Cour d'appel, 7 avril 2015, Monsieur a. AL. NO. c/ La société A et la fondation B
Abstract🔗
Procédure civile - Demande additionnelle - Recevabilité en appel (oui) - Restitution d'un acompte - Lien suffisant avec la demande initiale en exécution de la vente (oui) - Demandes fondées sur un même fait juridique
Vente immobilière - Demande en restitution de l'acompte non fondée - Inexécution des obligations du vendeur (non) - Défaut de révélation de l'identité de l'ayant-droit économique sans incidence - Défaillance d'une condition suspensive (non) - Application de dispositions légales étrangères (non) - Enrichissement sans cause du vendeur (non) - Enrichissement procédant d'un contrat.
Résumé🔗
La demande additionnelle de restitution de l'acompte versé par le candidat acquéreur doit être déclarée recevable en appel. En effet, la demande en exécution forcée initiale et la demande de restitution de l'acompte sont fondées sur le même contrat de vente, et se rattachent au même fait juridique, à savoir l'inexécution du contrat. Les deux actions tendent donc à la réparation résultant de l'inexécution du contrat et sont donc unies par un lien suffisant.
La demande de restitution de l'acompte versé par le candidat acquéreur est mal fondée. Le requérant ne démontre aucune inexécution de la part du vendeur, le défaut de transmission de l'identité de l'ayant-droit économique de l'opération ne constituant pas un obstacle à l'opération. Il ne démontre pas davantage la défaillance de la condition suspensive dépendant de l'audit préalable, d'autant que son action initiale tendait à l'exécution forcée de la vente. Le candidat acquéreur ne peut davantage se prévaloir de dispositions légales étrangères dont la teneur et l'applicabilité au litige ne sont pas justifiées. Enfin, le candidat acquéreur se prévaut en vain d'un enrichissement sans cause, dès lors que l'enrichissement allégué du vendeur procède de l'avant-contrat de vente.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 7 AVRIL 2015
En la cause de :
- Monsieur a. AL. NO., né le 20 septembre 1970 à Téhéran (Iran), de nationalité autrichienne, demeurant et domicilié X1 à Vienne (Autriche),
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
APPELANT,
d'une part,
contre :
1- La société de droit liechtensteinois dénommée A, dont le siège social est X1 Liechtenstein, c/o du trust E., prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration en exercice, demeurant en cette qualité audit siège,
2- La fondation de droit liechtensteinois dénommée B, dont le siège se trouve sis X2, Liechtenstein, c/o du trust E., prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration en exercice, demeurant en cette qualité audit siège,
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉES,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 19 décembre 2013 (R.1896) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 11 février 2014 (enrôlé sous le numéro 2014/000116) ;
Vu les conclusions déposées les 6 mai et 3 décembre 2014, par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de la société A et de la Fondation B ;
Vu les conclusions déposées le 7 octobre 2014, par Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de a. AL. NO. ;
À l'audience du 24 février 2015, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par a. AL. NO., à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 19 décembre 2013.
Considérant les faits suivants :
Les 17 septembre et 3 octobre 2007, la Fondation B et Monsieur a. AL. NO. ont signé un « contrat de vente » portant sur divers biens situés au Monte Carlo Palace, 3, 5, 7 et 9 boulevard des Moulins à Monaco, comprenant :
- un appartement au 7ème étage de l'immeuble A-lot 35,
- 2 studios contigus au 1er étage,
- 1 cave au 2ème sous-sol- lot 121,
- 5 places de garage et un box au 2ème sous-sol,
appartenant à la société A au prix de 25.000.000 euros, avec dépôt d'un somme de 2.500.000 euros à l'agence C à l'ordre de Monsieur SH., le contrat d'achat ferme étant prévu pour le 30 novembre 2007.
Le contrat était soumis à la réalisation de la condition suspensive prévue au point 6, relative à l'accomplissement d'un audit dit de « due diligence ».
