Cour d'appel, 23 juin 2015, Monsieur b. VA. DA. c/ La SAM A
Abstract🔗
Trust - Action en justice - Qualité pour agir (non) - Action intentée par le trustee (non) - Action intentée par le bénéficiaire du trust (confirmation)
Résumé🔗
Aux termes de la déclaration de trust et de ses annexes, le pouvoir d'entreprendre une action judiciaire est réservé à l'administrateur - le trustee -, et non au bénéficiaire du trust. Ce dernier, même s'il est l'unique bénéficiaire, est donc irrecevable à agir en responsabilité contre un cocontractant du trust.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 23 JUIN 2015
En la cause de :
- Monsieur b. VA. DA., né le 15 juillet 1950 à Genemuiden (Pays-Bas), de nationalité néerlandaise, demeurant « X », X à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
APPELANT,
d'une part,
contre :
- la Société Anonyme Monégasque dénommée A, exerçant sous l'enseigne « B », au capital social de 150.000 euros, dont le siège social est X1 à Monaco, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Monaco sous le numéro X, prise en la personne de son Président délégué en exercice, domicilié et demeurant en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 10 octobre 2013 (R. 134) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 18 novembre 2013 (enrôlé sous le numéro 2014/000068) ;
Vu les conclusions déposées les 17 janvier, 3 juin 2014, 10 février et 12 mai 2015 par Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, au nom de la SAM A ;
Vu les conclusions déposées les 1er avril, 28 octobre 2014 et 7 avril 2015 par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de Monsieur b. VA. DA. ;
À l'audience du 9 juin 2015,
Ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par Monsieur b. VA. DA., à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 10 octobre 2013.
Considérant les faits suivants :
Par exploit d'huissier en date du 21 décembre 2011, b. VA. DA. a fait assigner la SAM A devant le Tribunal de Première Instance de MONACO en vue d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 289.700 euros en remboursement d'honoraires perçus entre 2007 et 2010, outre intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2011, ainsi que la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Par jugement contradictoire en date du 10 octobre 2013, le Tribunal de Première Instance a statué ainsi qu'il suit :
« - déclare b. VA. DA. irrecevable en ses demandes,
- rejette la demande de dommages et intérêts formée par la SAM A,
- laisse les dépens à la charge de b. VA. DA., distraits au profit de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
- ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ».
Par exploit d'appel et assignation en date du 18 novembre 2013, b. VA. DA. a relevé appel de la décision.
Aux termes de cet exploit, il demande à la Cour de :
« - recevoir b. VA. DA. en son appel régulier en la forme et, au fond, l'en déclarer bien fondé,
- réformer le jugement rendu par le Tribunal de Première Instance le 10 octobre 2013, en toutes ses dispositions,
- dire et juger que b. VA. DA. justifie d'un intérêt et d'une qualité à agir en réparation de ses préjudices subis consécutivement à des agissements contraires à ses intérêts, imputables à la SAM B,
- condamner la Société Anonyme Monégasque A à payer à b. VA. DA. la somme de 289.700 euros (DEUX CENT QUATRE VINGT NEUF MILLE SEPT CENT EUROS), à titre de légitimes dommages-intérêts,
- condamner la Société Anonyme Monégasque A à payer à b. VA. DA. la somme de 25.000 euros (VINGT CINQ MILLE EUROS), à titre de légitimes dommages-intérêts en réparation de ses préjudices matériels, moral et financier complémentaires, du fait de la mauvaise foi et de la résistance abusive caractérisées qui lui ont été opposées par la SAM B,
- condamner la SAM A aux entiers frais et dépens de Première Instance et d'appel, lesquels comprendront frais et accessoires, frais d'huissiers, d'expertises et de traductions éventuelles, dont distraction au profit de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
Aux termes de ses conclusions en date du 1er avril 2014, Monsieur b. VA. DA. demande à la Cour de :
