Cour d'appel, 20 mars 2018, La société anonyme monégasque dénommée CENTRE CARDIO-THORACIQUE DE MONACO c/ Monsieur b. EL.
Abstract🔗
Responsabilité civile - Responsabilité médicale - Centre cardio-thoracique de Monaco - Infection nosocomiale - Responsabilité contractuelle (oui) - Cause étrangère (non)
Résumé🔗
Une infection nosocomiale est une infection contractée dans un établissement de santé, qui était absente lors de l'admission du patient et qui s'est développée dans un délai d'au moins 48 heures après l'admission. Le CENTRE CARDIO-THORACIQUE DE MONACO (CCTM) est un établissement de soins privé dont la responsabilité est de nature contractuelle. En vertu du contrat d'hospitalisation conclu avec le patient, pèse en matière d'infection nosocomiale sur l'établissement de soins, en charge de l'organisation et du fonctionnement du service notamment en matière d'hygiène et d'asepsie, une obligation de résultat dont il ne peut se libérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère, comme l'a retenu le tribunal.
En l'espèce, il résulte du rapport d'expertise établi le 21 janvier 2016 que l'intimé b. EL ne présentait aucune infection pulmonaire avant son admission le 4 juin 1989 au CCTM. Lors de son séjour, l'intimé a subi une intervention chirurgicale au niveau du poumon gauche, suivie de 48 heures d'antibioprophylaxie. C'est dans les suites opératoires que le nourrisson a développé un sphacèle pulmonaire ; et aucune infection pulmonaire n'avait été diagnostiquée auparavant. Les experts ont indiqué dans leur rapport que l'origine de l'infection pulmonaire était la compression bronchique consécutive à l'intervention chirurgicale du 6 juin 1989, responsable d'une atélectasie, laquelle a fait le lit d'une pneumonie. Ils concluent que l'intimé a bien été victime d'une infection nosocomiale, apparue entre le 8 et le 10 juin 1989, contractée de manière certaine au CCTM et excluent qu'il s'agisse d'une infection communautaire.
En conséquence, le fait qu'une telle infection, qui n'aurait pas pu survenir en dehors de tout séjour dans une structure de soins, ait pu néanmoins se produire après l'admission pour hospitalisation de l'intimé au CCTM, révèle que cette infection ne présente pas les caractères d'une cause étrangère, au demeurant nullement alléguée, susceptible d'être exonératoire pour celui-ci.
C'est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'appelante devait assumer les conséquences dommageables liées à ladite infection nosocomiale. Dès lors, il convient de confirmer le jugement de ce chef.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 20 MARS 2018
En la cause de :
- La société anonyme monégasque dénommée CENTRE CARDIO-THORACIQUE DE MONACO, inscrite au RCI sous le n° 84S2044, dont le siège social est sis 11 bis avenue d'Ostende à Monaco, agissant poursuites et diligences de son Président du conseil d'administration en exercice, domicilié ès-qualités audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Silvana ORTIZ, avocat au barreau de Nice ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
- Monsieur b. EL., né le 11 mai 1989 à Cagnes-sur-Mer (06), de nationalité française, jardinier-paysagiste, demeurant X1, 06800 Cagnes-sur-Mer ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Christophe PETIT, avocat au barreau de Nice ;
INTIMÉ,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 6 avril 2017 (R. 4300) ;
Vu l'exploit d'appel parte in qua et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 2 juin 2017 (enrôlé sous le numéro 2017/000160) ;
Vu les conclusions déposées les 11 juillet 2017 et 16 janvier 2018 par Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, au nom de Monsieur b. EL. ;
Vu les conclusions déposées le 28 novembre 2017 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la SAM CENTRE CARDIO-THORACIQUE DE MONACO ;
À l'audience du 23 janvier 2018, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par la SAM CENTRE CARDIO-THORACIQUE DE MONACO, à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 6 avril 2017.
