sur lesquels la poursuite est fondée,

7- les noms, demeure et signature de l'huissier. »

Attendu qu'il ressort de la citation litigieuse qu'elle contient un énoncé incorrect puisque l. A. est renvoyé devant la Cour en l'état d'un appel, interjeté par ses soins, d'une décision l'ayant condamné à une peine erronée ;

Mais attendu que la mention erronée ne figure pas au nombre de celles visées par l'article 369 du Code de procédure pénale précité et ne saurait, de surcroît, être considérée comme une disposition substantielle susceptible d'entraîner la nullité de l'acte dont s'agit ;

Que l'article 456 du Code de procédure pénale définissant comme substantielles les formes prescrites pour garantir les droits de la défense et l'article 207 du même code sanctionnant de la nullité leur violation, ne lui sont pas applicables ;

Qu'ainsi ce premier moyen de nullité est en voie de rejet ;

  • * La nullité des procès-verbaux de police du 16 février 2007 (D71 à D74) :

Attendu que c'est à juste titre que le tribunal a annulé les procès-verbaux d'audition de l. A. par la police, intervenus dans des conditions violant incontestablement les droits de la défense, puisqu'interrogé sous un régime de privation de liberté, sous la foi du serment, sans l'assistance d'un avocat ; même s'il ne s'est jamais auto incriminé, contestant dès sa première audition et jusqu'à l'issue de l'information les faits qui lui étaient reprochés ;

Attendu qu'effectivement à la date des actes incriminés, le Pacte relatif aux droits civils et politiques signé à New York le 16 décembre 1966 était régulièrement applicable pour avoir été rendu exécutoire en Principauté par l'Ordonnance Souveraine numéro 13.330 du 12 février 1998 ;

Attendu que l'article 14 paragraphe 3 de ce Pacte dispose que « toute personne accusée d'une infraction pénale a droit.... à ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s'avouer coupable » ;

Attendu que l'expression « personne accusée » doit s'attacher à une personne sérieusement suspectée d'avoir commis une infraction pénale en raison d'indices graves et concordants rassemblés contre elle ;

Attendu qu'au cas particulier les auditions de l. A. réalisées sous serment, ont dès lors été recueillies en violation des dispositions de l'article 14 paragraphe 3 du Pacte susvisé ;

Qu'ainsi l'annulation des procès-verbaux d'audition de l. A. par la police, antérieurs à sa comparution devant le juge d'instruction, sera confirmée sans qu'il y ait lieu toutefois à étendre cette nullité aux actes d'information postérieurs dont ils ne sont pas le support nécessaire ;

  • * La nullité du procès-verbal de première comparution (D 80) :

Attendu que c'est en contradiction avec les énonciations de ce procès-verbal que l. A. soutient que le juge d'instruction ne l'aurait pas informé, de façon détaillée, de la nature et des motifs de l'accusation portée contre lui et l'aurait qualifié d'inculpé portant ainsi atteinte à la présomption d'innocence ;

Que cette situation aurait été particulièrement préjudiciable à ses intérêts alors et surtout de plus fort que des questions lui auraient été posées au cours de cet interrogatoire de première comparution, en violation des dispositions de l'article 166 du Code de procédure pénale ;

Mais attendu, comme l'a justement retenu le Tribunal, qu'il n'est nullement démontré que cet article aurait été violé alors qu'il résulte des mentions du procès-verbal litigieux que le juge d'instruction lui a fait connaître ce dont il était inculpé (escroquerie et recel d'escroquerie à ce stade de la procédure) sans qu'il ne prétende ignorer les raisons de son défèrement et ne pas comprendre les qualifications retenues à son encontre ;

Attendu en outre que l'article 166 précité ne sanctionne pas - par la nullité - cette omission et que cette sanction ne saurait, en vertu de l'article 207 du même code, être prononcée qu'en ce qu'elle constitue une violation des dispositions substantielles du titre du Code de procédure pénale consacré à l'instruction ; qu'il n'est pas indiqué audit article 166 que le procès-verbal doit contenir mention expresse que le juge a informé l'inculpé des faits qu'on lui reproche ;

Qu'il suffit donc que cette information existe et il appartient à la Cour, au-delà des seules mentions du procès-verbal, de s'assurer de la réalité de cette information ;

Que dans ce contexte, au cas particulier, il apparaît que l. A. nonobstant l'absence de mention expresse dans le procès-verbal du 17 février 2007, avait bien été informé par le magistrat instructeur des faits qui lui étaient imputés ;

Qu'en effet :

  • le juge d'instruction lui a formellement indiqué qu'il s'agissait de faits d'escroquerie et de recel d'escroquerie,

  • il a fait des déclarations spontanées telles que « j'ai pris conscience que g. B. m'avait amené dans une société particulière... j'ai à présent réalisé la gravité des faits », desquelles peut se déduire que le juge l'avait effectivement mis au courant des faits en cause.

