Tribunal correctionnel, 3 avril 2001, Ministère public c/ C. S. et F. H.

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Abstract🔗

Procédure pénale

Instruction :

- Exceptions de nullité (rejetées)

- Fouille à corps et d'un sac à main :

- Opération régulière dans le cadre de la procédure de flagrance

- Réquisitoire aux fins d'informer

- Désignation régulière du juge d'instruction faite sous la législation antérieure à la réforme issue de la loi n° 1.200 du 13 janvier 1998

- Interrogatoire de première comparution

- Absence de mention relative à la connaissance des faits impartis :

- l'article 166 ne sanctionne pas cette omission

- la connaissance des faits ressort des déclarations

- Interrogation sur le fond prétendu (non)

- les questions sur interpellation ne sont point démonstratives

Proxénétisme et complicité

Éléments constitutifs du délit

- Partage des produits de la prostitution : article 268 CP

Complicité

- Aide et assistance au proxénétisme

Résumé🔗

Dès lors qu'il s'infère de dénonciations circonstanciées qu'un délit de proxénétisme était en train de se commettre en Principauté, ayant pour auteur une personne, à l'égard de laquelle existaient des indices apparents, il s'ensuit que les officiers de police judiciaire, ont pu régulièrement, en vertu des articles 255, alinéa 1er et 266 alinéa 3 du Code de procédure pénale, dans le cadre de la procédure de flagrance, procéder à la fouille à corps de cette personne et à la fouille de son sac à main.

Il est constant que le 24 avril 1997 un réquisitoire aux fins d'informer, portant signature du premier substitut général a été établi comme suit :

« Réquisitions aux fins d'informer (urgence)

Le Procureur Général,

Vu les pièces jointes,

Attendu qu'il résulte contre C. S. des présomptions graves de proxénétisme délit prévu et réprimé... ...,

Vu les articles 36, 82 et 83 du Code de procédure pénale,

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.178 du 18 février 1997,

Vu le tableau de service des juges d'instruction de personne établi par M. le Premier Président de la Cour d'appel,

Vu l'urgence, requiert qu'il plaise à M. le Juge d'instruction de permanence, informer par toutes voies de droit, »

Contestant l'existence de l'urgence visée à deux reprises dans ledit réquisitoire, C. S., prétend que dans la mesure où le Tribunal de première instance comptait deux juges d'instruction, il était nécessaire que le président de ce tribunal, conformément aux dispositions de l'article 39 alinéa 3 du Code de procédure pénale, désigne nommément un de ces deux magistrats pour procéder à l'information requise ; qu'en toute hypothèse seul le Président du tribunal, à l'exclusion du premier président de la Cour d'appel avait aux termes des dispositions de l'alinéa 4 de l'article 39 compétence pour dresser le « tableau de roulement » des juges d'instruction de permanence pour les « affaires urgentes ».

Mais les dispositions du Code de procédure pénale, dont C. S. revendique l'application sont issues de la loi n° 1.200 en date du 13 janvier 1998 portant réforme de l'instruction, loi par hypothèse postérieure au réquisitoire du 24 avril 1997.

L'article 96 de la loi n° 783 du 15 juillet 1965 portant organisation judiciaire n'a jusqu'à la réforme du 13 janvier 1998 envisagé l'existence que d'un seul juge d'instruction et, nonobstant l'exception contenue à l'alinéa 4 de l'article 39 (prévoyant la désignation par ordonnance souveraine d'un magistrat chargé temporairement de l'instruction) rien n'était prévu dans le titre III du livre préliminaire du Code de procédure pénale pour régler la question du choix entre deux juges en charge de l'instruction pour informer ponctuellement sur chaque affaire.

En conséquence, outre que le Procureur général n'a pas le 24 avril 1997 méconnu les dispositions de l'article 39 du Code de procédure pénale dans sa rédaction d'alors, il apparaît qu'à juste titre ce magistrat s'est référé au « tableau de service » dressé par le premier président de la Cour d'appel, tableau non contraire au texte d'alors de l'article 39 et précisément né des besoins de la pratique pour - jusqu'à la réforme de 1998 - régler le problème de l'alternance des deux magistrats concurremment en charge du service de l'instruction.

Il ne pouvait exister aucune confusion d'identité entre « Mlle le Juge d'Instruction de permanence » (Mlle Patricia Richet) visée dans le réquisitoire et l'autre Magistrat instructeur alors en poste (M. Charles Duchaine).

Mlle Patricia Richet juge au Tribunal de première instance avait régulièrement au regard de l'alinéa 4 de l'article 39 du Code de procédure pénale, été « chargée de l'instruction concurremment avec le juge d'instruction titulaire » par l'ordonnance souveraine n° 12.178 en date du 18 février 1997.

C. S. prétend que le procès-verbal de première comparution est nul dans la mesure où le juge d'instruction :

- ne lui aurait pas fait connaître les faits qui lui étaient imputés,

- et ne se serait pas contenté de recevoir ses déclarations mais l'aurait interrogée.

Sur le premier point :

Aux termes de l'article 166 du Code de procédure pénale : « lors de la première comparution, le juge d'instruction constate l'identité de l'inculpé, lui fait connaître les faits qui lui sont imputés et reçoit ses déclarations après l'avoir averti qu'il est libre de ne pas en faire. Le procès-verbal doit, à peine de nullité de l'acte et de la procédure ultérieure, contenir mention de cet avertissement ».

Sur le procès-verbal en cause du 24 avril 1997 figure, après l'interrogation d'identité, la mention suivante :

« L'avis ayant été préalablement notifié à la susnommée, conformément aux prescriptions de l'article 166 du Code de procédure pénale qu'elle est libre de s'abstenir de toute déclaration hors la présence d'un défenseur, nous lui faisons connaître qu'elle est inculpée de proxénétisme, faits prévus et réprimés par l'article 268 du Code pénal ».

Il n'apparaît donc pas expressément à la lecture de cette mention que le juge d'instruction ait précisé à la personne quels étaient les faits de proxénétisme qui lui étaient reprochés.

Toutefois, outre que l'article 166 précité ne sanctionne pas - par la nullité - cette omission et que cette sanction ne saurait, en vertu de l'article 207 du même code, être prononcée que si elle constitue une violation des dispositions substantielles au titre du Code de procédure pénale, consacré à l'instruction, il n'est pas indiqué audit article 166 que le procès-verbal doit contenir mention expresse que le juge a informé l'inculpé des faits qu'on lui reproche.

Il suffit donc que cette information existe et il appartient au tribunal, au-delà des seules mentions du procès-verbal de s'assurer de la réalité de cette information.

Dans ce contexte, nonobstant l'absence de mention expresse dans le procès-verbal, il apparaît des déclarations de l'inculpée que celle-ci s'est expliquée immédiatement sur les faits de proxénétisme objet de l'information, de telle sorte que l'on peut en déduire que l'inculpée avait bien été informée par le magistrat instructeur des faits qui lui étaient imputés.

Sur le deuxième point :

L'inculpée fait état des mentions « sur interpellations » (S.I.) portées à plusieurs reprises sur le procès-verbal d'interrogatoire de première comparution, lesquelles prouveraient selon elle, que le juge d'instruction se serait livré à un véritable interrogatoire de fond qui est réglementé par l'article 174 du Code de procédure pénale. Mais le fait pour le juge de poser des questions lors de l'interrogatoire de première comparution n'est pas en soi contraire aux dispositions de l'article 166 du Code de procédure pénale, l'alinéa 3 de celui-ci précisant qu'il s'agit d'un interrogatoire.

Cependant le juge doit, au risque de violer les droits élémentaires de la défense se garder de demander des précisions ou éclaircissements susceptibles d'engager la responsabilité pénale du déclarant ce qui constituerait un véritable interrogatoire mais le juge, maître de la rédaction du procès-verbal a le devoir de traduire aussi exactement et aussi clairement que possible les déclarations de l'inculpé, il ne saurait s'acquitter correctement de sa mission sans parfois poser des questions qui permettent de s'assurer qu'il a bien compris ce qu'en termes souvent embarrassés et confus, parfois même impropres, le prévenu veut dès cette première comparution faire valoir pour sa défense ; tel a été le cas en l'espèce alors que l'inculpé était étranger non francophone et qu'il était entendu sans l'assistance d'une interprète.

La preuve qu'il ait été pratiqué un véritable interrogatoire n'est nullement rapportée par l'examen exégétique des réponses faites par l'inculpé, la teneur de celles-ci ne permettant pas d'induire la nature des questions visées par le magistrat instructeur.

Aux termes de l'article 268 du Code pénal « sont considérés comme proxénètes... ceux qui, sous forme quelconque, partagent les produits de la prostitution... », la prostitution consistant dans le fait pour toute personne d'accepter de s'offrir, moyennant une rémunération quelconque, en vue de contacts physiques de quelque nature qu'ils soient, afin de satisfaire les besoins sexuels d'autrui.

Il ressort des éléments de cause que C. S. a commis le délit de proxénétisme en présentant des jeunes femmes averties à une personne désireuse d'avoir avec celles-ci des relations sexuelles rémunérées et en percevant une part de la rémunération provenant de la prostitution de celles-ci qu'elle a provoquée et encouragée ; que F. H. a été complice de C. S. par aide et assistance en mettant à la disposition de celle-ci, en vue de leur prostitution des jeunes femmes inscrites au fichier de son agence viennoise d'escort-girls.