Au motif que la société A et la Fondation B ne voulaient plus signer le contrat de vente malgré la réalisation des conditions suspensives, Monsieur a. AL. NO. a, par exploit d'huissier en date du 7 juillet 2008, fait assigner la Fondation B et la société A devant le Tribunal de Première Instance de MONACO en vue, notamment, de voir dire et juger qu'il continue à bénéficier du contrat de vente signé le 17 septembre 2007, de dire que le jugement à intervenir aura une valeur d'acte de vente des biens immobiliers en cause et de voir condamner conjointement et solidairement les défendeurs à lui payer la somme de 1.000.000 euros de dommages-intérêts toutes causes de préjudices confondues.
Par exploit d'huissier en date du 5 septembre 2008, Monsieur a. AL. NO. a fait assigner la société A devant le Tribunal de Première Instance de MONACO en vue, notamment, de voir valider l'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire enregistrée le 21 juillet 2008 sur les biens propriété de ladite société et d'obtenir l'allocation de la somme de 1.000.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Par un jugement avant-dire droit en date du 23 avril 2009 n° R.4082, le Tribunal de Première Instance a rejeté l'exception d'incompétence, constaté le désistement de Monsieur a. AL. NO. de sa demande de validation de l'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire, renvoyé les parties à conclure au fond à l'audience du 28 mai 2009 et réservé les dépens.
Par un second jugement avant-dire droit du 23 avril 2009 n° R.4083, le Tribunal de Première Instance a rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société A et la Fondation B, renvoyé les parties à conclure au fond à l'audience du 28 mai 2009 et réservé les dépens.
Ces deux jugements ont été frappés d'appel le 20 mai 2009.
Par un jugement rendu le 24 octobre 2008 par le Tribunal de Commerce de VIENNE, Monsieur a. AL. NO. a été déclaré en faillite.
Par deux arrêts distincts en date du 29 juin 2010, la Cour d'Appel de ce siège a ordonné, à l'initiative de la partie la plus diligente, la mise en cause de Maître Johannes JAKSCH, pris en sa qualité de syndic-liquidateur de Monsieur a. AL. NO., renvoyé les parties à un nouvel échange d'écritures, une fois accomplie la formalité de procédure prescrite, rappelé la procédure à l'audience du 26 octobre 2010 et réservé les dépens.
Par deux arrêts en date du 3 mai 2011, la Cour d'Appel a, en outre, ordonné la jonction des instances et ordonné la délivrance d'une nouvelle citation au syndic-liquidateur en l'état de sa défaillance.
Par un arrêt du 6 décembre 2011, après jonction des instances, la Cour d'Appel a déclaré que les appels formés le 20 mai 2009 à l'encontre des jugements du 23 avril 2009 n'étaient pas immédiatement recevables.
Par un jugement du 13 juillet 2010, le Tribunal de Première Instance a ordonné la jonction des deux instances introduites et enrôlées sous les n° 2009/18 et 2009/153, ordonné, à l'initiative de la partie la plus diligente, la mise en cause de Maître Johannes JAKSCH, pris en sa qualité de syndic-liquidateur de Monsieur a. AL. NO., renvoyé la cause et les parties à l'audience du 28 octobre 2010 et réservé les dépens.
Dans le dernier état de ses écritures en première instance, Monsieur a. AL. NO. ne maintient plus sa demande tendant à voir dire que le jugement à intervenir vaudra acte de vente des biens immobiliers en cause, ni celle en validation de l'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire. Il sollicite la conversion de l'inscription provisoire d'hypothèque en hypothèque définitive ainsi que la restitution de la somme de 2.500.000 euros déposée.