Attendu d'ailleurs, qu'à aucun moment jusqu'à l'audience de jugement, l. A. n'a soutenu que lorsqu'il avait été entendu par le juge d'instruction le 17 février 2007 et inculpé d'escroquerie et de recel d'escroquerie, il avait été laissé dans l'ignorance des faits qui lui étaient précisément imputés ;

Attendu qu'il résulte de ces éléments que l. A. a été dûment informé de la consistance des faits d'escroquerie et de recel d'escroquerie à raison desquels l'information a été initialement ouverte et sur lesquels il s'est expliqué ;

Qu'aucune violation des droits de la défense n'apparaît ainsi avoir été commise et en l'état l'exception de nullité régulièrement soulevée devant le tribunal et reprise, avant toute défense au fond devant la Cour, doit en conséquence être rejetée et le jugement confirmé de ce chef ;

Que d'autre part selon la thèse de l. A. la mention « SI » (sur interpellation) qui apparaît sur le procès-verbal fait manifestement suite à des questions posées et ainsi l'article 166 du Code de procédure pénale a bien été violé puisque selon cet article, le juge ne peut, lors de l'interrogatoire de première comparution, que recevoir les déclarations de l'inculpé après l'avoir averti - sous peine de nullité - qu'il est libre de ne pas en faire ;

Mais attendu que le procès-verbal litigieux mentionne encore que l'avertissement prévu à l'article 166 du Code de procédure pénale a bien été donné à l. A. et il n'est pas avéré que des questions lui auraient été posées ;

Qu'effectivement, comme l'a justement relevé le Tribunal, la mention « SI » inscrite sur le procès-verbal dont s'agit, ne signifie pas en elle-même qu'une autre question que celle tendant à lui demander s'il souhaitait faire des déclarations, a été posée ;

Qu'il n'est pas démontré par la seule mention «SI » sur le procès-verbal que le juge a procédé par voie de questions et de réponses de nature à engager la responsabilité pénale du prévenu ;

Attendu d'ailleurs que la teneur des déclarations faites laisse plutôt penser à une déclaration spontanée qu'à une réponse à un questionnement ;

Qu'en effet l'examen exégétique de la réponse faite par l'inculpé et la teneur de celle-ci ne permettent pas de déduire la nature de l'éventuelle question posée par le magistrat instructeur ;

Qu'ainsi l. A. ne saurait soutenir utilement que le juge d'instruction ne se serait pas limité à recevoir ses déclarations spontanées mais se serait livré à un véritable interrogatoire de fond en lui posant des questions précises de nature à engager directement sa responsabilité pénale, ce qui constituerait une violation des droits de la défense ;

Attendu qu'en l'espèce l'audition de l. A. ne saurait donc être considérée comme un véritable interrogatoire ayant notamment pour but de rechercher et d'établir la vérité par les déclarations de l'inculpé lui-même ;

Qu'enfin et comme l'a très justement décidé le Tribunal, le qualificatif d'inculpé, au stade de la première comparution, ne saurait porter atteinte à la présomption d'innocence puisque par définition, un inculpé est présumé tel ;

b) Sur les autres moyens de nullité :

  • Les nullités tirées des violations de la convention fiscale Franco-Monégasque du 18 mai 1963 :

Attendu qu'il est constant que les exceptions de nullité doivent être présentées avant toute défense au fond à peine d'irrecevabilité ;

Qu'en cas de défense au fond devant le Tribunal, les exceptions de nullité ne peuvent être invoquées pour la première fois en cause d'appel ;

Attendu qu'au cas particulier il ne saurait être contesté que le moyen de nullité tiré des violations de la convention fiscale franco-monégasque n'a pas été soulevé avant toute défense au fond devant les premiers juges, étant d'ailleurs précisé qu'un tel moyen n'a même pas été soulevé du tout, seules les nullités sus évoquées ayant été soulevées avant que l. A. aborde le fond de sa défense ;

Attendu en conséquence que ce moyen ne sera pas examiné par la Cour, motif pris de ce qu'il est irrecevable ;

c) Sur les moyens de nullité soulevés par g. B. :

Attendu que ce dernier soutient « in limine litis » des moyens identiques, même s'ils sont exprimés différemment, à ceux de l. A. ainsi que cela avait d'ailleurs été le cas en première instance ;

Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer tout d'abord la décision du Tribunal afférente à l'annulation des procès-verbal d'audition devant les services de police (D79) antérieurs à sa comparution devant le juge d'instruction et de dire n'y avoir lieu d'étendre cette nullité aux actes d'information postérieurs comme n'en étant pas le support nécessaire et tenant le fait que g. B. tout comme l. A. ne s'est en aucune façon auto-incriminé puisque n'ayant eu de cesse de nier la commission de toute infraction ;

Qu'il échet encore de confirmer le jugement querellé pour les mêmes motifs que ceux énoncés pour rejeter les moyens soulevés par l. A. concernant l'annulation du procès-verbal de première comparution et de l'ensemble des actes de procédure postérieurs ;

