Cour européenne des droits de l'Homme, 6 juin 2024, C.C. c/ Monaco

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Abstract🔗

CEDH - Procédure de divorce - Droit de visite et de garde des enfants - Exercice effectif du droit de visite du père - Refus de la garde alternée et d'un droit d'hébergement - Violation de l'article 8 (non) - Mesures d'investigation nombreuses et variées - Préservation des contacts entre le père et ses enfants

CEDH - Article 6 § 1 - Droit à un procès équitable - Procédure de divorce - Durée excessive de la procédure - Grief recevable (non) - Non-épuisement des voies de recours interne - Violation de Article 6 § 1 (non) - Pension alimentaire au bénéfice de l'ex-épouse - Équité de la procédure (oui)

Résumé🔗

La requête concerne principalement le maintien des liens entre le requérant et ses deux filles mineures dans le cadre d'une procédure de divorce et la durée de cette procédure devant les juridictions monégasques (articles 6 § 1 et 8 de la Convention). Invoquant l'article 8 de la Convention, celui-ci se plaint de ne pas avoir pu exercer effectivement son droit de visite à l'égard de ses deux filles mineures au cours de la procédure de divorce qui a duré plus de six ans devant les juridictions monégasques. Il se plaint également du refus par celles-ci de la mise place d'une garde alternée et de tout droit d'hébergement.

Sur la violation alléguée de l'article 8 de la Convention, la cour rappelle que conformément aux principes généraux applicables dans les affaires relatives aux cas de conflit entre les parents au sujet du droit de visite et de garde des enfants et au maintien de liens suffisants entre un parent et ses enfants confiés à la garde de l'autre parent à titre principal qu'elle a précédemment dégagés (notamment dans les arrêts n° 10161/13, 3 septembre 20215, n° 36216/13, 14 mars 2017 et n° 41382/19, 22 avril 2021), le point décisif consiste à savoir si les autorités nationales ont pris, pour faciliter les visites ou le regroupement, toutes les mesures nécessaires que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elles en l'occurrence. Dans ce contexte, si la Cour ne peut se substituer aux autorités internes pour réglementer les questions de garde et de visite, il lui incombe d'apprécier sous l'angle de la Convention les décisions qu'elles ont rendues dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation.

Dans le contexte de l'espèce d'un divorce particulièrement conflictuel, la cour européenne des droits de l'homme constate que si les juridictions nationales ont pris, pour maintenir des liens entre le requérant et ses deux filles mineures, toutes les mesures nécessaires que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elles en l'occurrence. Elle observe notamment que tout au long de la procédure, les juges ont été particulièrement attentives à la préservation des contacts du requérant avec ses filles malgré d'importantes et persistantes difficultés relationnelles. Elle relève en outre que tous les membres de la famille ont fait l'objet d'une enquête sociale, d'expertises psychiatriques et psychologiques et une médiation a été ordonnée sans succès et que l'avis des enfants été pris en considération. Selon la cour, le dossier démontre que le rejet des demandes de résidence alternée et d'un droit d'hébergement du père est la conséquence de ses difficultés propres à établir des relations stables et positives avec ses enfants. Elle conclut que rien n'indique que les décisions prises pour déterminer les droits de visite du requérant et rejeter ses demandes de résidence alternée aient été entachées d'arbitraire ou manifestement déraisonnables. Le processus décisionnel dans sa globalité apparaît avoir suffisamment protégé les intérêts du requérant.

Sous l'angle de l'article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de la procédure de divorce et du rejet de ses demandes de suppression de la pension alimentaire due à son ex-épouse. S'agissant de la durée de la procédure, le requérant fait valoir la procédure a excédé la durée raisonnable au sens de l'article 6 § 1 de la Convention. Le grief est irrecevable, faute pour le requérant d'épuisement des voies de recours interne. Le requérant soulève l'iniquité des décisions ayant rejeté sa demande de suppression de la pension alimentaire due à son ex-épouse. La Cour considère que les décisions des juridictions internes, qui ont abouti à la fixation d'une pension alimentaire au bénéfice de l'ex-épouse au terme d'une procédure dépourvue d'arbitraire, ne font apparaître aucune apparence de violation de l'article 6 § 1. Ces décisions étaient convenablement motivées et elles ont conclu qu'il existait une disparité patrimoniale entre les époux.