Considérant les faits suivants :
La Cour statue sur l'appel partiel relevé le 2 juin 2017 par la SAM Centre cardio-thoracique de Monaco, ci-après CCTM à l'encontre d'un jugement rendu le 6 avril 2017 par le Tribunal de première instance de Monaco et entend se référer à l'exposé par les premiers juges des faits.
Il suffit, dès lors, de rappeler les éléments ci-après énoncés :
b. EL. né le 11 mai 1989 à la clinique Baie des Anges à Cagnes-sur-Mer a été transféré, le lendemain dans une unité de prématurés et de réanimation infantile de l'hôpital de Cimiez à Nice, où une malformation cardiaque avec communication interventriculaire et transposition des gros vaisseaux a été diagnostiquée, puis au CCTM pour y subir le 6 juin 1989 une intervention chirurgicale cardiaque.
Les suites opératoires ont été marquées par le développement d'une atélectasie c'est-à-dire un affaissement des alvéoles d'une partie du poumon (le 7 juin), un décollement d'un pneumothorax complet du poumon gauche (le 11 puis le 12 juin) ainsi qu'une induration et une nécrose cutanée au niveau du bras gauche, consécutives à une perfusion de potassium sur une voie périphérique.
L'atélectasie a été compliquée par une infection pulmonaire entraînant l'ablation du poumon gauche au CCTM le 30 juin 1989.
Par jugement du 5 mars 2015, le Tribunal de Première Instance, saisi par b. EL., a ordonné une mesure d'expertise médicale confiée aux docteurs Bertrand GACHOT et Jean-Louis BERNARD, ainsi qu'au Professeur GANDJBAKHCH.
Aux termes de son rapport définitif déposé le 21 janvier 2016, le collège d'experts a conclu que l'infection présentée par b. EL. était une infection nosocomiale contractée de manière certaine au CCTM.
Sur la base de ce rapport, b. EL. a fait assigner le 22 février 2016 le CCTM devant le Tribunal de Première Instance aux fins de le voir déclaré entièrement responsable de l'infection contractée et de le voir condamné à lui verser la somme de 592.340 euros en réparation de l'intégralité de son préjudice.
Par jugement du 6 avril 2017, ce Tribunal a :
homologué le rapport d'expertise judiciaire des Docteurs Bertrand GACHOT, Jean-Louis BERNARD et Iradj GANDJBAKHCH,
dit que b. EL. a subi une infection nosocomiale à l'occasion de son hospitalisation au Centre cardio-thoracique de Monaco pour une opération réalisée le 6 juin 1989,
déclaré la SAM le Centre cardio-thoracique de Monaco responsable de cette infection et tenue d'en réparer les conséquences dommageables,
l'a condamnée à lui payer la somme totale de 394.312,50 euros, ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour statuer ainsi, les premiers juges ont pour l'essentiel relevé, d'une part que le contrat d'hospitalisation conclu entre b. EL. et le CCTM mettait à la charge de ce dernier, en matière d'infection nosocomiale, une obligation de résultat dont il ne pouvait se libérer qu'en apportant la preuve d'une cause étrangère, d'autre part que l'infection nosocomiale était en lien direct et certain avec les soins prodigués au sein du CCTM et enfin qu'en l'absence de cas de force majeure l'établissement de santé devait être déclaré entièrement responsable et tenu d'en réparer les conséquences préjudiciables.