Attendu que concernant plus précisément l'imputation des faits reprochés, il ne saurait être contesté qu'en faisant connaître à g. B. qu'il l'inculpait d'escroquerie et de recel d'escroquerie, faits prévus et réprimés par les articles 330 et 339 du Code pénal, ce qui était de nature à lui permettre de s'expliquer, ainsi qu'il l'a fait spontanément en exprimant au juge d'instruction qu'il avait bien compris les termes de l'inculpation, le magistrat instructeur a satisfait aux prescriptions légales de l'article 166 du Code de procédure pénale qui n'exigent pas que soient consignées dans le procès-verbal de première comparution les circonstances qui motivent l'inculpation ;

d) Sur le moyen de nullité soulevé par o. C. :

Attendu que ce moyen est irrecevable pour être soulevé pour la première fois en cause d'appel ;

Attendu que devant le Tribunal o. C. n'a soulevé aucune exception et a directement abordé le fond, il n'est donc plus habile à soulever quelque moyen de nullité que ce soit, même « in limine litis », devant la Cour ;

Que ce moyen est en conséquence en voie de rejet ;

2/ Sur le fond :

Attendu que la Cour observe liminairement, avant tout développement ultérieur, qu'il appert des éléments objectifs du dossier qu'en quatre mois d'activité le compte de la SCS A. ouvert auprès de la AD. Monaco le 20 avril 2006 recevait déjà plus de 20 millions d'euros de trois de ses clients, les sociétés françaises W. V. et T. dont le fonctionnement était fictif ainsi que l'ont révélé les commissions rogatoires du magistrat instructeur ;

Que ces sommes, diminuées de la marge commerciale de 1 voire 2% pratiquée sur les biens vendus, étaient ensuite rapidement transférées vers les comptes fournisseurs de la SCS A. tous ouverts auprès de la AD. de Hong Kong, bien que détenus par des personnes morales françaises, savoir notamment les sociétés O. EURL, N. Ltd et Q. toutes fictives, sans activité réelle et inscrites dans un circuit frauduleux visant à éluder la TVA ainsi que cela résulte des rapports de synthèse d'exécution des commissions rogatoires internationales (D556, D639, D759) ;

Attendu que l'information a notamment révélé que la société T. cliente de la société A. s'est vu facturer 887.000 euros par cette dernière entre juin 2006 et janvier 2007, ses fournisseurs étant soit des officines de facturation, soit de simples écrans dans les circuits de facturation ;

Qu'il en est de même pour la société O. à Torcy, laquelle ne disposait d'aucun moyen humain et matériel, s'agissant d'une société taxi ;

Attendu qu'il est ainsi clairement apparu que le rôle de la SCS A. a été celui d'une société « écran » dans un mécanisme d'escroquerie à la TVA (« carrousel européen de TVA ») ;

Qu'en effet cette société était facturée par des sociétés françaises membres du carrousel, soi-disant « fournisseurs » puis refacturait à l'identique, avec une marge de 1%, à d'autres sociétés françaises, soit-disant « clients », sans que les produits prétendument négociés passent jamais par Monaco, où la société ne possédait d'ailleurs aucune installation physique, ni de stockage, les locaux pouvant être considérés comme un appartement de passage ;

Attendu que cette déconnexion entre facturation et flux de marchandises liée à l'impossibilité matérielle à laquelle se trouvait confrontée la SCS A. de faire venir de France (région parisienne en général) de la marchandise sur Monaco pour la faire livrer le même jour sur la région parisienne en passant par l'intermédiaire d'une société française, n'a pas de justification autre que de constituer des sociétés « écran » dans un schéma de carrousel de TVA ;

Que d'ailleurs j. AE. qui travaillait en qualité de commerciale chez la société T. au moment des faits dont la Cour est saisie, a déclaré in fine de son audition en garde à vue, qu'outre le fait qu o. C. était le seul et unique responsable et interlocuteur de la SCS A. aucune marchandise n'était jamais venue de cette société, sa facturation étant un montage fictif ;

Attendu que pour caractériser ce mécanisme les enquêteurs ont notamment relevé pour les sociétés Q. O. et T. toutes inactives au moment des opérations de vérification, par le rapprochement des factures clients et fournisseurs de la SCS A. que les dates des factures clients et fournisseurs saisies au siège de cette société étaient presque toujours du même jour à l'exception de quelques opérations pour lesquelles les dates de facturation par la SCS A. étaient antérieures aux dates d'achat par cette société à son fournisseur, ce qui dénote une certaine incohérence que les prévenus n'ont d'ailleurs jamais expliquée ;

Attendu en définitive que l'information a fait apparaître que la SCS A. insérée dans un circuit de facturation frauduleux, était l'entité dans laquelle les flux financiers de ce circuit étaient transférés vers Hong Kong pour un montant de 39 millions d'euros ;

Que les dirigeants de droit, savoir g. B.et l A. et de fait, en l'occurrence C.ne pouvaient ignorer cet état de chose et le caractère frauduleux de l'activité à laquelle ils se livraient ;

