Tribunal correctionnel, 14 février 2011, Ministère public c/ a. LU

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Abstract🔗

Privation de liberté - Placement en garde à vue - Mesure de refoulement - Signature par le Ministre d'État

Résumé🔗

Toute personne privée de liberté par l'intervention des services de police et retenue le temps de son audition fait l'objet d'une mesure de contrainte et doit donc être placée en garde à vue afin de bénéficier des droits attachés à cette mesure notamment le droit d'être assisté d'un avocat. Le non-respect de cette formalité porte atteinte aux droits de la défense et entraîne la nullité du procès-verbal d'audition. Cette nullité n'atteint pas les autres actes dissociables.

Selon l'article 47 de la Constitution, la signature du Ministre d'État conditionne le caractère exécutoire d'une mesure de refoulement. La production d'une copie non signée doit entraîner la relaxe du prévenu.


Motifs🔗

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TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2011/000258

JUGEMENT DU 14 FÉVRIER 2011___________________

En la cause du MINISTERE PUBLIC ;

Contre le nommé :

- a. LU., né le 6 mars 1965 à CHISINAU (Moldavie), de Boris et dEmilia TU., de nationalité moldave, sans profession, se disant domicilié X à MARSEILLE (13015) ;

Prévenu de :

INFRACTION À MESURE DE REFOULEMENT EN ÉTAT DE RÉCIDIVE LÉGALE

- présent aux débats, DÉTENU (mandat darrêt en date du 11 février 2011), assisté de Maître Sarah FILIPPI, avocat-stagiaire, commis doffice, et plaidant par ledit avocat-stagiaire ;

LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à laudience de ce jour ;

  • Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous le numéro 2011/000258 ;

  • Vu la procès-verbal dinterrogatoire de flagrant délit en date du 11 février 2011 ;

  • Ouï Maître Sarah FILIPPI, avocat-stagiaire pour le prévenu, laquelle soulève in limine litis une exception de nullité ;

  • Ouï le Ministère Public en réponse ; Ouï Monsieur le Président, qui après avoir pris lavis de ses assesseurs, décide de joindre lincident au fond ;

  • Ouï le prévenu, lequel déclare accepter dêtre jugé immédiatement et renoncer à la faculté conférée par larticle 400 du Code de Procédure Pénale ;

  • Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

  • Ouï Maître Sarah FILIPPI, avocat-stagiaire pour le prévenu, en ses moyens de défense et plaidoiries par lesquels elle sollicite la relaxe de son client ;

  • Ouï le prévenu, en dernier, en ses moyens de défense ;

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Monsieur a. LU. comparaît devant le Tribunal Correctionnel, selon la procédure de flagrant délit, sous la prévention :

« D'être à MONACO, le 11 février 2011, en tout cas depuis » temps non couvert par la prescription,

« - entré sur le territoire de la Principauté alors qu'il faisait » l'objet d'une mesure de refoulement n° 05-08 en date du 18 « février 2005, régulièrement notifiée le 13 décembre 2005,

» et ce, en état de récidive légale comme ayant déjà été « condamné pour le même délit par jugement contradictoire » du Tribunal Correctionnel de Monaco en date du 27 juin « 2008, devenu définitif, à la peine de six mois » d'emprisonnement,

« DÉLIT prévu et réprimé par les articles 22 et 23 de » l'Ordonnance Souveraine n° 3153 du 19 mars 1964 et 40 « alinéa 2 du Code Pénal ».

Sur la procédure,

Le conseil du prévenu soutient que l'entière procédure est entachée de nullité dès lors que Monsieur a. LU. a été interpellé puis auditionné sans être placé en garde à vue, de sorte qu'il a été privé de l'ensemble de ses droits attachés à cette mesure et, notamment, de la possibilité d'être assisté d'un avocat.

Il résulte en effet du procès-verbal d'audition de l'agent de police o. KR que le mis en cause a été pris en charge par les policiers au service de sécurité de la FNAC puis conduit, après une palpation de sécurité, dans les locaux de la Sûreté Publique, ou il a été mis à la disposition du service de permanence judiciaire.

Monsieur a. LU. s'est ainsi trouvé privé de liberté dès l'intervention des fonctionnaires de police et sa mise à disposition de l'officier de police judiciaire s'est ensuite prolongée le temps de son audition.

La situation décrite ne pouvait être légalement justifiée que par le placement en garde à vue de l'intéressé, ce qui ne fut pas le cas en l'espèce. Cette irrégularité flagrante a privé la personne poursuivie de la possibilité d'être assistée d'un avocat et a nécessairement porté atteinte aux droits de sa défense. En conséquence, le Tribunal ne pourra que constater la nullité de son procès-verbal d'audition.

Cette nullité ne saurait atteindre les autres actes de la procédure qui sont parfaitement dissociables du précédent.

Aussi, il appartient au Tribunal de statuer désormais sur le fond.

Sur le fond,

Monsieur a. LU. a été interpellé pour avoir fait l'objet d'une mesure de refoulement le 18 février 2005 mais la copie de l'acte versée au dossier ne comporte par la signature du Ministre d'État.

Sur interrogation du conseil du prévenu, le Ministère Public a indiqué qu'il ne disposait d'aucune autre pièce que celle figurant à la procédure.

Dès lors qu'en application de l'article 47 de la Constitution du 17 décembre 1962 ladite signature conditionne le caractère exécutoire de la mesure de refoulement et qu'il n'a pu être démontré, en l'état des contestations opposées par la défense, que l'arrêté du 18 février 2005 pris à l'encontre de Monsieur a. LU. en a été régulièrement revêtu, le Tribunal ne peut que constater que le délit poursuivi pour violation de cet acte n'apparait pas caractérisé dans tous ses éléments constitutifs.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement,

Constate la nullité du procès-verbal daudition de Monsieur a. LU. ; Relaxe Monsieur a. LU. des fins de la poursuite sans peine ni dépens ;

Laisse les frais à la charge du Trésor ;

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal de Première Instance, au Palais de Justice, à Monaco, le quatorze février deux mille onze, par Monsieur Marcel TASTEVIN, Vice-Président, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Juge, Madame Sophie LEONARDI- FLEURICHAMP, Juge, en présence de Monsieur Michaël BONNET, Substitut du Procureur Général, assistés de Madame Joëlle JEZ-ANDRIEU, Greffier.-

Note🔗

Ce jugement a été confirmé sur les principes énoncés par arrêt de la Cour d'appel du 30 mai 2011 qui a précisé que devait être versée à la procédure une ampliation de la décision de refoulement du Ministre d'État. Ampliation fournie en appel.

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