Cour d'appel, 22 janvier 2002, G. c/ O., V. S., Sam P. C. & Compagnie, Sam Riviera Télécom, État de Monaco

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Abstract🔗

Exequatur

Jugement émanant d'une juridiction belge - Conditions d'exécution : article 472 et suivants du Code de procédure civile - Examen formel de la demande par le juge conformément aux prescriptions de l'article 474 du Code de procédure civile à l'exclusion de l'examen de la portée de l'exequatur

Résumé🔗

Seul l'intimé H. O. remet en cause, par son appel incident, l'exequatur dans la Principauté de Monaco du jugement rendu le 8 mars 1962 par le Tribunal de commerce de Bruxelles, ordonné par le jugement entrepris du Tribunal de première instance du 18 mars 1999 (R 3290).

En l'absence de convention d'entraide mutuelle judiciaire entre la Principauté de Monaco et la Belgique, il appartient à la juridiction monégasque saisie d'une demande d'exequatur d'un jugement rendu par une juridiction belge, d'examiner, en vertu de l'article 474 du Code de procédure civile, ledit jugement en la forme et au fond et de le réviser, au besoin, en tout ou en partie.

Il résulte des pièces du dossier que T. G., demandeur à l'exequatur, a produit une expédition authentique du jugement du 8 mars 1962 du Tribunal de commerce de Bruxelles ainsi que l'exploit de signification et le certificat de non-appel en date du 29 mars 1984 du Greffier en chef du Tribunal de commerce de Bruxelles constatant le caractère exécutoire de cette décision en Belgique.

Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le jugement dont l'exequatur est sollicité est régulier en la forme, émane d'une juridiction compétente d'après la loi belge, ne contient rien de contraire à l'ordre public monégasque, est motivé par rapport à la cessation des paiements de l'entreprise commune des époux V. S., se réfère à la loi belge sur les faillites et à la procédure de vérification des créances et aux délais qu'elle impose, et en outre les parties ont été régulièrement citées et mises à même de se défendre.

Les premiers juges ont encore constaté à juste titre que les documents versés aux débats étaient revêtus du timbre consulaire et remplissaient ainsi la condition inhérente à la légalisation.

En tout état de cause la contestation de H. O. ne porte pas sur les conditions de forme et de fond exigées par les dispositions susvisées du Code de procédure civile.

L'intimé se borne à faire grief au tribunal d'avoir accordé l'exequatur, au seul motif que cet exequatur n'aurait de sens et d'objet qu'en cas d'effet rétroactif, lequel permettrait ainsi d'obtenir la rétractation du jugement du Tribunal de première instance du 16 juin 1983.

Cependant aucune disposition du Code de procédure civile n'impose à la juridiction saisie d'une demande d'exequatur d'examiner la portée de l'exequatur sollicité.

Il appartient à cette juridiction de limiter son examen du jugement étranger, outre les conditions de forme et de fond, aux dispositions de ce jugement qui pourraient être contraires à l'ordre public monégasque. Toutefois, en l'espèce, ainsi qu'il a été dit ci-dessus le jugement du Tribunal de commerce de Bruxelles du 8 mars 1962 ne contient aucune disposition contraire à l'ordre public monégasque. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont ordonné l'exequatur dans la Principauté de Monaco dudit jugement.

Par ailleurs, si l'appelant soutient que le Tribunal ne pouvait invoquer un caractère autonome de l'instance en exequatur et refuser, par suite, d'examiner et faire droit à sa demande tendant à la déclaration d'inopposabilité à la masse des créanciers, des actes intervenus depuis le prononcé de la faillite ainsi qu'à la désignation d'un séquestre judiciaire, lesdits demandes présentées par le demandeur à l'exequatur en sus de celle-ci ne sauraient être accueillies dans une instance qui ne peut avoir pour seule finalité que de rendre exécutoire en sa forme et teneur une décision de justice étrangère.