Attendu qu'il convient en l'état d'examiner leurs responsabilités respectives à l'aune des éléments du dossier ;

a) Sur la responsabilité pénale d o. C. :

Attendu qu'il n'est encore pas inutile d'observer avant tout autre développement, qu'après avoir tergiversé, C. a reconnu sa participation tout en soulignant qu'il pensait ne rien faire d'illégal, « sa naïveté aurait été flouée par sa cupidité » ;

Qu'il a minimisé les rôles de B. et A. qui n'étaient, selon lui que de simples exécutants ;

Attendu que comme l'a fort pertinemment relevé le Tribunal, o. C. a reconnu que bien que n'ayant aucun rôle officiel au sein de la SCS A. il était à l'origine de sa création et savait dès le départ quels allaient en être les fournisseurs et les clients et que son action avait été déterminante à tous les niveaux de prise de responsabilité ;

Que lors de son ultime audition par le juge d'instruction, il s'explique et donne les noms des instigateurs du réseau, s'agissant de deux groupes distincts basés en Israël et dirigés pour l'un par un certain d. AC. et pour l'autre par un certain y. AB. ;

Attendu qu'il concède encore s'être placé au service de ces deux groupes, sa mission « était de leur assurer une représentation physique, de s'occuper des encaissements, décaissements et facturations » ;

Attendu que le jugement querellé reprend clairement le rôle de C. dans chacun des deux groupes sans qu'il soit utile de le rappeler ici étant toutefois précisé qu'en sa qualité d'animateur de la SCS A. ce qu'il a écrit au juge d'instruction, il ne pouvait ignorer et pour cause, tout comme ses deux co- prévenus, au demeurant, que leur société était insérée dans un circuit de facturation frauduleux et qu'elle était l'entité dans laquelle les flux financiers de ce circuit étaient transférés vers Hong Kong ;

Qu'il n'a jamais été en mesure d'apporter une réponse rationnelle sur les incohérences mises en évidence par les investigations douanières et nécessairement induites par le mode de fonctionnement de la société, caractérisées par une déconnexion totale des factures fournisseurs et bons de livraison émis avec les flux réels de marchandises ;

Qu'ainsi il n'a pas pu notamment expliquer la raison pour laquelle sur cinq opérations avec la société Q. il est apparu que les dates de facturation par la SCS A. à trois de ses clients savoir, la société W., la société AF. et la société T. étaient antérieures aux dates d'achat par la SCS A. auprès de son fournisseur la société Q. ;

Attendu qu'il apparaît peu crédible lorsqu'il tente de soutenir que s'il a bien été mis en cause dans un certain nombre de fraudes, il l'avait « toujours appris a posteriori, lors des contrôles fiscaux et notamment lors de leurs conclusions » ;

Que les éléments du dossier montrent ses turpitudes, tant lorsque l'on prend connaissance de ses conversations avec g. B. via Skype, ce sur quoi la Cour reviendra lors de l'examen de l'implication de ce dernier, que lorsque l'on examine les lettres de voiture au travers desquelles la SCS A. apparaissait en qualité de donneur d'ordre, transporteur et expéditeur de la marchandise, alors qu'elle était dépourvue de tout moyen matériel et humain pour ce faire ;

Attendu qu'en réalité, comme l'a exposé le Tribunal, o. C. avait demandé au transporteur d'apposer le timbre humide de la société sur ces documents, après avoir ôté de la marchandise tout élément d'identification du fournisseur d'origine ;

Qu'un tel comportement dénote de plus fort, qu'ainsi qu'il l'a déclaré au juge d'instruction, o. C. doit être considéré comme le leader du trio, bien que n'étant pas associé dans la SCS A. ;

Attendu qu'il était très actif dans ce système frauduleux puisque, depuis 2004, toutes les sociétés successives dont il avait été le gérant de droit ou de fait AG. L. AH. ou au sein desquelles il s'était infiltré AI. AJ. AK. AL.) ont été impliquées dans des carrousels de TVA, dès que l'une ou l'autre connaissait des difficultés avec l'administration fiscale ou la justice, il s'en défaisait et transférait son activité sur une structure au fonctionnement identique, avec les mêmes partenaires commerciaux, savoir des sociétés taxi ou liées à ces taxis ;

Attendu qu'il n'est encore pas inutile d'observer que l'ouverture de l'information judiciaire à Monaco et l'incarcération de son co-prévenu g. B. ne l'ont pas dissuadé de persister dans son activité délictuelle puisqu'à la SCS A. il a substitué, en 2007-2008, la société AM. puis la société AN. entités écran par lesquelles continuaient de transiter les flux commerciaux entre les sociétés AO.Technologie et AL. notamment ;

Attendu que ce rôle de leader doit encore être mis en exergue par ses agissements consistant à faxer à la banque de faux ordres de virement accompagnés de factures censées justifier les mouvements de fonds sollicités et ce dans le dessein de tenter de tenir en échec le blocage des comptes de la SCS A. ordonné par le juge d'instruction ;