DÉCISION

La Cour européenne des droits de l'homme (cinquième section), siégeant le 6 juin 2024 en un comité composé de :

  • Lado Chanturia, président,

  • Stéphanie Mourou-Vikström,

  • Mykola Gnatovskyy, juges,

  • et de Martina Keller, greffière adjointe de section,

Vu :

  • la requête n° 37218/19 contre la Principauté de Monaco et dont un ressortissant italien, M. C.C. (« le requérant ») né en 1964 et résidant à Todi (Italie), admis au bénéfice de l'assistance judiciaire et représenté par Me S. Allaert, avocate exerçant à Paris, a saisi la Cour le 8 juillet 2019 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentalesla Convention »),

  • la décision de porter à la connaissance du gouvernement monégasque (« le Gouvernement »), représenté par son agent près la Cour européenne des droits de l'homme, M. J.-L. Ravera, les griefs concernant les articles 6 § 1 et 8 de la Convention,

  • après avoir été informé de son droit de prendre part à la procédure, l'absence de réponse de l'État italien valant décision de ne pas y donner suite (articles 36 § 1 de la Convention et 44 § 1 du règlement de la Cour),

  • la décision de ne pas dévoiler l'identité du requérant,

  • les observations des parties, celles du Gouvernement ayant été versées au dossier conformément à la décision du président de la chambre (article 38 § 1 du règlement),

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

Objet de l'affaire🔗

1. La requête concerne principalement le maintien des liens entre le requérant et ses deux filles mineures dans le cadre d'une procédure de divorce et la durée de cette procédure devant les juridictions monégasques (articles 6 § 1 et 8 de la Convention).

2. Le 11 avril 1998, le requérant épousa K.R., de nationalité hongroise. Ils eurent deux filles, A. et N., nées à Budapest respectivement les 13 novembre 2002 et 16 juin 2005 et s'installèrent à Monaco en 2003.

3. Le 31 octobre 2012, K.R. déposa une requête en divorce devant le tribunal de première instance de Monaco, invoquant le comportement violent du requérant à son égard et son absence d'implication dans leur vie de famille.

4. Le 22 mars 2013, le juge du tribunal de première instance en charge de la procédure de divorce désigna le docteur J., pédopsychiatre, afin d'examiner l'ensemble des membres de la famille et ordonna une enquête sociale, ainsi qu'une mesure de médiation. Le requérant fut autorisé à exercer un droit de visite tous les mercredis jusqu'à 18 heures, ainsi qu'une journée toutes les fins de semaine et durant les jours fériés.

5. Le rapport du docteur J. du 27 mai 2013 conclut à l'absence de trouble de la personnalité affectant les membres de la famille. Le rapport d'enquête sociale du 17 mai 2013 conclut, après l'audition des enfants, au caractère prématuré d'un droit d'hébergement au domicile du requérant en l'absence d'une « sécurité affective » suffisante auprès de leur père.

6. Le 26 novembre 2013, le juge tutélaire, compétent pour statuer sur les difficultés dans les rapports familiaux, après avoir entendu les deux enfants, dit n'y avoir lieu à une mesure d'assistance éducative faute d'une situation de danger aux domiciles des parents.

A. Instauration d'un droit d'hébergement🔗

7. Par une ordonnance de non-conciliation du 4 décembre 2013, le juge du tribunal de première instance entérina, au titre des mesures provisoires, l'accord des parties quant à l'exercice conjoint de l'autorité parentale et la résidence habituelle des enfants au domicile de la mère. Tenant compte du rapport du docteur J. précité, défavorable à une résidence alternée tout en relevant l'importance du maintien de la place du père, le juge accorda au requérant un droit de visite et d'hébergement usuel à l'égard de ses filles, le mercredi et une fin de semaine sur deux du samedi au dimanche durant les périodes scolaires et la moitié des vacances. Il fixa par ailleurs à la charge du requérant une pension alimentaire d'un montant de 800 euros (EUR) par mois au bénéfice de K.R. et fixa sa part contributive pour l'entretien et l'éducation des enfants à la somme mensuelle totale de 1 200 EUR. Le requérant interjeta appel.

8. Par un arrêt du 24 juin 2014, rectifié le 8 juillet 2014, la cour d'appel confirma l'ordonnance de non conciliation sauf à préciser les modalités des droits du père pendant les vacances scolaires et à les élargir au vendredi soir des fins de semaines attribuées au requérant. Rappelant la primauté de l'intérêt des enfants et relevant l'impact négatif du comportement passé du requérant sur l'image paternelle, elle rejeta à la fois la demande de résidence alternée de ce dernier et la demande de suppression de tout droit d'hébergement présentée par K.R. S'agissant des mesures financières, elle releva notamment l'importance des capitaux détenus par le requérant tandis que K.R., sans emploi, ne percevait que les allocations chômage.

