Cour de révision, 15 mai 2020, Monsieur v. B. c/ Madame le Procureur Général
Abstract🔗
Commission rogatoire internationale - Blanchiment - Confiscation - Amende - Mesure conservatoire - Maintien - Appréciation souveraine
Résumé🔗
Les autorités monégasques ont été saisies d'une commission rogatoire internationale aux fins de faire procéder au blocage des comptes ouverts au nom de M. v. B. dans l'établissement de la COMPAGNIE MONÉGASQUE DE BANQUE ; statuant en application des dispositions de l'Ordonnance Souveraine n° 15.452 du 8 août 2002, rendant exécutoire la Convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, faite à Strasbourg le 8 novembre 1990 (la Convention), le président du tribunal de première instance a ordonné le 4 novembre 2015 le blocage des fonds et titres appartenant à M. B.; qu'en application des dispositions de l'article 9 de l'Ordonnance Souveraine n° 15.457 du 9 août 2002, relative à la coopération internationale en matière de saisie et de confiscation dans le cadre de la lutte contre le blanchiment, cette mesure conservatoire a été renouvelée pour une période de deux ans à compter du 14 novembre 2017 ; le 7 mars 2018, M. B. a sollicité du juge des référés la mainlevée de cette mesure ; par ordonnance du 28 novembre 2018, confirmée par arrêt de la cour d'appel du 30 avril 2019, sa requête a été rejetée.
Ayant constaté par motifs adoptés, que s'il n'était pas possible de fixer au stade de l'information ouverte en France le montant de la somme correspondant à la future confiscation, il résultait néanmoins des textes répressifs français cités dans la commission rogatoire internationale que l'amende pouvait s'élever à la somme de 500 000 euros et, par motifs propres, qu'il appartient au juge du fond d'apprécier le bien-fondé de la demande de coopération en vérifiant le caractère déterminable du montant de la somme maximale que l'État requérant entend récupérer, aucun élément produit au dossier n'établissant à cet égard que le solde du compte bancaire faisant l'objet du blocage puisse excéder manifestement auquel peut prétendre la Partie requérante, c'est, sans violer les dispositions légales et conventionnelles invoquées, sans contradiction et dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé que le maintien de la mesure conservatoire se justifiait.
Il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de procédure que M B. ait invoqué devant les juges du fond la possibilité de solliciter de la Partie requérante des informations complémentaires.
Le moyen, irrecevable en sa deuxième branche comme étant nouveau, mélangé de fait et de droit, doit être écarté.
Motifs🔗
Pourvoi N° 2019-68
en session civile
COUR DE RÉVISION
ARRÊT DU 15 MAI 2020
En la cause de :
- Monsieur v. B., né le 23 avril 1949 à Lutsk (Ukraine), de nationalité russe, domicilié X1 à Moscou (Fédération de Russie) ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
DEMANDEUR EN RÉVISION,
d'une part,
Contre :
- Madame le Procureur Général, séant en ses bureaux en son Parquet général au Palais de Justice, 5 rue colonel Bellando de Castro à Monaco ;
COMPARAISSANT EN PERSONNE,
DÉFENDERESSE EN RÉVISION,
d'autre part,
LA COUR DE RÉVISION,
VU :
- l'arrêt rendu le 30 avril 2019 par la Cour d'appel ;
- la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 17 septembre 2019, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de v. B.;
- la requête déposée le 2 octobre 2019 au Greffe général, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de v. B. accompagnée de 7 pièces, signifiée le même jour ;
- les conclusions du Ministère public en date du 7 octobre 2019 ;
- le certificat de clôture établi le 8 novembre 2019 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;
Ensemble le dossier de la procédure,
À l'audience du 13 mars 2020 sur le rapport de Monsieur Jacques RAYBAUD, Conseiller,
Après avoir entendu les conseils des parties ;
Ouï Madame le Procureur général ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à l'occasion d'une information judiciaire ouverte en France, les autorités monégasques ont été saisies d'une commission rogatoire internationale aux fins de faire procéder au blocage des comptes ouverts au nom de M. v. B. dans l'établissement de la COMPAGNIE MONÉGASQUE DE BANQUE ; que, statuant en application des dispositions de l'Ordonnance Souveraine n° 15.452 du 8 août 2002, rendant exécutoire la Convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, faite à Strasbourg le 8 novembre 1990 (la Convention), le président du tribunal de première instance a ordonné le 4 novembre 2015 le blocage des fonds et titres appartenant à M. B.; qu'en application des dispositions de l'article 9 de l'Ordonnance Souveraine n° 15.457 du 9 août 2002, relative à la coopération internationale en matière de saisie et de confiscation dans le cadre de la lutte contre le blanchiment, cette mesure conservatoire a été renouvelée pour une période de deux ans à compter du 14 novembre 2017 ; que, le 7 mars 2018, M. B. a sollicité du juge des référés la mainlevée de cette mesure ; que, par ordonnance du 28 novembre 2018, confirmée par arrêt de la cour d'appel du 30 avril 2019, sa requête a été rejetée ; que M. B. a formé un pourvoi en révision ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches
