Cour de révision, 13 mars 2019, La société anonyme monégasque dénommée CENTRE CARDIO-THORACIQUE DE MONACO c/ Monsieur b. E.
Abstract🔗
Contrat d'hospitalisation - Obligation de résultat - Infection nosocomiale - Cause étrangère non
Résumé🔗
Ayant relevé que l'infection, contractée de manière certaine dans un établissement de santé, absente lors de l'admission de M. E. s'était développée au moins 48 heures après, et que le Centre est un établissement de soins privé dont la responsabilité est de nature contractuelle, l'arrêt retient exactement, sur le fondement des dispositions du Code civil monégasque et sans violer les textes visés au moyen, qu'en vertu du contrat d'hospitalisation, pèse sur l'établissement de soins, en charge de l'organisation et du fonctionnement du service notamment en matière d'hygiène et d'asepsie, une obligation de résultat dont il ne peut se libérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère.
Ayant relevé qu'il résultait du rapport d'expertise établi le 21 janvier 2016 que M. E. ne présentait aucune infection pulmonaire avant son admission le 4 juin 1989 au Centre et qu'il avait été victime d'une infection nosocomiale apparue entre le 8 et le 10 juin 1989, contractée de manière certaine au Centre, excluant toute infection communautaire, l'arrêt en déduit à bon droit que l'infection dont s'agit, qui n'aurait pas pu survenir en dehors de tout séjour dans une structure de soins, ait pu néanmoins se produire après l'admission pour hospitalisation de b. E. au Centre, révèle qu'elle ne présente pas les caractères d'une cause étrangère, au demeurant non alléguée.
Motifs🔗
Pourvoi N° 2018-40
en session civile
COUR DE RÉVISION
ARRÊT DU 13 MARS 2019
En la cause de :
- La société anonyme monégasque dénommée CENTRE CARDIO-THORACIQUE DE MONACO, inscrite au RCI sous le n° 84S2044, dont le siège social est sis 11 bis avenue d'Ostende à Monaco, agissant poursuites et diligences de son Président du conseil d'administration en exercice, domicilié ès-qualités audit siège ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Bertrand PERIER, avocat aux Conseils ;
DEMANDERESSE EN RÉVISION,
d'une part,
Contre :
- Monsieur b. E., né le 11 mai 1989 à Cagnes-sur-Mer (06), de nationalité française, jardinier-paysagiste, demeurant X1 06800 Cagnes-sur-Mer ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Christophe PETIT, avocat au barreau de Nice ;
DÉFENDEUR EN RÉVISION,
d'autre part,
LA COUR DE RÉVISION,
VU :
- l'arrêt rendu le 20 mars 2018 par la Cour d'appel, statuant en matière civile ;
- la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 18 mai 2018, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de du CENTRE CARDIO THORACIQUE DE MONACO ;
- la requête déposée le 18 juin 2018 au Greffe général, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom du CENTRE CARDIO THORACIQUE DE MONACO, accompagnée de 13 pièces, signifiée le même jour ;
- la contre-requête déposée le 17 juillet 2018 au Greffe général, par Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, au nom de M. b. E. accompagnée de 4 pièces, signifiée le même jour ;
- les conclusions du Ministère Public en date du 18 juillet 2018 ;
- le certificat de clôture établi le 23 juillet 2018 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;
Ensemble le dossier de la procédure,
À l'audience du 5 mars 2019 sur le rapport de Monsieur François CACHELOT, Conseiller,
Après avoir entendu les conseils des parties ;
Ouï Madame le Procureur général ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu, selon l'arrêt critiqué et les pièces de la procédure, que M. b. E. est né le 11 mai 1989 à la clinique Baie des Anges à Cagnes-sur-mer ; qu'il a été transféré le lendemain dans une unité de prématurés et de réanimation infantile à l'hôpital de Cimiez à Nice où une malformation cardiaque a été diagnostiquée, puis dans les locaux de la société anonyme monégasque dénommée Centre cardio-thoracique de Monaco (le Centre) pour y subir le 6 juin 1989 une intervention chirurgicale ; que les suites opératoires ayant été marquées par le développement de plusieurs affections, M. E. a saisi le tribunal de première instance d'une action en réparation contre le Centre ; que selon les experts désignés par ce tribunal, M. E. a contracté au sein de cet établissement une infection nosocomiale ; que le tribunal, se fondant les constatations du rapport d'expertise, a déclaré le Centre responsable de cette infection et l'a condamné à en réparer les conséquences dommageables ; que, par arrêt du 20 mars 2018, la cour d'appel a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions ;
Sur le premier moyen
Attendu que le Centre fait grief à l'arrêt de statuer de la sorte, alors, selon le moyen, « 1°) qu'à défaut d'accord contraire des parties, les relations entre un établissement de santé établi à Monaco et un patient, à raison des soins prodigués sur le territoire de la Principauté, sont soumises au droit monégasque ; qu'à cet égard, la responsabilité d'un établissement de santé situé sur le territoire de la Principauté de Monaco à raison des soins prodigués en son sein est soumise au droit commun de la responsabilité contractuelle et suppose rapportée la preuve d'une faute en lien avec le préjudice ; qu'en jugeant, pour retenir la responsabilité du Centre cardio-thoracique de Monaco à l'égard de M. b. E. qu'en vertu du contrat d'hospitalisation conclu avec le patient pesait sur l'établissement de soins, en charge de l'organisation et du fonctionnement du service notamment en matière d'hygiène et d'asepsie, une obligation de résultat dont il ne pouvait se libérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère, sans constater d'élément permettant de déduire l'existence d'un accord des parties pour soumettre leurs relations au droit français et non au droit monégasque applicable par défaut aux relations entre un patient étranger et un établissement de santé monégasque, la cour d'appel a violé l'article 1er du Code civil, ensemble les articles 1001 et 1002 du même code ;