Que sur ces ordres de virement, élaborés par ses soins, il avait frauduleusement apposé la signature de l. A. préalablement scannée ;

Que ce chef d'inculpation (tentative d'escroquerie) n'est pas vraiment discuté par o. C. qui a reconnu avoir rédigé et faxé à la banque l'ordre de virement, pensant que l. A.n'allait pas le valider ;

Qu'en définitive la Cour se réfère de plus fort aux motifs pertinents du jugement entrepris, quant à la déclaration de culpabilité d o. C. pour confirmer le jugement sur ce point puisque, sans que cela n'ait été utilement contesté, - o. C. n'ayant pas estimé devoir venir s'expliquer devant ses juges -, la seule finalité de la SCS A. était de rejoindre une nébuleuse de sociétés déjà organisée pour commettre des fraudes à la TVA, au sein de laquelle chaque entité avait vocation à disparaître et être remplacée dès la découverte de sa participation à la structure d'ensemble ;

Attendu que les dénégations de C. se trouvent démenties par les éléments du dossier ;

Attendu que le préjudice financier causé à l'État de Monaco s'avère conséquent, la SCS A. ayant indûment déduit de la TVA dont elle était redevable sur son chiffre d'affaires d'environ 39 millions d'euros en 10 mois, TVA prétendument payée à ses fournisseurs ;

Que o. C. n'était pas sans savoir que celle-ci ne serait jamais reversée et ainsi il a permis à ses clients de soustraire cette même TVA de celle que devait supporter leur propres ventes ;

Attendu que comme l'a relevé le Tribunal la fraude s'est révélée particulièrement rentable pour ses auteurs car la marge bénéficiaire de 1% pratiquée a permis à la société d'engranger un profit supérieur à 350.000 euros en moins d'un an, déduction faite de ses charges de fonctionnement particulièrement modestes, et pour cause ;

Qu'ainsi o. C. a pu profiter, dès la fin de l'année 2006, d'une Porsche neuve acquise au nom de la SCS A. ;

Attendu qu'en l'état, au regard de ce qui précède, il est acquis à la conviction de la Cour, que ce prévenu s'est bien rendu coupable de l'ensemble des faits qui lui sont reprochés ;

Qu o. C. a déjà été condamné à trois reprises, que les faits poursuivis sont graves, ont causé un préjudice considérable à l'État de Monaco ;

Qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité ;

Attendu que la peine de 3 ans d'emprisonnement prononcée par le Tribunal constitue une juste application de la loi pénale, tenant les éléments de personnalité précédemment évoqués, lesquels signent un ancrage particulièrement prononcé et durable du prévenu dans la délinquance économique ;

Qu'il convient encore de confirmer le jugement querellé sur la peine, assortie d'un mandat d'arrêt, afin d'assurer son exécution ;

b) Sur la responsabilité pénale de g. B. :

Attendu que l'information a établi qu'il a présenté l. A. à o. C. et qu'il a oeuvré activement à la création de la SCS A. étant observé qu'il travaillait déjà depuis plusieurs années aux côtés d o. C. pour avoir notamment participé au fonctionnement de la société L.et avoir aussi procédé aux formalités administratives nécessaires à la création des sociétés M. et AL. impliquées dans le circuit frauduleux examiné supra ;

Attendu qu'au décès de son père il a repris la SARL AP. S. exerçant le commerce en gros de biens de consommation ;

Qu'il a mis cette société, dépourvue de tous moyens humains et matériels, à la disposition d o. C. qui lui a transféré une partie de l'activité de la SARL L. précisant que « les détournements de clientèle sur cette société passeraient plus inaperçus s'ils étaient répartis sur plusieurs sociétés » ;

Attendu que concernant plus particulièrement la SCS A. il est constant qu'il a eu un rôle déterminant pour persuader l. A. et son comptable AQ. de l'opportunité de créer en Principauté une société destinée en fait à prendre le relais des précédentes structures existant en France ;

Qu'il ne s'est pas ému du fait que le capital social de la société a été apporté, pour l'essentiel, par une société de Hong Kong (société AR., totalement étrangère à l'opération dont s'agit ;

Qu'il ne pouvait pas ne pas être conscient de l'absence de justification économique de l'intervention de la SCS A. en sa qualité d'intermédiaire à Monaco, pour des opérations commerciales se réalisant en région parisienne, pas plus qu'il ne pouvait ignorer le caractère fictif des sociétés commerciales en relation avec la SCS A. alors qu'il établissait lui-même les factures ;

Attendu à ce propos qu'il n'a pas pu expliquer utilement les tableaux saisis qui n'ont, à l'évidence, pas de vocation comptable, mais sont destinés à « faire cadrer » les paiements reçus avec ceux effectués ;

Qu'il est également resté taisant à propos d'une conversation (via Skype) avec un certain a.qui lui indique : « il me manque des factures pour les montants suivants... », étant observé qu'il est pour le moins anormal d'établir des factures sans faire référence à des produits et quantités, mais en se référant à des montants ;