B. Suspension du droit d'hébergement et instauration d'une mesure d'assistance éducative🔗

9. Le 12 novembre 2014, le juge tutélaire rendit deux ordonnances, ultérieurement confirmées par deux arrêts de la cour d'appel du 16 avril 2015. D'une part, évoquant le mal-être des enfants « largement perceptible lors de leurs auditions », qui reprochaient à leur père de « hurler » souvent en leur présence, et l'hospitalisation de A. à deux reprises en raison de symptômes somatiques évoquant une forte anxiété, il décida d'instaurer une mesure d'assistance éducative de deux ans au bénéfice des enfants. D'autre part, il ordonna une expertise psychologique familiale, désignant à cette fin S., psychologue. Prenant en compte la parole des deux enfants, il suspendit en outre le droit d'hébergement du requérant et fixa son droit de visite en journée une fin de semaine sur deux les samedis et dimanches ainsi que pendant la moitié des vacances scolaires. Le requérant contesta quant à lui tout problème relationnel avec ses filles et invoqua une manipulation de la part de leur mère.

10. Le 26 mars 2015, l'éducateur spécialisé en charge de la mesure d'assistance éducative déposa son rapport de situation, dans lequel il notait d'importantes difficultés dans l'exercice du droit de visite du requérant, source de souffrance pour les deux enfants.

11. Le 5 mai 2015, S. remit son rapport d'expertise familiale. Il souligna l'absence de troubles psychologiques ou psychiatriques tant chez les parents que chez les enfants et écarta l'existence d'une « aliénation parentale » par la mère alléguée par le père, définie par ce dernier comme une emprise de K.R. sur ses filles de nature à le priver totalement de son rôle de père. L'expert releva qu'un droit d'hébergement au profit du père ne semblait pas encore envisageable, en raison des difficultés rencontrées par le requérant avec ses enfants, comportant un risque de rupture des liens devant être préservés. Il suggéra de médiatiser les droits de visite du requérant avec ses enfants.

12. Par un jugement avant dire droit du 28 juillet 2015, le tribunal de première instance rejeta la demande de K.R. de modification du droit de visite du requérant et d'augmentation de la pension alimentaire versée par son mari. Il jugea par ailleurs qu'une nouvelle expertise psychologique sollicitée par le requérant n'était pas justifiée, le docteur J. ayant déjà examiné l'ensemble de la famille sans déceler aucune pathologie, et le rapport d'expertise psychologique de S. confirmant cette analyse.

13. Par ordonnances du 17 décembre 2015, le juge tutélaire, saisi le 22 octobre 2015 par K.R. d'une demande de réduction du droit de visite du requérant, releva la dégradation progressive des relations entre le père et ses enfants, source potentielle de la rupture des liens. Il fixa un droit de visite tous les mercredis après-midi et un samedi après-midi sur deux au sein de l'espace de rencontre parents-enfants des services sociaux. Il rejeta la demande du requérant aux fins de nouvelle expertise psychologique ou psychiatrique de K.R. et des enfants, en vue de se prononcer sur l'existence d'une emprise de la mère sur ses filles au détriment du père, hypothèse non retenue par les conclusions des rapports de S. et du docteur J. Le requérant interjeta appel.

14. Par deux arrêts du 24 mars 2016, la cour d'appel rejeta la demande du requérant aux fins d'expertise et de médiation familiale, relevant qu'aux termes de l'expertise de S., si les parents étaient indemnes de pathologies psychiques, ils étaient tous deux incapables de dépasser leur conflit, ce qui avait « des effets délétères sur le bon développement psychologique de leurs enfants », le requérant se révélant « incapable de remettre en cause son propre système de valeur » tandis que K.R. adoptait un rôle très protecteur rendant ses filles dépendantes de leur relation. Elle modifia le droit de visite du requérant, jugeant essentiel que ce dernier construise une relation directe avec ses filles en l'exerçant en dehors de toute médiatisation et sur des temps plus longs, les mercredis et les fins de semaines y compris pendant la moitié des vacances scolaires (samedi ou dimanche).

15. Le 26 septembre 2016, V., éducateur spécialisé, rendit son rapport en informant le juge tutélaire que l'exercice des droits de visite du père, à de rares exceptions près, demeurait problématique et conflictuel, engendrant tensions et angoisses chez les enfants au lieu de les apaiser.

16. Par deux ordonnances du 8 novembre 2016, le juge tutélaire entendit les enfants et renouvela pour un an la mesure d'assistance éducative à leur égard, principalement en raison du conflit parental empêchant toute communication dans l'intérêt des enfants.