Par jugement contradictoire en date du 19 décembre 2013, le Tribunal de Première Instance a statué ainsi qu'il suit :
« - déboute la FONDATION B et la société A de leurs demandes de production d'une traduction jurée des pièces n° 18, 28 et 29,
- déclare Monsieur a. AL. NO. recevable en ses demandes,
- déboute Monsieur a. AL. NO. de sa demande de restitution de l'acompte de 2.500.000 euros et de sa demande de dommages-intérêts,
- ordonne la mainlevée de l'inscription d'hypothèque provisoire prise à la requête de Monsieur a. AL. NO. et enregistrée le 21 juillet 2008 - volume 201 - n°17 au bureau des Hypothèques de la Principauté de Monaco, sur les biens propriété de la société de droit liechtensteinois dénommée « A »,
- déboute la société A et la FONDATION B de leurs demandes de dommages-intérêts,
- met les dépens à la charge de Monsieur a. AL. NO., y compris ceux réservés par jugement des 23 avril 209 (sic) et 13 juillet 2010, dont distraction au profit de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
- ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ».
Par exploit d'appel et assignation en date du 11 février 2014, Monsieur a. AL. NO. a relevé appel de cette décision.
Aux termes de cet exploit d'appel, Monsieur a. AL. NO. demande à la Cour de :
« - l'accueillir en son exploit d'appel et assignation comme recevable en la forme,
- au fond, et statuant à nouveau,
- voir réformer le jugement entrepris,
- constater que les conditions suspensives prévues au point 6 du contrat n'ont pas été réalisées,
- dire et juger que l'anéantissement de la promesse de vente sous condition suspensive dont s'agit a emporté effacement rétroactif du contrat et a eu pour effet de remettre les parties dans la situation initiale,
- condamner conjointement et solidairement la Fondation B et la société A à restituer au sieur a. AL. NO. l'acompte de 2.500.000 euros versé par ses soins,
- condamner enfin sous la même solidarité la société A et la Fondation B aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
Par conclusions déposées le 7 octobre 2014, Monsieur a. AL. NO. demande en outre de :
« - lui allouer de plus fort l'entier bénéfice de ses précédentes écritures,
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions des intimées comme étant inopérantes et sans fondement,
- condamner conjointement et solidairement les intimées aux entiers dépens distraits au profit de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
À l'appui de son appel, Monsieur a. AL. NO. fait valoir :
- qu'il a abandonné sa demande aux fins de vente forcée et lui a substitué une demande incidente, en restitution de l'acompte, ayant un lien de connexité avec la demande principale,
- qu'il estime que l'audit de « due diligence » prévu à l'article 6 du contrat n'a pas été satisfaisant dès lors qu'il n'a pas pu avoir connaissance de l'identité du véritable ayant droit économique de la Fondation B,
- que cette condition suspensive n'ayant pas été réalisée, la vente ne peut produire aucun effet, le contrat est anéanti et les parties remises dans la situation initiale,
- qu'il s'ensuit que la restitution de l'acompte doit s'opérer sans qu'il soit même besoin d'invoquer une faute du promettant,
- que le contrat, soumis au droit du Liechtenstein, ne prévoyait pas de date pour le paiement du prix, en sorte que celui-ci pouvait parfaitement être versé après la conclusion de l'acte définitif,
- que l'acte signé est un contrat principal et non un avant-contrat et que, dès lors, l'article 5 du contrat selon lequel l'acompte sera conservé par le vendeur en cas de non-réitération de l'acte ne peut trouver application,
- que l'acompte versé ne saurait être requalifié en arrhes, le contrat lui-même faisant référence à un « acompte »,
- qu'en outre, il est de jurisprudence constante au Liechtenstein que le montant des arrhes doit être raisonnable, tel n'étant pas le cas en l'espèce,
- que les sociétés intimées ont délibérément empêché la réalisation de la vente en refusant de transmettre aux autorités autrichiennes le nom du bénéficiaire économique de la Fondation B ;
- qu'en droit liechtensteinois, en cas de résiliation unilatérale ou d'un commun accord d'un contrat, l'acompte doit être restitué, cette restitution se fondant sur la théorie de l'enrichissement sans cause.