« - lui allouer de plus fort le bénéfice de ses précédentes écritures judiciaires de première instance et d'appel,
- constater que b. VA. DA. a intérêt et qualité à agir en la cause et l'en déclarer recevable et bien fondé,
- dire et juger que la disparition du Trustee, la société de droit des Iles Vierges Britanniques, C a pour but de tenter d'organiser une situation d'impunité de la SAM B pour sa gestion de 2007 à 2010,
- dire et juger que b. VA. DA. est de plus fort parfaitement fondé à agir en réparation de ses préjudices à l'encontre de la société B,
- dire et juger que la SAM B a fait preuve de mauvaise foi et d'incompétence professionnelle dans la gestion des actifs confiés par b. VA. DA., ce qui a eu pour conséquence une facturation injustifiée de 2007 à 2010,
- dire et juger que la SAM B ne saurait nier avoir, de mauvaise foi, conseillé et mis en place des structures non conformes aux intérêts de b. VA. DA. en sorte qu'elle ne saurait les lui opposer pour masquer ou tenter d'échapper à sa responsabilité,
- condamner la société Anonyme Monégasque A à payer à b. VA. DA., la somme de 150.000 euros à titre de légitimes dommages-intérêts,
- condamner la société Anonyme Monégasque A à payer à b. VA. DA. la somme de 25.000 euros, à titre de légitimes dommages-intérêts en réparation de ses préjudices matériels, moral et financier complémentaires, du fait de la mauvaise foi et de la résistance abusive caractérisées qui lui ont été opposées par la SAM B,
- condamner la SAM A aux entiers frais et dépens de Première Instance et d'appel, lesquels comprendront frais et accessoires, frais d'huissiers, d'expertises et de traductions éventuelles, dont distraction au profit de Monsieur le Bâtonnier Richard MULLOT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
Par conclusions déposées le 28 octobre 2014, Monsieur b. VA. DA. a modifié le montant de sa demande de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices matériels, moral et financiers complémentaires, la portant désormais à la somme de 50.000 euros.
Aux termes des conclusions qu'il a déposées le 7 avril 2015, Monsieur b. VA. DA. demande à la Cour de :
« - lui allouer de plus fort le bénéfice de ses précédentes écritures judiciaires de première instance et d'appel et réformait (sic) intégralement le jugement rendu le 10 octobre 2013,
- constater que b. VA. DA. a intérêt et qualité à agir en la cause et l'en déclarer recevable et bien fondé,
- condamner la Société Anonyme Monégasque A à payer à b. VA. DA. la somme de 206.562 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice subi du fait de cette facturation abusive et injustifiée avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation (21 décembre 2011) et jusqu'à parfait paiement,
- condamner la société Anonyme Monégasque A à payer à b. VA. DA. la somme de 50.000 euros à titre de légitimes dommages-intérêts en réparation de ses préjudices matériels, moral et financier complémentaires, du fait de la mauvaise foi et de la résistance abusive caractérisées qui lui ont été opposées par la SAM B,
- condamner la SAM A aux entiers frais et dépens de Première Instance et d'appel, lesquels comprendront frais et accessoires, frais d'huissiers, d'expertises et de traductions éventuelles, dont distraction au profit de Monsieur le Bâtonnier Richard MULLOT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
Au soutien de son appel, b. VA. DA. fait valoir :
Sur sa qualité à agir, que
- le trustee C est une entité détenue et contrôlée par la seule société intimée,
- dans ses écritures de première instance, la SAM B a reconnu avoir pris le contrôle du patrimoine de l'appelant en sorte que celui-ci se voit contraint de poursuivre la procédure à l'encontre de la SAM B, dès lors, au surplus, qu'il est certain que le trustee, intimement lié à celle-ci, n'intentera aucune action contre elle,
- il démontre nécessairement avoir un intérêt à agir car, à défaut, il serait privé de tout droit de regard sur la gestion que la SAM B a effectuée sur son propre patrimoine,
- sa double qualité de constituant et de bénéficiaire économique du trust lui permet de se prévaloir de préjudices liés à la mauvaise gestion de B, caractérisée par des prélèvements abusifs opérés par le biais de factures disproportionnées et injustifiées,
