Cour d'appel, 30 mai 2011, Ministère public c/ A L

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Abstract🔗

Procédure pénale - Garde à vue - Régularité de la procédure (non) - Violation des droits du gardé à vue - Mesure de contrainte jusqu'à présentation au Tribunal - Nullité de l'audition

Étranger - Expulsion - Mesure de refoulement - Infraction - Irrégularité de forme de l'arrêté de refoulement - Régularisation - Maintien irrégulier du prévenu sur le territoire monégasque - Récidive légale - Peine d'emprisonnement de 2 mois

Résumé🔗

Le prévenu a fait l'objet d'une mesure de contrainte exercée sur sa personne par les autorités de police du moment de son interpellation jusqu'à son arrivée au Palais de justice conformément à l'article 60-2 du Code de procédure pénale. Il incombait aux services de police dès lors qu'ils retenaient l'intéressé et entravaient sa liberté d'aller et de venir, de le placer régulièrement en garde à vue pour le faire bénéficier des droits que la loi réserve à cette situation. À défaut, les services de la sûreté publique ont agi dans des conditions irrégulières justifiant la nullité de son audition.

Le ministre d'État a pris un arrêté de refoulement à l'encontre de l'intéressé sur le fondement de l'article 22 de l'ordonnance n° 3.153 du 19 mars 1964. L'original de cet arrêté dûment signé par le Ministre d'État a été régulièrement conservé au Ministère d'État. Si la copie de l'arrêté non signé par le ministre d'État, impropre à constituer une ampliation, est démunie de toute valeur juridique et ne peut servir de base à des poursuites sur le fondement de la violation de cet arrêté, l'acte a ensuite été régularisé. En effet, le Procureur Général produit désormais devant la Cour une ampliation de l'arrêté de refoulement pris à l'encontre du prévenu. Par conséquent, la poursuite diligentée à l'encontre de ce dernier du chef d'infraction à la mesure de refoulement est désormais régulière en la forme. L'infraction est caractérisée puisqu'il s'évince des témoignages recueillis que le prévenu se promenait dans les couloirs du Métropole en violation des dispositions de l'arrêté du Ministre d'État à lui notifié. Au regard de la personnalité du prévenu, et en tenant compte des précédentes condamnations figurant sur son casier judiciaire, il y a lieu de prononcer à son encontre la peine de deux mois d'emprisonnement.


Motifs🔗

Cour d'appel correctionnelle Dossier PG n° 2011/000258

ARRÊT DU 30 MAI 2011

En la cause du :

  • MINISTÈRE PUBLIC ;

APPELANT

Contre :

  • - A L, né le 6 mars 1965 à CHISINAU (Moldavie), de Boris et de Emilia T, de nationalité moldave, demeurant se disant domicilié X à MARSEILLE (13000) ;

Prévenu de :

INFRACTION À MESURE DE REFOULEMENT EN ÉTAT DE RÉCIDIVE LEGALE

DÉFAILLANT ;

INTIMÉ

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 28 mars 2011 ;

Vu le jugement contradictoirement rendu par le Tribunal de Première Instance jugeant correctionnellement le 14 février 2011 ;

Vu l'appel interjeté par le ministère public suivant acte de greffe en date du 22 février 2011 ;

Vu l'ordonnance de Madame le Vice Président en date du 22 février 2011 ;

Vu la citation à prévenu suivant exploit enregistré du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 24 février 2011 ;

Vu les pièces du dossier ;

Ouï Monsieur Gérard FORÊT-DODELIN, Conseiller, en son rapport ;

Nul pour le prévenu défaillant ;

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Ouï Maître Sarah FILIPPI, avocat-stagiaire pour le prévenu, dûment autorisée par Monsieur le Président à plaider pour A L ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Par jugement contradictoire du 14 février 2011, le tribunal correctionnel a :

  • · constaté la nullité du procès-verbal d'audition du prévenu,

  • · relaxé A L des fins de la poursuite d'être à :

