Cour d'appel, 29 septembre 2015, La SARL A et autres c/ La SCI T et autre

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Abstract🔗

Demandes – Intérêt à agir (non) – Recevabilité (non)

Intervention volontaire – Conditions

Résumé🔗

Le Tribunal a justement considéré sans préjuger du fond que la SARL A ne faisant pas partie du contrat de location ayant lié les époux BA. à la SCI T, elle était irrecevable pour défaut de qualité à agir à invoquer des droits sur la base de cet acte juridique qui lui est totalement étranger.

L'article 383 du Code de procédure civile, qui dispose que quiconque aura intérêt dans une instance suivie entre d'autres personnes aura le droit d'y intervenir, suppose que l'instance se poursuive entre les parties initiales en présence du tiers intervenant. En l'espèce, les époux BA. sont intervenus volontairement dans l'instance en cours sans faire état d'un intérêt particulier mais pour reprendre à leur compte les demandes présentées par la SARL A. Dès lors, ils se sont immiscés volontairement à l'instance, non pour faire valoir des prétentions propres, mais pour se substituer en réalité au demandeur initial, lui-même irrecevable à agir, en reprenant à leur compte l'intégralité de ses prétentions. Par suite les premiers juges ont légitiment considéré que cette intervention ne répondait pas aux exigences du texte précité et ne caractérisait pas une intervention volontaire. Leur décision sera encore confirmée sur ce point, et en ce que tirant les conclusions de cette irrecevabilité ces magistrats ont dit n'y avoir de statuer sur la nullité des pièces 15 et 16 produites par la SARL A au soutien de ses prétentions au fond et constaté que l'appel en garantie formalisé par la SCI H était devenu sans objet, de même au demeurant que les demandes de sursis à statuer formulées en cause d'appel par les appelants.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2015

En la cause de :

  • La Société à Responsabilité Limitée dénommée A, immatriculée au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le n° X, dont le siège social est « Y », X1 à Monaco (98000), agissant poursuites et diligences de ses co-gérants en exercice Monsieur n. BA. et son épouse t. BA. tous deux demeurant ès-qualités audit siège,

  • Monsieur n. BA., né le 30 mai 1973 à Sofia (Bulgarie), de nationalité bulgare, domicilié à Monaco, X,

  • Madame t. BU. épouse BA., née le 24 juillet 1973 à Sofia (Bulgarie), de nationalité bulgare, domiciliée à Monaco, X,

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Patrick GAYETTI, avocat au Barreau de Nice ;

APPELANTS,

d'une part,

contre :

  • La Société Civile Immobilière T, société de droit monégasque enregistrée au répertoire spécial des sociétés civiles sous le n° X2, dont le siège social est X3 à Monaco, prise en la personne de son gérant en exercice Monsieur Giuseppe LA VE., demeurant et domicilié X à Monaco,

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

  • La Société Civile Immobilière H, société de droit monégasque enregistrée au répertoire spécial des sociétés civiles sous le n° X4, dont le siège social est X5 à Monaco, prise en la personne de son gérant en exercice Monsieur p. MA., demeurant et domicilié X6 à Monaco,

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉES,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 21 novembre 2013 (R.1121) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 10 janvier 2014 (enrôlé sous le numéro 2014/000098) ;

Vu les conclusions déposées les 8 avril 2014, 7 avril et 16 juin 2015 par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la SCI T ;

Vu les conclusions déposées les 8 juillet 2014 et 3 février 2015 par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la SCI H ;

Vu les conclusions déposées les 4 décembre 2014 et 15 mai 2015 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la SARL A, Monsieur n. BA. et Madame t. BU. épouse BA. ;

À l'audience du 30 juin 2015, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la société à responsabilité limitée dénommée A, Monsieur n. BA., Madame t. BU. épouse BA. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 21 novembre 2013.

Considérant les faits suivants :

Le 10 décembre 2009, la société civile immobilière T a donné en location aux époux BA. un appartement, une cave et un parking situés dans l'immeuble dénommé « Y » sis X1 à Monaco, à usage mixte d'habitation bourgeoise et de bureau administratif pour la domiciliation du siège des SARL A et F.