- en effet, B ne démontre pas avoir adjoint d'autres bénéficiaires à l'appelant,
- pour la période allant de l'année 2007 à l'année 2010, la facturation injustifiée s'élève à la somme de 289.700 euros, certaines de ces factures ayant été libellées au nom de sociétés avec lesquelles B n'a signé aucun contrat d'administration,
- il est démontré que de novembre 2007 à septembre 2010, b. VA. DA. a personnellement alimenté à hauteur de 138.500 euros le compte intitulé C AS TRUSTEES OF société D c/o B, ce qui suffit à établir que la SAM B contrôle le trustee et est à l'origine des factures litigieuses, en sorte que l'appelant a subi un préjudice personnel l'autorisant à agir,
Sur le caractère injustifié de la facturation de B, que
- dans divers courriers, b. VA. DA. a sollicité de la SAM B des explications et des justifications sur la facturation des honoraires qu'il n'a pas réussi à obtenir,
- alors que la société B lui avait proposé, pour l'année 2010, un forfait annuel de 17.000 euros pour la gestion des trusts, elle a, en réalité, prélevé la somme de 58.401 euros pour l'année 2009 et 47.779 euros pour l'année 2010,
- le retard dans la facturation allégué ne saurait justifier des prélèvements sans autorisation du client, ni justifications,
- la réalité des prestations effectuées par la société B n'est pas établie.
Aux termes de conclusions déposées le 17 janvier 2014, la SAM A demande à la Cour de :
« Sur l'exception d'irrecevabilité,
Vu la déclaration de constitution du trust « société D »,
- s'entendre constater que Monsieur b. VA. DA. n'est qu'un bénéficiaire potentiel du trust « société D » ;
- s'entendre déclarer Monsieur b. VA. DA. non fondé à agir au nom et pour le compte du trust « société D » en lieu et place du trustee, la société C, et en conséquence ;
- s'entendre déclarer Monsieur b. VA. DA. irrecevable à agir et en conséquence ;
- s'entendre confirmer purement et simplement le jugement entrepris.
Sur le fond,
- s'entendre constater que Monsieur b. VA. DA. est toujours client à ce jour de la société A S. A. M. ;
- s'entendre constater que Monsieur b. VA. DA. a invoqué les factures de la société A S. A. M., qu'il conteste dans le cadre de la présente instance, dans la procédure judiciaire l'ayant opposé à Jersey à l'ancien trustee, la société D ;
- s'entendre constater que Monsieur b. VA. DA. a été intégralement rempli dans ses droits à l'issue de la procédure judiciaire initiée à Jersey et qu'il tente de se faire payer une seconde fois devant la Cour de Céans en usant de motifs contradictoires ;
- s'entendre constater, dire et juger que la société A S. A. M. a toujours répondu aux demandes d'informations de Monsieur b. VA. DA. dans les délais impartis par ce dernier et n'a commis aucun manquement à ses obligations professionnelles susceptible d'engager d'une quelconque manière sa responsabilité ;
- s'entendre débouter Monsieur b. VA. DA. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions les disant toutes infondées ;
- s'entendre donner acte à la société A S. A. M. qu'elle se réserve expressément le droit de donner toutes suites judiciaires qu'il échera aux accusations mensongères d'abus de confiance et de recel proférées par Monsieur b. VA. DA. ;
En toutes circonstances :
- s'entendre condamner Monsieur b. VA. DA. au paiement d'une somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif ;
- s'entendre condamner Monsieur b. VA. DA. au paiement d'une somme complémentaire de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de réputation et d'image causé ;
- s'entendre condamner Monsieur b. VA. DA. aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Géraldine GAZO, Avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
Dans ses conclusions ultérieures déposées les 3 juin 2014, 10 février 2015 et 12 mai 2015, la société anonyme monégasque dénommée A, reprend ses prétentions précédentes, demande en outre à la Cour de constater que la société C existe toujours et poursuit ses activités de trustee et porte à 75.000 euros sa demande de dommages-intérêts au titre de la réparation du préjudice de réputation et d'image causé.