Suivant exploit du 2 juin 2017, le CCTM a interjeté appel parte in qua de ce jugement pour voir la Cour constater divers points qu'il énumère et :
le recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondé,
infirmer le jugement entrepris du 6 avril 2017 en ce qu'il a :
dit que Monsieur EL. a subi une infection nosocomiale à l'occasion de son hospitalisation au Centre cardio-thoracique de Monaco pour une opération réalisée le 6 juin 1989,
déclaré la SAM Centre cardio-thoracique de Monaco responsable de cette infection et tenue d'en réparer les conséquences dommageables pour Monsieur EL.,
condamné la société Centre cardio-thoracique de Monaco à payer à Monsieur EL. la somme de 394.312,50 euros, tous postes d'indemnisation confondus,
débouté la société Centre cardio-thoracique de Monaco de l'intégralité de ses demandes,
condamné la société Centre cardio-thoracique de Monaco aux entiers dépens, y compris ceux réservés par le jugement du 5 mars 2015, comprenant les frais d'expertise avec distraction au profit de Maître Régis BERGONZI,
le confirmer pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs réformés, ayant tels égards que de droit pour le rapport d'expertise des Docteurs GACHOT, BERNARD et GANDJBAKHCH en date du 21 janvier 2016,
À TITRE PRINCIPAL :
dire et juger qu'il n'est pas certain que l'infection ayant entraîné la pneumonectomie gauche le 20 juin 1989 ait été contractée au CCTM,
débouter Monsieur EL. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de l'établissement de soins concluant,
SUBSIDIAIREMENT :
dire et juger que le régime de la responsabilité médicale en Principauté de Monaco y compris en matière d'infection nosocomiale est soumis aux règles du droit commun, aussi bien au moment des soins ayant eu lieu le 6 juin 1989, qu'aujourd'hui,
dire et juger que conformément aux règles de droit commun, la responsabilité de l'établissement de soins ne saurait être engagée que sur la base d'une faute de service, dont la preuve doit être rapportée en l'occurrence par Monsieur EL.,
dire et juger qu'aucun manquement du Centre cardio-thoracique de Monaco, établissement au sein duquel l'ensemble des praticiens exerce à titre libéral, n'a été établi,
dire et juger que Monsieur EL. ne démontre nullement un quelconque manquement de la part de l'établissement de soins concluant,
dire et juger qu'aucune obligation d'information ne pèse sur les établissements de soins privés,
dire et juger que Monsieur EL. reconnaît explicitement l'absence de toute faute de la société concluante dès lors qu'il revendique une indemnisation fondée sur l'aléa thérapeutique,
dire et juger que la réparation des conséquences de l'aléa thérapeutique n'entre pas dans le champ des obligations dues au patient,
dire et juger qu'aucune perte de chance ne peut être imputée à la société appelante,
EN CONSÉQUENCE :
débouter purement et simplement Monsieur EL. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
le condamner aux entiers dépens.
Pour obtenir cette réformation partielle, l'appelante reproche aux premiers juges, principalement d'avoir considéré que b. EL. a contracté une infection nosocomiale lors de son hospitalisation au CCTM alors qu'elle estime qu'il est impossible de déterminer le moment précis et le site où l'infection a été contractée, et subsidiairement d'avoir, pour la déclarer responsable de cette infection, mis à sa charge une obligation de résultat étrangère au régime monégasque de la responsabilité médicale, soumis aux règles de droit commun qui suppose de la part du patient la démonstration d'une faute, non caractérisée au cas d'espèce.
Elle rappelle que les experts n'ont relevé aucun manquement en termes de soins paramédicaux, de matériels mis à disposition des praticiens ainsi qu'au niveau du contrat d'hôtellerie, ce qui est de nature, selon elle, à exclure toute indemnisation au titre de l'extravasation lors de la perfusion.
Elle indique enfin répliquer à titre superfétatoire aux assertions soulevées en première instance par b. EL. au titre de l'obligation d'information, de la perte de chance, de l'aléa thérapeutique, de la stipulation pour autrui.
Reprenant en cause d'appel les arguments et moyens soutenus devant le premier juge qui les a exactement rapportés dans sa décision à laquelle la Cour se réfère expressément, elle fait valoir pour l'essentiel que :
le médecin est seul débiteur de l'obligation d'information,
la prescription d'un examen médical relève du praticien et non pas des établissements de soins,
en l'état actuel de la législation et de la jurisprudence monégasque, la réparation des conséquences de l'aléa thérapeutique n'entre pas dans le champ des obligations dues au patient,
le mécanisme de la stipulation pour autrui est inapplicable à Monaco où la responsabilité de l'établissement de soins ne peut être engagée que sur la base d'une faute de service, soit d'hôtellerie, soit relevant du paramédical,
en l'absence de faute commise, elle ne peut être tenue de réparer le préjudice allégué par l'intimé.