Ce bail a été résilié à l'initiative de la SCI T, par courrier du 30 juillet 2010 à effet du 30 août 2010 et les clefs ont été remises le 1er octobre 2010.

La SCI T a vendu son bien à la SCI H représentée par M. Paolo MA. suivant acte authentique du 9 novembre 2010.

Prétendant avoir un droit de jouissance sur les lieux cédés, la SARL A a saisi le Tribunal de première instance, lequel aux termes de sa décision désormais entreprise, a :

  • - Ordonné la jonction des procédures enregistrées au greffe civil sous le numéro 2011/000318 et sous le numéro 2012/000315,

  • - Déclaré irrecevables les demandes formées par la SARL A au titre de l'exécution du contrat de bail du 10 décembre 2009,

  • - Déclaré irrecevable l'intervention volontaire des époux BA.,

  • - Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de nullité de pièces,

  • - Constaté que l'appel en garantie formé par la SCI H à l'encontre de la SCI T et de Monsieur Giuseppe LA VE., en sa qualité de gérant, est sans objet,

  • - Condamné la SARL A à payer à la SCI H la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts,

  • - Condamné la SARL A à payer à la SCI T la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts,

  • - Condamné Monsieur et Madame BA. à payer à la SCI H la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts,

  • - Condamné Monsieur et Madame BA. à payer à la SCI T la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts,

  • - Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du jugement,

  • - Condamné la SARL A et Monsieur et Madame BA. aux entiers dépens de l'instance, y compris ceux réservés par jugement du 15 décembre 2011, distraits au profit de Maitres Arnaud ZABALDANO et Olivier MARQUET, avocats-défenseurs, chacun pour ce qui le concerne.

Par exploit en date du 10 janvier 2014, la SARL A, n. et t. BA. ont interjeté appel de ce jugement signifié le 11 décembre 2013 et fait assigner les SCI T et H à l'effet de voir la Cour :

  • Les recevoir en leur appel, et le dire bien fondé,

  • Réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

  • Déclarer recevables et bien fondées les demandes formées par la SARL A ou, à défaut, reprises par leurs soins et à leur compte par les époux BA.,

  • Déclarer recevables et bien fondées les demandes formées par les époux BA.,

Et statuant à nouveau,

  • Vu les articles 989, 1002, 1020 et 1579 du Code civil,

  • Vu les articles 1 et 2 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948,

  • Prononcer la nullité de la résiliation intervenue à l'initiative de la SCI T par courrier daté du 30 juillet 2010,

  • Dire et juger que la SARL A dispose d'un droit d'occupation de l'appartement tel que cela ressort du bail du 10 décembre 2009 et ce au contradictoire de chacune des parties défenderesses,

  • Considérer la clause figurant à l'article 7. b) du bail du 10 décembre 2009 comme contraire aux dispositions des articles 1 et 2 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 relative aux baux commerciaux, et la déclarer nulle et non avenue,

  • Dire et juger que la SARL A est en droit de revendiquer la propriété commerciale sur le bien immobilier et de solliciter la nullité de la clause litigieuse,

En conséquence,

  • Condamner in solidum la SCI T et la SCI H à restituer à la SARL A la jouissance de l'appartement situé dans l'immeuble Y, X1 à Monaco, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard courant à compter du 1er octobre 2010 ou, au plus tard, de la signification de la décision à intervenir,

  • Condamner in solidum la SCI T et la SCI H à verser un montant de 29.111 euros par mois au titre du préjudice subi par la SARL A, soit la somme de 1.135.329 euros arrêtée au 31 décembre 2013, à parfaire au jour de la décision à intervenir et jusqu'à la restitution de la jouissance de l'appartement,

  • En tout état de cause, débouter les SCI T et H de leurs demandes de dommages-intérêts, tant à l'encontre de la SARL A qu'à l'encontre des époux BA.,

  • Condamner in solidum la SCI T et la SCI H au paiement d'une somme de 3.000 euros chacune à titre de dommages-intérêts au profit tant de la SARL A que des époux BA.,

  • Condamner in solidum la SCI T et la SCI H aux entiers dépens tant de 1ère instance que d'appel, distraits au profit de Maître PASTOR-BENSA, Avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Aux termes de leurs écrits du 13 mai 2015 reçus au greffe général le 15 mai 2015, ils demandent en outre à la Cour de :

  • Ordonner le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de l'appel de l'ordonnance du 21 novembre 2014 et de la procédure initiée par assignation du 8 avril 2015.

