Cour de révision, 24 mars 2016, M. al. AL. NO. c/ la société de droit liechtensteinois dénommée IMMOPLACE ESTABLISHMENT

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Abstract🔗

Pourvoi en révision - Éléments de fait et de preuve non soumis aux juges du fond - Moyen irrecevable - Rejet du pourvoi - Recours abusif - Conditions

Résumé🔗

Il résulte de l'article 448 du Code de procédure civile que les documents et moyens de preuve non préalablement soumis à l'appréciation des juges du fond ne peuvent être soumis à la Cour de révision. Par des motifs non contestés, la cour d'appel a constaté que les articles 877, 921 et 1435 du Code civil liechtensteinois, simplement mentionnés dans une consultation versée par l'avocat qui se trouve être le conseil de M. AL. NO., n'avaient pas été versés aux débats, de sorte qu'elle n'avait été mise en mesure d'apprécier ni leur teneur, ni leur possible application au cas d'espèce. Le moyen, mélangé de fait, est irrecevable.

L'exercice des voies de recours est un droit fondamental. Si ce droit n'est pas absolu, il ne peut être sanctionné qu'en cas d'abus, lequel est caractérisé lorsque la procédure ne repose sur aucun élément précis et qu'elle est particulièrement infondée, téméraire ou malveillante ; que ne caractérise pas un tel abus le fait de penser, à tort, que la mention et le résumé dans la consultation d'un homme de loi et versée au dossier, de dispositions étrangères dont l'application est demandée, dispensent de la production et de la traduction des textes eux-mêmes.


Motifs🔗

Pourvoi N° 2015-49 en session

Civile

COUR DE RÉVISION

ARRET DU 24 MARS 2016

En la cause de :

- Monsieur al. AL. NO., né le 20 septembre 1970 à Téhéran (Iran), de nationalité autrichienne, demeurant et domicilié X1, à Vienne (Autriche) ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

DEMANDEUR EN REVISION,

d'une part,

Contre :

- La société de droit liechtensteinois dénommée IMMOPLACE ESTABLISHMENT, dont le siège social est sis Landstrasse 34, LI-9494 à Schaan, Liechtenstein, c/o Forum Trust reg, prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration en exercice, demeurant en cette qualité audit siège,

- La fondation de droit liechtensteinois dénommée ZARKA, dont le siège se trouve sis Landstrasse 34, LI-9494 à Schaan, Liechtenstein, c/o Forum Trust reg., prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu toutes deux domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

DEFENDERESSES EN REVISION,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

  • l'arrêt rendu le 7 avril 2015 par la Cour d'appel, signifié le 28 mai 2015 ;

  • la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 26 juin 2015, par Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de M. al. AL. NO. ;

  • le récépissé délivré par la Caisse des Dépôts et Consignations sous le n° 45882, en date du 26 juin 2015, attestant du dépôt par Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom du demandeur, de la somme destinée à assurer le paiement de l'amende éventuelle prévue par la loi ;

  • la requête déposée le 24 juillet 2015 au greffe général, par Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de M. al. AL. NO., signifiée le même jour ;

  • la contre-requête déposée le 30 juillet 2015 au greffe général, par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de la société IMMOPLACE ESTABLISHMENT et la fondation ZARKA, signifiée le même jour ;

  • les conclusions du Ministère Public en date du 30 juillet 2016 ;

  • le certificat de clôture établi le 10 août 2015, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

A l'audience du 16 mars 2016 sur le rapport de M. Jean-Pierre GRIDEL, Conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï le Ministère Public ;

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi, Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt critiqué, que, par acte des 17 septembre et 3 octobre 2007, M. AL. NO., de nationalité autrichienne, s'était porté acquéreur, pour un prix de 25.000.000 d'euros, des parts sociales détenues par la fondation de droit liechtensteinois ZARKA dans la société liechtensteinoise IMMOPLACE ESTABLISHEMENT ; que le dixième de la somme était déposé auprès d'un tiers intermédiaire, dans l'attente du contrat « d'achat ferme » dont la signature devait intervenir le 30 novembre 2007 ; que la vente définitive ne s'étant pas conclue, M. AL. NO. a réclamé en justice la restitution de la somme déposée ; que, par arrêt confirmatif du 7 avril 2015, la cour d'appel a rejeté la demande ;

Attendu que M. AL. NO. fait grief à la cour d'appel d'avoir refusé de faire application des articles 877, 921 et 1435 du code civil liechtensteinois, lesquels prévoient qu'en cas de résiliation unilatérale ou d'un commun accord d'un contrat, l'acompte versé doit être restitué, alors, selon le moyen, qu'il avait été empêché de régler le solde du prix de la vente par l'obstacle qu'avait délibérément mis à sa réalisation la fondation ZARKA et la société IMMOPLACE ESTABLISHEMENT en refusant de transmettre aux autorités autrichiennes le nom du bénéficiaire économique de la fondation, laquelle n'avait plus souhaité donner suite puis avait déclaré son retrait du contrat le 3 juin 2008, malgré le délai supplémentaire prévu par le droit liechtensteinois dans une telle hypothèse, et que les textes étrangers cités ci-dessus, non littéralement reproduits devant la cour d'appel, avaient été néanmoins mentionnés et exposés quant à leur portée dans une consultation produite à l'appui de la demande, de sorte que l'arrêt, en les écartant, les aurait violé par refus d'application ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 448 du code de procédure civile que les documents et moyens de preuve non préalablement soumis à l'appréciation des juges du fond ne peuvent être soumis à la Cour de révision ; que, par des motifs non contestés, la cour d'appel a constaté que les articles 877, 921 et 1435 du Code civil liechtensteinois, simplement mentionnés dans une consultation versée par l'avocat qui se trouve être le conseil de M. AL. NO., n'avaient pas été versés aux débats, de sorte qu'elle n'avait été mise en mesure d'apprécier ni leur teneur, ni leur possible application au cas d'espèce ; d'où il suit que le moyen, mélangé de fait, est irrecevable ;

Sur la demande de la société IMMOPLACE ESTABLISHEMENT et de la fondation ZARKA au titre de l'article 459-4 du Code de procédure civile

Attendu que la société IMMOPLACE ESTABLISHEMENT et la fondation ZARKA demandent la condamnation de M. AL. NO. d'avoir à leur payer à chacune 20.000 euros, pour pourvoi abusif, par application de l'article 459-4 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'exercice des voies de recours est un droit fondamental ; que si ce droit n'est pas absolu, il ne peut être sanctionné qu'en cas d'abus, lequel est caractérisé lorsque la procédure ne repose sur aucun élément précis et qu'elle est particulièrement infondée, téméraire ou malveillante ; que ne caractérise pas un tel abus le fait de penser, à tort, que la mention et le résumé dans la consultation d'un homme de loi et versée au dossier, de dispositions étrangères dont l'application est demandée, dispensent de la production et de la traduction des textes eux-mêmes ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi ;

Déboute la société IMMOPLACE ESTABLISHEMENT et la fondation ZARKA de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Condamne M. AL. NO. aux dépens dont distraction au profit de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne la restitution à M. AL. NO. de la somme de trois cents euros consignée au titre de l'article 443 du code de procédure civile, abrogé par la loi n° 1.421 du 1er décembre 2015.

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé le vingt-quatre mars deux mille seize, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs, Jean-Pierre DUMAS, Premier-Président, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, Jean-Pierre GRIDEL, Conseiller, rapporteur et François CACHELOT, Conseiller, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, chevalier de l'ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, le Premier Président,

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