Attendu que ces conversations échangées par Skype sont révélatrices du fait qu'il n'était pas qu'un simple exécutant mais, comme l'a relevé le premier juge, était en contact régulier avec la plupart des clients et fournisseurs de la société et était donc en parfaite connivence avec o. C. ;

Que lors d'une conversation en date du 15 novembre 2006 il questionnait o. C. sur l'utilité d'une commerciale et ce dernier lui répondait qu'elle servait à donner l'impression que « la boîte est une vraie boîte » ;

Attendu que questionné par le juge d'instruction sur ce que l'on devait comprendre par là, g. B. n'a eu d'autre réponse que celle consistant à relever que « manifestement C. avait beaucoup d'humour » ;

Attendu qu'il n'a pas plus expliqué rationnellement la raison pour laquelle l'ordinateur de la SCS A. contenait un exemplaire informatique du papier à en-tête des sociétés O. et P. ce qui peut légitimement laisser perplexe au même titre d'ailleurs que certaines dates de facturation antérieures aux dates d'achat par cette société auprès de son fournisseur la société Q. ;

Attendu que le Tribunal a fort pertinemment retenu, au visa des éléments objectifs du dossier et que la Cour reprend à son compte, que g. B. s'attachait, dans le rôle qui était le sien, à faire correspondre les montants des versements et des factures, sans que ces disparités ne fussent justifiées par la moindre considération relative à la quantité ou à la qualité des marchandises livrées ;

Attendu en définitive qu'il a été établi, sans contestation possible, que la SCS A. ne répondait à aucune logique commerciale ou économique et que g. B. en sa qualité d'associé ayant contribué activement à sa constitution, ne peut, contrairement à ce qu'il soutient maladroitement, être considéré comme un simple subordonné ayant agi dans l'ignorance de la réalité des choses ;

Ainsi la Cour ne peut qu'être convaincue de sa culpabilité et confirmer en conséquence le jugement querellé de ce chef en retenant encore, comme les premiers juges, qu'il est effectivement associé de longue date aux activités délictuelles d o. C. qu'il a assisté pour donner naissance à des sociétés actrices de la fraude M. et AL., acceptant encore d'y impliquer la société de son père (Sté S., sollicitant l. A. pour constituer une entité supplémentaire et s'étant personnellement investi pour animer le système de facturation de la SCS A. dont il ne pouvait ignorer le caractère frauduleux, dès lors que celui-ci défiait les règles élémentaires qui régissent le fonctionnement normal d'une entreprise ;

Attendu que sa formation et son expérience antérieure excluent qu'il ait pu être « utilisé » à son insu pour concourir à la fraude ;

Attendu, sur la peine, qu'il convient également de confirmer le jugement entrepris de ce chef, celle prononcée constituant une juste application de la loi pénale, eu égard notamment au fait qu'il s'agit d'un délinquant dont l'envergure n'égale pas celle de o. C. véritable initiateur (leader du trio, ainsi qu'il s'est lui-même qualifié) et moteur de la fraude ;

c) Sur la responsabilité pénale de l. A. :

Attendu que les éléments du dossier permettent d'affirmer que pour la création de la SCS A. l. A. a accepté de servir de prête-nom, alors que consultant sportif de métier il n'avait aucune compétence en matière commerciale et a fortiori en composants informatiques ;

Que comme déjà mentionné supra il n'a pas financé sur ses deniers son apport en capital, se contentant d'utiliser l'argent viré sur son compte par la société asiatique que g. B. prétendait vouloir associer à l'affaire ;

Attendu que seule sa domiciliation à Monaco intéressait ses co-prévenus car elle leur permettait de constituer une société en Principauté ;

Qu'il n'est pas inintéressant de relever que lors de ses auditions par la police il a passé sous silence le rôle d o. C. n'en parlant que lors de son troisième interrogatoire, après que les policiers aient mentionné son nom, ce qui n'est pas sans révéler une certaine connivence ;

Attendu qu'il est tout aussi révélateur de relever que les trois co-prévenus ont préparé ensemble, la veille au soir, l'audition de l. A. et g. B. qui devait avoir lieu le lendemain dans les locaux de la Sûreté Publique à Monaco et que ce même jour o. C.est reparti sur Paris, donnant l'impression de prendre la fuite ;

Attendu que A.n'a jamais été à même, en sa qualité de gérant de la société, d'exercer un vrai contrôle sur son activité, aidé en cela par son expert-comptable, en ce que notamment le « business plan » élaboré à la création de la société n'a jamais été respecté, sans qu'il s'en émeuve ;

Qu'au titre de ce plan les marchandises devaient être contrôlées par la SCS A.avant d'être adressées aux clients, ce qui n'a jamais été fait, et pour cause, puisque les sociétés clients et fournisseurs étaient pour la plupart fictives et les flux traités étaient artificiels ;