En réplique dans ses écrits du 8 avril 2014 la SCI T intimée, qui s'oppose aux prétentions des appelants, relève appel partiel du jugement et demande à la Cour de :

  • Vu les articles 1er et suivants de la loi n° 490 du 24 novembre 1948,

  • Vu l'article 8 de l'ordonnance n° 993 du 16 février 2007 portant application de la loi n° 1331 du 8 janvier 2007,

  • Vu le contrat de bail n° 118471 du 10 décembre 2009,

  • Vu la résiliation du contrat de bail en date du 30 juillet 2010 et l'accord des locataires,

  • Vu le jugement du Tribunal de Première Instance du 21 novembre 2013,

  • Confirmer la décision du Tribunal de première instance du 21 novembre 2013 en ce qu'elle a :

    • Ordonné la jonction des procédures enregistrées au greffe civil sous les numéros 2011/000318 et 2012/000315,

    • Déclaré irrecevables les demandes formées par la société A au titre de l'exécution du contrat de bail du 10 décembre 2009,

    • Déclaré irrecevable l'intervention volontaire des époux BA.,

  • Dire n'y avoir lieu de statuer sur la nullité des pièces,

    • Constaté que l'appel en garantie formée par la SCI H à l'encontre de la SCI T et de M. LA VE., en sa qualité de gérant, est sans objet,

    • Condamné la SARL A à payer à la SCI H la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts,

    • Condamné les époux BA. à payer à la SCI H la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts,

    • Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

    • Condamné la SARL A et les époux BA. aux entiers dépens de l'instance,

  • Réformer le jugement pour le surplus et, statuant de nouveau :

  • Condamner la SARL A à payer à la SCI T la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts,

  • Condamner les époux BA. à payer à la SCI T la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts,

À titre subsidiaire si par impossible la Cour devait infirmer le jugement entrepris,

  • Prononcer la jonction des deux instances respectivement initiées par assignation du 12 janvier 2011 (n° 2011/000318) et par assignation d'appel en cause et garantie du 5 janvier 2012 (n° 2012/000315),

  • Déclarer nulles les pièces n° 15 et 16 de la SARL A pour non-respect des conditions prévues à l'article 324 du Code de procédure civile et en toute hypothèse les écarter des débats du fait de leur caractère outrancier,

  • Déclarer la SARL A irrecevable en ses demandes pour transgression du principe de l'immutabilité du litige,

En tout état de cause,

  • Constater que la SARL A n'était pas titulaire du contrat de bail à loyer n° 118471 du 10 décembre 2009 et ne détenait aucun droit locatif ou droit d'occupation sur les locaux objets du bail,

  • Constater que le contrat de bail à loyer n° 118471 du 10 décembre 2009 a été régulièrement résilié conformément aux stipulations contractuelles par la SCI T,

  • Constater que les époux BA., locataires, ont accepté de quitter les lieux le 30 septembre 2010,

  • Constater que la SARL A n'a pas exploité un fonds de commerce dans les locaux objets du bail durant au moins trois années consécutives,

Par voie de conséquence,

  • Débouter la SARL A et les époux BA. de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

  • Dire et juger que les dispositions de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 ne sont pas applicables au contrat de bail n° 118471 du 10 décembre 2009,

  • Débouter la SCI H de ses demandes aux fins d'être relevée et garantie par la SCI T et son gérant Monsieur LA VE.,

  • Accueillir la SCI T en son appel incident, le déclarer recevable et bien fondé,

  • Condamner la SARL A à verser à la SCI T la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