La société intimée réplique, sur l'irrecevabilité à agir de b. VA. DA., que :
- selon la loi des Iles Vierges Britanniques gouvernant le trust « société D », le constituant d'un trust discrétionnaire transfère ses actifs, dénommés « Fund Trust » aux trustees et leur en abandonne la propriété et le contrôle, les actifs étant, dès lors, détenus par les trustees à leur entière discrétion,
- en particulier, le trust « société D » a été constitué le 30 juin 2004 et b. VA. DA. s'en est trouvé satisfait jusqu'à ce qu'il ait cru devoir contester, à tort, la facturation émise par la société intimée,
- les trustees ont, en outre, le pouvoir de décider quel bénéficiaire recevra les fonds et jusqu'à quel montant,
- contrairement à ce qu'il soutient, b. VA. DA. n'est qu'un bénéficiaire potentiel du trust, parmi d'autres que les trustees pourraient désigner, et il n'a, de ce fait, pas qualité à agir en lieu et place de ces derniers en remboursement des sommes acquittées dans le cadre de l'administration du trust dénommé « société D » -voir l'Annexe 2 de l'acte constitutif du trust, ainsi que la page 1 chapitre « Interprétation »-,
- l'acte constitutif du trust est, en outre, conforme à la loi des Iles Vierges Britanniques,
- contrairement à ce que prétend l'appelant, la société C n'est pas détenue et contrôlée par la seule SAM B, mais est, au contraire, une entité juridique dotée de la personnalité morale, qui ne saurait être confondue avec la société intimée,
- en outre, la société intimée n'avait pas le contrôle absolu des biens de l'appelant, pas plus qu'elle ne l'aurait privé de son droit de contrôle sur la gestion de son patrimoine,
- en l'absence de tout commencement de preuve étayant les allégations de l'appelant, il sera rappelé qu'aux termes de l'acte constitutif du trust, seul les trustees ont le pouvoir d'entreprendre, de poursuivre ou défendre toutes poursuites ou autres procédures judiciaires.
Sur le fond, la société intimée fait, essentiellement, valoir que l'appelant avait parfaitement connaissance des prestations accomplies par elle et qu'en outre, la facturation émise entre 2007 et 2010 s'élève à la somme totale de 184.303, 74 euros et non à celle de 289.700 euros, telle que réclamée par l'appelant.
Elle assure que l'activité du trust « société D » a considérablement augmenté à compter de l'année 2007, d'où un accroissement significatif de la facturation à compter de cette date, et rappelle que, s'agissant d'un trust discrétionnaire, le trustee n'avait pas l'obligation de notifier à Monsieur b. VA. DA. les paiements effectués pour le trust.
Elle fait également observer qu'à plusieurs reprises, le solde du compte bancaire s'est avéré insuffisant pour régler les factures et que le trustee s'est alors adressé à l'appelant, lequel a injecté des fonds supplémentaires, ce qui démontre que, contrairement à ce qu'il prétend, Monsieur b. VA. DA. toujours été informé du montant des factures.
Lors des débats en cause d'appel, le conseil de la société intimée a soulevé l'irrecevabilité des demandes nouvelles formées devant la Cour par Monsieur b. VA. DA., exposant qu'en première instance, celui-ci sollicitait la condamnation de la SAM A à lui rembourser un montant d'honoraires facturés de 289.700 euros, alors qu'il réclame désormais la condamnation de cette même société au paiement de dommages-intérêts.