17. Par un jugement du 1er juin 2017, le tribunal de première instance prononça le divorce aux torts exclusifs du requérant. Reprenant les constatations du docteur J., de S. et les rapports d'assistance éducative, le tribunal jugea qu'un droit d'hébergement ne pouvait être envisagé, le requérant n'ayant pas exercé son droit de visite de manière régulière et agissant à l'encontre de l'intérêt des enfants afin de nuire à la mère (suivi médical émaillé de plaintes multiples, opposition systématique aux décisions scolaires et au renouvellement des pièces d'identité). Malgré le déni de ses agissements par le requérant et afin de maintenir les liens père-filles, il fixa au titre des mesures provisoires les droits de visite hebdomadaires durant les périodes scolaires (mercredi et samedi en alternance) et la moitié des vacances (samedi et dimanche en alternance). Concernant les mesures financières, constatant l'absence de transparence du requérant sur l'ensemble de son patrimoine ainsi que la situation précaire de K.R., le tribunal fixa la pension alimentaire due à cette dernière à la somme de 500 EUR par mois. Le requérant interjeta appel, sollicitant notamment une résidence alternée.

C. Fin de la procédure d'assistance éducative et maintien d'un droit de visite🔗

18. Le 10 novembre 2017, le juge tutélaire dit n'y avoir lieu de renouveler la mesure d'assistance éducative au profit des filles du requérant, les différents rapports attestant de la disparition de leurs symptômes de mal-être tandis que le conflit parental restait omniprésent, les deux parents prenant désormais à partie les services éducatifs.

19. Par un arrêt du 22 mai 2018 portant sur les mesures provisoires, la cour d'appel releva que malgré les différentes modalités d'exercice du droit de visite du requérant au cours du temps, traduisant une volonté constante de redonner une légitimité au statut paternel, les relations père-filles s'étaient progressivement dégradées, jusqu'à une situation de blocage. Elle nota que le requérant avait volontairement suspendu l'exercice de son droit de visite et que ses filles, désormais âgées de 15 et presque 13 ans, n'avaient pas non plus souhaité l'exercer. Rappelant notamment les conclusions du docteur J. et les derniers rapports éducatifs, la cour d'appel s'estima suffisamment éclairée sur l'intérêt supérieur des enfants et considéra qu'une nouvelle expertise psychologique de la mère et des enfants sollicitée par le requérant n'était pas nécessaire. Elle jugea en outre que les premiers juges avaient à bon droit, en l'état de l'opposition des enfants, exclu toute possibilité de garde alternée et toute autre solution d'hébergement chez le père, tout en organisant un droit de visite encadré pour tenter de maintenir un lien. La cour d'appel élargit néanmoins le droit de visite du requérant, alternativement avec chaque enfant, au mercredi en période de vacances et au dimanche à partir de septembre 2018. Enfin, elle confirma les mesures financières, estimant que le requérant, mais aussi K.R., fournissaient des éléments patrimoniaux fragmentaires. Le requérant se pourvut en révision.

20. Par un arrêt du 28 septembre 2018, saisie de l'appel interjeté du jugement du 1er juin 2017 concernant le fond de l'affaire, la cour d'appel prononça le divorce des époux à leurs torts partagés et fixa comme précédemment (paragraphe 19 ci-dessus) les droits de visite du requérant, après avoir une nouvelle fois, et pour les mêmes motifs, jugé qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise ou enquête sociale ni de fixer des droits d'hébergement. Le requérant se pourvut en révision.

21. Le 30 septembre 2018, le requérant quitta la Principauté de Monaco et retourna vivre en Italie, puis il retrouva un emploi en Grèce et s'installa à Athènes le 1er mars 2019.

22. Par un arrêt du 7 janvier 2019, la Cour de révision rejeta le pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel du 22 mai 2018 (mesures provisoires). Elle considéra que la cour d'appel, appréciant souverainement l'intérêt supérieur des enfants, avait pris en considération l'ensemble du dossier et valablement motivé sa décision, tant sur l'absence d'autres mesures d'investigations nécessaires au regard des éléments complets déjà recueillis, que sur le rejet d'un droit d'hébergement et s'agissant des mesures financières.

23. Par un arrêt du 24 juin 2019, la Cour de révision rejeta, au fond, le pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt du 28 septembre 2018. Sur le moyen tiré de l'article 8 de la Convention au regard du rejet de la demande de garde alternée du requérant, elle motiva comme suit :

« (...) c'est [...] dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation motivée, expressément inspirée par la recherche de l'intérêt des enfants que, rappelant les six mesures d'enquête sociale, examen psychiatrique, audition, assistance éducative, expertise et rapport psychologiques intervenus à leurs propos entre le 17 mai 2013 et le 24 avril 2017, [que] la соur d'appel a conclu à l'inutilité de nouvelles investigations de même objet ; et [...] après avoir constaté, à la suite des investigations psychologiques précitées, le malaise et l'incompréhension éprouvés par les filles à l'égard de leur père, et une rigidité excessive de sa part et son échec à instaurer une relation naturelle avec elles en leur proposant des activités récréatives ou culturelles et en les guidant dans leur vie d'adolescentes, [qu']il y avait lieu d'écarter toute solution de garde alternée ou d'hébergement auprès de lui, tout en maintenant et rétablissant le lien paternel par un droit de visite dont elle a redéfini les modalités ; (...) »