Motifs🔗

La Cour,

Statuant sur l'appel parte in qua interjeté le 7 juin 1999 par T. G. à l'encontre du jugement susvisé du Tribunal de première instance du 18 mars 1999 (R 3290).

Considérant les faits suivants :

T. G., faisant état de sa qualité de curateur aux faillites de l'association de fait ou société en nom collectif irrégulière Lotto et National Home Service, J. D. et J. V. S., a fait assigner J. V. S., H. O., la société anonyme monégasque dénommée P. C. et compagnie et la société anonyme monégasque dénommée Riviera Téléphone (devenue Riviera Télécom), en présence du conservateur des Hypothèques de la Principauté de Monaco, aux fins de voir :

• ordonner l'exequatur du jugement rendu le 8 mars 1962 par la 5e chambre du Tribunal de commerce de Bruxelles ayant prononcé la faillite de l'association de fait ou société en nom collectif irrégulière Lotto et National Home Service, de J. D. et de J. V. S., et ce, en application des articles 473 et suivants du Code de procédure civile monégasque.

• en conséquence, ordonner que seront déclarés inopposables à la masse des créanciers tous actes ou conventions généralement quelconques qui seraient intervenus depuis la date du prononcé de la faillite par le jugement à exequaturer du 8 mars 1962 qui aura autorité de la chose jugée et force exécutoire en Principauté de Monaco.

• Plus particulièrement les sociétés anonymes monégasques P. C. et compagnie et Riviera Téléphone (devenue Riviera Télécom) entendre désigner sur le fondement de l'article 1800 du Code civil un séquestre judiciaire entre les mains duquel elles devront se libérer du montant des loyers et charges ou autres indemnités dont elles seraient redevables par l'effet qui s'attache aux conventions qu'elles ont respectivement souscrites avec le curateur sous les dates des 3 mai et 2 juillet 1969 et 19 mars 1970 et que tout paiement qu'elles opéreraient en d'autres mains ne seront point libératoires à l'égard du requérant ès qualités qui sera fondé à les poursuivre sur leurs biens personnels, jusqu'à extinction de sa créance et sous réserve de tous ses droits, dus et actions.

• En tant que de besoin le conservateur des Hypothèques s'entendre faire défense de transcrire tout acte ou convention qui pourrait intervenir au mépris des présentes.

• condamner V. S. aux dépens de la procédure d'exequatur proprement dite et les sociétés P. C. et compagnie et Riviera Télécom aux dépens concernant la demande de nomination d'un séquestre dans la mesure où elles l'auraient rendu nécessaire.

Par jugement de « défaut profit joint » du 7 juin 1984, le Tribunal de première instance ordonnait la réassignation de J. V. S. et du conservateur des Hypothèques qui seul comparaissait après la réassignation, J. V. S. demeurant défaillant.

J. V. S. étant décédé en 1990, T. G. a fait assigner sa fille et seule héritière, par exploit du 13 mai 1998 pour formaliser une reprise d'instance sur le fondement des dispositions de l'article 392 du Code de procédure civile, au contradictoire de toutes les autres parties hormis le conservateur des Hypothèques auquel a été substitué l'État de Monaco.

En l'état du défaut constaté à l'audience du 18 juin 1998 de J. V. S., non citée à personne, sa réassignation était ordonnée et malgré l'exploit du 13 juillet 1998 elle ne comparaissait pas de telle sorte que le Tribunal de première instance a statué par jugement réputé contradictoire.

H. O. estimant la demande abusive, a sollicité un montant de 500 000 francs à titre de dommages-intérêts.

L'État de Monaco, constatant qu'aucune demande n'étant dirigée à son encontre, a sollicité sa mise hors de cause ainsi que l'allocation d'une somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts.

La société Riviera Télécom s'en est remis à justice et a demandé à ce que lui soit donné acte de ce qu'elle dépose ses loyers à chaque échéance auprès de la Caisse des dépôts et consignations et s'en libérera au profit de qui il appartiendra.