Motifs🔗

Le Tribunal,

jugeant correctionnellement,

Attendu qu'aux termes d'une ordonnance de Mme le Magistrat Instructeur, en date du 8 novembre 2000, C. S. et F. H. ont été renvoyés par devant le Tribunal correctionnel, sous les préventions :

C. S.

« D'avoir à Monaco, de décembre 1996 à avril 1997, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, partagé les produits de la prostitution de D. J., N. (N.) B., M. B., N. C., A. L., S. M., et N. (D.) L. et de s'être ainsi rendue coupable de proxénétisme.

Délit prévu et réprimé par l'article 268 du Code pénal » ;

F. H.

« D'avoir en Autriche, courant février et avril 1997, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, avec connaissance, en dépêchant ces quatre jeunes femmes inscrites dans son agence Eme, aidé ou assisté C. S. dans la commission par elle à Monaco, relativement à la prostitution de D. J., N. (N.) B., M. B. et N. C., du délit de proxénétisme ci-dessus spécifié,

D'avoir à Monaco, courant avril 1997, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, partagé les produits de la prostitution, de E. S. et K. O. et de s'être ainsi rendu coupable de proxénétisme,

Délits prévus et réprimés par les articles 41, 42 et 268 du Code pénal » ;

Attendu que l'information et les débats d'audience ont établi les faits suivants :

Courant avril 1997, entendus par la Division de Police Judiciaire de la Direction de la Sûreté Publique de Monaco dans le cadre d'une enquête diligentée sur la plainte pour abus de confiance déposée à leur encontre par le Prince Sultan T. A. A., les mis en cause M. A., ancien conseiller dudit Prince, et C. L., ancien agent de protection - secrétaire du Prince, signalaient que C. S. avait à Monaco, depuis le début du séjour du Prince à l'Hôtel de Paris en décembre 1996, fourni à celui-ci des prostituées venues de toute l'Europe en facturant 5000 USD par fille ;

Interpellée le 23 avril 1997 C. S. devait être inculpée de proxénétisme et placée en détention le 24 avril 1997 (D11) ; précisant exploiter à Vienne (Autriche) une activité commerciale à l'enseigne « Top Promotion and Marketing » et être organisatrice de concours de beauté, elle reconnaissait avoir organisé des soirées tarifées avec des jeunes filles à la demande du Prince Sultan T. A. A. mais niait toute action de proxénétisme ; elle devait affirmer, et confirmer tout au long de la procédure, qu'elle n'avait jamais encouragé les jeunes filles à avoir des relations sexuelles avec le Prince et ne s'être jamais souciée de savoir si elles en avaient eues ;

Bien que mise en cause par son co-inculpé C. L. qui a affirmé que S. avait présenté entre 20 à 30 filles au Prince Sultan T. A. A., dont une dizaine avaient eu avec lui des relations sexuelles, C. S. a prétendu être victime d'une machination de membres de l'entourage du Prince ;

C. S. a, ainsi fait valoir :

  • que sur l'invitation et aux frais du Prince elle avait passé à Monaco les fêtes de fin d'année 1996, puis quelques week-ends, puis s'était installée à l'Hôtel de Paris le 23 mars 1997 ;

  • qu'à la demande du Prince qui souhaitait être entouré de jolies femmes, elle avait fait venir à Monaco un certain nombre de jeunes filles, parées du titre de mannequin ou de lauréate de concours de beauté (par exemple : Miss Macédoine, Miss Hongrie, Miss Suède, Miss Australie, Miss Mannequin du Monde...) qu'elle lui facturait 5000 USD chacune par journée, dont 2000 étaient destinés à la rémunération versée à la fille ;

  • que pour ces prestations elle avait perçu en espèces 38 500 et 32 000 francs et elle avait émis des factures de 75 000 et 93 000 USD (demeurées en partie impayées tout comme deux chèques d'un total de 120 000 USD) ;

  • qu'elle avait été obligée de régler de ses propres deniers certains frais et honoraires dus aux filles et qu'elle était encore redevable de diverses commissions envers F. H. lequel, gérant d'une agence dite d'escort-girls à Vienne, lui avait fourni plusieurs filles de décembre 1996 à avril 1997, envers S. S. (pour la somme de 10 000 USD), responsable de l'agence Ritz Model à Skopje (Macédoine) et envers N. B., une ressortissante hongroise domiciliée en Suède (pour la somme de 10 000 francs) ;

F. H. devait être interpellé le 6 mai 1997 dans une chambre de l'hôtel Loews qu'il partageait avec deux jeunes filles autrichiennes (K. O. et E. S.-H.) ; il était, le même jour, inculpé de proxénétisme et placé en détention (D51) ;

Se disant fondé de pouvoir de la société financière autrichienne EUF, il déclarait séjourner à Monaco depuis 3 jours aux frais du Prince Sultan T. A. A. auquel il cherchait à proposer des placements et investissements et s'être déplacé en Principauté pour régler un problème survenu entre des personnes de l'entourage du Prince et les deux jeunes filles précitées, envoyées en qualité d'accompagnatrices à son initiative par l'agence viennoise de Corinna Steiner et s'étant plaintes d'avoir été forcées à des pratiques sexuelles ;

C. S. et F. H. devaient convenir :

  • avoir travaillé ensemble par contacts téléphoniques et sans contrat, occasionnellement, de décembre 1996 à avril 1997, la première appelant (17 appels lancés depuis l'Hôtel de Paris entre le 23 mars et le 26 avril 1997) le second pour avoir des détails sur des mannequins susceptibles d'être disponibles pour une fête à Monaco, H. admettant ne lui avoir pas fait savoir qu'il devait lui-même solliciter d'autres agences pour satisfaire ses commandes ;

  • que le nombre de filles ainsi envoyées en mission à Monaco par H. à S. se situait entre 10 et 15, parmi lesquelles C. E., M. C., L. G., D. J., N. R., M. T., N. B. et N. C. (dont l'information devait révéler qu'elle était alors mineure comme étant née en 1979) ;

  • que normalement chaque fille dont la prestation était facturée 5000 USD au Prince, percevait directement de S. à la fin de sa mission la somme de 4000 USD, 2000 lui revenant et 2000 devant être versés à H., les frais d'avion étant à la charge de C. S. ;

L'information permettait de recueillir les déclarations de quelques jeunes femmes ayant travaillé pour C. S. et (ou) pour F. H., dont :

  • D. L. et S. M. : inscrites dans les agences de call-girls Heidi's et Eurocontact elles avaient été dirigées par Heidi's en mars 1997 à Monaco où C. S. les avaient reçues pour les présenter au Prince Sultan et les avait payées chacune 12 000 francs bien qu'il ne se soit rien passé avec ledit Prince ;

  • M. B. : engagée de décembre 1996 à mai 1997 comme prostituée par F. H., elle était venue avec une autre prostituée (D. J.) à Monaco où elles avaient retrouvé deux autres prostituées de l'agence (N. C. et N. B.), où C. S. avait été leur interlocutrice et où J. et B. avaient couché avec le Prince ;

  • M. C. : inscrite chez F. H., avec lequel elle avait eu plusieurs relations sexuelles et qui lui avait bien spécifié le caractère sexuel des missions, elle avait été envoyée le 28 mars 1997 à Monaco où C. S. lui avait ordonné de se présenter comme étant Miss Suisse et où, durant plusieurs jours, on avait essayé de la convaincre d'avoir des relations sexuelles ;

  • F. R. B. B. : étant réellement mannequin, elle avait été invitée en mars 1997 par C. S. à Monaco pour un défilé de mode qui n'avait pas eu lieu, mais elle avait été mise en contact avec le Prince qui lui proposait en vain des relations sexuelles ;

  • O. K. : prétendument Miss Russie, elle était envoyée en février 1997 par l'agence « Yvonne » ou « Yvette » à Monaco où C. S. l'aurait encouragée à entretenir une relation avec le Prince ;

  • A. B. : envoyée par H. à Monaco où elle avait pour contact C. S., elle avait compris qu'elle n'était pas là pour un simple show-coiffure mais pour un rendez-vous dit galant ;

  • P. L., M. H., B. G., S. P.-L. : inscrites à l'agence de H., elles se livraient à la prostitution pour son compte ;

  • A. L. : elle était venu en décembre 1996 à Monaco à la demande de C. S., laquelle aurait insisté fermement pour qu'elle consente à des relations sexuelles avec le Prince auquel elle devait céder le 3e jour ;

  • E. M. : elle était venue en décembre 1996 à Monaco à la demande de C. S., laquelle l'aurait réprimandée de ne pas avoir accepté les avances à caractère sexuel du Prince ;

  • A. et A. N. : en mars 1997 à Monaco, C. S. leur aurait demandé de passer la nuit dans la chambre du Prince contre une forte récompense, ce qu'elles auraient refusé ;