Elle s'oppose enfin à la demande de dommages-intérêts qui ne repose sur aucune justification d'un fait constitutif d'une faute dans le droit de se défendre.
b. EL., intimé et appelant incident, demande à la Cour, dans le dernier état de ses derniers écrits judiciaires, de constater divers points qu'il énumère et de :
confirmer le jugement sur la déclaration de responsabilité du CCTM,
réformer le jugement sur l'évaluation du préjudice total, Statuant à nouveau,
condamner le CCTM à lui verser la somme totale de 602.340 euros, en réparation de l'intégralité du préjudice résultant de l'infection nosocomiale, se répartissant ainsi :
159.840 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
10.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire
202.500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent
150.000 euros au titre de l'incidence professionnelle
30.000 euros au titre des souffrances endurées
20. 000 euros au titre du préjudice esthétique définitif
30. 000 euros au titre du préjudice d'agrément
réformer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de réparation du manquement à l'obligation d'information et condamner le CCTM à lui verser la somme de 20.000 euros,
réformer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande formulée au titre de l'incident de perfusion dont il a été victime et condamner le CCTM à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de la lésion cutanée du bras gauche,
réformer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes formulées au titre des dommages-intérêts et condamner le CCTM à lui verser la somme de 5.000 euros,
condamner le CCTM aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître BERGONZI.
b. EL. soutient en substance que :
les suites de l'intervention chirurgicale du 6 juin 1989 ont été marquées de deux événements : une infection pulmonaire due à la présence d'une bactérie responsable d'infections nosocomiales et une induration cutanée au niveau du bras gauche consécutive à une perfusion mal effectuée,
une obligation de sécurité résultat repose sur le CCTM sur la base du contrat de type hospitalisation qui s'est noué entre eux,
l'origine de l'infection présentée est selon les experts la compression bronchique consécutive à l'intervention médicale du 6 juin 1989, responsable d'une atélectasie, ainsi qu'un germe isolé sur l'aspiration bronchique du 9 ou 10 juin,
l'affirmation du caractère nosocomial de l'infection par les experts repose sur trois facteurs :
l'absence d'infection à l'admission au CCTM,
le développement de l'infection au cours de l'hospitalisation dans cet établissement,
le lien direct entre cette infection et les soins prodigués.
l'infection est ainsi due à une complication non fautive sous forme d'atélectasie,
le juge doit se placer au moment où il statue et non à la date des faits, sauf à priver le justiciable d'une évolution jurisprudentielle nécessaire,
la responsabilité est en la matière fondée sur la défaillance dans l'organisation des services de l'établissement de soins censé fournir un matériel et un environnement stérile aux actes médicaux,
il s'agit d'une présomption simple de responsabilité dont l'établissement peut s'exonérer en rapportant la preuve d'une cause étrangère exonératoire, qui fait défaut au cas d'espèce,
le CCTM sera donc déclaré entièrement responsable de son préjudice.
À titre subsidiaire, la responsabilité du CCTM peut selon lui être retenue sur la base :
de l'aléa thérapeutique dès lors que son dommage est sans rapport avec son état initial ou l'évolution prévisible de cet état et qu'il a été rendu possible par l'acte opératoire effectué,
d'une perte de chance d'empêcher ou de réduire l'infection contractée si après la survenue de l'atélectasie, le 7 juin 1989, une fibroscopie avait été réalisée rapidement ce qui aurait permis un diagnostic immédiat,
du mécanisme de la stipulation pour autrui, le chirurgien ayant stipulé du CCTM un acte d'opération chirurgical à son profit.
