Cour de révision, 27 février 2014, M. B. WA. c/ Le Ministère Public

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Escroquerie – Actes matériels – Infraction caractérisée

Moyen soulevé par le Ministère Public – Absence de pourvoi – Irrecevabilité du moyen

Amende prévue par l'article 502 Code de procédure pénale – Qualité de détenu – Dispense

Résumé🔗

Pour fonder sa conviction sur la culpabilité de M. B. WA. la Cour d'appel a constaté que ce dernier se postait à la sortie d'immeubles et abordait ses victimes potentielles au sortir de leur résidence en se faisant passer pour un ancien voisin lorsqu'il était enfant, pour instaurer un climat de confiance...que d'autres fois, il se présentait comme un sujet ou un résident monégasque, n'hésitant pas à donner une fausse identité et/ou qualité, qu'enfin, il a quelques fois complété son scénario par l'émission d'un faux appel téléphonique devant la personne concernée afin de justifier davantage de son besoin impérieux d'argent et de la véracité de ses dires. Par ce stratagème constitué de mensonges assortis d'actes positifs destinés à leur donner force et crédit et à endormir la méfiance des personnes visées, M. B. WA. s'était ainsi livré à des actes matériels d'exécution d'une manœuvre frauduleuse dans le seul but d'obtenir la remise des fonds convoités. En l'état de ces énonciations et, répondant aux moyens invoqués, l'arrêt a ainsi caractérisé l'infraction reprochée et légalement justifié sa décision.

Le Ministère Public fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement du tribunal correctionnel ayant déclaré M. B. WA. coupable des chefs d'escroqueries, tentatives d'escroquerie et prise du nom d'un tiers en le condamnant à la seule peine de dix-huit mois d'emprisonnement alors que, selon les dispositions de l'article 658 du Code de procédure pénale, les peines prononcées du chef de prise du nom d'un tiers se cumulent, sans possibilité de confusion, avec celles prononcées pour l'infraction à l'occasion de laquelle l'usurpation d'identité a été commise ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les dispositions susvisées. Mais ce moyen doit être déclaré irrecevable dès lors que le Ministère Public n'a pas formé de pourvoi à l'encontre de l'arrêt attaqué.

M. B. WA. étant détenu, il est dispensé de l'amende prévue par l'article 502 du Code de procédure pénale en application de l'article 481-1° du Code de procédure pénale.


Motifs🔗

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 27 FÉVRIER 2014

En la cause de :

  • - M. B. WA., né le 7 mai 1981 à Nogent sur Marne (94), de J-L.et de C. RA., de nationalité française, sans domicile ni résidence connus, actuellement détenu à la maison d'arrêt de Monaco ;

Prévenu de :

  • - usurpation d'identité susceptible d'entraîner une inscription au casier judiciaire d'un tiers ;

  • - escroqueries ;

  • - tentatives d'escroqueries.

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, commis d'office ;

Demandeur en révision,

d'une part,

Contre :

  • - Le MINISTÈRE PUBLIC,

Défendeur en révision,

d'autre part,

En présence de :

  • - Mme A. BE., veuve CA., née le 21 octobre 1934 à San Francisco (U. S. A.), de nationalité monégasque, retraitée, demeurant X1 à Monaco, partie civile ;

  • - Mme N. BR. veuve AM., née le 23 septembre 1939 à Etterbeek (Belgique), de nationalité suisse, sans profession, demeurant « Y » X2 à Monaco, partie civile ;

  • - M. F. ER. né le 21 septembre 1925 à Monaco, de nationalité italienne, retraité, demeurant X3, partie civile, assisté de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco ;

INTIMÉS

LA COUR DE RÉVISION,

Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions de l'article 489 du Code de procédure pénale ;

VU :

  • - l'arrêt rendu par la Cour d'appel, statuant en matière correctionnelle, le 14 octobre 2013 ;

  • - la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 17 octobre 2013, par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de M. B. WA. ;

  • - la requête déposée le 4 novembre 2013 au greffe général, par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de M. B. WA., signifiée le même jour ;

  • - les notifications du dépôt de la requête faites aux parties-civiles, par lettres recommandées avec avis de réception du greffe général en date du 5 novembre 2013, conformément aux dispositions de l'article 477 du Code de procédure pénale ;

  • - le certificat de clôture établi le 11 décembre 2013, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

  • - les conclusions du Ministère Public en date du 27 décembre 2013 ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience hors session, du 13 février 2014, sur le rapport de Mme Cécile PETIT, conseiller,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure que, par arrêt du 14 octobre 2013, M. B. WA. a été déclaré coupable des délits d'escroquerie, tentatives d'escroquerie et usurpation d'identité susceptible d'entraîner une inscription au casier judiciaire d'un tiers et a été condamné à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement ;

  • Sur les deux moyens réunis :