  • E. S. et K. O. : ayant été présentées par C. S. à F. H., celui-ci les avait envoyées à Monaco fin avril 1997 pour une manifestation publicitaire ; reçues par l'entourage du Prince Sultan, E. S. aurait été violée par le Prince, à bord d'un bateau face à l'hôtel Royal Riviera à Beaulieu-sur-Mer puis dans une chambre d'hôtel à Monaco et K. O. de son côté aurait subi les assauts virulents du Prince et de son secrétaire (« P. »), ceux-ci lui déclarant qu'ils l'avaient payée pour qu'elle consente à des relations sexuelles ;

C. L. devait bénéficier d'une ordonnance de non-lieu le 8 novembre 2000 (D. 669) ;

Sur quoi :

I. - Sur les exceptions de nullité :

A. - Sur la nullité de la fouille à corps et de la fouille du sac de C. S. pratiquées par l'officier de police judiciaire F. F. le 23 avril 1997 (cote D5) :

Attendu qu'il est acquis que F. F., inspecteur de police judiciaire, a, le 23 avril 1997 procédé à la « fouille de sécurité » de la personne de C. S. ainsi qu'à celle de son sac à main ;

Que la prévenue soutient que cette fouille qui serait intervenue dans le cadre juridique d'une enquête préliminaire, en l'absence d'indice apparent d'un comportement délictueux et sans l'assentiment exprès de la personne intéressée, aurait été accomplie dans des conditions irrégulières portant manifestement atteinte aux droits de la défense ;

Attendu, cependant, qu'il ne résulte pas des mentions figurant sur le procès-verbal D5, pas plus que sur ceux cotés D1 (« PV de synthèse » du 24 avril 1997) et D4 (« Déclaration de la nommée C. S. » du 23 avril 1997), que les officiers de police judiciaire aient agi dans le strict cadre de l'enquête préliminaire et aient exclu s'être trouvés en situation de flagrance ;

Qu'il apparaît, par contre, que lorsque le 23 avril 1997 la police a procédé à la fouille à corps de C. S. et à celle de son sac à main, elle agissait après une dénonciation circonstanciée de M. A., lequel était entendu le 17 avril 1997 dans le cadre de la procédure parallèle pour abus de confiance sur plainte du Prince Sultan T. A. A. (D1) ;

Que de cette dénonciation, confirmée par celle tout aussi circonstanciée faite le 22 avril 1997 par C. I. (amie de C. L., ancien secrétaire privé du Prince), pouvait se déduire qu'un délit de proxénétisme était en train de se commettre en Principauté avec pour auteur C. S. ;

Qu'entendue le 23 avril 1997 à 19 heures 10 (D4) C. S., tout en contestant les faits de proxénétisme, a implicitement confirmé la réalité des indices apparents de la commission actuelle dudit délit, à savoir :

  • fourniture par elle de jeunes et jolies femmes au Prince Sultan pour l'accompagner à Monaco,

  • en contrepartie, « dédommagement » de C. S.,

  • prise en charge par le Prince de tous les frais de voyage, d'hôtel et de repas de C. S. et des jeunes femmes,

  • hypothèse de la prostitution de ces femmes non exclue par S. (réponse : « je ne les surveille pas » à la question : « Pensez-vous que certaines de vos filles que vous avez invitées ont pu se livrer à la prostitution ? »),

  • hébergement actuel à l'Hôtel de Paris (chambre 454) aux frais du Prince ;

Attendu que ces éléments, confortatifs des dénonciations précitées de M. A. et de C. I., ont valablement pu être considérés par les officiers de police judiciaire comme des indices apparents d'un comportement délictueux actuel de C. S. ;

Qu'ainsi, régulièrement au regard des articles 255 (alinéa 1) et 266 (alinéa 3) du Code de procédure pénale, les officiers de police judiciaire ont pu, dans le cadre de l'enquête de la procédure de flagrance, procéder à la fouille à corps de C. S. et à celle de son sac à main ;

Que l'exception de nullité soulevée de ce chef doit en conséquence être rejetée ;

B. - Sur la nullité du réquisitoire « aux fins d'informer » en date du 24 avril 1997 (D10) :

Attendu qu'il est constant que ce réquisitoire, portant signature du Premier Substitut Général, est ainsi établi :

« Réquisitions aux fins d'informer (Urgence)

Le Procureur Général,

Vu les pièces jointes procès-verbal...

Attendu qu'il résulte contre C. S. des présomptions graves de proxénétisme

Délit prévu et réprimé...

Vu les articles 36, 82 et 83 du Code de procédure pénale ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 12178 du 18 février 1997 ;

Vu le Tableau de service des Juges d'instruction de permanence établi par Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel ;

Vu l'urgence ;

Requiert qu'il plaise à Mlle le Juge d'Instruction de permanence,

Informer par toutes voies de droit...

Fait au Parquet général, le 24 avril 1997... » ;

Attendu que C. S., contestant l'existence de l'urgence visée à deux reprises dans ledit réquisitoire, prétend que dans la mesure où le Tribunal de première instance comptait deux juges d'instruction il était nécessaire que le Président de ce Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 39 (alinéa 3) du Code de procédure pénale, désigne nommément un de ces deux magistrats pour procéder à l'information requise ;

Qu'elle ajoute qu'en toute hypothèse seul le Président du Tribunal, à l'exclusion du premier Président de la Cour d'appel, avait - aux termes des dispositions de l'alinéa 4 de l'article 39 - compétence pour dresser le « tableau de roulement » des juges d'instruction de permanence pour les « affaires urgentes », outre qu'elle fait remarquer que ce tableau qui aurait été dressé par le premier Président de la Cour d'appel ne figure pas dans la procédure et doit donc être considéré comme inexistant ;

Mais attendu que les dispositions du Code de procédure pénale dont C. S. revendique l'application sont issues de la loi n° 1.200 en date du 13 janvier 1998 portant réforme de l'instruction, loi par hypothèse postérieure au réquisitoire du 24 avril 1997 ;

Qu'à la date du 24 avril 1997 le titre III du Livre préliminaire du Code de procédure pénale - dans sa rédaction d'origine du 2 avril 1963 - était ainsi rédigé :

Titre III

Du Juge d'instruction

Art. 39. Le juge d'instruction est choisi parmi les membres du tribunal de première instance et désigné pour trois ans par le Prince, sur présentation du premier président et l'avis du procureur général. Il peut être continué dans ses fonctions pour des périodes successives de même durée. Au cours de chacune de ces périodes, sauf le cas où il ne serait pas encore inamovible, l'instruction ne peut lui être retirée que sur sa demande ou sur l'avis conforme de la Cour d'appel, donné suivant les règles prescrites en matière disciplinaire.

S'il est malade ou autrement empêché, il est remplacé provisoirement par un autre juge ou par un conseiller à la Cour d'appel désigné par le premier président. Si les nécessités du service l'exigent, un magistrat de la cour ou du tribunal pourra, par ordonnance souveraine, être temporairement chargé de l'instruction, concurremment avec le juge d'instruction titulaire.

Art. 40. Il est assisté dans tous les actes de l'information écrite, par le greffier du tribunal. En cas d'urgence ou d'empêchement du greffier, il peut remplacer cet officier public par un particulier qu'il assermente à cet effet.

Art. 41. Dans les affaires qu'il a instruites, le juge d'instruction ne peut prendre part au jugement. «

Attendu qu'ainsi, puisque par hypothèse l'article 96 de la loi n° 783 du 15 juillet 1965 portant organisation judiciaire n'a jusqu'à la réforme du 13 janvier 1998 envisagé l'existence que d'un seul juge d'instruction et, nonobstant l'exception contenue à l'alinéa 4 de l'article 39, rien n'était prévu dans le Titre III précité pour régler la question du choix entre deux juges en charge de l'instruction pour informer ponctuellement sur chaque affaire ;

Attendu qu'en conséquence, outre que le Procureur général n'a pas le 24 avril 1997 méconnu les dispositions de l'article 39 du Code de procédure pénale dans sa rédaction d'alors, il apparaît qu'à juste titre ce magistrat s'est référé au » Tableau de service « dressé par le premier Président de la Cour d'appel, tableau non contraire au texte d'alors de l'article 39 et précisément né des besoins de la pratique pour - jusqu'à la réforme de 1998 - régler le problème de l'alternance entre les deux magistrats concurremment en charge du service de l'instruction ;

Que le Tribunal au surplus a pu mettre à profit son délibéré pour s'assurer que ce tableau - purement interne au fonctionnement de la juridiction - qui existe et qui peut être consulté au Registre des actes importants de la Cour d'appel et du premier Président, est en date du 20 mars 1997 et mentionne bien Mlle Patricia Richet comme » Juge d'instruction « de service pour la période dont s'agit incluant la journée du 24 avril 1997 ;

Que le réquisitoire du 24 avril 1997, nonobstant sa référence surabondante à la notion d'urgence, apparaît ainsi régulier puisque :

  • il n'était pas contraire aux dispositions de l'article 39 dans sa rédaction d'alors,

  • il comportait bien désignation du magistrat normalement de service,

  • il ne pouvait exister aucune confusion d'identité entre » Mlle le Juge d'instruction de permanence « (Mlle Patricia Richet) visée dans le réquisitoire et l'autre magistrat instructeur alors en poste (M. Charles Duchaine),