    « MONACO, le 11 février 2011, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, entré sur le territoire de la Principauté alors qu'il faisait l'objet d'une mesure de refoulement n° 05-08 en date du 18 février 2005, régulièrement notifiée le 13 décembre 2005, et ce, en état de récidive légale comme ayant déjà été condamné pour le même délit par jugement contradictoire du Tribunal Correctionnel de Monaco en date du 27 juin 2008, devenu définitif, à la peine de six mois d'emprisonnement, » DÉLIT prévu et réprimé par les articles 22 et 23 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964 et 40 alinéa 2 du Code Pénal ;

Le ministère public a interjeté appel de ce jugement le 22 février 2011 ;

L'appel régulier est recevable ;

Considérant les faits suivants :

Le 11 février 2011 à 11 heures 10, il était porté à la connaissances des services de la sûreté publique que le nommé A L qui s'était livré antérieurement à la commission de vols au préjudice de commerçants de la galerie du métropole, était à nouveau présent dans les mêmes lieux, en dépit d'un arrêté de refoulement dont il faisait l'objet et qui lui avait été notifié le 12 décembre 2005.

Interpellé immédiatement, il était conduit dans les locaux de la sûreté publique, entendu sur les faits d'infraction à arrêté de refoulement, puis déféré en flagrant délit au Procureur Général qui décernait à son encontre un mandat d'arrêt et le déférait devant le tribunal correctionnel dont la tenue était requise exceptionnellement le lundi 14 février 2011 pour satisfaire aux exigences de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

Aux termes du jugement désormais entrepris, le tribunal correctionnel a constaté la nullité du procès-verbal d'audition d A L dès lors que celui-ci avait été retenu dans les locaux de la sûreté publique pour les besoins de l'enquête sans avoir été placé en garde-à-vue, dans des conditions attentatoires à ses droits.

Au fond, après avoir constaté que la copie de l'arrêté de refoulement pris le 18 février 2005 par le Ministre d'État, tel qu'il était versé au dossier de la procédure, n'était pas signé par celui-ci, le tribunal a relaxé A L des fins de la poursuite sans peine ni dépens.

Lors de l'audience devant la Cour, le Procureur Général a requis la réformation du jugement en produisant aux débats une copie dûment signée de l'arrêté de refoulement pris en son temps par le Ministre d'État.

En l'absence d A L, Maître Sarah FILIPPI a été autorisée à s'exprimer au nom de celui-ci et a sollicité la confirmation du jugement dont s'agit l'ayant relaxé des fins de la poursuite.

Subsidiairement, pour le cas où la Cour entrerait en voie de condamnation à l'encontre de celui-ci, Maître Sarah FILIPPI, avocat-stagiaire, a sollicité l'indulgence de la juridiction dès lors qu'elle était sans nouvelle de ce dernier.

SUR CE,

Attendu qu A L ne comparaît pas ; qu'il sera statué par défaut à son encontre ;

Attendu qu'aux termes de l'article 60-2 du Code de procédure pénale, « toute personne contre qui il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit, peut pour les nécessités des investigations, être gardée à vue par un officier de police judiciaire… la garde à vue emporte pendant toute sa durée, le maintien de cette personne à la disposition de l'officier de police judiciaire » ;

Attendu qu'il est constant qu'à la suite du signalement dont il a fait l'objet au sein de la galerie du Métropole le 11 février 2011, A L a été retenu par les services de police tant durant son audition qui s'est déroulée dans les locaux de la sûreté publique de 11 heures 30 à 12 heures, puis pour assurer sa présentation devant le Procureur Général le même jour à 14 heures 30 ;

Qu'il ne saurait être contesté qu'il a ainsi fait l'objet d'une mesure de contrainte exercée sur sa personne par les autorités de police du moment de son interpellation jusqu'à son arrivée au Palais de Justice ;