Que l'entrepôt de stockage de 100 m² qui devait être loué auprès de Monaco logistique ne l'a jamais été, ce qui aurait dû alerter l. A. alors et surtout de plus fort que parmi les 7 clients et fournisseurs prétendument prêts à travailler avec la SCS A. 4 présentaient une certaine notoriété propre à inspirer confiance Y. AS. AT. AU. mais aucun d'eux n'a jamais contracté avec la dite société ;

Attendu qu'alors qu'il s'occupait essentiellement de la partie administrative l. A.ne s'est pas inquiété du fait que les banques aient « lâché » la société alors que le triple du chiffre d'affaire annuel prévisionnel avait été atteint après seulement 7 mois d'activité, alors que cette prospérité aurait naturellement dû inciter lesdites banques à conserver la clientèle d'une telle société ;

Qu'une telle attitude n'est pas de nature à lui permettre de se faire passer pour quelqu'un qui ne comprenait rien à ce qui se passait dans sa société, incapable de comprendre la situation ou alors s'étant rendu compte tardivement, ainsi qu'il l'a déclaré devant le tribunal, que Messieurs C.et B.avaient fait « des choses pas bien... » ;

Attendu que l'information a, au contraire, parfaitement fait apparaître que la SCS A. insérée dans un circuit de facturation frauduleux, était l'entité dans laquelle les flux financiers de ce circuit étaient transférés vers Hong Kong, pour un montant chiffré à environ 39 millions d'euros ;

Qu'ainsi les dirigeants de cette société, dont l. A. ne pouvaient ignorer cet état de chose et le caractère frauduleux de l'activité à laquelle ils se livraient ;

Attendu en conséquence et au regard de ce qui précède, qu'il est encore acquis à la conviction de la Cour que l. A. s'est bien rendu coupable des faits qui lui sont reprochés et partant, le jugement entrepris sera encore confirmé du chef de sa culpabilité, alors et surtout de plus fort que ce dernier a retiré un profit certain de cette situation, puisque lui seul était rémunéré à hauteur d'environ 3.000 euros par mois pour quelques heures de travail par jour ;

Attendu, sur la peine, que comme l'a pertinemment relevé le Tribunal, sa participation au carrousel de TVA est, à l'évidence, bien plus limitée que celle de ses co-prévenus, (même si en sa qualité de gérant commandité il est de droit responsable) et qu'il s'agit d'un primo délinquant, contrairement aux deux autres ;

Qu'en conséquence, pour mieux prendre en compte la personnalité de ce prévenu, il convient de modifier la peine prononcée par les premiers juges en le condamnant à la peine de un an d'emprisonnement avec sursis ;

Attendu qu'au titre des pénalités, le tribunal confirmera le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la confiscation des sommes et du véhicule saisi en cours d'information ;

B/ Sur l'action civile :

Attendu que comme l'instruction l'a démontré, l'ensemble des éléments découverts et dénoncés dans la plainte de la Direction des Services Fiscaux ont permis de retenir que la véritable activité de la SCS A. dont g. B. était associé commanditaire et l. A. associé commandité gérant, consistait à participer à un réseau de fraude organisée à la TVA de «type carrousel», consistant à détourner la TVA au moyen d'un circuit de facturation provenant d'une chaîne de sociétés dans plusieurs Etats ;

Que l'activité officielle de la société n'était qu'une couverture pour procéder à ces activités délictueuses ;

Attendu qu o. C. était dirigeant de fait, ce qu'il a reconnu, g. B. recevant d'ailleurs des instructions précises de sa part, ce qu'il a également confirmé en se qualifiant de simple exécutant ;

Attendu que la démonstration a été faite d'un système consistant à assurer le transfert de droits à déduction de TVA au profit de clients français, via des fournisseurs également français et à détourner le produit de la fraude, savoir la TVA non versée en amont par les fournisseurs, sur des comptes ouverts à l'étranger, en l'occurrence à Hong Kong ;

Que ce système était permis par l'émission par les sociétés françaises de factures génératrices de TVA dont le produit n'était pas versé au Trésor Public Français, étant ici observé qu'en l'absence de frontière fiscale (unicité territoriale en ce qui concerne la TVA) entre la France et Monaco, existe un compte de partage de la TVA dans le cadre duquel la Cour n'a pas à s'immiscer ;

Attendu qu'en définitive les clients bénéficiaient à raison de leur participation à ce réseau frauduleux, de droits à déduction supplémentaire au préjudice du trésor public ;

Attendu que la Cour, à la suite du Tribunal, a bien détaillé le système de fraude mis en place par les trois prévenus responsables de la SCS A. ;

Que les infractions fiscales visées à la prévention consistent :

  • à exercer abusivement des droits à déduction de TVA pour un montant de 6.444.196 euros,- ainsi que cela appert du tableau figurant dans la plainte du Directeur des Services Fiscaux -, fondés sur des factures ne se rapportant pas à des opérations réelles,

  • à détourner le produit de cette fraude par le biais de comptes ouverts à l'étranger (au cas particulier à Hong Kong) au nom de la totalité des fournisseurs ;