  • Mlle Patricia Richet, Juge au Tribunal de première instance, avait, régulièrement au regard de l'alinéa 4 de l'article 39 du Code de procédure pénale, été » chargée de l'instruction concurremment avec le Juge d'instruction titulaire « par l'ordonnance souveraine précitée n° 12178 en date du 18 février 1997 ;

Attendu qu'ainsi l'exception de nullité soulevée de ce chef par C. S. doit être rejetée ;

C. - Sur la nullité du » procès-verbal de première comparution « en date du 24 avril 1997 (D11) :

Attendu que C. S. prétend que ce procès-verbal est nul dans la mesure où le Juge d'instruction :

  • ne lui aurait pas fait connaître les faits qui lui étaient imputés,

  • et ne se serait pas contenté de recevoir ses déclarations mais l'aurait interrogée ;

Attendu, sur le premier point, qu'aux termes de l'article 166 du Code de procédure pénale» lors de la première comparution, le juge d'instruction constate l'identité de l'inculpé, lui fait connaître les faits qui lui sont imputés et reçoit ses déclarations, après l'avoir averti qu'il est libre de ne pas en faire. Le procès-verbal doit, à peine de nullité de l'acte et de la procédure ultérieure, contenir mention de cet avertissement « ;

Attendu que sur le procès-verbal en cause en date du 24 avril 1997 figure après l'interrogatoire d'identité de la prévenue, la mention suivante :

» Mention : L'avis ayant été préalablement notifié à la susnommée, conformément aux prescriptions de l'article 166 du Code de procédure pénale qu'elle est libre de s'abstenir de toute déclaration hors la présence d'un défenseur, nous lui faisons connaître qu'elle est inculpée de proxénétisme ;

Faits prévus et réprimés par l'article 268 du Code pénal. «

Qu'il n'apparaît donc pas expressément à la lecture de cette mention que le Juge d'instruction ait précisé à la prévenue quels étaient les faits de proxénétisme qui lui étaient reprochés ;

Attendu toutefois, outre que l'article 166 précité ne sanctionne pas - par la nullité - cette omission et que cette sanction ne saurait, en vertu de l'article 207 du même code, être prononcée qu'en ce qu'elle constitue une violation des dispositions substantielles du Titre du Code de procédure pénale consacré à l'instruction, qu'il n'est pas indiqué audit article 166 que le procès-verbal doit contenir mention expresse que le juge a informé l'inculpé des faits qu'on lui reproche ;

Qu'il suffit donc que cette information existe et il appartient au tribunal, au-delà des seules mentions du procès-verbal, de s'assurer de la réalité de cette information ;

Que dans ce contexte il apparaît que C. S., nonobstant l'absence de mention expresse dans le procès-verbal du 24 avril 1997, avait bien été informée par le magistrat instructeur des faits qui lui étaient imputés ;

Qu'en effet :

  • le Juge d'instruction lui a formellement indiqué qu'il s'agissait de faits de proxénétisme, qualification au demeurant exacte,

  • elle a accepté de s'en expliquer immédiatement sans avocat, d'où peut se déduire que le juge l'avait effectivement mise au courant des faits en cause,

  • elle a alors pu faire des déclarations pendant deux heures et demie (de 19 heures à 21 heures 30), déclarations correspondant précisément aux faits objets de la présente procédure,

  • elle a ainsi confirmé les déclarations qu'elle avait faites la veille devant les policiers, lesquels l'avaient déjà informée des faits qui lui étaient reprochés et qui concernaient une fourniture de jeunes femmes pour assouvir les besoins sexuels du Prince Sultan ;

Attendu d'ailleurs, qu'à aucun moment jusqu'à l'audience de jugement du 13 février 2001, C. S. n'a soutenu que lorsqu'elle avait été entendue par le Juge d'instruction le 24 avril 1997 et inculpée de proxénétisme elle avait été laissée dans l'ignorance des faits qui lui étaient précisément imputés ;

Attendu qu'il résulte de ces éléments que C. S. a été dûment informée de la consistance des faits de proxénétisme à raison desquels l'information a été ouverte et sur lesquels elle s'est expliquée ;

Qu'aucune violation des droits de la défense n'apparaît ainsi avoir été commise et ce d'autant que la jurisprudence apparemment en sens contraire invoquée par C. S., outre qu'elle est étrangère à la Principauté de Monaco, ne correspond pas à celle la plus récente de la Cour d'appel en matière d'interprétation de l'article 166 du Code de procédure pénale (Chambre du Conseil - 2 décembre 1999 - » Revue de Droit Monégasque « n° 3 - page 195) ;

Que l'exception de nullité soulevée sur ce point doit en conséquence être rejetée ;

Attendu, par ailleurs, que C. S. soutient que le procès-verbal d'interrogatoire de première comparution du 24 avril 1997 est nul en ce que le magistrat instructeur ne se serait pas limité à recevoir ses déclarations spontanées mais ne serait livré à un véritable interrogatoire de fond en lui posant des questions précises de nature à engager directement sa responsabilité pénale, ce qui constituerait une violation des droits de la défense ;

Qu'elle en veut pour preuve les mentions » S.I. « (sur interpellation) qui apparaissent à plusieurs reprises sur ledit procès-verbal, et qui correspondraient à autant de questions du juge ;

Attendu que selon l'article 166 précité du Code de procédure pénale, le juge ne peut, lors de l'interrogatoire de première comparution, que recevoir les déclarations de l'inculpé après l'avoir averti - sous peine de nullité - qu'il est libre de ne pas en faire ;

Qu'en cela l'interrogatoire de première comparution se distingue de ceux ultérieurs de fond - réglementés à l'article 174 du Code de procédure pénale - pour lesquels l'inculpé est assisté de son avocat (ou celui-ci dûment convoqué) à la disposition duquel la procédure a été mise la veille de l'interrogatoire ;

Que le Juge d'instruction ne saurait dès lors, sans violation grave des droits de la défense se livrer à un véritable interrogatoire de fond, avec questions et réponses, lors de la première comparution ;

Attendu qu'en l'espèce s'il est constant que le procès-verbal en cause contient bien mention que l'inculpé a été averti qu'il était libre de ne faire aucune déclaration hors la présence de son avocat, il est également constant que tout au long des sept pages de déclarations de C. S., apparaît en début de chaque paragraphe la mention » S.I. « (sur interpellation) ;

Qu'il reste toutefois que ces interpellations du juge ne sont pas retranscrites et qu'il n'est donc pas possible de savoir à coup sûr si le magistrat instructeur a réellement posé à C. S. des questions dont les réponses étaient de nature à engager sa responsabilité pénale ou s'il s'est contenté de lui demander des précisions ou des éclaircissements quant aux déclarations qu'elle faisait spontanément, voire si par ses interpellations il n'a pas entendu informer le plus précisément possible l'inculpée des faits qui lui étaient reprochés ;

Que le fait pour le juge de poser des questions en première comparution n'est, en effet, en soi pas contraire aux dispositions de l'article 166 du Code de procédure pénale ;

Qu'à l'alinéa 3 dudit texte il est d'ailleurs précisé que c'est à un » interrogatoire « que se livre alors le magistrat instructeur, ce qui inclut que celui-ci puisse procéder par voie de questions et ne reste pas taisant ;

Que nonobstant les références jurisprudentielles étrangères à la Principauté citées par la prévenue, il apparaît en effet que le juge, maître de la rédaction du procès-verbal et qui a donc le devoir de traduire aussi exactement et aussi clairement que possible les déclarations de l'inculpé, ne saurait s'acquitter correctement de sa mission sans parfois poser des questions qui permettent de s'assurer qu'il a bien compris ce qu'en termes souvent embarrassés et confus, parfois même impropres, le prévenu veut dès cette première comparution faire valoir pour sa défense ;

Que ce principe vaut particulièrement lorsque, comme en l'espèce, l'inculpé est étranger non francophone et qu'il a été entendu sans l'assistance d'un interprète ;

Que le juge doit cependant, au risque de violer les droits élémentaires de la défense, ne pas demander de précisions ou d'éclaircissements susceptibles d'engager la responsabilité pénale du déclarant, auquel cas l'audition dégénérerait en un véritable interrogatoire, c'est-à-dire en une discussion contradictoire des éléments du dossier ayant pour but de rechercher et d'établir la vérité par les déclarations de l'inculpé lui-même ;

Que tel ne paraît pas être le cas de l'espèce, n'étant pas démontré par les seules mentions » S.I. « à différents endroits du procès-verbal que le juge a procédé par voie de questions et de réponses de nature à engager la responsabilité pénale de C. S. ;

Que cette preuve n'est pas plus rapportée par l'examen exégétique des réponses faites par l'inculpée, la teneur de celles-ci ne permettant pas d'induire la nature des questions posées par le magistrat instructeur ;

Qu'en outre, à aucun moment jusqu'à l'audience de jugement du 13 février 2001, C. S. n'a prétendu que ses déclarations en première comparution n'avaient pas été spontanées ;

Qu'en fonction de ces éléments l'exception de nullité soulevée de ce chef par C. S. doit être rejetée ;

II. - Sur le fond :

A. - En ce qui concerne C. S. :

Attendu qu'aux termes de l'article 268 du Code pénal  » sont considérés comme proxénètes... ceux qui, sous une forme quelconque, partagent les produits de la prostitution... « ;

