Cour de révision, 2 mai 1987, S.A.M. Banque de placements et de crédit c/ S.A.M. Richelmi et Société civile immobilière Gisèle.

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Abstract🔗

Promotion immobilière

Copromoteur de fait - Immixtion dans la réalisation d'une opération de promotion immobilière - Banque

Banque

Responsabilité - Promotion immobilière - Immixtion dans la réalisation

Résumé🔗

De leurs constatations qu'une banque avait notamment financé une opération immobilière avec la faculté de se substituer au maître de l'ouvrage s'il était défaillant, qu'elle avait donné des instructions aux représentants de la société civile immobilière constructrice et participé à des tractations avec des tiers, qu'enfin elle était intervenue à l'acte de vente de l'immeuble par la société civile immobilière à une autre société, en affirmant faussement que l'immeuble était libre de charge, les juges du fond peuvent déduire que cette banque s'est comportée en fait comme un copromoteur et la condamner in solidum avec la société civile immobilière à payer un entrepreneur.


Motifs🔗

LA COUR DE RÉVISION,

Sur les six moyens réunis,

Attendu que l'arrêt confirmatif attaqué a fixé à 3 372 169,31 francs le montant total des sommes dues par la S.C.I. Gisèle à la S.A.M. Richelmi, entrepreneur chargé de la construction de l'immeuble « Le Commodore » à Monaco, a déclaré la S.A.M. « Banque de placements et de crédit » (B.P.C.) responsable du préjudice subi par la Société Richelmi et a condamné in solidum la banque et la Société Gisèle à payer à la Société Richelmi la somme précitée, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

Attendu que la B.P.C. fait grief à l'arrêt d'avoir décidé qu'elle s'était comportée en fait comme un dirigeant de la Société Gisèle alors, que la Cour d'appel s'est contredite d'une part en retenant un acte d'immixtion dans la gestion de la société tout en relevant qu'il s'agissait d'un simple acte de vérification de la commercialisation des locaux construits ; d'autre part en déclarant que la banque avait participé directement à des tractations avec des tiers tout en constatant que l'un des directeurs de la banque avait écrit le 29 avril 1981 pour rendre compte aux dirigeants de la société de l'erreur commise par certaines personnes qui s'adressaient à elle ; enfin en retenant que la banque s'était crue autorisée à donner des instructions à la Société Gisèle aux fins d'inciter les associés de celle-ci à effectuer un apport de 4 millions de francs et à mettre en vente les appartements construits à un prix agréé par elle tout en constatant par là même que la banque s'adressait aux dirigeants de la société sans se substituer à eux ; que, selon le pourvoi la Cour d'appel, d'une part a dénaturé l'acte du 25 novembre 1981 portant vente de l'immeuble Commodore par la Société Gisèle à la Société Valsera Real Estate Corporation en déclarant que la banque était tenue comme partie à cet acte de certaines énonciations relatives à la situation de la Société Richelmi, que d'autre part elle a omis de répondre aux conclusions par lesquelles la banque soutenait « implicitement mais nécessairement » que la personnalité morale de la Société Gisèle faisait obstacle à ce que la banque puisse figurer comme cocontractant aux côtés du vendeur et être tenue des mêmes obligations que lui dans l'acte du 25 novembre 1981 ; qu'enfin la Cour d'appel a encore dénaturé le contrat d'ouverture de crédit intervenu entre la Société Gisèle et la banque en retenant que la banque avait stipulé pour les créanciers de l'emprunteur, au nombre desquels se trouve la Société Richelmi, alors qu'à l'évidence cette stipulation ne pouvait viser que les tiers auxquels la banque aurait cédé ses créances provenant d'un prêt et non des tiers comme Richelmi dont les créances n'ont aucun lien juridique avec l'acte de prêt ;

Mais attendu que la Cour d'appel relève que la B.P.C. avait décidé de financer l'opération de promotion immobilière du « Commodore » avant même la constitution de la S.C.I. Gisèle ; que le contrat d'ouverture de crédit du 1er avril 1980 donnait à la banque le pouvoir de surveiller la réalisation de l'opération en centralisant l'ensemble des mouvements financiers aux caisses de la banque et la faculté de se substituer au maître de l'ouvrage en cas de défaillance de celui-ci ; que la banque avait donné des instructions aux représentants de la Société Gisèle et avait participé directement à des tractations avec des tiers qui la tenaient pour maître de l'affaire ; qu'enfin les affirmations contenues dans l'acte de vente du 25 novembre 1981 auquel la banque est intervenue et selon lesquelles l'immeuble était libre de toute occupation et de charges ne traduisaient pas la réalité puisque la B.P.C. ne pouvait ignorer ni la créance de la Société Richelmi ni le fait que celle-ci occupait les lieux puisqu'un important matériel lui appartenant se trouvait encore sur le chantier du « Commodore » ; qu'ainsi la banque avait concouru à des inexactitudes ou omissions qui tendaient à méconnaître sciemment les droits d'un créancier ;

Attendu que de ces constatations la Cour d'appel, qui a procédé à une interprétation des actes rendue nécessaire par leur ambiguïté et par conséquent exclusive de dénaturation et qui n'était pas tenue de répondre en détail à l'argumentation des parties ne s'est pas contredite en décidant que la Banque de placements et de crédit s'était comportée en fait dans cette opération immobilière comme un copromoteur, qu'elle avait failli à une obligation de prudence et de diligence envers les tiers et que dès lors elle était responsable in solidum avec la Société Gisèle, tant sur le plan contractuel que sur le plan quasi délictuel, de l'intégralité du préjudice subi par la Société Richelmi ; qu'ainsi elle a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le pourvoi n'est fondé en aucun de ses griefs ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse à l'amende et aux dépens ;

Composition🔗

MM. Combaldieu, prem. prés. ; Charliac, cons. rap. ; Picco-Margossian, proc. gén. ; MMe Lorenzi, Blot et Clérissi, av. déf. ; Loyrette, av. (Cour d'appel de Paris).

Note🔗

Cet arrêt rejette un pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel du 9 décembre 1986.

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