La société P. C. et compagnie s'en est également remis à justice et a demandé à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle s'est acquittée du règlement de ses loyers dus à compter de mars 1984 auprès de la Caisse des dépôts et consignations au profit de qui il appartiendra.

Par le jugement entrepris du 18 mars 1999, le Tribunal de première instance a :

  • ordonné la jonction des procédures n° 509/56 (exploit d'assignation du 21 mars 1984 et réassignation du 4 juillet 1984 et 883/123 (exploit d'assignation du 13 mai 1998 et réassignation du 13 juillet 1998).

  • constaté la reprise d'instance formalisée par T. G. à l'encontre de J. V. S.

  • ordonné l'exequatur dans la Principauté de Monaco du jugement rendu le 8 mars 1962 par le Tribunal de commerce de Bruxelles (5e chambre) avec tous effets de droit.

  • Débouté T. G. du surplus de ses demandes.

  • Mis l'État de Monaco hors de cause et condamné T. G. à lui payer 5 000 francs de dommages-intérêts.

  • Mis hors de cause les sociétés P. C. et compagnie et Riviera Télécom.

  • Débouté H. O. des fins de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts.

  • Dit n'y avoir lieu de faire droit aux demandes de donner acte des sociétés anonymes monégasques dénommées Riviera Télécom et P. C. et compagnie.

  • Condamné J. V. S. aux dépens.

En l'état du défaut constaté à l'audience de la Cour d'appel du 12 octobre 1999, de J. V. S. et de la SAM P. C. et compagnie, la réassignation des défaillants a été ordonnée par la Cour.

Ces deux intimées n'ont toutefois pas comparu de telle sorte qu'il sera statué par arrêt réputé contradictoire.

T. G. conclut à la recevabilité de son appel et à l'infirmation parte in qua du jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté du surplus de ses demandes, à savoir « qu'il ne saurait être ajouté à la décision déférée ni une déclaration d'inopposabilité à la masse des actes intervenus depuis le prononcé de la faillite, ni une désignation de séquestre afférente à des conventions particulières passées entre le curateur et la société Riviera Télécom et P. C. et compagnie ».

Il demande à la Cour de déclarer inopposables à la masse des créanciers tous actes ou conventions généralement quelconques qui seraient intervenus depuis la date du prononcé de la faillite par le jugement exequaturé du 8 mars 1962 du Tribunal de commerce de Bruxelles et de dire et juger que les deux sociétés Riviera Télécom et P. C. et compagnie devront se libérer du montant des loyers et charges ou autres indemnités dont elles seraient redevables par l'effet qui s'attache aux conventions qu'elles ont respectivement souscrites avec le curateur les 3 mai et 2 juillet 1969 et 19 mars 1970, entre les mains d'un séquestre judiciaire et que tous paiements qu'elles auraient pu opérer entre d'autres mains ne seraient pas libératoires à son égard, es qualité, qui sera fondé à les poursuivre sur leurs biens personnels et jusqu'à l'extinction de sa créance et sous réserves de tous ses droits, dus et actions.

Enfin T. G. sollicite la condamnation de J. V. S. aux dépens d'appel.

Il fait valoir que contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'instance en exequatur n'a aucun caractère autonome au sens des règles de procédures applicables en Principauté de Monaco.

Que le Tribunal ne pouvait donc refuser d'examiner les deux autres demandes de façon péremptoire et sans aucune motivation mais était compétent pour trancher les deux contestations.

Que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la demande de déclaration d'inopposabilité à la masse des actes intervenus depuis le prononcé de la faillite et la désignation de séquestre étaient formulées de la même façon dans le cadre de l'instance distincte en tierce opposition.

Qu'en effet dans son jugement n° R 3288 du 18 mars 1999 le Tribunal a déclaré que le jugement d'exequatur de la décision de faillite du Tribunal de commerce du 8 mars 1962 n'aurait pas d'effet rétroactif mais il n'a pas statué sur la demande de séquestre des loyers dus par les deux sociétés auxquelles il a donné acte de leur offre de se libérer du montant des loyers dus, entre les mains de leur prétendu propriétaire, H. O.