Qu'il ne saurait, en conséquence, y avoir délit de proxénétisme sans que soit caractérisé au préalable un fait de prostitution ;

a) Sur la prostitution de S. M., N. L., A. L., M. B., D. J., N. B. et N. C. :

Attendu que la prostitution consiste dans le fait pour toute personne d'accepter de s'offrir, moyennant une rémunération quelconque, en vue de contacts physiques de quelque nature qu'ils soient afin de satisfaire les besoins sexuels d'autrui ;

Attendu que S. M. qui a, en définitive, reconnu devant les policiers le 4 août 1997 (D133) être une call-girl, a précisé que lorsqu'en mars 1997 elle était entrée en contact - à la demande de l'agence d'escort-girls dénommée Heidi's - avec C. S. celle-ci lui avait déclaré qu'elle allait la présenter à un prince moyen-oriental qui aimait être accompagné de jolies jeunes filles et que pour l'occasion elle la ferait passer pour une miss Canada, et lui verserait 8 000 francs (finalement 12 000 francs après marchandage) ;

Qu'elle avait déjà déclaré au Juge d'instruction le 23 mai 1997 (D61) :

» Au moment d'arriver au Loews, C. S. m'avait dit qu'il fallait que je change d'identité et que je me présente comme moitié française, moitié canadienne en m'expliquant que le Prince n'aime pas les professionnelles et préfère les jeunes filles qui ont une bonne éducation. En m'expliquant tout cela S. me paraissait sûre d'elle... « ;

Qu'en réponse à une question des policiers elle devait cependant convenir que dans son esprit il n'y avait jamais eu d'ambiguïté et qu'elle savait pour quel genre de service C. S. la mettait en rapport avec le Prince ;

Qu'en effet (D133) :

Question : » Est-il possible pour vous que S. ait servi d'intermédiaire pour autre chose qu'une relation sexuelle tarifée entre vous et le Prince du Moyen-Orient ? «

Réponse : » Le contact que j'ai eu avec l'inculpée, sans aucun doute de ma part, était bien destiné à une relation sexuelle tarifée et rien d'autre «.

Que le 30 avril 1997 (D18) elle avait déjà déclaré aux policiers :

» S.I. : Il est exact que lors de notre première rencontre S. m'a indiqué faire partie de l'entourage d'un Prince du Moyen-Orient, lequel cherchait la compagnie de jeunes filles jolies. Elle n'a rien précisé d'autre à ce sujet mais j'ai bien compris que si il cherchait effectivement la compagnie de jeunes filles jolies ce n'était pas pour « faire du tricot » avec elles.

Question : Qu'est-ce qui vous a permis de penser ce genre de choses ?

Réponse : J'ai trouvé qu'une femme Autrichienne se trouvant sur la Côte et qui disait connaître un Prince cherchant la compagnie de jeunes filles pouvait chercher des prostituées.

Question : Vous a-t-elle dit qu'elle était en mesure de vous présenter au Prince et que cela vous rapporterait de l'argent ?

Réponse : Elle m'a dit qu'elle pouvait effectivement me présenter au Prince et le fait que cela se déroulerait contre rémunération était implicite...

Question : Ce rendez-vous avait-il pour but de vous amener à avoir des relations sexuelles tarifées avec un homme ?

Réponse : Oui, c'était sans équivoque... «.

Attendu que si, en définitive il ne s'est rien passé avec le Prince, il reste que S. M. était consentante pour avoir des relations sexuelles avec lui et que d'ailleurs elle a normalement été payée ;

Qu'elle a en ces termes raconté au magistrat instructeur (D61) sa rencontre avec le Prince T. A. A. :

» Nous (elle et N. L.) avons attendu dans la chambre du Loews en discutant, en fumant et en mangeant. Puis vers 4 H-4 H 15 du matin, S. nous a téléphoné et nous a demandé de la rejoindre dans sa chambre à l'Hôtel de Paris. Là elle nous a remis à toutes les deux l'argent et nous a accompagnées à une autre chambre devant laquelle se trouvaient des gardes du corps. À l'intérieur, se trouvaient le Prince en train de jouer au backgammon avec quelqu'un et trois ou quatre personnes. Nous avons bu du thé et nous avons attendu. Le Prince nous a regardé et nous a parlé gentiment, en nous disant des banalités et des flatteries. À 5 heures quelqu'un nous a dit que nous pouvions partir, ce que nous avons fait.

S.I. : Tout cela m'a paru irréel mais au fond, je suis bien contente que rien ne se soit passé car le Prince n'est pas vraiment attirant et je ne sais pas si j'aurais été capable de coucher avec lui. «

Attendu que N. (dite D.) L. a, sur commission rogatoire internationale devant le Juge d'instruction de Nice, de son côté confirmé le 29 juillet 1997 (D109) qu'elle était une call-girl et que la rencontre avec le Prince s'était bien passée comme relatée par S. M., à savoir :

» C'est l'agence Heidi de Vienne qui m'avait demandé d'aller à l'Hôtel de Paris où j'allais être reçue par une femme. Je savais que j'allais passer la nuit pour 12 000 F. Lorsque je suis arrivée dans cet établissement, il y avait déjà mon amie S. qui avait été également contactée par l'agence Heidi puisqu'elle travaille aussi pour cette organisation. C'est à ce moment là que nous avons toutes deux fait connaissance de Mme S. Comme l'Hôtel de Paris était plein, nous avons été amenées à l'Hôtel Loves (en réalité Loews) et Mme S. nous a pris une chambre en attendant notre entrevue avec le Prince. À trois heures du matin, nous sommes revenues à l'Hôtel de Paris. Mme S. nous a fait entrer dans les appartements du Prince. Celui-ci jouait au backgammon. À cinq heures du matin, comme le Prince était fatigué, nous sommes reparties avec S. sans qu'il se soit rien passé et nous avons reçu chacune les 12 000 F convenus... « ;

Que N. L. avait, par ailleurs, déclaré au Juge d'instruction le 23 mai 1997 (D62) :

» Dans l'enveloppe il y avait 12 000 francs. Je dois reconnaître, comme je l'ai dit à la Sûreté, que je pensais qu'il pourrait y avoir un rapport sexuel avec le Prince. J'ai eu cette idée par rapport à l'argent car 12 000 francs c'est tout de même une somme. C. nous avait parlé de la rémunération au moment d'aller au Loews... ;

Lorsque S. nous a dit qu'il fallait que l'on se présente comme des anciennes ou futures miss, cela m'a fait sourire car je n'ai pas du tout les mensurations d'une miss France. D'ailleurs ni S. ni moi nous sommes présentées au Prince de cette façon. S'il ne s'est rien passé avec le Prince, je suppose que c'est parce que nous ne lui avons pas plu ;

Lorsque S. nous a dit que le Prince recherchait la compagnie de jeunes femmes pour sortir, il était sous-entendu pour moi, que cela impliquait l'existence de relations sexuelles. Si je suis catégorique à cet égard c'est en raison de l'enveloppe qui est particulièrement onéreuse. Je ne pense pas que quelqu'un puisse donner 12 000 francs simplement pour une compagnie sans contrepartie. S'il avait fallu passer à l'acte je l'aurais fait. «

Que sur ce point N. L., tout comme S. M., n'a jamais varié dans ses déclarations et que c'est d'ailleurs uniquement concernant les circonstances de sa rencontre avec C. S. qu'elle avait été accusée par celle-ci d'avoir commis un faux témoignage, délit du chef duquel elle a au surplus - au même titre que S. M. - bénéficié d'une décision de non-lieu en date du 19 décembre 2000 confirmée en appel le 6 février 2001 ;

Attendu qu'ainsi S. M. et N. L., consentantes pour avoir des rapports sexuels avec le Prince contre de l'argent - argent qu'elles ont effectivement perçu - se sont bien prostituées au cours de la soirée de mars 1997 dont s'agit et ce nonobstant le fait qu'elles n'aient, en définitive, alors eu aucun rapport sexuel avec le Prince ou son entourage ;

Attendu qu'A. L., venue à Monaco en décembre 1996 à la demande de C. S. pour officiellement participer à des réceptions avec le Prince T. A. A., a de son côté eu un rapport sexuel avec ledit Prince ;

Qu'elle a ainsi expliqué le 13 janvier 1998 aux autorités judiciaires tchèques agissant sur commission rogatoire internationale comment, sur l'insistance de la prévenue, les choses s'étaient déroulées (D599) :

» Au cours de cette réception qui s'est déroulée dans les journées du 16 au 19 décembre 1996, réception composée de plusieurs soirées, l'accusée (C. S.) me présenta un Prince saoudien Sultan T. A. A. Elle m'a dit que c'était lui la personne la plus importante de toute l'assemblée réunie à cette occasion. J'ai pensé à ce moment qu'elle souhaitait simplement me présenter à lui, pas plus. À cette occasion je veux dire qu'au cours des préparatifs de la réception, l'accusée m'a emmenée faire des courses, pendant lesquelles elle m'a acheté des vêtements et m'a emmenée ensuite chez un coiffeur. C'est elle qui a tout payé...