  • Condamner la SARL A à rembourser à la SCI T toutes sommes dont elle pourrait être déclarée redevable envers la SCI H du fait de la présente instance,

  • Condamner les époux BA. à payer à la SCI T une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de leur intervention abusive,

  • Condamner tout contestant aux entiers dépens distraits au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, Avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Par conclusions postérieures des 7 avril et 16 juin 2015, la SCI T, complétant ses demandes initiales, demande de voir :

  • « Dire et juger, au visa de l'article 431 du Code de procédure civile, qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure initiée par les époux BA. devant le Tribunal de Première Instance par exploit du 8 avril 2015, ni dans l'attente de l'issue de la procédure d'appel de l'ordonnance du 21 novembre 2014 du Juge chargé du répertoire du Commerce près le Tribunal de Première Instance,

  • Condamner la SARL A à verser à la SCI T une somme de complémentaire de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, en vertu de l'article 431, dernier alinéa du Code de procédure civile, soit une somme totale de 40.000 euros,

  • Condamner les époux BA. à payer à la SCI T une somme supplémentaire de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour leur intervention abusive, en vertu de l'article 431, dernier alinéa du Code de procédure civile, soit une somme totale de 8.000 euros ».

Enfin pour sa part, suivant conclusions des 8 avril 2014 et 3 février 2015, la SCI H demande à la Cour de :

  • « Vu l'acte introductif en date du 10 janvier 2014,

  • Vu le bail du 10 décembre 2009, vu la résiliation du bail du 10 décembre 2009,

  • Vu les articles 136 et 155 du Code de procédure civile,

  • Vu le défaut de personnalité juridique de la SARL A,

  • Vu l'article 1229 du Code civil,

  • Vu le défaut d'intérêt légitime des demandeurs à l'action,

  • Vu l'immutabilité du litige et le Code de procédure civile,

  • Vu le jugement autorisant l'appel en garantie de la SCI T et de Monsieur Giuseppe LA VE. en date du 15 décembre 2011,

  • Vu l'assignation d'appel en garantie du 15 janvier 2012,

  • Vu les articles 1467 et suivants,

In limine litis,

  • - Dire et juger nul l'exploit d'appel et assignation du 10 janvier 2014,

  • - Condamner la SARL A au paiement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts,

  • - Condamner les époux BA. au paiement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts,

  • - En conséquence, débouter la SARL A et les époux BA. de toutes demandes, fins et conclusions à cet égard,

À titre principal,

  • - Confirmer le jugement du Tribunal de Première Instance du 21 Novembre 2013, en toutes ses dispositions,

Au surplus :

  • - Condamner la SARL A au paiement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts,

  • - Condamner les époux BA. au paiement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts,

  • - En conséquence, débouter la S. A. R. L A et les époux BA. de toutes demandes, fins et conclusions à cet égard,

À titre subsidiaire,

  • - Débouter la SARL A et les époux BA. de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

  • - Dire et juger qu'en cas de condamnation prononcée à l'encontre de la société civile immobilière H sur les demandes de la SARL A et des époux BA., cette dernière sera relevée et garantie par la société civile immobilière T de l'ensemble des conséquences d'une telle condamnation,

  • - Condamner la SCI T au paiement de tous les coûts issus des procédures en cours,

En tout état de cause,

  • - Condamner la SARL A et les époux BA. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».

Les moyens des parties peuvent pour l'essentiel se résumer de la manière suivante :

En la forme plusieurs exceptions et fin de non-recevoir ont été invoquées.

En premier lieu, la SCI H a soulevé la nullité de l'exploit d'assignation et d'appel motif pris de l'impossibilité que la domiciliation au X1 donnée par la société, soit celle de son siège social, dans la mesure où cette adresse correspond à celle de l'appartement, objet du bail résilié, actuellement loué à une personne physique.

Elle a ajouté que suivant ordonnance du 21 novembre 2014, exécutoire par provision, le juge chargé du Répertoire du Commerce a considéré que l'adresse donnée ne pouvait valablement constituer le siège social de la SARL A ; dès lors, à défaut de domicile, la SARL A ne dispose plus de personnalité juridique.