Aux termes des conclusions qu'elles ont déposées les 6 mai 2014 et 3 décembre 2014, la société de droit liechtensteinois A et la Fondation de droit liechtensteinois B demandent à la Cour de :
« - les recevoir en leur appel incident et les y déclarer fondées,
- infirmer le jugement en date du 19 décembre 2013 en ce qu'il a déclaré Monsieur a. AL. NO. recevable en ses demandes,
- Statuant à nouveau,
- Déclarer irrecevable Monsieur a. AL. NO. en sa demande de restitution de l'acompte versé en application du contrat de vente, en vertu du principe d'immutabilité du litige,
- Subsidiairement,
- Débouter Monsieur a. AL. NO. de son appel comme étant radicalement infondé,
- Confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de restitution de l'acompte de 2.500.000 euros et de sa demande de dommages-intérêts,
- Dans tous les cas,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la mainlevée de l'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire enregistrée le 21 juillet 2008, volume 201, n°17, au Bureau des Hypothèques, sur les biens propriété de la société de droit liechtensteinois A,
- Le réformer en ce qu'il a débouté la société A et la Fondation B de leurs demandes de dommages-intérêts,
- Statuant à nouveau de ce chef,
- En égard au caractère peu sérieux des moyens développés en appel,
- Condamner Monsieur a. AL. NO. à payer une somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts à la Fondation B pour procédure abusive et vexatoire,
- Condamner Monsieur a. AL. NO. à payer une somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts à la société A pour procédure abusive et vexatoire,
- Condamner Monsieur a. AL. NO. aux entiers dépens, tant de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
La société de droit liechtensteinois A et la Fondation de droit liechtensteinois B répliquent :
- que la demande en restitution de l'acompte présentée par Monsieur a. AL. NO. est irrecevable en vertu du principe de l'immutabilité du litige,
- que cette demande n'est pas une demande additionnelle mais une demande nouvelle, qui modifie la structure même du litige,
- qu'alors que l'objet du litige se trouve déterminé par les prétentions respectives des parties telles que fixées dans l'acte introductif d'instance, il ne demeure plus aucune demande qui formait le litige initial,
- que Monsieur a. AL. NO. s'est désisté de sa demande principale en vente forcée, la demande en restitution ne s'ajoutant pas à celle-ci mais s'y substituant,
- que cette demande nouvelle ne peut être formée par voie de conclusions dès lors qu'elle porte sur un objet nouveau, et que les termes du litige lui-même ont été totalement transformés en cours d'instance,
- qu'il ne peut y avoir aucun lien de connexité entre deux demandes, dont l'une est le contraire de l'autre,
- qu'au fond, Monsieur a. AL. NO. se prévaut d'une consultation du Dr Wilfried H., totalement inintelligible,
- que le point 5 du contrat énonce que l'acompte est « périmé si l'acheteur ne conclut pas, ou ne remplit pas, le contrat d'achat formel à la date du 30 novembre 2007 » et que seul l'échec de la due diligence impliquerait la restitution de l'acompte à l'acheteur,
- qu'en première instance, Monsieur a. AL. NO. n'a jamais allégué que la « due diligence » n'a pas été satisfaite,
- qu'en appel, et par pur opportunisme, il tente de soutenir que l'audit de due diligence n'aurait pas été satisfait alors qu'il a procédé à divers paiements au titre de l'acompte et a, par là-même, reconnu qu'il a été satisfait à la « due diligence »,
- que la question de l'ayant droit économique de la Fondation B est étrangère à l'objet de l'audit de « due diligence »,
- que l'appelant prétend en outre, l'acte ne prévoyant pas de date pour le paiement du prix, qu'il aurait pu verser l'acompte après la conclusion de l'acte définitif de vente, alors que la « legal opinion » émanant de Maître Manuel WALSER réduit cette thèse à néant,
- que l'acte signé entre les parties n'est qu'un avant-contrat,