D'abord, à plusieurs reprises, l'accusée m'a fait indirectement comprendre qu'il serait souhaitable d'avoir des rapports sexuels avec celui-ci. Ceci, dès le premier jour de mon séjour à Monaco. Là-dessus, je lui ai répondu que cela ne m'intéressait pas. Le deuxième jour, elle m'a dit, cette fois-ci clairement, qu'il fallait que j'eusse des rapports sexuels avec lui. Je lui ai répondu à nouveau que je ne le souhaitais pas du tout, surtout à cause de mes règles, venues juste à ce moment. Quand je lui ai dit, elle est partie de ma chambre mais aussitôt elle a envoyé quelqu'un, c'était soit-disant un médecin, qui devait contrôler si vraiment j'avais des règles. Le médecin a fait pression sur moi pendant une demi-heure pour que j'accepte le contrôle en question, mais je n'a pas consenti, alors il est parti. Je dois ajouter que toute la journée suivante l'accusée m'a fait pression pour que j'accepte d'avoir des relations sexuelles avec le Prince saoudien.

Sa pression a culminé avec la menace suivante : si je n'acceptais pas d'avoir des relations sexuelles avec le Prince saoudien, elle ne me laisserait plus repartir chez moi, ne me payerait pas le billet d'avion. J'ai eu très peur qu'elle me prenne mon passeport. Après ces menaces, j'ai cédé le troisième jour et j'ai eu une relation sexuelle avec lui. Les choses se sont déroulées ainsi : le soir même l'accusée m'a emmenée à nouveau auprès de lui et puis après, je suis restée avec lui toute la soirée. Ensemble, nous avons bu et discuté. Ensuite, je ne me rappelle plus grand chose mais je sais que le soir même l'accusée nous a accompagnés, moi et le Prince, jusqu'à sa chambre à lui et qu'ensuite j'ai cédé au Prince. Une fois terminé, j'ai quitté sa chambre et je suis revenue pour finir la nuit dans ma propre chambre. Le lendemain, je suis rentrée chez moi.

J'affirme avoir été forcée d'avoir cette relation sexuelle avec le Prince saoudien, ceci qu'une fois en tout, le jour ci-dessus mentionné. Je ne me rappelle pas si j'ai accompagné le Prince saoudien au Casino ou Chez J. Ce que je sais c'est que partout où j'ai été, l'accusée essayait de me rapprocher du Prince.

Je répète que l'accusée n'a jamais signé un contrat quelconque avec moi et que nous n'avons jamais conclu un accord oral quelconque, en ce qui concerne le montant ou la forme de récompense que je devais toucher pour l'accompagnement du Prince saoudien.

Elle m'a payé l'achat des vêtements plus haut mentionnés et m'a payé le billet de retour pour Wien (Vienne) et je confirme qu'aucun contrat n'existait entre nous en ce qui concerne mon devoir d'accompagner le Prince et d'avoir des rapports sexuels avec lui... «,

Qu'A. L. s'est donc bien adonnée à la prostitution ;

Attendu, en ce qui concerne M. B., que celle-ci, entendue sur commission rogatoire internationale en Autriche le 19 octobre 1997 (D276), a admis qu'elle avait su dès le début qu'elle venait à Monaco à des fins de prostitution ;

Que reconnaissant travailler comme prostituée à Vienne au sein de l'agence EME de F. H., elle a prétendu que C. S. était au courant » que la négociation d'envoi ne sert pas seulement à l'accompagnement mais à la prostitution « (sic) ;

Qu'elle a même déclaré :

» S. nous a dit que nous devions être à la disposition du Prince pour tous les services et à tout moment « ;

Que si elle n'a en définitive pas eu de relation sexuelle avec le Prince, elle a tenu à apporter la précision suivante :

» Je n'avais pas eu de rapports sexuels avec le Prince Sultan car il avait choisi deux blondes d'un ensemble de 10 filles disponibles « ;

Que consentante pour avoir des relations sexuelles rémunérées avec le Prince, M. B. s'est donc bien adonnée à la prostitution et ce nonobstant le fait qu'elle prétend être toujours dans l'attente d'être payée pour cette » mission « ;

Attendu que M. B. a, par ailleurs, déclaré que séjournaient en même temps qu'elle à l'hôtel Mirabeau à Monaco trois autres jeunes prostituées fournies par F. H. à C. S. : l'allemande N. C., l'autrichienne D. J. et la hongroise N. B. ;

Qu'elle a même précisé à deux reprises savoir que D. J. et N. B. avaient eu des rapports sexuels avec le Prince sur son bateau ;

Que ni C. S. ni F. H. n'excluent catégoriquement ce fait (D557-D565) ;

Que concernant N. C. avec qui elle partageait la chambre n° 605 à l'hôtel Mirabeau, M. B. a seulement fait valoir que celle-ci était mineure, âgée à peine de 17 ans, précisant même :

» Elle travaillait également comme prostituée pour F. H. F. H. savait son âge. Il avait besoin de filles aussi jeunes, car les clients les demandaient. C. S. savait également que N. C. était mineure. « ;

Attendu qu'ainsi, rémunérées pour les relations sexuelles qu'elles ont acceptées d'avoir avec le Prince, D. J. et N. B. se sont bien prostituées ;

Qu'il en va de même pour N. C., que celle-ci ait ou non eu avec le Prince les relations sexuelles rémunérées pour lesquelles elle était consentante ;

(b)Sur le proxénétisme de C. S. :

Attendu que doit être considéré comme proxénète celui qui, consciemment, sous une forme quelconque, partage les produits de la prostitution, c'est-à-dire celui qui tire rémunération de la prostitution en la provoquant, en l'encourageant ou en la tolérant ;

Attendu que C. S. n'a jamais discuté que pour chaque fille qu'elle fournissait pour l'accompagnement du Prince Sultan elle percevait de celui-ci 5 000 USD dont une partie lui restait acquise à titre de commission ;

Qu'elle n'a pas plus discuté que cette tarification avait été de principe pour les sept jeunes femmes visées par la prévention, à savoir S. M., N. L., A. L., M. B., D. J., N. B. et N. C. ;

Que si elle a contesté avoir en quelque manière que ce soit encouragé la prostitution de ces femmes, il apparaît que les témoignages précités de S. M., N. L., A. L. et M. B. sont particulièrement éloquents quant au fait que c'est en toute connaissance de cause qu'il arrivait à la prévenue de fournir des prostituées au Prince et que d'ailleurs elle les encourageait et incitait à avoir avec celui-ci des relations sexuelles et non pas seulement des relations d'accompagnement stricto sensu ;

Que F. H., co-inculpé de C. S., a au surplus lui-même admis devant le Juge d'instruction le 29 janvier 1998 que ce ne pouvait être pour autre chose que des relations sexuelles avec le Prince ou des membres de son entourage que la prévenue l'avait contacté pour faire venir des filles à Monaco ;

Qu'après une réflexion de 20 minutes (D591-page 20) il a en effet ainsi répondu à une question du Juge d'instruction (D591-page 19) :

Question à l'inculpé H. sur interpellation de Me M. : H. peut-il dire de manière précise si ma cliente lui a dit qu'elle faisait venir des filles à Monaco pour qu'elles aient des relations sexuelles avec le Prince Sultan T. ou avec les personnes de son entourage ?

Réponse : » Directement, non, mais indirectement, oui. Lorsqu'on appelle une agence d'accompagnement, on sait que c'est pour des relations sexuelles... « ;

Que si C. S. a contesté ce fait et fait valoir que la modicité du tarif excluait par hypothèse les contacts sexuels, il reste que S. K. épouse S., call-girl ayant travaillé pour l'agence EME de F. H., a déclaré au Juge d'instruction le 5 juin 1997 (D77) que lorsqu'elle avait rencontré S. à Munich celle-ci lui avait dit » que les filles de son agence ne couchaient pas avec le Prince, comme çà il était un peu plus excité et était d'accord finalement pour payer davantage si une fille couchait avec lui « ;

Que S. K. a même ajouté :

  • » Elle a fait monter les enchères et finalement les filles sont venues ici à Monaco «,

  • » Bien sûr H. n'a pas dit que ces filles couchaient avec le Prince. Mais je connais la profession de H. et de S. et tout le monde sait que les filles couchent. Lorsqu'on voit le Prince au Jimmy's ou ailleurs entouré de 20 ou 30 filles, on se doute bien que ce n'est pas simplement pour faire joli. Tout le monde sait qu'une agence d'escort-girls où les filles sont payées 3 000 dollars pour une nuit, cela recouvre des faits de prostitution car on ne voit pas comment « un client accepterait de payer une telle somme pour qu'il ne se passe rien »,

  • « Je confirme également mes déclarations concernant le fait que j'avais mis S. en garde par rapport à la loi monégasque et qu'elle m'avait répondu qu'elle ne risquait rien puisque son agence était enregistrée à Vienne comme agence d'organisation de concours de beauté et non comme agence d'escort-girls » ;

Que C. L., secrétaire du Prince T. A. A. avait de son côté déclaré aux services de police le 24 avril 1997 (D8) :