La SARL A et les époux BA. se sont opposés à la nullité soulevée en considération de l'objet de la présente procédure qui vise à rétablir les droits de la société, à laquelle selon elle il ne saurait dès lors être reproché un défaut de domiciliation, ce d'autant que les effets de l'ordonnance invoquée ont été suspendus par l'appel régularisé à son encontre.

En second lieu, les appelants ont conclu à la recevabilité des demandes de la SARL A et de l'intervention volontaire des époux BA..

Pour obtenir la réformation de la décision sur ce point, ils ont fait grief aux premiers juges d'avoir, à travers une mauvaise analyse des éléments du dossier, réalisé une application inexacte de la règle de l'effet relatif des contrats sur laquelle ils ont fondé leur irrecevabilité.

En réalité selon eux, l'objet du litige étant de faire reconnaître des droits locatifs à la SARL A, le Tribunal a préjugé du fond en la déclarant irrecevable à agir, observant au surplus que bien que non partie à la convention, la SARL A était visée dans le bail et en revendique des droits, ce qui lui confère la qualité pour agir.

Par ailleurs ils ont soutenu que tout tiers a un intérêt à intervenir volontairement dans une instance pour soutenir une des parties dans la conservation de ses droits.

Pour s'opposer à leurs prétentions, les sociétés intimées ont tiré le défaut de qualité à agir de la SARL A de sa qualité de tiers au contrat de location.

La SCI T a rappelé que la SARL A n'était pas titulaire du contrat de bail résilié de sorte que, ne pouvant se prévaloir de la qualité de locataire, il lui était impossible de contester la validité de la résiliation du bail.

Elle a ajouté que toute intervention volontaire pour se substituer au demandeur est irrecevable, la SCI H pour sa part évoquant le non-respect des prescriptions de l'article 383 du Code de procédure civile.

En ce qui concerne le fond, les parties ont repris les moyens développés par elles devant les premiers juges, qui les ont parfaitement résumés dans leur décision à laquelle la Cour entend dès lors se référer, et qui tiennent pour l'essentiel à :

  • En ce qui concerne la SARL A :

    • la nullité de la résiliation anticipée du bail, la faculté de résiliation contractuellement prévue ne pouvant s'étendre à la durée initiale du bail,

    • l'indemnisation du préjudice résultant de la privation d'exercice de l'activité de la société à compter du 1er octobre 2010,

    • le droit à la propriété commerciale en l'état de l'exploitation d'un fonds de commerce dans les lieux depuis plus de 3 années, le motif d'irrecevabilité tiré de la loi n° 490 ne pouvant prospérer compte tenu que les demandes n'entrent pas dans le cadre de cette loi,

    • la recevabilité des demandes additionnelles présentées qui sont incidentes à la demande principale,

    • la validité des pièces n° 15 et 16,

    • la légitimité de leurs demandes qui s'inscrivent dans la défense de leurs droits qui ont été spoliés.

  • En ce qui concerne la SCI T :

    • le bail a été consenti à usage de bureau pour la domiciliation du siège social de la SARL A,

    • il a été résilié régulièrement et les époux BA. ont au demeurant volontairement quitté les lieux,

    • il appartenait à la société de trouver d'autres locaux de domiciliation dès la libération des lieux,

    • le préjudice d'exploitation allégué a été artificiellement créé par le non-respect de l'obligation de transférer le siège social,

    • la domiciliation de la société n'équivaut pas à un droit au bail,

    • la société est donc mal fondée à solliciter la réintégration dans les lieux et la condamnation du propriétaire,

    • les demandes additionnelles sont irrecevables car elles heurtent le principe d'immutabilité du litige,

    • les pièces n° 15 et 16 sont nulles,

    • la loi n° 490 est inapplicable faute d'exploitation d'un fonds de commerce depuis plus de trois ans dans les lieux loués,

    • la nouvelle procédure introduite par les époux BA. afin de reprendre à leur compte les demandes de la SARL A révèle que ces derniers admettent implicitement le défaut de qualité à agir de ladite société ; il n'est nullement nécessaire d'attendre l'issue de cette instance pour statuer dans le cadre de la présente procédure.