- que l'acompte litigieux doit être qualifié d'arrhes et que, de ce fait, il n'est pas restituable.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé ;
SUR CE,
1 - Attendu que la recevabilité des appels principal et incident n'est pas contestée ;
2 - Attendu que la société A et la Fondation B ont relevé appel incident du jugement en ce qu'il a déclaré Monsieur a. AL. NO. recevable en ses demandes ;
Qu'elles soulèvent, sur le fondement du principe de l'immutabilité du litige, l'irrecevabilité de la demande en restitution de l'acompte ;
Attendu qu'il est constant que, selon exploit d'huissier délivré le 7 juillet 2008, Monsieur a. AL. NO. a fait assigner la Fondation B et la société A devant le Tribunal de Première Instance de MONACO en vue, notamment, de voir dire et juger qu'il continuait à bénéficier du contrat de vente signé le 17 septembre 2007 et de dire que le jugement à intervenir aura une valeur d'acte de vente des biens immobiliers en cause ;
Attendu qu'il est également constant qu'aux termes des conclusions qu'il a déposées devant cette juridiction le 12 décembre 2012, confirmées par celles du 15 mai 2013, Monsieur a. AL. NO., au visa « de la position actuelle des requises » qui « refusent désormais de vendre lesdits biens pour des motifs injustifiés et (…) ce faisant, (…) méconnaissent les engagements souscrits dans le contrat de vente ci-dessus indiqué » et du fait qu'il « est donc impossible de passer un acte authentique devant notaire », a alors sollicité de voir constater son désistement de la demande tendant à ce que le jugement à intervenir ait valeur d'acte de vente et de condamner en conséquence la Fondation B à lui restituer l'acompte versé d'un montant de 2.500.000 euros ;
Attendu que, pour déclarer Monsieur a. AL. NO. recevable en sa demande, les premiers juges ont retenu que sa demande additionnelle se fondait sur un seul et même acte et avait la même cause que la demande initiale ;
Attendu que les parties ne contestent pas l'application, en droit monégasque, du principe dit de l'immutabilité du litige ;
Attendu que la demande additionnelle est celle par laquelle une partie modifie ses prétentions antérieures ;
Attendu que l'objet du litige peut être modifié par une demande incidente, notamment additionnelle, lorsque celle-ci se rattache à la demande originaire par un lien suffisant ;
Attendu qu'il doit, dès lors, être recherché si la demande en restitution de l'acompte présente, avec l'action originaire, un lien suffisamment étroit de dépendance ou de connexité, si elle peut, de ce fait, être considérée comme une demande additionnelle, et comme telle valablement formulée par voie de conclusions, ou, à l'inverse, être analysée comme une demande nouvelle devant nécessairement être formée par une assignation introductive d'instance distincte ;
Attendu qu'il doit être admis que la partie qui allègue que l'engagement n'a pas été exécuté a le choix entre l'exécution forcée ou la restitution de l'acompte versé au titre dudit engagement, ces deux demandes, fondées sur le même contrat, se rattachant au même fait juridique, en l'espèce l'inexécution alléguée, tendent, toutes deux, à la réparation résultant de l'inexécution du contrat et constituent, sous une autre forme, l'exercice du même droit ;
Qu'il doit en être déduit, comme l'ont fait les premiers juges, que la demande en restitution d'acompte est recevable ;
3 - Attendu que l'article 5 du « contrat de vente » énonce que :
« L'acheteur a déjà déposé comme acompte un chèque de plus de 2,5 millions d'euros à l'agence C, Monaco, à l'attention de Monsieur Arash SH.. Cet acompte est périmé si l'acheteur ne conclut pas, ou ne remplit pas le contrat d'achat formel à la date du 30 novembre 2007. Par contre, le chèque de 2,5 millions d'euros devra être reversé à l'acheteur si l'audit de due-diligence n'a pas donné satisfaction. Le chèque sera validé au profit du vendeur, pour encaissement, dès l'achèvement satisfaisant de l'audit de due-diligence » ;