« Lorsque le Prince souhaite une fille, c'est pour avoir une relation sexuelle avec elle. Il est clair qu'il ne cherche pas une simple compagnie... Il n'y a aucune équivoque entre le Prince et C. S.. Cette dernière savait ce que voulait le Prince, à savoir coucher avec de jolies filles. Je pense qu'elle profitait du caractère débonnaire du Prince, en lui envoyant n'importe quoi. De toutes façons, que la fille couche ou ne couche pas, C. était payée. Je me suis d'ailleurs engueulé avec elle à ce sujet. » ;

Qu'il avait confirmé ces déclarations le 29 avril 1997 (D16), précisant même :

« Concernant les reproches faits à S., c'est exact ; j'avais la pression du Prince. En effet, lorsqu'une fille rentrait et qu'elle ne voulait pas coucher, le Prince m'appelait immédiatement et disait : » Dis à cette connasse (sic) que ces filles sont bonnes à rien car elles ne veulent pas coucher «. Aussi m'est-il arrivé de dire à S. que si elle n'avait que des filles qui ne couchaient pas à présenter au Prince, elle pouvait se les garder car elles ne servaient à rien et en plus cela n'aboutissait qu'à se faire » engueuler « par le Prince. Elle disait alors qu'elle ne pouvait pas forcer les filles à le faire. » ;

Qu'il est en conséquence acquis à la conviction du Tribunal que même si elle a pu par ailleurs faire venir à Monaco des mannequins pour participer réellement à divers défilés ou manifestations, C. S. a sciemment fait venir à Monaco les sept jeunes femmes précitées pour qu'elles se prostituent avec le Prince Sultan ou, à tout le moins, a profité de leur venue à Monaco pour les inciter à se prostituer avec le Prince ;

Qu'ainsi, C. S., rémunérée pour son activité (rémunération acquise ou rémunération encore due), a bien partagé avec ces sept femmes le produit de leur prostitution ;

B. - En ce qui concerne F. H. :

a) Sur la complicité de proxénétisme :

Attendu que F. H. n'a jamais contesté que c'est lui qui, contacté en Autriche par C. S., avait mis à la disposition de celle-ci à Monaco M. B., D. J., N. B. et N. C. qui étaient inscrites dans le fichier de son agence viennoise d'escort-girls dénommée « European Models Escort Agency » (EME) ;

Que bien qu'insistant sur le fait que les escort-girls de son agence se contentaient normalement d'accompagner stricto sensu les clients, il a admis le 22 janvier 1998 devant le Juge d'instruction (D565) que la notion d'accompagnement n'excluait pas celle de relations sexuelles ;

Qu'il a, en effet, alors très précisément déclaré :

« On sait que accompagnement implique des relations sexuelles mais que les filles sont libres de décider. En ce qui concerne ce qui s'est passé ici à Monaco, j'ai répété aux filles qu'elles y allaient exclusivement pour être des accompagnatrices et que, s'il y avait quelque chose après, c'était elles qui devaient décider. » ;

Que le 29 janvier 1998 (D591) il a même confirmé la connotation sexuelle de la fonction d'accompagnement en admettant que cette activité a « mauvaise réputation » et que si l'on avait rajouté le mot escort au nom de sa société EUF « cela aurait fait très mauvaise impression. » ;

Que la « mauvaise réputation » de son activité paraît au surplus justifiée par les fichiers trouvés dans les locaux de la société EME et contenant les photos de candidates accompagnatrices, nues ou dans des positions sans équivoque, avec notamment indication précise du type de prestations sexuelles refusées (D322 à D381) ;

Attendu, par ailleurs, que F. H. a déclaré à plusieurs reprises qu'il n'avait jamais été dupe de la raison pour laquelle S. l'avait contacté pour la fourniture de filles pour le Prince et qu'il avait toujours su que C. S. était en fait à la recherche de jeunes filles susceptibles d'avoir des relations sexuelles avec le Prince Sultan ;

Que c'est ainsi que F. H., outre la réponse précitée : « lorsqu'on appelle une agence d'accompagnement, on sait que c'est pour des relations sexuelles » (D591), a déclaré au magistrat instructeur :

  • « Pour être précis, j'ai dit que d'habitude, l'accompagnement signifie que les filles sont prêtes à entretenir des relations sexuelles avec les clients et tout le monde le sait, c'est connu dans le monde entier. Mais ici, pour Monaco, je ne peux que confirmer que ce qui avait été convenu avec tous les commanditaires, qu'il s'agisse de S. ou de B., c'est-à-dire que pour ce prix là, les filles ne viendraient que pour l'accompagnement tout court, au sens strict du terme, et que s'il devait y avoir une relation sexuelle, celle-ci serait à négocier avec le Prince de même que ses modalités de rémunération, argent ou cadeau...

  • » Je ne vois aucune contradiction dans mes propos car, si d'un côté, j'ai une commande et que l'on sait que des relations sexuelles peuvent être envisagées, d'un autre côté, le prix est si bas qu'il est évident que les filles n'auront pas de relations sexuelles avec le client mais que, si elles le souhaitent, c'est à elles de négocier le prix avec le client. Toutefois, je confirme que tout le monde savait que lorsque S. demandait des filles, c'était pour des relations sexuelles. « (D591) ;

  • » ... lorsque nous avons parlé de tarifs au téléphone et que nous avons discuté de la différence de prix entre les 7 000 dollars que je demandais pour 2 jours et celle de 5 000 qu'elle proposait, la possibilité de relations sexuelles avec le Prince a été évoquée. « (D565) ;

  • » Elle m'a parlé au début de concours de mode mais tout le monde savait ce que voulait le Prince T. Il n'était pas nécessaire de le préciser et lorsque C. téléphonait pour demander des filles on savait qu'elle cherchait des filles qui devaient aller coucher avec le Prince. Lorsqu'elle me téléphonait en disant nous avons encore besoin de filles il nous en manque une ou deux, je savais quel était le but de cette demande. C. n'a jamais dit qu'elle voulait des filles pour qu'elles accompagnent le Prince au Jimmy's ou à un dîner ou à un concours de mode. « (D556) ;

Attendu qu'ainsi, en acceptant de fournir à C. S. des jeunes femmes dont il savait pertinemment que cette co-prévenue souhaitait qu'elles aient des relations sexuelles avec le Prince, et dont lui-même savait qu'en ce qu'elles étaient davantage des call-girls que des mannequins et quitte à renégocier les tarifs elles étaient effectivement susceptibles d'avoir de telles relations, F. H. a, avec connaissance, aidé ou assisté C. S. dans les faits qui auront préparé ou facilité le délit de proxénétisme qu'elle a commis en relation avec la prostitution de D. J., N. B., M. B. et N. C. ;

b) Sur le proxénétisme :

Attendu qu'il est reproché à F. H. d'avoir lui-même commis le délit de proxénétisme en partageant les produits de la prostitution de K. O. et d'E. S. ;

Qu'il est en conséquence nécessaire pour que ce délit soit constitué, d'une part, que K. O. et d'E. S. se soient prostituées, et, d'autre part, que F. H. ait partagé les produits de cette prostitution ;

Mais attendu, sur le premier point, qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que K. O. et d'E. S. se soient prostituées, c'est-à-dire aient accepté de s'offrir, contre rémunération, au Prince Sultan ou à quiconque de son entourage en vue de contacts sexuels de quelque nature qu'ils soient ;

Que ces deux jeunes femmes autrichiennes, effectivement envoyées par F. H. à Monaco début 1998 pour, officiellement, participer à une manifestation publicitaire de prestige, ont déclaré, d'une part, avoir ignoré que leur mission monégasque telle que conçue par H. pouvait avoir pour but des relations sexuelles et, d'autre part, en tout état de cause, n'avoir pas été consentantes pour avoir de telles relations avec le Prince ou son entourage ;

Que K. O. a ainsi fait valoir :

» On nous a emmenées à l'Hôtel de Paris à bord d'une voiture. Là, on nous a emmenées dans la suite du Prince. Le gros Prince m'a pris à la main et m'a emmenée dans une autre pièce où il me disait que je devais aller avec son ami P. dans la chambre de ce dernier, puisqu'il avait payé pour moi. Il aurait payé pour toute la nuit, j'ai refusé de suivre P. E. m'a soutenue et ensemble nous avons essayé d'expliquer au Prince qu'il y avait sûrement un malentendu. Nous ne serions pas venues à Monaco pour exercer la prostitution. Nous avons demandé au Prince de téléphoner à F. von H. à Vienne pour clarifier l'affaire. Le Prince m'a seulement poussée et ses gardes de corps m'ont emmenée dans la chambre de P. E. est restée seule avec le Prince Sultan.

Dans la chambre, P. a fermé la porte à clé et s'est déshabillé. Il s'est couché sur le lit et m'a demandé de me coucher à côté de lui. Il était complètement nu sur le lit. La pièce était fermée à clé, et j'avais très peur. Comme je refusais d'aller au lit avec lui et de pratiquer un rapport oral sur lui, P. m'a insultée comme pute et salope. Il m'a à nouveau dit qu'il avait payé pour la nuit, et que je ne devais pas faire la difficile. Il me payerait etc. À plusieurs reprises il a essayé de m'enlever mes vêtements. Quand il m'a finalement laissé tranquille, il m'a dit qu'il raconterait tout au Prince Sultan. Le Prince m'enverrait en Arabie Saoudite et plus personne ne m'y trouverait... J'étais très intimidée par cette menace.