  • En ce qui concerne la SCI H :

    • les demandes additionnelles, qui heurtent le principe d'immutabilité du litige, sont irrecevables,

    • les demandes sont infondées compte tenu que le bail n'a pas été conclu avec la SARL A qui était seulement domiciliée dans les lieux loués,

    • le bail de nature civile a été résilié,

    • elles sont illégitimes compte tenu de la turpitude dont fait preuve l'ensemble des demandeurs,

    • la nullité sollicitée n'est prévue par aucun texte, alors que l'exécution par les locataires de la résiliation empêche d'en solliciter l'annulation,

    • la loi n° 490 est inapplicable.

Enfin la SCI T a sollicité la réformation de la décision du chef des dommages-intérêts soutenant que l'action de la SARL A, dont les gérants sont les époux BA., est fautive et frauduleuse car elle n'ignorait pas avoir la qualité de tiers au contrat de bail et ne pouvoir bénéficier d'aucun droit de jouissance.

Elle ajoute qu'en relevant appel, ladite société l'a contrainte à exposer de nouveaux frais pour la défense de ses droits devant conduire à l'augmentation du montant des dommages-intérêts par application de l'article 431 du Code de procédure civile.

Pour sa part la SCI H évoque la nature abusive de l'appel formalisé avec légèreté et témérité.

Les appelants s'opposent auxdites prétentions.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu quant à la procédure, qu'il n'est pas contesté que les appels régularisés dans les formes et délais légaux sont recevables ;

  • 1/ Sur la nullité de l'exploit d'assignation et d'appel :

Attendu que la nullité invoquée trouverait source dans le défaut d'identification d'une des parties appelantes, savoir la SARL A, en ce qui concerne l'indication de son siège social ;

Attendu que, conformément à l'article 136-2° du Code de procédure civile, dont les dispositions doivent être respectées à peine de nullité par application de l'article 155 du même Code, tout exploit d'huissier doit comprendre le nom, les prénoms, la profession et le domicile de la partie requérante et de la partie à laquelle l'exploit est signifié, ou du moins une désignation suffisante de l'une et de l'autre ;

Attendu à cet égard que l'exploit d'appel du 10 janvier 2014 énonce qu'il est notamment signifié à la requête de :

  • 1°) « La SARL A, immatriculée au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le n° 09 S 04982, dont le siège social est le Y, 2 X1 à Monaco, agissant poursuites et diligences et diligences de ses co-gérants en exercice Monsieur n. BA. et son épouse t. BA. tous deux demeurant es qualité audit siège » ;

Attendu que force est de constater que la SARL A a indiqué dans cet exploit que son siège social était situé X1 au Y, bien que dans les faits il n'est pas discuté qu'elle a quitté cette adresse depuis le 1er octobre 2010, le bail liant les époux BA. et la SCI T ayant été résilié le 30 juillet 2010 ;

Que cette mention apparaît néanmoins conforme en l'état à celle qui figure au Répertoire du Commerce et de l'Industrie, qui fait foi tant qu'aucune radiation de la société ou déclaration rectificative de l'indication du siège social n'a été effectuée, dans la mesure où :

  • - l'inscription d'une société au Registre du Commerce et de l'Industrie suppose l'existence d'un siège social,

  • - la domiciliation relève des éléments de la situation juridique de la personne morale dont les tiers peuvent avoir besoin pour traiter avec elle en toute sécurité ;

Qu'il n'y a dès lors pas lieu de faire droit à l'exception de nullité de l'exploit d'appel soulevée par la SCI H, alors d'autant plus que les droits des tiers apparaissent garantis par l'élection de domicile effectuée ;

  • 2/ Sur la recevabilité des demandes de la SARL A :

Attendu que selon le principe de l'effet relatif des contrats tiré des dispositions de l'article 1020 du Code civil, nul ne peut être engagé par un acte auquel il n'est pas partie, ni tirer des droits ou avantages de cet acte ;