Attendu qu'il est constant que la remise en cause des droits à déduction de la TVA ne peut être effectuée que s'il est acquis (ce qui est le cas en l'espèce) que la SCS A. et ses dirigeants de fait et de droit, savaient pertinemment qu'elle participait à un circuit de fraude à la TVA ;

Attendu, au vu de ce qui précède, que c'est sans fondement que l. A. croit pouvoir soutenir que la SCS A.n'aurait à aucun moment lésé le Trésor monégasque alors qu'il a été démontré que le délit de fraude fiscale, entre autre, était bien constitué par la déduction abusive d'une TVA grevant des factures ne se rapportant pas à des opérations réelles ;

Attendu en effet que les 6.444.196 euros représentent le montant de la TVA déductible et frauduleusement déduite par les prévenus de celle (TVA brute) dont était redevable la société sur ses propres ventes ;

Attendu que c'est d'ailleurs en l'état de cette opération, savoir :

  • * 6.500.200 euros (TVA brute) - 6.444.196 euros (TVA déductible sur d'autres achats ainsi que cela appert des déclarations de TVA produites), que la SCS A.a effectivement réglé la somme de 50.686 euros représentant la TVA nette à payer ;

Attendu enfin que la Cour, comme vu supra au chapitre des nullités, a considéré qu'elle n'avait pas à examiner celle tirée d'une prétendue violation de la convention fiscale franco-monégasque et qu'en conséquence sa décision sur l'action civile ne saurait être impactée par cette problématique ;

Attendu en définitive que la Cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour confirmer le jugement sur l'action civile, les premiers juges ayant fait une juste appréciation des conséquences civiles de l'infraction poursuivie ;

Que la participation des trois prévenus, à un degré plus ou moins important à l'organisation de ce réseau frauduleux de carrousel de TVA, sera encore sanctionnée par leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 6.444.996 euros, la Cour confirmant ainsi le jugement entrepris du chef de l'action civile ;

Attendu enfin que pour répondre à l'argument soulevé oralement à la barre par le conseil d o. C.consistant à revendiquer l'application de l'adage « una via electa...», motif pris de ce que l'État monégasque disposerait déjà d'un titre exécutoire, savoir une contrainte, et ne serait donc pas recevable à solliciter, par le biais de sa constitution de partie civile, un nouveau titre ; la Cour observe qu'outre le fait que cette exception n'a pas été soulevée « in limine litis » et est en conséquence irrecevable, la SCS A.a saisi le Tribunal de première instance d'une demande de décharge d'imposition par voie d'assignation et que l'instance est toujours pendante devant cette juridiction ;

Qu'ainsi l'État de Monaco ne dispose pas déjà d'un titre exécutoire et sa constitution de partie civile est parfaitement recevable outre le fait qu'elle est de plus fort bien fondée ;

Attendu encore et pour faire reste de raison à l'argumentation tardive d o. C. il n'est pas inutile de rappeler que la contrainte est établie à l'encontre de la société et non pas contre les associés solidairement responsables, savoir entre les mêmes parties ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco, statuant publiquement, en matière correctionnelle, contradictoirement à l'encontre de l. A.et conformément à l'article 377 du Code de procédure pénale à l'encontre de g. B. et o. C. ;

Reçoit les appels des prévenus et du Ministère Public,

Sur l'action publique,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a annulé les procès-verbaux d'audition de Messieurs g. B. et l. A. antérieurs à leur comparution devant le juge d'instruction et dit n'y avoir lieu à étendre cette nullité aux

actes d'information postérieurs,

Rejette comme irrecevables ou encore mal fondées l'ensemble des autres exceptions de nullité soulevées,

Confirme le jugement querellé sur la déclaration de culpabilité des prévenus et sur les peines en ce qui concerne o. C. et g. B. condamnés respectivement à trois ans d'emprisonnement avec mandat d'arrêt et un an d'emprisonnement,

L'infirme sur la peine en ce qui concerne l. A. et statuant à nouveau de ce chef le condamne à la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis, l'avertissement prescrit par l'article 395 du Code Pénal n'ayant pu été adressé au condamné, absent,

Confirme encore le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la confiscation du véhicule Porsche Carrera 997, immatriculé H. ainsi que des fonds détenus par la SCS A. dans les livres de la BPCA, saisis en cours d'information,

Sur l'action civile,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions civiles,

Condamne encore o. C. g. B. et l. A. solidairement aux frais,

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt-neuf avril deux mille treize, par Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller faisant fonction de Premier président, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Stéphanie VIKSTRÖM, Premier Juge, complétant la Cour et remplissant les fonctions de Conseiller en vertu de l'article 22 de la loi n° 783 du 15 juillet 1965, en présence de Monsieur Gérard DUBES, Premier Substitut du Procureur général, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint.

Note🔗

Voir également la décision de la Cour européenne des droits de l'Homme du 5 septembre 2017, L.P. c/ Monaco.

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