Plus tard, dans l'Hôtel Loews, dans la chambre de H., on nous a expliqué la véritable raison de notre voyage à Monaco.

H. a dit qu'il faisait de l'escort avec des putes de luxe. [Il a dit qu'] il avait commencé petit, mais était maintenant dans les grandes affaires. [Il a dit qu'] il avait aussi des filles qui faisaient des pratiques sexuelles sadomaso. [Qu'] il avait une gamme complète. [Selon lui,] les filles qui font les pratiques sexuelles les plus extravagantes avec les clients partout dans le monde gagnent le plus... Ensuite il a commencé à nous insulter [que] nous étions vraiment bêtes, [Qu'] il nous donnait des missions magnifiques et nous pouvions même pas satisfaire les désirs des clients. Il nous a dit que le fonctionnement de son affaire était le suivant : il s'occupait de la partie financière, l'envoi des filles et la réception des commandes étaient le domaine de sa femme... « (D292) ;

Après son retour, F. H. nous a raconté la vérité sur ses affaires. Il a dit qu'il envoyait, contre 3 000 dollars, des filles vers des hommes riches, et que ces hommes allaient au lit avec les filles. Les clients feraient aussi des cadeaux aux filles. Il a littéralement dit » qu'il avait un Nobelnuttenescort « (escort de putes de luxe) ; il a essayé de nous convaincre de travailler pour lui. Selon lui, nous pouvions gagner jusqu'à 300 000 ATS par mois. Nous devions oublier les amis et la famille et travailler pour lui. Il travaillerait dans toute l'Europe et aurait de très bonnes relations. Il nous menaçait...

Nous avons fait semblant d'accepter son offre en espérant pouvoir ainsi quitter le pays » (D300) ;

Attendu que de son côté E. S. a déclaré :

« H. a expliqué à O. et moi la vraie raison pour la négociation d'envoi des filles. Il a littéralement dit que nous étions en réalité des » Nobel Nutten « (putes de luxe). En plus il a dit qu'il allait prendre les affaires de S., en prison, surtout en ce qui concerne le Prince Sultan. C'est là que j'ai entendu pour la première fois que la vraie raison pour l'envoi de mannequins était la prostitution.

Personne ne nous avait expliqué cela à Vienne. Si je l'avais su, je n'aurais jamais accepté cette mission... (D286) ;

Ses avances (les avances du Prince Sultan) devenaient de plus en plus osées ; il a essayé de m'embrasser. Nous sommes entrés dans un petit port, et M., K. et les gardes de corps devaient quitter le bateau. Un autre est resté un peu plus longtemps, il a fermé notre cabine depuis l'extérieur. Nous avons protesté que nous ne voulions pas être séparées. Ils n'ont pas réagi... Après que tout le monde ait quitté le bateau, j'ai encore essayé de lui parler. Il m'a même pas écouté et a seulement dit qu'il avait payé.

Il m'a pris le bras et m'a poussée dans la cabine. Il n'y avait pas de lumière, la lumière extérieure était suffisante pour pouvoir s'orienter... Il a enlevé son pantalon de jogging... Pendant qu'il était en train de me déshabiller et moi en train de me défendre, il m'a poussée sur la couchette. Il s'est immédiatement couché sur moi... Lors de l'accomplissement de l'acte sexuel, cette personne m'a blessée au niveau des parties génitales... Il avait du mal de l'accomplir, j'essayais de l'en empêcher en griffant et en donnant des coups de pieds. Mais je n'ai pas réussi. Après m'avoir lâchée, il m'a injuriée, quitté la cabine et poussé un cri fort. J'étais affaissée dans un coin et complètement bouleversée. Il (F. H.)... a raconté qu'il avait un service-escort mondial avec des contacts internationaux, et qu'il envoie des filles aux clients éventuels. Il nous a demandé ce que nous avions cru de ce qu'allait nous attendre à Monaco... » (D288) ;

Attendu qu'ainsi K. O. et E. S. ne peuvent être considérées s'être prostituées puisque la première, qui aurait été sollicitée pour pratiquer une fellation à un ami du Prince Sultan a résisté et refusé de s'exécuter, tandis que la seconde n'aurait eu une relation sexuelle avec le Prince que parce qu'apparemment violée ;

Attendu que rien dans le dossier ne permet d'infirmer ces déclarations et, notamment, de penser que c'est de son plein gré qu'E. S. a accepté de faire l'amour avec le Prince Sultan ;

Attendu, par ailleurs, que F. H. a prétendu, sans que la preuve contraire soit rapportée par l'accusation, qu'au titre de la venue à Monaco de K. O. et d'E. S. il n'avait reçu aucun argent du Prince Sultan bien qu'ayant versé 13 500 francs à chacune des deux jeunes femmes (D565) ;

Qu'il n'est pas plus établi, qu'il aurait été convenu avec le Prince qu'une rémunération lui serait due, en argent ou sous une forme quelconque ;

Attendu que dès lors, non seulement K. O. et E. S. ne sont pas prostituées puisqu'elles n'étaient pas consentantes pour avoir de quelconques relations sexuelles rémunérées avec le Prince Sultan ou son entourage, mais en plus il n'apparaît pas que F. H. ait en quoi que ce soit partagé directement ou indirectement la rémunération qu'elles ont pu percevoir à l'occasion de leur mission monégasque de début 1998 ;

Que le délit de proxénétisme n'est, en conséquence, pas constitué et que la relaxe de F. H. doit s'ensuivre ;

III. - Sur la déclaration de culpabilité et le mandat d'arrêt :

Attendu qu'il convient, au regard des éléments qui précèdent, de déclarer C. S. coupable du délit de proxénétisme et F. H. coupable du délit de complicité de proxénétisme et de leur faire application de la loi pénale en tenant compte de la gravité des faits, de leur répétition et du trouble causé à l'ordre public, éléments qui justifient que la peine prononcée soit assortie d'un mandat d'arrêt décerné à l'audience, pour chacun d'eux, et ce, par application de l'article 395 du Code de procédure pénale ;

IV. - Sur la demande de restitution du cautionnement de 200 000 francs :

Attendu qu'il est constant que C. S. a, par arrêt de la Chambre du Conseil de la Cour d'appel en date du 30 janvier 1998, été mise en liberté provisoire contre versement d'un cautionnement de 200 000 francs « dont 100 000 francs pour garantir sa représentation en justice et 100 000 francs pour le paiement des frais et amendes » ;

Que C. S. en sollicite la restitution ;

Attendu toutefois que la première partie du cautionnement garantit, aux termes de l'article 195 du Code de procédure pénale« la représentation de l'inculpé à tous les actes de la procédure et pour l'exécution du jugement » ;

Que compte tenu de la condamnation de C. S. qui va suivre, la demande de restitution de la première partie du cautionnement apparaît ainsi prématurée ;

Que, s'agissant de la seconde partie du cautionnement, il est acquis qu'elle a pour objet de garantir le paiement « des frais faits par la partie publique » et des « amendes » ;

Que ces frais ne sont en l'espèce pas encore liquidés, de sorte que la demande de restitution apparaît de nouveau avoir été formée prématurément ;

Attendu que la demande de restitution ne pourra donc être utilement formée, auprès de M. le Procureur général, qu'une fois que C. S. aura exécuté la peine qui va être prononcée contre elle ;

Qu'en conséquence la demande de restitution formée par C. S. doit être rejetée ;

V. - Sur la confiscation du contenu de la fiche n° 2 du scellé n° 97/117 :

Attendu qu'il y a lieu d'ordonner la confiscation du contenu de la fiche n° 2, faisant partie du scellé n° 97/117 (procès-verbal n° 8682/DPJ/1713), constituée de 37 coupures de 500 francs découvertes lors de la visite domiciliaire effectuée le 24 avril 1997 dans la chambre d'hôtel de C. S., coupures dont l'économie de la procédure donne à penser qu'elles proviennent des faits de proxénétisme reprochés à la prévenue ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

statuant contradictoirement,

  • Rejette les exceptions de nullités soulevées ;

  • Déclare C. S. coupable du délit de proxénétisme ;

  • Prononce la relaxe de F. H. du chef du délit de proxénétisme ;

  • Déclare, en revanche, F. H. coupable du délit de complicité de proxénétisme ;

En répression, faisant application des articles 41, 42 et 268 du Code pénal,

  • Les condamne, chacun, à la peine de trois ans d'emprisonnement et à celle de trente mille francs d'amende ;

  • Décerne mandat d'arrêt à leur encontre ;

  • Ordonne, par ailleurs, la confiscation du contenu de la fiche n° 2, faisant partie du scellé n° 97/117 (procès-verbal n° 682/DPJ/1713), constituée de 37 coupures de 500 francs ;

  • Rejette la demande de restitution du cautionnement de 200 000 francs formée par C. S. ;

  • Condamne, en outre, C. S. et F. H. solidairement aux frais ;

  • Fixe au maximum la durée de la contrainte par corps.

Composition🔗

MM. Labbouz v. prés. f.f. prés. ; Auter subst. proc. gén. ; Mes Mulot av. ; Michel av. déf.

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