Attendu, dès lors, que le Tribunal a justement considéré sans préjuger du fond que la SARL A ne faisant pas partie du contrat de location ayant lié les époux BA. à la SCI T, elle était irrecevable pour défaut de qualité à agir à invoquer des droits sur la base de cet acte juridique qui lui est totalement étranger ;

Que le jugement sera confirmé sur ce point ;

  • 3/ Sur la recevabilité de l'intervention volontaire des époux BA. :

Attendu que l'article 383 du Code de procédure civile, qui dispose que quiconque aura intérêt dans une instance suivie entre d'autres personnes aura le droit d'y intervenir, suppose que l'instance se poursuive entre les parties initiales en présence du tiers intervenant ;

Attendu en l'espèce que les époux BA. sont intervenus volontairement dans l'instance en cours sans faire état d'un intérêt particulier mais pour reprendre à leur compte les demandes présentées par la SARL A ;

Que dès lors ils se sont immiscés volontairement à l'instance, non pour faire valoir des prétentions propres, mais pour se substituer en réalité au demandeur initial, lui-même irrecevable à agir, en reprenant à leur compte l'intégralité de ses prétentions ;

Que par suite les premiers juges ont légitiment considéré que cette intervention ne répondait pas aux exigences du texte précité et ne caractérisait pas une intervention volontaire ;

Que leur décision sera encore confirmée sur ce point, et en ce que tirant les conclusions de cette irrecevabilité ces magistrats ont dit n'y avoir de statuer sur la nullité des pièces 15 et 16 produites par la SARL A au soutien de ses prétentions au fond et constaté que l'appel en garantie formalisé par la SCI H était devenu sans objet, de même au demeurant que les demandes de sursis à statuer formulées en cause d'appel par les appelants ;

  • 4/ Sur les dommages-intérêts réclamés :

Attendu que la SARL A qui succombe en ses prétentions sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;

Attendu, sur les demandes formées par les SCI T et H, que les premiers juges ont justement considéré, par des motifs suffisants et pertinents, que la SARL A ne pouvait ignorer son défaut de qualité à agir tiré de sa qualité de tiers au contrat qu'elle ne discute même pas, se bornant à prétendre tirer des droits d'une simple domiciliation dans les lieux, et leur ont alloué la somme de 5.000 euros chacune à titre de dommages-intérêts ;

Que de même le Tribunal a, par des motifs exacts et suffisants, condamné les époux BA. à leur payer, chacune, la somme de 2.000 euros en réparation du préjudice causé par leur intervention abusive motivée uniquement par la volonté de rendre recevable les demandes de la société dont ils sont les gérants ;

Que par suite le jugement déféré sera confirmé ;

Attendu qu'aux termes de l'article 431 du Code de procédure civile, les parties peuvent en cause d'appel demander des dommages-intérêts pour le préjudice subi depuis la voie de recours exercée ;

Qu'il est indéniable à cet égard que la SCI T a été contrainte d'engager de nouveaux frais pour assurer sa défense ; qu'il y a donc lieu de condamner la SARL A et les époux BA. à lui verser respectivement les sommes de 2.500 euros et 1.500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice ;

Qu'enfin la SARL A et les époux BA. qui succombent supporteront l'intégralité des dépens d'appel, la décision étant par ailleurs confirmée en ce qu'elle les a condamnés aux dépens de première instance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit les appels,

Déboute la SCI H de son exception de nullité de l'exploit d'assignation et d'appel,

Confirme le jugement du 21 novembre 2013 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Constate que les demandes de sursis à statuer sont sans objet,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la SARL A à payer à la SCI T la somme de 2.500 euros à titre de dommages-intérêts,

Condamne n. et t. BA. à payer à la SCI T la somme de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts,

Condamne la SARL A, n. et t. BA. aux dépens d'appel avec distraction au profit de Maîtres Arnaud ZABALDANO et Olivier MARQUET, avocats-défenseurs sous leur due affirmation, chacun en ce qui le concerne.

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, faisant fonction de Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Monsieur Eric SENNA, Conseiller, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 29 SEPTEMBRE 2015, par Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Michaël BONNET, Premier Substitut du Procureur Général.

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