Le conseil de l'appelant s'est expliqué sur ce point.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
1 - Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas contestée ;
2 - Attendu qu'en application de l'article 431 du Code de procédure civile, les parties ne peuvent former aucune demande nouvelle en cause d'appel, à moins qu'il ne s'agisse de compensations ou que la demande nouvelle ne soit que la défense à l'action principale ;
Que, les parties ayant contradictoirement débattu sur ce point à l'audience, la Cour relève qu'il ressort, à l'évidence, des conclusions soutenues en première instance par Monsieur b. VA. DA. que celui-ci entendait déjà rechercher la responsabilité civile de la SAM A ;
Qu'ainsi, le demandeur, actuel appelant, indiquait en première instance :
- dans son exploit d'assignation, que « l'absence de justification, de cohérence et d'autorisation avant de se régler par prélèvements est avérée et constitue une faute de la part de B » (page 8), « ce comportement est gravement fautif » (page 9), « la juridiction de Céans ne manquera pas de constater le peu de sérieux de la Société B et son manque total de transparence pour retenir sa responsabilité dans les préjudices importants subis par b. VA. DA. » (page 9),
- dans ses premières conclusions : que « la société B a commis des fautes répétées, à l'origine de lourds préjudices pour le concluant, en ce qu'elle a procédé à une facturation pour des prestations qu'elle est dans l'impossibilité d'expliquer » (page 3), qu'« elle engage la responsabilité civile, voire pénale, du mandataire indélicat » (page 5),
- dans ses dernières conclusions : que « le concluant a été victime de la facturation abusive de la défenderesse et ce pendant plusieurs années, mais également de la mauvaise foi de cette dernière qui persiste à affirmer qu'elle n'aurait commis aucune faute, alors qu'elle agissait en qualité de professionnel et était rémunérée pour ces services » (page 9), et dans le dispositif de celles-ci, avant de solliciter la condamnation de la société défenderesse au paiement de la somme de 289.700 euros, : « dire et juger que les agissements de la Société Anonyme Monégasque A ont causé d'importants préjudices matériels, moral et financier à b. VA. DA., qu'il fait intégralement réparer » ;
Attendu, en conséquence, qu'il n'est pas démontré que les demandes formées par Monsieur b. VA. DA. devant la Cour seraient nouvelles, en sorte que la demande de la société intimée tendant à les voir déclarer irrecevables de ce chef doit être rejetée ;
3 - Attendu que pour accueillir la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de Monsieur b. VA. DA. soulevée par la SAM A, les premiers juges ont retenu que :
- les factures litigieuses dont le demandeur sollicite le remboursement, sont libellées soit au nom de plusieurs sociétés dont il est le bénéficiaire économique, soit au nom du trustee C, administrateur de la société D,
- que Monsieur b. VA. DA. n'est pas le représentant légal de ces différentes structures,
- que sa double qualité de constituant du trust et de bénéficiaire de la société D ne suffit pas à lui conférer le pouvoir d'agir,
- qu'il se trouve dessaisi par l'effet même du trust,
- que l'acte de constitution du trust réserve au trustee le pouvoir d'entreprendre une action judiciaire ou de défendre à celle-ci ;
Attendu qu'il ressort des débats, des écritures et des pièces déposées par les parties, que le trust société D a été constitué le 30 juin 2004 ;
Qu'un contrat dit d'administration et de services professionnels, a été signé les 20 février 2004 et 5 mars 2004, à effet au 1er janvier 2004, entre d'une part, la SAM A exerçant sous le nom de B, et d'autre part, la société D, constituée aux Iles Vierges Britanniques ;
