Cour de révision, 4 mai 1979, État de Monaco c/ Dame Veuve R.

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Abstract🔗

Responsabilité de la puissance publique

Refus du concours de la force publique. Responsabilité sans faute de l'État. Réparation du préjudice causé par l'inaction de l'Administration. Point de départ de la réparation à compter de l'expiration d'un délai permettant à l'Administrateur d'exercer son action.

Résumé🔗

L'expulsion immédiate d'un occupant, ayant été judiciairement déclaré déchu de son droit au maintien dans les lieux, étant de nature à troubler l'ordre public et, le relogement des occupants pouvant s'imposer, l'Administration avant d'accorder le concours de la force publique, devait disposer d'un certain délai, qui en la cause peut être fixé à trois mois.

Après l'expiration de ce délai, l'État a l'obligation de réparer le préjudice causé par son inaction.


Motifs🔗

La Cour,

Statuant sur renvoi après cassation partielle le 13 octobre 1978, d'un arrêt de la Cour d'Appel du 21 mars 1978 qui, confirmant un jugement du 5 mai 1977, et, faisant droit à un appel incident, avait condamné le Ministre d'État à payer à la dame R. 40 498,32 F. pour loyers et charges impayés du 1er janvier 1970 à fin septembre 1977 en raison du refus d'accorder le concours de la Force Publique à l'exécution de la décision de justice du 11 décembre 1969, prononçant l'expulsion du locataire V., sans constater la date de la réquisition du Commissaire de Police, date à partir de laquelle peut être engagée la responsabilité sans faute de l'État, compte tenu du délai dont l'Administration doit normalement disposer pour exercer son action ;

Attendu que la Cour se réfère aux faits constatés par le jugement entrepris et l'arrêt de la Cour d'Appel en sa partie irrévocable ;

Attendu que dans ses conclusions additionnelles le Ministre d'État prétend que la date de la réquisition n'est pas précisée dans les écritures de la demanderesse, ni sans le rapport du Commissaire de Police en date du 28 février 1970, qui indique avoir été saisi verbalement par Maître Marquet aux fins d'assistance à l'expulsion ; qu'il soutient, en conséquence, que la réquisition a eu lieu au plus tôt à la date de ce rapport ;

Attendu qu'il allègue que pour accorder l'appui de la force publique, l'administration doit disposer d'un délai de 4 mois, en référence à la règle selon laquelle le silence gardé par l'Administration dans ce délai équivaut à une décision implicite de rejet ; qu'il précise qu'en l'espèce l'expulsion d'une épouse abandonnée avec un enfant de huit ans doit éviter un scandale sur la voie publique par le dépôt des meubles sur le trottoir, et que de telles situations, intolérables en tout lieu et en toutes circonstances le seraient particulièrement à Monaco dans le domaine du fait et sur le plan humain ;

Attendu qu'admettant que le délai de 4 mois soit retenu, il en déduit que le refus de l'Administration ne serait constitutif d'une faute qu'à dater du 1er juillet 1970 ; que la somme revenant à dame R. devrait être calculée de cette date du 30 septembre 1977, date de libération du local ; que dame R. ayant obtenu l'indemnité d'occupation pour toute l'année 1970, soit 2 828,40 F., il y a lieu de soustraire le montant de 6 mois d'indemnité soit 1 414,20 des 40 298,32 F. réclamés ;

et qu'en conséquence, l'indemnité due s'élèverait à 38 884,12 F., somme qui est offerte ;

Attendu que dame R. appelante incidente fait valoir que la réquisition est intervenue le 26 janvier 1970, ainsi qu'il résulte d'un procès-verbal de ce jour de Maître Marquet, huissier ; qu'à partir de cette date, elle était en droit d'obtenir, sans délai, vu l'urgence, l'assistance du Commissaire de Police ; que faisant état d'un précédent, et au motif que tous les citoyens sont égaux devant la loi, l'Administration ne pouvait disposer d'un délai supérieur à un mois pour exercer son action ; que la période d'indemnisation doit donc s'étendre du 1er mars 1970 au 30 septembre 1977, qu'ainsi de la somme originairement réclamée pour toute l'année 1970 de « 2 826,40 F » doit être déduite celle de 471,06 F., correspondant à deux mois de loyers et charges ; qu'en définitive la somme due s'élèverait à 39 827,26 F. ;

Sur ce,

La Cour,

Attendu qu'il résulte d'un procès-verbal de tentative d'expulsion du 26 janvier 1970, dressé par Maître Marquet, huissier, que celui-ci a requis à cette date du Commissaire de Police, le concours de la force publique, lequel n'a pas été accordé ;

Attendu que les arguments relatifs au délai de 4 mois comme constituant un rejet implicite d'une demande formulée par l'appelant, de même que le précédent invoqué par l'intimée sont inopérants ;

Attendu qu'en l'espèce, l'expulsion immédiate étant de nature à troubler l'ordre public et le relogement des occupants pouvant s'imposer, l'Administration, avant d'accorder le concours de la force publique, devait disposer d'un certain délai qui, en la cause, peut être fixé à 3 mois ;

Attendu qu'après l'expiration de ce délai, l'État a l'obligation de réparer le préjudice causé par son inaction ; que dès lors, ne sont à prendre en considération que les loyers et charges impayés à dater du 26 avril 1970 ;

Attendu sur le montant du préjudice pour l'année 1970 que l'appelant ne demande la réduction de l'indemnité accordée par le Tribunal que pour les loyers, à l'exclusion des charges ; qu'en conséquence, le préjudice à réparer pour les loyers impayés du 26 avril au 31 décembre 1970, s'élève à 1 924,34 F. ;

Attendu que pour la période du 1er janvier 1971 au 30 septembre 1977, les sommes réclamées par dame R. dans son assignation et par son appel incident ne sont pas contestées par le Ministre d'État ;

Attendu, dès lors, que le montant global du préjudice s'élève à : 39 397,72 F. ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Reçoit le Ministre d'État en son appel et l'y déclare partiellement fondé ;

Reçoit dame R. en son appel incident et y faisant droit ;

Amendant le jugement du 5 mai 1977, condamne le Ministre d'État à payer à dame R. la somme de 39 397,72 F. ;

Déboute les parties de toutes autres conclusions ;

Note🔗

NOTE : Voir supra les décisions rendues par le tribunal de première instance le 5 mai 1977, la cour d'appel le 21 mars 1978 et la Cour de révision le 13 octobre 1978.

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