Il réclame donc l'indemnisation de son préjudice lié à l'infection nosocomiale à hauteur de la somme totale de
340 euros.
b. EL. invoque par ailleurs une violation de l'obligation d'information dès lors qu'il n'est pas démontré que ses représentants légaux aient été prévenus des risques et bénéfices de l'opération.
Il estime enfin que la responsabilité du CCTM est engagée à la suite de l'incident de perfusion qui a entraîné une lésion cutanée au bras gauche et assure que le préjudice qui en est résulté n'est pas seulement esthétique, comme le concluent les experts, mais consiste également en une légère limitation de l'extension.
En dernier lieu et dès lors que le CCTM s'est toujours opposé à ses demandes, celui-ci sera condamné au paiement d'une somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts, les frais d'expertise et les dépens étant également mis à sa charge.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que les appels, principal et incident, régulièrement formés dans les conditions de fond et de forme prévues par le code de procédure civile, doivent être déclarés recevables ;
Attendu par ailleurs, que la mission du juge consiste à trancher le litige conformément à la règle de droit ; que l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties, c'est à dire le résultat qu'elles recherchent ; que les prétentions se distinguent des moyens, éléments de fait et de droit allégués au soutien de celles-ci ;
Attendu qu'il s'en déduit que les dispositions contenues dans les dispositifs des écrits judiciaires des parties tendant à voir la Cour « constater » différents points ne constituent nullement des demandes de la part de ces parties mais des moyens auxquels il sera répondu dans le corps de l'arrêt ;
Sur la responsabilité du CCTM au titre de l'infection nosocomiale
Attendu qu'une infection nosocomiale est une infection contractée dans un établissement de santé, qui était absente lors de l'admission du patient et qui s'est développée dans un délai d'au moins 48 heures après l'admission ;
Que le CCTM est un établissement de soins privé dont la responsabilité est de nature contractuelle ;
Qu'en vertu du contrat d'hospitalisation conclu avec le patient, pèse en matière d'infection nosocomiale sur l'établissement de soins, en charge de l'organisation et du fonctionnement du service notamment en matière d'hygiène et d'asepsie, une obligation de résultat dont il ne peut se libérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère, comme l'a retenu le tribunal ;
Attendu au cas d'espèce qu'il résulte du rapport d'expertise établi le 21 janvier 2016 que b. EL. ne présentait aucune infection pulmonaire avant son admission le 4 juin 1989 au CCTM (état clinique stable, pas de fièvre, pas de signe respiratoire, pas de traitement antibiotique) et que les prélèvements positifs signalés (streptocoque le 17 mai, klebsielle le 21 mai) n'étaient pas des éléments suggérant la présence de foyers infectieux ou bactériens ;
Que lors de son séjour, b. EL. a subi une intervention chirurgicale au niveau du poumon gauche, suivie de 48 heures d'antibioprophylaxie ;
Que dans les suites opératoires le nourrisson a développé un sphacèle pulmonaire ; Qu'aucune infection pulmonaire n'avait été diagnostiquée auparavant ;
Attendu que les experts ont indiqué dans leur rapport que l'origine de l'infection pulmonaire présentée était la compression bronchique consécutive à l'intervention chirurgicale du 6 juin 1989, responsable d'une atélectasie, laquelle a fait le lit d'une pneumonie ;
Que contrairement à ce que soutient le CCTM, ils n'ont jamais, à cet égard, dit que l'artère pulmonaire serait passée devant l'aorte, se contentant de préciser qu'elle avait comprimé la bronche ;
Qu'ils concluent que b. EL. a bien été victime d'une infection nosocomiale, apparue entre le 8 et le 10 juin 1989, contractée de manière certaine au CCTM et excluent qu'il s'agisse d'une infection communautaire ;
Qu'en conséquence, le fait qu'une telle infection, qui n'aurait pas pu survenir en dehors de tout séjour dans une structure de soins, ait pu néanmoins se produire après l'admission pour hospitalisation de b. EL. au CCTM, révèle que cette infection ne présente pas les caractères d'une cause étrangère, au demeurant nullement alléguée, susceptible d'être exonératoire pour celui-ci ;
Que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'appelante devait assumer les conséquences dommageables liées à ladite infection nosocomiale ;
Attendu que, dès lors, il convient de confirmer le jugement de ce chef ;
Sur le préjudice de b. EL.