Griefs🔗

24. Invoquant l'article 8 de la Convention, le requérant se plaint de ne pas avoir pu exercer effectivement son droit de visite avec ses filles au cours de la procédure de divorce qui a duré plus de six ans et sept mois, et plus du tout à partir du 26 septembre 2018. Il reproche également à la cour d'appel d'avoir, en particulier dans ses arrêts des 22 mai et 28 septembre 2018, d'une part, rejeté sa demande d'expertise psychologique des enfants et de K.R. de nature à établir selon lui une aliénation parentale et, d'autre part, refusé de mettre en place une garde alternée ainsi que tout droit d'hébergement.

25. Sous l'angle de l'article 6 § 1 de la Convention, il se plaint de la durée de la procédure de divorce et du rejet de ses demandes de suppression de la pension alimentaire due à son ex-épouse.

Appréciation de la Cour🔗

A. Sur la violation alléguée de l'article 8 de la Convention🔗

26. Le Gouvernement soulève tout d'abord l'absence d'épuisement des voies de recours internes par le requérant qui n'a pas saisi le tribunal de première instance des difficultés d'exercice de son droit de visite dès son départ de Monaco le 30 septembre 2018.

27. Le Gouvernement en déduit ensuite que le requérant s'est mis de facto dans l'impossibilité d'exercer ses droits de visite alors qu'aucune des mesures d'investigation, dûment ordonnées en l'espèce sur la situation familiale, n'a démontré une quelconque emprise de la mère sur ses enfants au détriment du requérant. Il souligne que les droits de visite n'ayant jamais été remis en cause, les autorités nationales bénéficiaient d'une large marge d'appréciation, étant mieux placées pour évaluer la situation familiale et refuser au requérant tout droit d'hébergement contraire à l'intérêt supérieur des enfants.

28. Le requérant soutient quant à lui qu'il a agi avec diligence au cours de la procédure pour exercer ses droits de visite et qu'en lui refusant tout droit d'hébergement et toute expertise tendant à établir ce qu'il nomme une « aliénation parentale » (voir, sur ce terme, paragraphe 11 ci-dessus) alors que les rapports d'expertises déposés relevaient pourtant un déni de la fonction paternelle par la mère, les juridictions nationales n'ont pris en compte ni l'intérêt des enfants ni le sien en tant que père.

29. La Cour considère qu'il n'est pas nécessaire de statuer sur l'exception d'irrecevabilité soulevée par le Gouvernement dès lors que la requête est, en tout état de cause, irrecevable pour défaut manifeste de fondement.

30. Elle rappelle que les principes généraux applicables dans les affaires relatives aux cas de conflit entre les parents au sujet du droit de visite et de garde des enfants et au maintien de liens suffisants entre un parent et ses enfants confiés à la garde de l'autre parent à titre principal, ont été exposés dans les arrêts M. et M. c. Croatie (n° 10161/13, §§ 176-181, CEDH 2015 (extraits)), K.B. et autres c. Croatie (n° 36216/13, §§ 142-144, 14 mars 2017) et R.B. et M. c. Italie (n° 41382/19, §§ 65-67, 22 avril 2021).

31. Le point décisif consiste à savoir si les autorités nationales ont pris, pour faciliter les visites ou le regroupement, toutes les mesures nécessaires que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elles en l'occurrence (Nuutinen c. Finlande, n° 32842/96, § 128, CEDH 2000 VIII, et Pedovič c. République tchèque, n° 27145/03, § 109, 18 juillet 2006) tout en tenant compte de l'intérêt supérieur de l'enfant (voir, parmi d'autres, Fiala c. République tchèque, n° 26141/03, § 96, 18 juillet 2006, et Neulinger et Shuruk c. Suisse [GC], n° 41615/07, §§ 134-136, CEDH 2010).

32. Dans ce contexte, la Cour n'a point pour tâche de se substituer aux autorités internes pour réglementer les questions de garde et de visite ; toutefois, il lui incombe d'apprécier sous l'angle de la Convention les décisions qu'elles ont rendues dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation (voir, parmi beaucoup d'autres, Elsholz c. Allemagne [GC], n° 25735/94, § 49, CEDH 2000 VIII, et Sommerfeld c. Allemagne [GC], n° 31871/96, §§ 62 63, CEDH 2003 VIII).