Attendu que M. B. WA. fait grief à l'arrêt de le déclarer coupable des faits d'escroquerie et tentative d'escroquerie et de violer l'article 330 du Code pénal alors, selon le moyen, que, de première part, le délit d'escroquerie est constitué à l'égard de quiconque qui faisant usage de manœuvres frauduleuses « pour persuader l'existence de fausses entreprises, d'un pouvoir ou d'un crédit imaginaire, ou pour faire naître l'espérance ou la crainte d'un succès, d'un accident ou de tout autre événement chimérique, se sera fait remettre ou délivrer des fonds, meubles, effets, deniers, marchandises, billets, promesses, quittances ou tous autres écrits contenant ou opérant obligation ou décharge et aura par un de ces moyens, escroqué ou tenté d'escroquer la totalité ou partie de la fortune d'autrui », que le simple mensonge ne suffit pas à caractériser les manœuvres frauduleuses, sauf à démontrer qu'y sont joints des actes positifs, qu'en déclarant M. B. WA. coupable d'escroquerie pour s'être présenté comme une ancienne connaissance à ses interlocuteurs, sans constater aucun élément extérieur permettant de donner force et crédit à ce simple mensonge, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;

alors, de deuxième part, qu'en affirmant qu'il n'a pas hésité à donner une fausse identité et/ou qualité, la Cour d'appel s'est bornée à constater un élément constitutif du délit d'escroquerie sans caractériser en quoi l'usage du faux nom et/ou de la fausse qualité ont été déterminants du consentement des interlocuteurs ;

alors enfin, que le délit d'escroquerie est constitué dès lors que l'usage d'une fausse qualité a été de nature à entraîner le consentement de la victime à la remise des fonds, que devant la Cour d'appel, M. B. WA. a soutenu que les mensonges avaient déterminé la remise ; que dans ses conclusions d'appel, il a soutenu que l'usage de la fausse identité de sujet ou de résident monégasque n'a pas pu être de nature à entraîner la confiance de ses interlocuteurs en ce qu'ils ont eux-mêmes déclaré avoir douté de sa sincérité lorsqu'il a fait usage de cette fausse qualité, qu'il ressort des éléments du dossier en cote D26 que Mme BRO., déclarait « je l'ai alors interrompu, en lui demandant qu'il ne me raconte pas d'histoires, car je savais qu'il n'était pas possible de laisser un jeune monégasque dans le besoin, et les ennuis comme il prétendait l'être », qu'en omettant de répondre au moyen soulevé dans les conclusions de M. B. WA., la Cour d'appel a commis un défaut de réponse à moyen ;

Mais attendu que pour fonder sa conviction sur la culpabilité de M. B. WA. la Cour d'appel a constaté que ce dernier se postait à la sortie d'immeubles et abordait ses victimes potentielles au sortir de leur résidence en se faisant passer pour un ancien voisin lorsqu'il était enfant, pour instaurer un climat de confiance... que d'autres fois, il se présentait comme un sujet ou un résident monégasque, n'hésitant pas à donner une fausse identité et/ou qualité, qu'enfin, il a quelques fois complété son scénario par l'émission d'un faux appel téléphonique devant la personne concernée afin de justifier davantage de son besoin impérieux d'argent et de la véracité de ses dires ; que par ce stratagème constitué de mensonges assortis d'actes positifs destinés à leur donner force et crédit et à endormir la méfiance des personnes visées, M. B. WA. s'était ainsi livré à des actes matériels d'exécution d'une manœuvre frauduleuse dans le seul but d'obtenir la remise des fonds convoités ; qu'en l'état de ces énonciations et, répondant aux moyens invoqués, l'arrêt a ainsi caractérisé l'infraction reprochée et légalement justifié sa décision ;

  • Sur le moyen relevé par le Ministère Public :

Attendu que le Ministère Public fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement du tribunal correctionnel ayant déclaré M. B. WA. coupable des chefs d'escroqueries, tentatives d'escroquerie et prise du nom d'un tiers en le condamnant à la seule peine de dix-huit mois d'emprisonnement alors que, selon les dispositions de l'article 658 du Code de procédure pénale, les peines prononcées du chef de prise du nom d'un tiers se cumulent, sans possibilité de confusion, avec celles prononcées pour l'infraction à l'occasion de laquelle l'usurpation d'identité a été commise ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

Mais attendu que le moyen doit être déclaré irrecevable dès lors que le Ministère Public n'a pas formé de pourvoi à l'encontre de l'arrêt attaqué ;

  • Sur l'amende prévue par l'article 502 du Code de procédure pénale :

Attendu que M. B. WA. étant détenu, il est dispensé de l'amende en application de l'article 481-1° du Code de procédure pénale ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi de M. B. WA.,

Déclare irrecevable le moyen de cassation soulevé par le Ministère Public dans ses conclusions ;

Dit n'y avoir lieu à l'amende,

Condamne M. B. WA. aux dépens.

Composition🔗

Ainsi délibéré et jugé le vingt-sept février deux mille quatorze, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs Roger BEAUVOIS, Premier-Président, Jean-Pierre DUMAS, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et Madame Cécile PETIT, Conseiller, rapporteur.

Et Monsieur Roger BEAUVOIS, Premier-Président, a signé avec Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles. - Le Greffier en Chef, le Premier Président

  • Consulter le PDF