Attendu que M. B. fait grief à l'arrêt critiqué de refuser de constater que les conditions dans lesquelles ont été saisis ses biens sont contraires à l'article 27 de la Convention alors, selon le moyen, d'une part, « que la demande de coopération doit indiquer la somme maximale que l'on cherche à récupérer sur ce bien », que, d'autre part, « l'article 27 subordonne la validité de toute demande de coopération au respect de cette obligation », qu'enfin, « le rapport explicatif de ladite convention souligne l'importance des conditions posées par ces dispositions qui doivent s'analyser comme une exigence » ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les dispositions de l'article 27 de la Convention ne sont assorties d'aucun motif de rejet automatique entraînant un refus de coopération si le montant de la somme maximale recherchée n'est pas indiqué dans la demande et que les précisions apportées dans le rapport explicatif de la Convention, quant à l'interprétation de ces dispositions, mentionnent expressément que celles-ci ne doivent pas être comprises comme €impliquant l'obligation pour la Partie requérante de fournir des preuves manifestes€, la cour d'appel a exactement retenu que l'omission reprochée n'empêchait pas l'exécution de la demande d'entraide formulée par les autorités françaises ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen, pris en ses cinq branches
Attendu que M. B. fait grief à l'arrêt critiqué d'avoir maintenu la saisie de ses comptes bancaires alors, selon le moyen, en premier lieu, « que l'article 27 de la convention dite de »Strasbourg« tel qu'explicité au surplus par son rapport explicatif n'exige pas de l'autorité requise de vérifier le caractère »déterminable« de la somme, ce qu'elle n'est d'ailleurs pas en mesure de réaliser, mais au contraire de vérifier en tant qu'autorité requise que la demande de coopération indique »la somme maximale que l'on cherche à récupérer sur ce bien « ; en deuxième lieu, » que l'article 28 de la convention dite de «Strasbourg» prescrit dans l'hypothèse d'une demande incomplète la possibilité pour la Partie requise de solliciter la Partie requérante de modifier la demande ou de la compléter par des informations supplémentaires « ; en troisième lieu, » qu'en retenant d'une part qu'il n'était «pas possible en l'espèce à la partie requérante de fixer au stade de l'information judiciaire le montant de la somme correspondant à la future confiscation», ce qui relève en soi d'une pure spéculation, tout en retenant d'autre part que «le montant de la somme maximale que l'État requérant entend récupérer» était «déterminable» en l'espèce, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et privé de base légale sa décision « ; en quatrième lieu, » que le motif adopté selon lequel « le solde du compte bancaire faisant l'objet du blocage n'excéderait manifestement pas le montant auquel peut prétendre l'autorité requérante alors que cette circonstance est tirée d'un fait postérieur à la date de l'ordonnance entreprise » ; en cinquième lieu, « qu'au surplus le motif adopté selon lequel »le solde du compte bancaire faisant l'objet du blocage n'excéderait manifestement pas le montant auquel peut prétendre l'autorité requérante« contredit le constat de la cour qui relève par ailleurs que » l'amende pouvait s'élever (...) au double du produit tiré de l'infraction [et] que le produit de l'infraction n'apparaît pas encore déterminable " ;
Mais attendu d'une part, qu'ayant constaté par motifs adoptés, que s'il n'était pas possible de fixer au stade de l'information ouverte en France le montant de la somme correspondant à la future confiscation, il résultait néanmoins des textes répressifs français cités dans la commission rogatoire internationale que l'amende pouvait s'élever à la somme de 500 000 euros et, par motifs propres, qu'il appartient au juge du fond d'apprécier le bien-fondé de la demande de coopération en vérifiant le caractère déterminable du montant de la somme maximale que l'État requérant entend récupérer, aucun élément produit au dossier n'établissant à cet égard que le solde du compte bancaire faisant l'objet du blocage puisse excéder manifestement le montant auquel peut prétendre la Partie requérante, c'est, sans violer les dispositions légales et conventionnelles invoquées, sans contradiction et dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé que le maintien de la mesure conservatoire se justifiait ;
Et attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de procédure que M. B. ait invoqué devant les juges du fond la possibilité de solliciter de la Partie requérante des informations complémentaires ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa deuxième branche comme étant nouveau, mélangé de fait et de droit, doit être écarté ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
Rejette le pourvoi,
Condamne M. v. B. aux entiers dépens.
Composition🔗
Ainsi jugé et prononcé le quinze mai deux mille vingt,
après prorogation du délibéré dont les avocats-défenseurs ont été avisés le seize mars deux mille vingt, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs Jean-Pierre GRIDEL, faisant fonction de Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, François CACHELOT, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et Jacques RAYBAUD, Conseiller, rapporteur, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.
Le Greffier en Chef, Le Président,