Que l'article 6 du contrat énonce que « L'audit de due-diligence est reconnu satisfaisant lorsqu'il montre :
- que les biens d'habitation, cave et places de garage cités existent bel et bien,
- que les biens d'habitation, cave et places de garage cités appartiennent bien à A,
- que les biens d'habitation, cave et places de garages cités seront libres et utilisables dès le mois de février 2008 après paiement de la totalité du prix d'achat (donc qu'aucun contrat de location ne peut empêcher une utilisation des lieux à partir du 1er février 2008),
- que l'hypothèque sur le bien immobilier de 6.000.000 euros sera totalement remboursé (sic) (alternative : que l'hypothèque sera reprise par l'acheteur et donc que le prix d'achat baissera de 6.000.000 euros pour atteindre 19.000.000 euros),
- qu'A existe bel et bien et que son état financier est satisfaisant, et que la vendeuse est propriétaire du droit à la société A ;
L'audit de due-diligence est également considéré comme satisfaisant lorsque l'acheteur renonce au contrôle de l'un ou de l'ensemble des biens concernés par l'audit de due-diligence cités plus haut ou qu'il n'effectue pas un tel audit de ces biens avant le 15 octobre 2007 » ;
Attendu que pour débouter Monsieur a. AL. NO. de sa demande en restitution de l'acompte de 2.500.000 euros, les premiers juges ont retenu que celui-ci ne soutenait pas que l'audit de due-diligence n'aurait pas été satisfaisant ;
Attendu que, devant la Cour, Monsieur a. AL. NO. allègue, désormais, que cet audit n'aurait pas été satisfaisant et que, dès lors, la non-réalisation d'une condition suspensive, empêcherait la vente de produire un quelconque effet ;
Attendu que l'appelant expose, en effet, avoir sollicité à de nombreuses reprises, sans avoir pu l'obtenir, « le véritable ayant droit économique de la Fondation B » ;
Mais attendu que la question de l'identité de l'ayant droit économique de la Fondation B est totalement étrangère à l'objet de l'audit de due-diligence tel que défini à l'article 6 précité, à propos duquel il n'est, par ailleurs, pas allégué que sa rédaction serait équivoque ou ambiguë ;
Que, de même, Monsieur a. AL. NO. ne saurait sérieusement arguer de la mauvaise foi des venderesses caractérisée, selon lui, par leur refus de transmettre aux autorités autrichiennes le nom du bénéficiaire économique de la Fondation B dès lors que l'appelant ne démontre ni que les intimées aient été tenues d'une obligation contractuelle de ce chef, ni que cette abstention aurait empêché l'appelant de régler le solde du prix de vente, les premiers juges ayant justement relevé que Monsieur a. AL. NO. ne justifiait même pas avoir ouvert un compte auprès d'une banque autrichienne, ni, dans le cas contraire, d'un courrier de cet établissement attestant de la disponibilité des fonds et de la nécessité de connaître l'ayant droit économique de la Fondation pour en opérer le transfert ;
Qu'en dépit de la motivation du jugement entrepris, de telles preuves ne sont pas davantage produites devant la Cour, les seuls courriers ou mails écrits par Monsieur a. AL. NO. ne pouvant, pour émaner de l'appelant lui-même, en tenir lieu ;
Qu'en outre, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, Monsieur a. AL. NO., qui a procédé au paiement, par échéances successives, de l'acompte de 2.500.000 euros, ne démontre pas que l'ignorance de l'identité du bénéficiaire économique de la Fondation B ait constitué un obstacle à ces paiements ;
Que, par ailleurs, Monsieur a. AL. NO. a, initialement, assigné les deux défenderesses en exécution forcée de la vente, reconnaissant ainsi implicitement qu'il avait été satisfait à l'audit de « due-diligence » ;