Par conclusions du 4 janvier 2000 l'État de Monaco demande à la Cour de constater qu'il n'est formé aucune demande à son encontre, sa présence étant inutile à la solution du litige, de le mettre hors de cause et de condamner T. G. à lui verser un montant de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ce qu'il est contraint d'assurer sa représentation et sa défense en cause d'appel dans un litige qui ne le concerne pas, et enfin de condamner T. G. aux entiers dépens.

L'État de Monaco fait valoir que compte tenu de ce que les demandes formulées par T. G. ne sont pas dirigées contre lui, il appartient à la Cour d'adopter la même motivation que celle des premiers juges et de le mettre hors de cause.

Par conclusions du 1er février 2000 H. O. conclut au rejet de l'appel parte in qua interjeté par T. G. et, sur appel incident, demande à la Cour de débouter T. G. de sa demande d'exequatur du jugement du 8 mars 1962 du Tribunal de commerce de Bruxelles et de le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Il fait valoir que c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que le jugement du Tribunal de commerce de Bruxelles du 8 mars 1962, dans l'hypothèse où il reçoit l'exequatur demandé, ne peut avoir sur le territoire monégasque aucun effet rétroactif par rapport au jugement qui lui donnerait l'exequatur.

Qu'eu égard aux dispositions de l'article 472 du Code de procédure civile et en l'absence de convention bilatérale entre la Belgique et la Principauté de Monaco, le jugement étranger revêtu de l'exequatur ne pourra produire effet à Monaco qu'à compter du jour où le jugement d'exequatur sera lui-même passé en force de chose jugée.

Qu'en l'absence d'exequatur le jugement étranger ne peut jamais être revêtu de la force exécutoire et notamment en matière de procédures collectives ; qu'ainsi la décision étrangère non revêtue de l'exequatur ne modifie pas la situation du débiteur de telle sorte qu'avant exequatur, le failli n'est pas dessaisi de ses biens et peut donc les administrer et les aliéner librement.

Que V. S. était donc en droit d'aliéner en 1979 des biens immobiliers qui se trouvaient à Monaco et dont il n'était pas dessaisi, et lui-même était fondé de poursuivre devant les juridictions monégasques, comme il l'a fait en 1983, pour l'obliger à exécuter son obligation de donner.

Qu'il est traditionnellement admis depuis un arrêt de la Cour de cassation française du 26 juin 1905 que l'exequatur ne produit effet que du jour du jugement qui l'accorde, sans rétroactivité.

Qu'ainsi, entre le prononcé du jugement étranger et son exequatur en France, les poursuites individuelles demeurent possibles et les droits acquis en vertu de ces poursuites ne peuvent être affectés par la suite du fait de l'exequatur.

Que c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté T. G. de ses demandes relatives à la déclaration d'inopposabilité tendant en réalité à faire reconnaître le caractère rétroactif de l'exequatur, ainsi qu'à la désignation de séquestre ;

Qu'en revanche c'est à tort que le Tribunal a accordé l'exequatur demandé car celui-ci n'a de sens et d'objet que s'il a un effet rétroactif, celui-ci permettant alors d'obtenir la rétractation du jugement du Tribunal de première instance du 16 janvier 1983 qui a notamment condamné V. S. à satisfaire aux obligations contractées envers lui dans l'acte de vente du 3 septembre 1979 portant sur divers biens immobiliers situés à Monaco.

Qu'en effet dès lors que l'exequatur n'a pas d'effet rétroactif et qu'il n'y a aucun autre bien à Monaco dépendant de la faillite V. S. et autres, l'exequatur n'a plus d'objet puisque le jugement de Tribunal de commerce de Bruxelles n'a plus à recevoir d'exécution forcée à Monaco.

Par conclusions du 23 mai 2000 T. G. demande en outre à la Cour de rejeter l'appel incident de H. O. et de confirmer l'exequatur à Monaco du jugement rendu le 8 mars 1962 par le Tribunal de commerce de Bruxelles et de condamner J. V. S. in solidum avec H. O. aux dépens d'appel.