33. En l'espèce, La Cour constate tout d'abord que les restrictions imposées aux temps de résidence du requérant avec ses enfants ont porté atteinte à la possibilité pour celui-ci d'exercer une partie de ses droits, bien qu'il n'ait jamais été privé de sa qualité de titulaire de l'autorité parentale. De telles restrictions entrent dans le champ d'application de l'article 8 de la Convention, ce qui ne fait pas l'objet de débats entre les parties en l'espèce.

1. Sur l'exercice effectif des droits de visite du requérant et l'absence de droit d'hébergement🔗

34. La Cour note tout d'abord, s'agissant des droits de visite du requérant, qu'ils ont toujours été reconnus dans leur principe (a contrario, Sommerfeld, précité, § 62) et qu'il ne s'agissait donc en l'espèce que de la détermination de leurs modalités d'exercice. Elle observe que tout au long de la procédure, les juridictions internes ont été particulièrement attentives à la préservation des contacts entre le requérant et ses filles malgré la persistance d'importantes difficultés relationnelles causant un mal-être chez les enfants, ce qui a d'ailleurs justifié une mesure d'assistance éducative (paragraphes 9-17 ci dessus). Peu de temps avant la rupture des contacts dont se plaint le requérant le 30 septembre 2018, la cour d'appel avait relevé dans sa décision du 22 mai 2018 portant sur les mesures provisoires, d'une part, une dégradation progressive des relations du requérant avec ses enfants jusqu'à une situation de blocage dans l'exercice de ses droits de visite, mais également, la décision du requérant de suspendre volontairement ceux ci (paragraphe 19 ci dessus). Par ailleurs et dans la pratique, le déménagement du requérant en Italie en septembre 2018 pouvait certes avoir une incidence sur la fréquence dans l'exercice de ses droits de visite, sans pour autant que les mesures prises à cet égard par les autorités internes puissent être mises en cause. Au demeurant, le requérant bénéficiait à cette date de droits de visite que la cour d'appel avait précisément définis afin d'éviter que les liens avec le père ne se délitent dans l'hypothèse de droits de visite libres et qu'elle avait même élargis à l'égard des adolescentes de 15 et 13 ans, qui pouvaient décider d'avoir des contacts avec le requérant au-delà de la décision applicable (paragraphes 14 et 19 ci-dessus).

35. La Cour observe également que le requérant ne formule aucune véritable raison imputable aux mesures provisoires applicables pour expliquer l'absence d'exercice de ses droits de visite après son départ de Monaco.

36. S'agissant ensuite de la suspension des droits d'hébergement du requérant à l'égard de ses deux filles à compter du mois de novembre 2014 (paragraphe 9 ci-dessus), et outre les éléments pris en considération par les juridictions internes déjà mentionnés ci-dessus (paragraphe 34), la Cour relève que les motifs qui ont justifié tout au long de la procédure le refus de reconnaissance d'un droit d'hébergement au profit du requérant, a fortiori sous la forme d'une résidence alternée, tenaient à la préservation de l'intérêt supérieur des enfants tel qu'il ressortait des différentes mesures d'investigation ordonnées par les juridictions internes et ce dès l'introduction de la procédure de divorce par K.R.

37. Dans le contexte d'un divorce particulièrement conflictuel, au cours duquel les juridictions internes ont relevé la rigidité du requérant pouvant nuire à ses enfants (paragraphe 17 ci-dessus) et son tempérament irritable créant des sentiments de peur et des angoisses chez ces dernières (paragraphes 9 et 15 ci-dessus), les filles du requérant ont été entendues à plusieurs reprises tant par l'enquêteur social que par les experts, le juge tutélaire et tout au long de leur suivi éducatif (a contrario, M. et M. c. Croatie, précité, § 184). Leur avis a été pris en considération en tenant compte de leur discernement, tant au début de la procédure alors qu'elles étaient âgées de 10 et 7 ans, que par la suite en tant qu'adolescentes (paragraphes 5, 6, 9, 11 et 16, ci dessus). Bien qu'elles n'aient plus manifesté de signes de mal être inquiétants à l'issue de la mesure d'assistance éducative en novembre 2017 (paragraphe 18 ci-dessus), leurs difficultés relationnelles avec leur père ont perduré au cours du temps jusqu'à la situation de blocage susmentionnée (paragraphe 34 ci-dessus), qui était antérieure au départ du requérant de Monaco.