Qu'enfin, le jugement entrepris a justement considéré que l'argumentation de l'appelant était mise à néant par la communication aux débats, à l'initiative de l'appelant lui-même, d'un courrier émanant de la société E au bénéfice de la société F (pour le compte de laquelle l'opération devait être effectuée) attestant de la mise à disposition d'une somme de 18.000.000 euros au titre d'un « crédit avec cautionnement hypothécaire » et d'une somme de 8.000.000 euros au titre d'un « crédit de trésorerie » pour l'opération immobilière envisagée, sans que la moindre information sur le bénéficiaire économique de la Fondation B n'ait pourtant été exigée ;
Qu'en conséquence, l'appelant ne démontre aucune faute commise par la Fondation B qui aurait empêché la réalisation de la vente ;
Attendu, par ailleurs, que le contrat ne prévoit pas, non plus, au titre de l'audit de due-diligence, que l'acheteur puisse se « voir remettre par le vendeur tout document ou toute information utile à la transaction », l'objet de cet audit étant strictement délimité par l'article 6 précité ;
Attendu, de plus, que la seule condition suspensive dont l'appelant invoque la non-réalisation, porte sur l'audit de « due diligence » et est relative à la question de l'identité du bénéficiaire économique de la Fondation B ;
Mais attendu que se référant à sa motivation ci-dessus, la Cour considère qu'il a été suffisamment établi que Monsieur a. AL. NO. ne démontrait pas que les sociétés intimées aient été tenues de la moindre obligation contractuelle de ce chef, en sorte que le moyen tiré de l'anéantissement de la promesse de vente pour non-réalisation de ladite condition suspensive est parfaitement inopérant ;
Attendu qu'il est ensuite soutenu que l'article 5 du contrat, « selon lequel l'acompte de 2,5 millions d'euros sera conservé par le vendeur en cas de non-réitération de l'acte » ne pourrait être appliqué en l'espèce dès lors que le contrat en cause serait bien un contrat principal et non un avant-contrat ;
Que la Cour relève que, pour présenter ce moyen, l'appelant se fonde sur une analyse du contrat telle qu'elle résulte d'une consultation rédigée par le cabinet d'avocats G, ce cabinet étant, en réalité, le conseil de l'appelant, ainsi que cela est précisé dans l'une des deux consultations qu'il a rédigées : « De plus, et afin de préserver le caractère réglementaire des choses, je dois préciser que je représente les intérêts de Monsieur a. AL. NO. au Liechtenstein, aussi bien hors procédure devant les tribunaux que dans le cadre de ces procédure (sic) devant les juridictions » ;
Que la Cour ne peut, pour les mêmes raisons, se fonder sur l'analyse présentée par Maître Manuel WALSER, avocat, produite par les sociétés intimées, le cabinet G affirmant, sans que cela ne soit contesté, que le cabinet d'avocats H, dont fait partie Maître WALSER, « est également le représentant légal au Liechtenstein de la partie défenderesse et la représente devant le tribunal » ;
Attendu que la Cour se limitera à l'examen du contrat, dont la lecture, dans la version traduite versée aux débats, permet de relever, aux termes de l'article 5 de l'acte sous seing privé, que « le contrat d'achat formel » devra être signé à la date du 30 novembre 2007, et aux termes de l'article 7 que « le contrat d'achat formel qui reste à conclure est conclu après l'audit de due-diligence. Celui-ci ne contiendra pas de clauses inhabituelles, mais fixera néanmoins l'obligation de paiement et la remise des biens dans les délais » ;
Qu'il ressort de ces clauses, dont la validité ne fait pas débat entre les parties, que l'acte signé les 17 septembre et 3 octobre 2007, qui, en toute hypothèse crée des obligations pour chacune des parties, devait être suivi de la conclusion d'un contrat d'achat formel, doit être regardé comme un avant-contrat, ce dont Monsieur a. AL. NO. ne saurait sérieusement disconvenir, lui qui sollicitait, à l'origine, que le jugement à intervenir puisse valoir acte de vente ;
Attendu que le fait que l'acte sous seing privé n'ait pas prévu de date pour le paiement de la totalité du prix de vente, ne signifie pas pour autant que l'acheteur aurait pu s'acquitter du paiement de l'acompte après la conclusion du contrat d'achat définitif dès lors, d'une part, qu'il résulte de l'article 7 que le « contrat d'achat formel » devait, s'il avait été conclu, fixer l'obligation à paiement, d'autre part, qu'il résulte des termes mêmes de l'avant-contrat que le paiement de l'acompte devait nécessairement intervenir avant la signature du « contrat d'achat formel », sauf à priver l'article 5 de cet avant-contrat de toute substance ;