Qu'aux termes de ce contrat, la société D, constituée pour intervenir en qualité de « trustee spécialisé », a, en considération d'une part du fait que B est « un cabinet professionnel spécialisé dans la mise à disposition internationale de conseils fiscaux et juridiques, ainsi que de services d'entreprise et comptables », d'autre part de « l'emplacement stratégique, l'expertise et les aptitudes linguistiques de B », lesquels « constitueront un système d'administration efficace pour la Société », souhaité engager B « pour mettre à disposition certains services d'administration au profit de la Société ainsi que d'autres services professionnels que la Société pourra requérir ponctuellement » ;
Que ce contrat, dont la validité n'es pas contestée et qui a été signé au nom de la société D, par son administrateur, la société F, a mis à la charge de la société D des « honoraires d'administration annuels » auxquels s'ajoutent des « honoraires extraordinaires au temps passé », ainsi que des « débours extraordinaires », payables à la société intimée ;
Attendu que les mêmes constatations s'imposent pour le contrat dit d'administration et de services professionnels, rédigé dans les mêmes termes, signé les 20 février 2004 et 5 mars 2004, à effet au 1er janvier 2004, entre d'une part la SAM A exerçant sous le nom de B, et d'autre part, la société E, constituée aux Iles Vierges Britanniques ;
Qu'à ce stade, il n'est nullement justifié que l'appelant qui, en toute hypothèse, agit en son nom personnel, soit ou ait été le représentant légal de la société D, partie au contrat dit d'administration, ni celui de la société F, administrateur de cette dernière, ni encore le représentant légal de la société E, ni enfin qu'il ait été mandaté par l'une quelconque de ces sociétés pour agir en leur nom au motif d'une mauvaise exécution du contrat précité ;
Qu'au contraire, l'appelant n'est qu'un tiers à ces contrats aux termes desquels a été fixé le mode de calcul de la rémunération de la SAM A ;
Attendu qu'il n'est, en outre, ni démontré, ni même soutenu, que ces contrats ne seraient plus en vigueur ;
Attendu, par ailleurs, que la facturation n'a pas été établie au visa de la lettre d'engagement signée par b. VA. DA. le 14 février 2003 au profit de la société intimée, lettre dont l'appelant reconnaît qu'elle n'avait pour objet qu'une « simple consultation », mais bien sur le fondement des contrats d'administration et de services signés les 20 février et 5 mars 2004 ;
Qu'ainsi, seules les sociétés D et la société E seraient recevables à poursuivre la société A, leur co-contractante, au titre d'une exécution défectueuse des contrats précités, ou d'une exécution non conforme aux dispositions contractuelles, s'agissant, notamment, du non-respect du montant de la rémunération due à la société prestataire ;
Attendu, au surplus, que les factures contestées telles que produites aux débats, ont été, notamment, libellées au nom de sociétés telles que la société G, la société H, la société I, la société J, dont l'appelant prétend qu'elles seraient « affiliées au trust société D » mais dont, en toute hypothèse, ce dernier, dont la Cour rappelle qu'il agit en nom propre, ne justifie pas qu'il ait été leur représentant, ni leur mandataire ;
Attendu, par ailleurs, qu'une déclaration de trust, dénommé société D, a été effectuée le 30 juin 2004 par la société C, constituée aux Iles Vierges Britanniques, désignée dans la déclaration comme « les premiers administrateurs » ou encore « les administrateurs » ;
Que l'annexe 2 de la déclaration, désignant les bénéficiaires du trust, est ainsi libellée :
« Les Bénéficiaires : b. VA. DA., né le 15 juillet 1956 et domicilié au X, Rue Y, Monaco, Ainsi que toute autre personne, société ou organisation caritative que les Administrateurs nommeront à tout moment et de temps en temps à leur discrétion » ;
Qu'il s'évince de cette annexe que Monsieur b. VA. DA. est nommément désigné comme bénéficiaire du trust, la question étant de savoir s'il peut être considéré comme l'unique bénéficiaire ;