Attendu que b. EL. sollicite la confirmation des chefs de jugement relatifs aux postes de préjudice suivants : dommage esthétique temporaire, déficit fonctionnel permanent, souffrances endurées ;
Que le CCTM s'y oppose en l'absence de toute faute qui lui serait imputable, sans discuter la réalité et l'évaluation de ces chefs de préjudice ;
Que dès lors que la responsabilité de ce dernier dans l'apparition des séquelles est désormais acquise, la décision sera donc confirmée sur ces points ;
Attendu que les séquelles imputables aux conséquences des faits dommageables, constatées par les experts lors de leur examen, sont les suivantes :
une amputation du poumon gauche ayant des conséquences fonctionnelles respiratoires directes,
des anomalies orthopédiques thoraciques et rachidiennes, secondaires à la pneumonectomie, contribuant au déficit fonctionnel respiratoire et générant une gêne fonctionnelle locomotrice ainsi qu'une dysmorphie,
plusieurs cicatrices : thorax et bras gauche ;
Que les experts ont précisé qu'à l'exception de la cicatrice sur le bras gauche secondaire à une extravasation, ces lésions ne sont pas observées normalement dans les suites de la pathologie initiale, à savoir la malformation cardiaque, mais qu'elles sont la conséquence de l'infection nosocomiale ;
Sur le déficit fonctionnel temporaire :
Attendu que les experts ont retenu un déficit fonctionnel temporaire total puis partiel et ont fixé la date de consolidation au 25 septembre 2012 ;
Que ni les périodes retenues au titre de ce déficit, ni la date de consolidation énoncée ne sont contestées par b. EL. ;
Que seule la base de calcul de 25 euros appliquée par les premiers juges est discutée, au motif que la période de déficit fonctionnel temporaire recouvre toute sa petite enfance, adolescence et jeune majorité ;
Attendu que le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique ;
Qu'au cas d'espèce ce déficit a été total au cours des hospitalisations subies, partiel à 50 % le reste du temps, de la naissance à l'âge de 23 ans ;
Attendu que compte tenu des principes régissant l'indemnisation d'un tel préjudice et de son évaluation - non contestée - par les experts, les premiers juges ont justement fixé la réparation due de ce chef par le CCTM à la somme totale de 106.812,50 euros ;
Sur le préjudice professionnel :
Attendu que les experts ont indiqué que l'insuffisance respiratoire et la scoliose obèrent de façon certaine et substantielle les possibilités professionnelles accessibles à la victime ;
Que b. EL. fait valoir à ce titre que les séquelles qu'il présente l'ont contraint d'interrompre à des moments clés sa scolarité ce qui l'a privé de la possibilité d'atteindre un niveau d'études secondaires supérieur et de manière subséquente a subi la perte d'une chance professionnelle ;
Qu'à cet égard, les premiers juges ont justement considéré qu'il existait objectivement en l'état des séquelles décrites, qui sont de nature à limiter le champ d'exercice de certaines professions, une perte de chance professionnelle, laquelle devait toutefois s'apprécier quant à son étendue en prenant en compte le fait qu'il n'était pas certain qu'en l'absence de toute séquelle b. EL. aurait néanmoins pu prétendre à des diplômes supérieurs dont l'obtention dépend également d'autres facteurs ;
Qu'au regard de ces éléments, ce préjudice a justement été évalué à la somme forfaitaire de 25.000 euros, la décision étant confirmée ;
Sur le préjudice esthétique :
Attendu que pour évaluer ce préjudice à 3,5 sur une échelle de 7, les experts ont retenu principalement la scoliose génératrice d'une attitude asymétrique anormale et accessoirement des cicatrices ;