Attendu qu'il incombait conséquemment aux services de police, dès lors qu'ils retenaient A L et l'empêchaient de disposer de sa liberté d'aller et de venir, de le placer régulièrement en garde à vue pour le faire bénéficier des droits que la loi réserve à cette situation ;

Qu'en ne procédant pas ainsi, les services de la sûreté publique ont agi dans des conditions irrégulières justifiant ainsi que l'a ordonné le tribunal que la nullité de son audition soit constatée ;

Que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 22 de l'ordonnance souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964, « le Ministre d'État pourra par mesure de police ou en prenant un arrêté d'expulsion, enjoindre à tout étranger de quitter immédiatement le territoire monégasque ou lui interdire d'y pénétrer » ;

Attendu que le Ministre d'État, Monsieur p. L., a pris un tel arrêté à l'encontre de A L le 18 février 1995, lequel lui a été notifié par les services de police le 13 décembre 2005 ;

Qu'il ne saurait être contesté que l'original de cet arrêté dûment signé par le Ministre d'État a été régulièrement conservé au Ministère d'État ;

Que si pour les besoins des procédures à intervenir il doit en être délivré copie, celle-ci doit impérativement être réalisée sous la forme d'une ampliation de cet arrêté à l'exclusion de tout autre document ;

Que la production en copie de cet arrêté non signé par le Ministre d'État qui ne constitue pas une ampliation, est démunie de toute valeur juridique et ne peut servir de base à des poursuites sur le fondement de la violation de cet arrêté ;

Que c'est à juste titre que le tribunal, constatant que la copie de l'arrêté qui était versée à la procédure n'était pas signée par le Ministre d'État, a renvoyé A L des fins de la poursuite ;

Attendu toutefois que le Procureur Général produit désormais devant la Cour une ampliation de l'arrêté de refoulement pris à l'encontre de A L le 18 février 2005 ;

Que la poursuite diligentée à l'encontre de A L du chef d'infraction à mesure de refoulement est désormais régulière en la forme ;

Attendu qu'il s'évince des témoignages recueillis que A L qui se promenait le 11 février 2011 dans les couloirs du Métropole en violation des dispositions de l'arrêté du Ministre d'État à lui notifié le 13 décembre 2005 ayant ordonné son refoulement hors de la Principauté, se trouvait dès lors en infraction au regard des dispositions de l'ordonnance souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964 et notamment de son article 23 ;

Que l'infraction dont A L est prévenu est constituée à son endroit ;

Qu'il convient de réformer de ce chef le jugement dont s'agit et d'entrer en voie de condamnation à son encontre ;

Attendu que A L est en situation de récidive légale pour avoir déjà été condamné à deux reprises de ce chef par le tribunal correctionnel le 21 novembre 2006 pour des faits commis les 10 et 17 novembre 2006 ;

Attendu qu'au regard de la personnalité du prévenu et en tenant compte des précédentes condamnations figurant sur son casier judiciaire, il y a lieu de prononcer à son encontre la peine de deux mois d'emprisonnement ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, statuant par défaut à l'encontre de A L,

Reçoit le Ministère Public en son appel,

Confirme le jugement prononcé par le tribunal correctionnel le 14 février 2011 en ce qu'il a constaté la nullité du procès-verbal d'audition de A L,

Réforme pour le surplus,

Déclare A L coupable d'infraction à mesure de refoulement et ce en état de récidive légale,

En répression, le condamne à la peine de deux mois d'emprisonnement,

Le condamne en outre aux frais,

Fixe au minimum la durée de la contrainte par corps ;

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le trente mai deux mille onze, par Monsieur Gérard FORÊT-DODELIN, Conseiller faisant fonction de Président, Monsieur Thierry PERRIQUET, Conseiller, Monsieur Jean-François CAMINADE, Conseiller, en présence de Monsieur Gérard DUBES, Premier substitut du Procureur Général, assistés de Madame Liliane ZANCHI, Greffier en chef adjoint.

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