Cour de révision, 4 octobre 1994, État de Monaco c/ époux S.

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Abstract🔗

Dommages - intérêts

Dommages-intérêts compensatoires - Conditions : préjudice Indépendant du retard à payer - Mauvaise foi du débiteur

Résumé🔗

Aux termes de l'article 1008 alinéa 4 du Code civil, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant du retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.

La cour d'appel, qui pour condamner l'État à payer des dommages-intérêts à ses créanciers, déclare que le retard de neuf années mis par l'État à s'acquitter de ses obligations, par le paiement du prix de l'office supprimé, constitue une faute ayant entraîné un préjudice propre justifiant l'allocation de dommages-intérêts compensatoires distincts des intérêts légaux s'ajoutant à la créance d'origine, sans constater la mauvaise foi de l'État ni caractériser un préjudice distinct du retard, n'a pas donné de base légale à sa décision.


Motifs🔗

La Cour de révision,

Sur le premier moyen du pourvoi :

Attendu que l'État fait grief à l'arrêt attaqué qui a fixé la « valeur théorique » de l'office notarial, supprimé par Ordonnance Souveraine du 14 mars 1970, dont M. R. S. était titulaire, d'avoir rejeté la demande de réduction de cette valeur formulée par l'État, en raison des nombreuses irrégularités constatées dans la tenue des dossiers de l'étude par suite d'actes illicites, alors, selon le pourvoi, que d'une part l'évaluation du prix de l'office ne peut être fondée, même partiellement, sur des produits illicites que l'ancien notaire a irrégulièrement perçus et dont il ne peut prétendre qu'ils concourent à la détermination de la valeur vénale de l'office supprimé ; que d'autre part l'ordonnance de non-lieu dont a bénéficié un ancien notaire n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée à l'égard du litige relatif à l'évaluation du prix de son office et ne fait pas obstacle à ce qu'il soit tenu compte, pour les besoins de cette évaluation, de la fraction des produits de l'office générés par les fautes de l'ancien notaire ; que de troisième part la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de l'État et l'ordonnance de non-lieu du 9 mars 1983 ; que de quatrième part l'absence de poursuites disciplinaires est sans influence sur le litige relatif à l'évaluation du prix de l'office ; qu'enfin la Cour d'appel a dénaturé les écritures d'appel de l'État qui contestait les conclusions et la méthode d'évaluation suivies par M. D., auteur d'un rapport établi à la demande des époux S. sur la valeur de l'office et a dénaturé ce rapport lui-même ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que les actes illicites invoqués par l'État avaient fait l'objet de poursuites pénales terminées par une ordonnance de non-lieu et que les irrégularités alléguées n'avaient donné lieu à aucune poursuite disciplinaire, la Cour d'appel a énoncé exactement que la commission de fautes professionnelles par un notaire n'est pas de nature à le priver de son droit sur la valeur de son office ; qu'elle a souverainement apprécié la portée du rapport de M. D. et la valeur vénale de l'office notarial supprimé et a légalement justifié sa décision sans dénaturer aucun écrit ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Rejette le premier moyen ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1008 4e alinéa du Code civil,

Attendu qu'aux termes de ce texte le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant du retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance ;

Attendu que pour condamner l'État à payer des dommages-intérêts aux époux S., la cour d'appel déclare que le retard de neuf années mis par l'État à s'acquitter de ses obligations, par le paiement du prix de l'office supprimé, constitue une faute ayant entraîné un préjudice propre justifiant l'allocation de dommages-intérêts compensatoires distincts des intérêts légaux s'ajoutant à la créance d'origine ;

Qu'en statuant ainsi sans constater la mauvaise foi de l'État ni caractériser un préjudice distinct du retard, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Casse dans la limite du second moyen, l'arrêt de la Cour d'appel du 11 mai 1993 ;

Renvoie la cause et les parties à la prochaine session de la Cour de révision ;

Composition🔗

MM. Charliac prem. prés. ; Monégier du Sorbier v. prés. ; Cochard, cons. ; Jouhaud cons. rap. ; Carrasco proc. gén. ; Vecchierini gref. en chef.

Mes Sanita et Sbarrato av.-déf. ; Piwnica et Lyon-Caen av. au cons. d'État et à la C. de cassation.

Note🔗

Cet arrêt casse une décision rendue par la cour d'appel le 11 mai 1993 dans la limite du second moyen invoqué quant à l'allocation de dommages intérêts compensatoires.

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