Que la consultation rédigée sur ce point le 3 novembre 2014, par Maître RICHARDSON, avocat à LONDRES, produite par l'appelant, n'apporte pas de réponse univoque dès lors qu'à la question de savoir si l'appelant est le bénéficiaire unique du trust, ce professionnel indique : « La réponse courte à cette question est qu'il semble en fait être bénéficiaire : l'annexe 2 de l'acte du trust l'identifie expressément en qualité de bénéficiaire », avant de préciser plus loin : « Il est également le seul membre nommé dans la catégorie des bénéficiaires à l'annexe 2 de l'acte de trust bien que le trustee ait le pouvoir d'ajouter d'autres bénéficiaires » ;
Que selon cette même consultation, le trust litigieux est un trust discrétionnaire et que « dans ce type de trust, les bénéficiaires, même s'il n'y en a qu'un actuellement (…) ne sont pas considérés comme possédant individuellement le bénéfice économique concernant certains ou tous les actifs du trust. Ils ne font que partie d'un pouvoir discrétionnaire pour désigner ou attribuer les actifs en leur faveur (…) il est correct que BEN (l'appelant) n'a pas de bénéfice économique ni d'intérêt légal acquis dans les biens du Trust, en vertu de la loi des Îles Vierges Britanniques, sauf si BELVEDERE exerce le pouvoir de disposition énoncé à l'article 8 en faveur de BEN » ;
Que, de même, l'acte de déclaration de trust précise, en sa première page, que la mention « les bénéficiaires, signifie et inclut toutes et chacune des personnes physiques, sociétés et/ou organismes de bienfaisance dénommés ou à dénommer » ;
Qu'en l'état, il n'est pas justifié qu'à la date de la demande en justice, à laquelle les juges doivent se placer pour apprécier la recevabilité de celle-ci, d'autres bénéficiaires que l'appelant aient été désignés ;
Mais attendu qu'à supposer même que Monsieur b. VA. DA. soit reconnu comme unique bénéficiaire du trust, cela ne suffirait pas à lui conférer la qualité à agir en justice dans la présente instance ;
Attendu, en effet, que la neuvième annexe de la déclaration de trust, relative aux pouvoirs des administrateurs, énonce, en préambule, que : « Les Administrateurs (…) ont tous les pouvoirs suivants en plus de ceux déjà déclarés ci-dessus et peuvent à leur discrétion exercer tous ou l'un quelconque de ceux-ci de temps en temps de telle façon qui peut sembler nécessaire ou souhaitable aux Bénéficiaires, à savoir le pouvoir de (…) Entreprendre ou défendre des poursuites » ;
Que le paragraphe 15 de cette neuvième annexe définit le pouvoir d'entreprendre ou de défendre des poursuites de la manière suivante : « Entreprendre, poursuivre ou défendre toutes poursuites ou autres procédures affectant les Administrateurs ou le Fonds Fiduciaire ou une Partie de celui-ci et régler tout différend ou soumettre de telles questions à l'arbitration (sic) et régler à l'amiable ou transiger toute dette due aux Administrateurs en tant qu'administrateur des présentes ou toute autre réclamation et modifier tout différent concernant des dettes ou réclamations en tant qu'administrateur s'il y a des preuves que (sic) une telle démarche suffit (…) » ;
Qu'il ressort de ces dispositions que le pouvoir d'entreprendre une action judiciaire est réservé à l'Administrateur -le trustee-, en l'espèce la société C, et non au bénéficiaire du trust ;
Attendu que Monsieur b. VA. DA. objecte qu'en réalité, les sociétés B et C seraient « des entités intimement liées », en sorte qu'une « collusion d'intérêt évidente » unirait la première qui émet les factures à la seconde qui les acquitte. Qu'il en tire la conclusion que jamais la moindre contestation « ne sera émise sur ces factures », si ce n'est par sa propre personne ;
Mais attendu que les sociétés B et C sont deux entités distinctes, chacune dotée de la personnalité juridique ;
Que le fait d'une part que la dénommée c. PA. ait à la fois signé la déclaration de trust du 20 juin 2004, en sa qualité d'attorney, et ait été « l'interlocutrice de b. VA. DA. au sein de la société B dans laquelle elle est employée », que le fait d'autre part que c. PA. ait été en 2010 administratrice, au même titre qu e. MC., de la société C ne suffisent pas à démontrer une quelconque collusion frauduleuse entre ces deux structures au préjudice de l'appelant ;