Qu'ils ont précisé que l'état de la victime était susceptible d'amélioration en cas de mise en œuvre d'une intervention orthopédique corrective sur la colonne vertébrale, mais qu'il s'agissait d'une opération lourde que la victime n'était pas disposée à tenter ;
Qu'en l'état de ces constatations, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé à 10.000 euros la réparation due au titre de ce préjudice ;
Sur le préjudice d'agrément :
Attendu que les experts ont mentionné un préjudice d'agrément important du fait que toute activité de loisir était limitée par l'insuffisance respiratoire et les troubles orthopédiques ;
Que b. EL. entend voir porter à la somme de 30.000 euros la réparation de ce chef de préjudice sans expliquer cependant en quoi la somme allouée, aux termes d'une motivation pertinente que la Cour fait sienne, serait insuffisante, notamment en énumérant les activités de loisirs auxquelles il s'adonne ;
Que le jugement, qui a indemnisé ce préjudice à hauteur de 10.000 euros, sera confirmé de ce chef ;
Sur le manquement à l'obligation d'information
Attendu que le risque consécutif à tout acte médical, doit nécessairement être porté à la connaissance du malade qui demeure libre ou non de l'accepter et donc de contracter ;
Que néanmoins, cette obligation particulière d'information vis-à-vis du patient, qui permet de ne mettre à la charge du médecin qu'une obligation de moyen, incombe à celui-ci et nullement à l'établissement de santé ;
Que le défaut éventuel d'informations qui auraient dues être données ne pouvant être imputé au CCTM, la décision sera confirmée de ce chef ;
Sur la responsabilité au titre d'une lésion cutanée au bras gauche
Attendu qu'une extravasation est survenue lors d'une perfusion sur le bras de b. EL. ;
Attendu que les experts, après avoir indiqué qu'une extravasation après un acte de chirurgie lourde sur un nouveau-né est un évènement non exceptionnel qui ne traduit pas nécessairement un quelconque manquement aux bonnes pratiques, n'ont relevé au cas d'espèce aucun manquement du CCTM à ce sujet ;
Attendu que dès lors le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté b. EL. de ce chef compte tenu de l'absence d'une faute avérée dans l'acte chirurgical, dont l'établissement de soins n'aurait pu au demeurant répondre, puisqu'il n'était pas établi que les personnels médicaux intervenants auraient été ses préposés ;
Sur les dommages-intérêts sollicités
Attendu que b. EL. sollicite la condamnation du Centre cardio-thoracique au paiement d'une somme de
000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure et appel abusifs, aux motifs que le CCTM s'est toujours opposé à ses demandes et qu'il a dû faire face à de nombreux frais de procédure ;
Mais attendu qu'aucun comportement dolosif du CCTM dans la conduite de la procédure, que ce soit en première instance ou en appel, de nature à créer un préjudice qu'il conviendrait d'indemniser par l'allocation de dommages et intérêts, ne résulte des pièces de la procédure et n'est au demeurant invoqué ;
Attendu qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement sur ce point et de débouter b. EL. de sa demande pour appel abusif ;
Et attendu que le CCTM qui succombe principalement sera condamné aux dépens d'appel, le jugement étant confirmé en ce qu'il a mis à sa charge les frais de première instance, y compris ceux réservés par le jugement du 5 mars 2015 comprenant les frais d'expertise ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit les appels,
Confirme le jugement du Tribunal de première instance du 6 avril 2017 en toutes ses dispositions,
Condamne le CCTM aux dépens d'appel, avec distraction au profit de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Virginie ZAND, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 20 MARS 2018, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier, en présence de Monsieur Jacques DOREMIEUX, Procureur Général.