Il fait encore valoir que sa demande d'exequatur du jugement du 8 mars 1962 est conforme aux dispositions des articles 473 et suivants du Code de procédure civile et qu'il est fondé à demander cet exequatur pour faire consacrer à Monaco le dessaisissement de J. V. S., propriétaire de divers immeubles.

Que l'instance en exequatur n'a aucun caractère autonome au sens des règles de procédure applicables à Monaco de telle sorte que les premiers juges ne pouvaient refuser d'examiner les deux autres demandes et sans se contredire, après avoir prononcé l'exequatur, refuser d'en tirer les conséquences au motif que le jugement d'exequatur n'aurait pas d'effet rétroactif.

Que compte tenu de sa situation de failli, V. S. n'avait pas la capacité de vendre le bien litigieux.

Que c'est en ajoutant au texte que le Tribunal de première instance a estimé que le jugement n'aurait pas d'effet rétroactif alors qu'en application des dispositions de l'article 472 du Code de procédure civile, seul l'exequatur à Monaco ne saurait avoir d'effet rétroactif.

Que la présente instance tend non à faire reconnaître le caractère rétroactif de l'exequatur mais à faire sanctionner l'universalité de l'effet du jugement du 8 mars 1962 dès son prononcé qui a entraîné ipso facto la perte par V. S. de la capacité de vendre ses immeubles à Monaco.

Que contrairement à ce qu'ont affirmé les premiers juges les demandes de déclaration d'inopposabilité et de désignation de séquestre n'étaient pas formulées de la même façon dans le cadre de l'instance distincte en tierce opposition.

Que l'appel incident de H. O. doit être rejeté car l'exequatur demandé s'impose en application des dispositions de la loi monégasque auxquelles il a été satisfait.

Par conclusions du 23 novembre 2000 H. O. fait valoir que le jugement de faillite de 1962 n'a jamais été publié aux hypothèques à Monaco.

Qu'il n'y a eu aucune fraude dans la transaction immobilière effectuée à Monaco et lui-même ignorait que V. S. faisait l'objet d'une procédure de faillite.

Qu'il s'oppose à cette demande d'exequatur car son acceptation créerait un important foyer de contentieux et une source inépuisable d'instabilité juridique à Monaco.

Par conclusions du 20 février 2001 tendant aux mêmes fins T. G. précise encore que le jugement de faillite a été publié au journal officiel de Monaco dans son édition du 21 février 1964.

Le conseil de la SAM Riviera Télécom a indiqué à la Cour qu'il s'en rapporte à justice, sans déposer de conclusions.

Sur ce :

Considérant que seul l'intimé H. O. remet en cause, par son appel incident, l'exequatur dans la Principauté de Monaco du jugement rendu le 8 mars 1962 par le Tribunal de commerce de Bruxelles, ordonné par le jugement entrepris du Tribunal de première instance du 18 mars 1999 (R 3290) ;

Considérant qu'en l'absence de convention d'entraide mutuelle judiciaire entre la Principauté de Monaco et la Belgique, il appartient à la juridiction monégasque saisie d'une demande d'exequatur d'un jugement rendu par une juridiction belge, d'examiner en vertu des articles 472 et suivants du Code de procédure civile, ledit jugement en la forme et au fond et de le réviser, au besoin, en tout ou en partie.

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que T. G., demandeur à l'exequatur, a produit une expédition authentique du jugement du 8 mars 1962 du Tribunal de commerce de Bruxelles ainsi que l'exploit de signification et le certificat de non-appel en date du 29 mars 1984 du Greffier en chef du Tribunal de commerce de Bruxelles constatant le caractère exécutoire de cette décision en Belgique.