38. Par ailleurs, ni leur souhait de résider principalement au domicile de leur mère ni la conformité de ce choix avec leur intérêt n'a été remis en cause par les mesures d'investigation, nombreuses et variées, qui furent ordonnées. Ainsi, tous les membres de la famille ont fait l'objet d'une enquête sociale, d'expertises psychiatriques et psychologiques et une médiation a été ordonnée sans succès (paragraphes 4, 5, 9, 10, 11, 15 et 23 ci-dessus). Si de l'avis unanime des experts désignés et des éducateurs intervenant auprès de la famille en assistance éducative, le maintien de la place du père par la fixation de droits de visite était présenté comme une nécessité, l'octroi d'un droit d'hébergement a également été identifié comme un facteur potentiel de rupture définitive des liens père-filles compte tenu des incidents émaillant les droits de visite (paragraphes 9, 11, 17, 19 et 20 ci-dessus). Les juridictions internes ont également pu constater que, contrairement à ce que soutenait le requérant, il ne résultait de ces mesures aucun élément de nature à caractériser une emprise sur ses enfants de la part de la mère de nature à nier totalement le rôle du père (paragraphes 13-14 ci-dessus). Il apparaît en conséquence que les difficultés propres du requérant à établir des relations stables et positives avec ses enfants étaient principalement à l'origine du rejet de ses demandes de résidence alternée et de tout droit d'hébergement (paragraphe 23 ci dessus).

39. Rappelant que les obligations positives de l'État découlant de la Convention ne sont pas des obligations de résultat, mais simplement de moyens (Pedovič, précité, § 115), la Cour constate qu'en l'espèce, rien n'indique que les décisions prises pour déterminer les droits de visite du requérant et rejeter ses demandes de résidence alternée aient été entachées d'arbitraire ou manifestement déraisonnables.

2. Sur le processus décisionnel🔗

40. S'agissant en premier lieu des rejets successivement opposés aux demandes d'investigations supplémentaires formulées par le requérant, la Cour constate que les conclusions des mesures d'investigation successivement ordonnées ont pu être contradictoirement débattues et que les juridictions internes ont motivé leurs décisions par l'existence de précédentes expertises dont les conclusions étaient suffisamment claires et précises (paragraphes 5, 11-12, 14, 17 et 22-23 ci-dessus). La Cour rappelle à cet égard qu'il ne lui revient pas de substituer son appréciation à celle des autorités nationales compétentes quant aux mesures qui auraient dû être prises car ces autorités sont en principe mieux placées pour procéder à une telle évaluation, en particulier parce qu'elles sont en contact direct avec l'ensemble des personnes impliquées (G.M. c. France, n° 25075/18, § 61, 9 décembre 2021).

41. S'agissant en second lieu de l'incidence de la durée de la procédure sur les contacts entre le requérant et ses enfants, il est renvoyé aux principes dégagés à cet égard par la jurisprudence de la Cour, qui examine la question de la durée du processus décisionnel des autorités internes sous l'angle des obligations positives de l'État au sens de l'article 8 de la Convention (W. c. Royaume-Uni, 8 juillet 1987, § 65, série A n° 121, Meirelles c. Bulgarie, n° 66203/10, §§ 75-87, 18 décembre 2012, M. et M. c. Croatie, précité, § 179, R.B. et M. c. Italie, précité, §§ 40-41, et Anagnostakis et autres c. Grèce, n° 46075/16, § 68, 23 septembre 2021).

42. En l'espèce, la durée totale de la procédure depuis la requête en divorce déposée par K.R. le 31 octobre 2012 et s'achevant par l'arrêt de la Cour de révision du 24 juin 2019 (sans inclure les opérations de liquidation patrimoniale comme le prétend le requérant dans ses observations du 4 avril 2022) est de six ans et presque huit mois, ce qui n'est pas négligeable compte tenu de l'urgence inhérente à la fixation de mesures provisoires (Meirelles, précité, § 81). Toutefois, cette durée comprend à la fois trois degrés de juridiction pour statuer au titre des mesures provisoires et du fond du divorce, mais aussi les décisions prises entre-temps par le juge tutélaire (en première instance et en appel), y compris à plusieurs reprises en matière d'assistance éducative, ainsi que la réalisation de nombreuses mesures d'investigation compte tenu de la complexité de la situation familiale (paragraphes 23 et 37 ci-dessus). À aucun moment le requérant, qui a pu exercer toutes les voies de recours qui étaient à sa disposition, n'a été privé de contacts avec ses enfants sous la forme de contacts libres ou en présence d'un médiateur, le requérant bénéficiant même d'un droit d'hébergement pendant presque une année avant que la dégradation des relations avec ses filles ne le remette en question (paragraphes 7-8 ci dessus). Enfin, la Cour ne décèle aucune période de latence entre les décisions internes tranchant les demandes du requérant de nature à porter atteinte à l'exercice de ses droits de visite.

43. En conséquence, et considéré dans sa globalité, le processus décisionnel apparaît avoir suffisamment protégé les intérêts du requérant.