Attendu, au surplus, que Monsieur b. VA. DA., en sa qualité de bénéficiaire du trust, ne justifie pas non plus avoir vainement requis la société C d'entreprendre, pour son compte, une action judiciaire qui lui aurait semblé « nécessaire ou souhaitable », ainsi que le rappelle le préambule de l'annexe 9 précité. Que, de même, et bien qu'il critique abondamment la société C, à laquelle il fait grief d'honorer toutes les factures émises par B, il ne justifie d'aucune action entreprise contre son trustee ;
Que ce dernier affirme en outre, sans le démontrer, que la société C ne serait qu'une « société écran », alors même que les pièces versées aux débats attestent que cette société, constituée le 15 juillet 1988, est autorisée à exercer des activités fiduciaires depuis le 10 septembre 1998. Qu'en outre sont produits les statuts modifiés de cette société mis à jour au 17 juillet 2013 dont il résulte, contrairement aux affirmations de l'appelant, que ladite société n'aurait pas obtenu l'annulation pure et simple de son autorisation d'exercer, mais seulement le transfert de son siège social ;
Qu'en toute hypothèse, il n'est pas établi, qu'à la date de sa fondation et, depuis lors, dans l'exécution de l'objet social auquel elle était destinée, cette société aurait été fictive ;
Attendu, enfin, que l'appelant objecte qu'il serait, désormais, privé de tout contrôle sur la gestion de son patrimoine ;
Mais attendu que Monsieur b. VA. DA. a souhaité faire transférer deux trusts administrés à Jersey. Que, pour y parvenir, a été constitué un trust discrétionnaire et irrévocable, le trustee, étant considéré, ainsi que le rappelle Maître RICHARDSON dans sa consultation, comme le « propriétaire légal des actifs détenus en trust », ayant, en outre, tous pouvoirs pour gérer les biens et répartir les revenus, dans l'intérêt du ou des bénéficiaires désignés ou à désigner. Qu'ainsi, le constituant d'un trust discrétionnaire transfère ses actifs au trustee ;
Qu'il s'en déduit que Monsieur b. VA. DA. ne saurait s'étonner des règles de fonctionnement d'une institution qu'il a souhaité mettre en place pour la gestion de son patrimoine ;
Attendu, en conséquence, que le jugement entrepris ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a déclaré Monsieur b. VA. DA. irrecevable en ses demandes formées contre la SAM A pour défaut de qualité à agir ;
4 - Attendu que l'action en justice représente l'exercice d'un droit et que l'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soit, constitutive d'un abus sauf intention malveillante, mauvaise foi ou erreur équipollente au dol non démontrées au cas d'espèce, la Cour rappelant, en outre, que le Code de procédure civile n'impose pas à l'appelant de produire de nouvelles pièces ou d'invoquer des moyens nouveaux au soutien de son recours ;
Attendu que si la société intimée critique la véhémence des propos contenus dans les écritures de l'appelant, elle ne démontre pas, contrairement à ses affirmations, la réalité de son préjudice quant à l'atteinte portée à son image ou à sa réputation et doit, dès lors, être déboutée de sa demande de dommages-intérêts de ce chef ;
5 - Attendu que, succombant en cause d'appel, Monsieur b. VA. DA. en supportera les entiers dépens, distraits au profit de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit l'appel,
Déboute la société A de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables, comme nouvelles devant la Cour, les prétentions de Monsieur b. VA. DA.,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Déboute la SAM A de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif,
Déboute la SAM A de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice d'image ou de réputation,
Condamne Monsieur b. VA. DA. aux entiers dépens d'appel, distraits au profit de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 23 JUIN 2015, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles assistée de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Mademoiselle Cyrielle COLLE, Substitut du Procureur Général.