Considérant qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le jugement dont l'exequatur est sollicité est régulier en la forme, émane d'une juridiction compétente d'après la loi belge, ne contient rien de contraire à l'ordre public monégasque, est motivé par rapport à la cessation des paiements de l'entreprise commune des époux V. S., se réfère à la loi belge sur les faillites et à la procédure de vérification des créances et aux délais qu'elle impose, et qu'en outre les parties ont été régulièrement citées et mises à même de se défendre.

Que les premiers juges ont encore constaté à juste titre que les documents versés aux débats étaient revêtus du timbre consulaire et remplissaient ainsi la condition inhérente à la légalisation.

Considérant qu'en tout état de cause la contestation de H. O. ne porte pas sur les conditions de forme et de fond exigées par les dispositions susvisées du Code de procédure civile ;

Que l'intimé se borne à faire grief au tribunal d'avoir accordé l'exequatur, au seul motif que cet exequatur n'aurait de sens et d'objet qu'en cas d'effet rétroactif, lequel permettrait ainsi d'obtenir la rétractation du jugement du Tribunal de première instance du 16 juin 1983 ;

Considérant cependant qu'aucune disposition du Code de procédure civile n'impose à la juridiction saisie d'une demande d'exequatur d'examiner la portée de l'exequatur sollicité ;

Qu'il appartient à cette juridiction de limiter son examen du jugement étranger, outre les conditions de forme et de fond, aux dispositions de ce jugement qui pourraient être contraires à l'ordre public monégasque ; que toutefois, en l'espèce, ainsi qu'il a été dit ci-dessus le jugement du Tribunal de commerce de Bruxelles du 8 mars 1962 ne contient aucune disposition contraire à l'ordre public monégasque ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont ordonné l'exequatur dans la Principauté de Monaco dudit jugement ;

Considérant par ailleurs que si l'appelant soutient que le Tribunal ne pouvait invoquer un caractère autonome de l'instance en exequatur et refuser, par suite, d'examiner et faire droit à sa demande tendant à la déclaration d'inopposabilité à la masse des créanciers, des actes intervenus depuis le prononcé de la faillite ainsi qu'à la désignation d'un séquestre judiciaire, lesdites demandes présentées par le demandeur à l'exequatur en sus de celle-ci ne sauraient être accueillies dans une instance qui ne peut avoir pour seule finalité que de rendre exécutoire en sa forme et teneur une décision de justice étrangère ;

Considérant qu'ainsi que l'ont déjà constaté les premiers juges aucune demande n'est dirigée à l'encontre de l'État de Monaco, des sociétés P. C. et compagnie et Riviera Télécom qui ne sont pas concernés par l'instance en exequatur d'une décision de faillite et doivent dès lors être mis hors de cause ;

Que T. G. a fautivement attrait devant la Cour d'appel l'État de Monaco qui a été contraint de défendre ses intérêts devant la Cour alors qu'il n'est pas concerné par la procédure ; que l'État de Monaco a ainsi subi un préjudice qu'il y a lieu d'évaluer, en l'état des éléments d'appréciation dont dispose la Cour à la somme de 750 euros ;

Qu'en réparation dudit préjudice T. G. versera dès lors à l'État de Monaco la somme de 750 euros à titre de dommages et intérêts, le tribunal ayant déjà évalué à bon droit le préjudice subi par l'État de Monaco en première instance à ce titre à la somme de 5 000 francs, soit 762,25 euros ;

Qu'enfin, c'est encore à juste titre que le tribunal a rejeté la demande reconventionnelle d'H. O. de dommages-intérêts compte tenu de ce qu'il a été fait droit à la demande principale ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le jugement entrepris doit être confirmé ;

Considérant qu'eu égard à l'issue du litige, T. G. et H. O. qui succombent supporteront les dépens d'appel ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS :

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Statuant par arrêt réputé contradictoire,

  • Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de première instance du 18 mars 1999 (R 3290)

  • Condamne T. G. à verser à l'État de Monaco la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts,

  • Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Composition🔗

M. Adam, cons. ff. prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Pastor, Licari, Brugnetti, Sbarrato, av. déf.

Note🔗

Cet arrêt confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de première instance du 18 mars 1999.

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