2°) qu'à supposer que la cour d'appel ait fait à bon droit application de la législation française sur l'indemnisation des victimes d'une infection nosocomiale, le régime de responsabilité reposant sur une présomption de responsabilité dont l'établissement de soins ne peut s'exonérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère n' a été instauré que par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, laquelle n'est applicable qu'aux infections nosocomiales consécutives à des soins administrés postérieurement au 4 septembre 2001 ; qu'en jugeant qu'en vertu du contrat d'hospitalisation conclu avec le patient, pesait en matière d'infection nosocomiale sur l'établissement de soins, en charge de l'organisation et du fonctionnement du service notamment en matière d'hygiène et d'asepsie, une obligation de résultat dont il ne pouvait se libérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère, quant il résultait de ses constatations que M. b. E. avait été admis au Centre cardio-thoracique de Monaco pour y subir une intervention chirurgicale cardiaque le 6 juin 1989, puis le 30 juin 1989 pour y subir une ablation du poumon gauche, la cour d'appel a violé l'article L.1142 du Code de la santé publique, ensemble les articles 1er, 1001 et 1002 du Code civil ;
3°) alors en tout état de cause, à supposer que la cour d'appel ait fait application du droit monégasque, que sauf en matière de maladie contractée à la suite d'une transfusion sanguine et de protection des personnes dans le cadre de la recherche biomédicale, la responsabilité d'un médecin ou d'un établissement de soins ne peut être engagée qu'à raison d'une faute prouvée ; qu'en jugeant que le Centre cardio-thoracique de Monaco était soumis à une obligation de résultat dont il ne pouvait s'exonérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère, la cour d'appel a violé les articles 1001 et 1002 du Code civil » ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'infection, contractée de manière certaine dans un établissement de santé, absente lors de l'admission de M. E. s'était développée au moins 48 heures après, et que le Centre est un établissement de soins privé dont la responsabilité est de nature contractuelle, l'arrêt retient exactement, sur le fondement des dispositions du Code civil monégasque et sans violer les textes visés au moyen, qu'en vertu du contrat d'hospitalisation, pèse sur l'établissement de soins, en charge de l'organisation et du fonctionnement du service notamment en matière d'hygiène et d'asepsie, une obligation de résultat dont il ne peut se libérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen
Attendu que le Centre fait encore grief à l'arrêt de se prononcer ainsi alors, selon le moyen, « que la cause étrangère exonérant l'établissement de soins de la responsabilité encourue en cas d'infection nosocomiale peut être constituée par le fait du médecin exerçant à titre libéral en son sein » ; qu'en l'occurrence, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que les experts judiciaires avaient indiqué dans leurs rapports « que l'origine de l'infection pulmonaire présentée était la compression bronchique consécutive à l'intervention chirurgicale du 6 juin 1989, responsable d'une atélectasie laquelle a [vait] fait le lit d'une pneumonie » ; qu'en jugeant néanmoins « que le Centre cardio-thoracique de Monaco ne rapportait pas la preuve d'une cause étrangère susceptible de l'exonérer de sa responsabilité au titre de l'infection contractée par M. E. quant il résultait de ses propres énonciations que l'infection était consécutive à l'intervention du praticien libéral ayant réalisé l'opération subie par le patient le 6 juin 1989 de sorte qu'elle était sans lien avec les soins prodigués par le Centre cardio-thoracique de Monaco, et en particulier les mesures d'hygiène et d'asepsie mises en œuvre lors du séjour de M E. la cour d'appel a violé les articles 1001 et 1002 du Code civil » ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'il résultait du rapport d'expertise établi le 21 janvier 2016 que M. E. ne présentait aucune infection pulmonaire avant son admission le 4 juin 1989 au Centre et qu'il avait été victime d'une infection nosocomiale apparue entre le 8 et le 10 juin 1989, contractée de manière certaine au Centre, excluant toute infection communautaire, l'arrêt en déduit à bon droit que l'infection dont s'agit, qui n'aurait pas pu survenir en dehors de tout séjour dans une structure de soins, ait pu néanmoins se produire après l'admission pour hospitalisation de b. E. au Centre, révèle qu'elle ne présente pas les caractères d'une cause étrangère, au demeurant non alléguée ;
Que, par ces seuls motifs la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Sur la demande de condamnation du Centre pour pourvoi abusif
Attendu que M. E. demande la condamnation du Centre sur le fondement de l'article 459-4 du Code de procédure civile à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour pourvoi abusif ;
Mais attendu qu'il ne résulte pas des circonstances de la cause que le demandeur au pourvoi a abusé de son droit de se pourvoir en révision ; qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
Rejette le pourvoi,
Rejette la demande de M. b. E. en condamnation du Centre cardio-thoracique de Monaco pour pourvoi abusif ;
Condamne le Centre cardio-thoracique de Monaco aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Régis BERGONZI, avocat- défenseur sous sa due affirmation.
Composition🔗
Ainsi jugé et prononcé le treize mars deux mille dix-neuf, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs Jean-Pierre GRIDEL, faisant fonction de Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, François CACHELOT, Conseiller, rapporteur et Serge PETIT, Conseiller en présence du Ministère Public, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.
Le Greffier en Chef, Le Président,