3. Conclusion🔗

44. Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, la Cour conclut que les décisions litigieuses reposaient sur des motifs non seulement pertinents mais encore suffisants au regard du paragraphe 2 de l'article 8. Compte tenu de la marge d'appréciation dont les autorités internes disposent en la matière, elle ne décèle aucun motif permettant de considérer que ces dernières n'auraient pas fait preuve de la diligence qui s'imposait et qu'elles seraient restées en deçà de ce que l'on pouvait raisonnablement attendre d'elles, notamment en ne prenant pas les mesures appropriées pour concilier, dans la mesure du possible, les intérêts opposés des parties, tout en gardant à l'esprit la nécessité de se soucier de l'intérêt supérieur de l'enfant (voir, par exemple, dans le même sens, Jurišić c. Croatie (n° 2), n° 8000/21, § 48, 7 juillet 2022, Răileanu c. Romania (déc.), n° 67304/12, §§ 52-54, 2 juin 2015, et, a contrario, Terna c. Italie, n° 21052/18, § 73, 14 janvier 2021, et les références citées).

45. Il s'ensuit que les griefs du requérant tirés de l'article 8 de la Convention sont manifestement mal fondés et qu'ils doivent être rejetés en application de l'article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

B. Sur les violations alléguées de l'article 6 § 1 de la Convention🔗

1. S'agissant de la durée de la procédure🔗

46. Le requérant fait valoir qu'en l'espèce, la procédure interne a excédé la durée raisonnable au sens de l'article 6 § 1 de la Convention. Le Gouvernement s'oppose à cette thèse, soulevant l'absence d'épuisement des voies de recours internes faute de recours indemnitaire exercé par le requérant sur le fondement de l'article 4 bis du Code civil.

47. La Cour renvoie aux constatations auxquelles elle est parvenue s'agissant de la durée du processus décisionnel sous l'angle de l'article 8 de la Convention (paragraphes 41-44 ci-dessus). En tout état de cause, elle constate qu'avant de saisir la Cour, le requérant ne justifie pas avoir exercé le recours effectif qui était à sa disposition pour se plaindre de la durée de la procédure (Perez c. Monaco [comité], n° 60104/21, §§ 8-9 et 13-14, 5 octobre 2023).

48. Ce grief doit en conséquence être rejeté en application de l'article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

2. S'agissant de l'équité de la procédure🔗

49. En premier lieu, le requérant soulève l'iniquité de l'arrêt de la cour d'appel du 22 mai 2018 rejetant sa demande de suppression de la pension alimentaire due à son ex-épouse. Le Gouvernement s'oppose à cette thèse.

50. La Cour rappelle qu'elle n'est pas un « quatrième degré d'instance » et qu'il ne lui appartient pas de se substituer aux juges internes pour se prononcer sur les montants des pensions alimentaires dues au cours d'une procédure de divorce. Toutefois, la Cour relève qu'en l'espèce, le critère de l'absence de « transparence » sur certains de ses revenus de la part du requérant évoquée par le juge interne (paragraphe 17 ci-dessus) est une notion floue qui doit être appréhendée avec la plus grande prudence pour rejeter une demande de diminution d'une pension alimentaire dès lors que la preuve de l'absence de revenu relève souvent de la preuve impossible. De plus, la production d'éléments « fragmentaires » sur leurs ressources a été reprochée à chacun des époux par la cour d'appel dans son arrêt du 22 mai 2018 dont se plaint principalement le requérant (paragraphe 19 ci-dessus). Cela étant dit, la Cour constate que depuis la décision du 24 juin 2014 de la cour d'appel condamnant le requérant à payer une pension alimentaire à son épouse au titre des mesures provisoires jusqu'à l'issue de la procédure de divorce le 24 juin 2019, les décisions internes étaient convenablement motivées et qu'elles ont conclu qu'il existait une disparité patrimoniale entre les époux (paragraphes 8, 17, 19 et 22 ci-dessus). Dans ces conditions, la Cour considère que ces décisions, qui ont abouti à la fixation d'une pension alimentaire au bénéfice de K.R. au terme d'une procédure dépourvue d'arbitraire, ne font apparaître aucune apparence de violation de l'article 6 § 1.

Ce grief est en conséquence manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l'article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

En second lieu, le requérant soulève, dans ses observations du 4 avril 2022, plusieurs griefs tirés de l'iniquité de la procédure de divorce qui ont soit déjà été déclarés irrecevables à un stade antérieur de la procédure (quant à l'impossibilité de déposer de nouvelles preuves devant la cour d'appel), soit sont nouveaux et pour ce motif tardifs (quant à l'exigence alléguée d'un niveau de preuve impossible à atteindre).

Il convient donc de les rejeter en application de l'article 35 §§ 1, 2 b) et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,🔗

Déclare la requête irrecevable.

Fait en français puis communiqué par écrit le 27 juin 2024.

Martina Keller

Greffière adjointe

Lado Chanturia

Président

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