Attendu que ce moyen s'avère inopérant ;
Attendu que l'appelant invoque également les articles 877, 921 et 1435 du Code civil liechtensteinois, desquels il résulterait qu'en cas de résiliation unilatérale ou d'un commun accord d'un contrat, l'acompte versé devrait être restitué ;
Mais attendu, d'une part, que l'appelant ne produit pas ces textes aux débats, en sorte que la Cour n'est pas en mesure d'apprécier, ni leur teneur, ni leur possible application au cas d'espèce ;
Que, d'autre part, ils sont cités, mais sans être reproduits, dans la consultation, versée par l'appelant, du cabinet d'avocats G, en date du 12 août 2014 (pièce 33-B de l'appelant), dont la Cour rappelle qu'il est le conseil de Monsieur a. AL. NO. ;
Que le moyen tiré de l'application des textes susvisés ne pourra qu'être rejeté ;
Attendu ensuite que l'appelant fonde sa demande de restitution sur la théorie de l'enrichissement sans cause, dont il indique qu'elle est également reconnue en droit monégasque ;
Mais attendu que l'action fondée sur l'enrichissement sans cause, qui présente un caractère subsidiaire, ne saurait être admise lorsque l'enrichissement allégué trouve son origine dans un contrat ;
Qu'en l'espèce, la remise de la somme de 2.500.000 euros est intervenue dans le cadre de la convention signée par les parties les 17 septembre et 3 octobre 2007, en sorte que le moyen tiré de l'enrichissement sans cause doit être rejeté ;
Attendu, enfin, que la discussion sur la nature, arrhes ou acompte, de la somme de 2.500.000 euros versée est indifférente à la solution du litige, au regard des motifs déterminants ci-dessus d'ores et déjà retenus par la Cour ;
Attendu, en conséquence, que la confirmation du jugement entrepris s'impose en ce qu'il a débouté Monsieur a. AL. NO. de sa demande en restitution de l'acompte versé, et en ce qu'il a ordonné la main-levée de l'inscription d'hypothèque provisoire enregistrée le 21 juillet 2008 ;
4 - Attendu que les sociétés intimées sollicitent l'infirmation de la décision des premiers juges en ce qu'elle les a déboutées de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;
Mais attendu que l'action en justice est l'exercice d'un droit et que l'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'un abus, sauf démonstration, non rapportée au cas d'espèce, d'une intention de nuire, d'une malveillance ou d'une erreur équipollente au dol ;
Qu'en outre, ne sont démontrés ni le caractère vexatoire, ni le caractère dilatoire de la procédure intentée, les premiers juges ayant, par ailleurs, relevé que la longueur de la procédure s'expliquait, en partie, par le nombre d'exceptions soulevées par les sociétés aujourd'hui intimées ;
Que le jugement sera également confirmé de ce chef ;
5 - Attendu que succombant en cause d'appel, Monsieur a. AL. NO. en supportera les entiers dépens, distraits au profit de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation de droit ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Reçoit les appels,
Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 19 décembre 2013 par le Tribunal de Première Instance,
Condamne Monsieur a. AL. NO. aux entiers dépens d'appel, distraits au profit de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation de droit,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, faisant fonction de Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Monsieur Eric SENNA, Conseiller, assistés de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 7 AVRIL 2015, par Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, faisant fonction de Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Michaël BONNET, Premier substitut du Procureur Général.