Cour d'appel, 28 novembre 2000, Société P2M Pisciculture marine de Monaco et W. c/ SCP R. et K.

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Abstract🔗

Exequatur

Décision judiciaire française (statuant en matière d'honoraires d'avocats) - Absence de justification d'une citation régulière, conforme à la loi française - Convocation à l'étude d'avoué dont la représentation n'est pas obligatoire, ne pouvant se substituer à une citation - Condition de fond de l'article 18-3 de la Convention d'aide mutuelle franco monégasque non remplie : rejet de la demande d'exequatur

Résumé🔗

Au regard des stipulations de l'article 18 de la Convention relative à l'aide mutuelle juridique entre la France et la Principauté de Monaco, qui a été signée à Paris le 21 septembre 1949 et rendue exécutoire à Monaco par l'ordonnance souveraine n° 106 du 2 décembre 1949, il incombe au tribunal de première instance, afin de déclarer exécutoire à Monaco un jugement rendu exécutoire en France, de vérifier notamment, si, d'après la loi française, les parties ont été régulièrement citées, ce que prévoit au demeurant l'article 473, 3e du Code de procédure civile lorsque l'exécution des jugements étrangers n'implique pas d'examen au fond, comme en l'espèce, de sorte que le moyen discuté par les parties de la prééminence du traité sur la loi interne s'avère dépourvu de pertinence.

L'existence d'une citation étant contestée de la part de l'appelante, à l'occasion de l'ordonnance du 20 mai 1997, soumise à l'examen de la cour, il appartenait à la Société professionnelle d'avocats R. et K. de justifier par les pièces produites de la réalité de la citation prétendument régulière délivrée en France à la Société P2M, sans que cette intimée ne puisse se borner à faire état, à ce propos, des mentions de l'ordonnance en cause, s'agissant, en effet, d'un élément de preuve nécessaire à l'examen au fond de son action en exequatur, qui doit être apprécié par les juridictions monégasques au regard du droit français, ainsi que le prescrit la Convention bilatérale précitée.

Aux termes des dispositions de l'article 177 du décret français n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, la partie est convoquée au moins huit jours à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, pour l'audience à laquelle le premier président de la cour d'appel l'entend contradictoirement.

L'ordonnance précitée du 20 mai 1997 mentionne, que la Société P2M, a été régulièrement convoquée à son siège social, outre à l'étude de son avoué.

La notification de la date d'audience du 10 mai 1997, alors prévue pour l'examen contradictoire du recours de la Société P2M, devait, comme le prescrit l'article 683 du Nouveau Code de procédure civile français, être faite de la manière prévue à l'article 670-2 du même code, dès lors, en effet, qu'elle émanait du secrétariat de la juridiction d'appel et qu'elle était adressée au siège social de la Société P2M, situé hors du territoire français.

Il n'a pas été, cependant, justifié par la Société R. et K. de ce que les formalités prévues par ce texte aient été respectées, auxquelles ne pouvait se substituer une convocation adressée, comme il est de fait en l'occurrence, au seul avoué de la partie, en une matière où la représentation n'est pas obligatoire.

Ainsi faute d'avoir justifié de ce que la condition de fond de sa demande d'exequatur, résultant de l'article 18-3e de la convention bilatérale susvisée du 21 septembre 1949, se trouvait effectivement remplie, la Société R. et K. n'est pas fondée en sa demande.


Motifs🔗

La Cour,

Considérant les faits suivants :

La société anonyme dénommée Pisciculture marine de Monaco (en abrégé P2M), au capital de 17 millions de francs, a été immatriculée le 2 novembre 1989 au Répertoire du commerce et de l'industrie.

Son siège social a été fixé à Monaco et son activité déclarée devait porter en particulier, sur la réalisation et l'exploitation de fermes d'aquaculture.

Dans le courant de l'année 1993, cette Société P2M, alors représentée par son administrateur délégué, O. B., aurait sollicité le concours de la Société civile professionnelle d'avocats R. et K., selon ce que prétend celle-ci, afin de procéder aux études juridiques et fiscales nécessaires à l'implantation d'une entreprise industrielle d'aquaculture marine dans les départements ou territoires français d'outre mer.

Un projet nommé « Coryphema » fut alors élaboré, qui devait aboutir à la constitution d'une société de pisciculture à Fort de France, et pour lequel la Société R. et K. a effectué des diligences sur une période comprise entre mars 1993 et novembre 1994.

Se fondant en particulier sur un courrier de la Société P2M du 28 novembre 1994, mais non produit, dont la Société R. et K. a prétendu qu'il reflétait un accord pour que ses propres honoraires soient fixés à 1 500 000 francs, cette dernière a adressé plusieurs demandes à sa cliente prétendue afin d'obtenir la rémunération de ses diligences.

Par une lettre du 23 janvier 1995, adressée à la Société P2M, la Société R. et K. a ainsi fait état, sur le montant d'honoraires hors taxes de 1 500 000 francs, d'un acompte de 400 000 francs (TTC) qui aurait été réglé au moyen de quatre effets de commerce de 100 000 francs chacun à échéance du 15 des mois de janvier, février, mars et avril 1995, ce qui devait ramener le solde à régler, réclamé dans cette lettre, à la somme de 1 379 000 francs TVA incluse, sous réserve de l'encaissement des effets.

Ultérieurement, la Société R. et K. a d'ailleurs confirmé avoir reçu paiement de cet acompte de 400 000 francs (TTC), dont 100 000 francs au moyen d'un chèque émis en avril 1995 par L. W. qui était à cette époque Directeur adjoint de la Société P2M.

Elle estimait, dès lors, que lui serait due la somme de 1 172 731,87 francs (HT), qui semble avoir été infructueusement réclamée à la société P2M au cours de l'année 1995.

Au mois de juin de cette même année 1995 les actionnaires de ladite société ont décidé de procéder à la dissolution anticipée de celle-ci, et de nommer en qualité de liquidateur L. W.

L'adresse de ce dernier publiée au Journal de Monaco du 28 juillet 1995 était à Saint-Paul de Vence (Alpes-Maritimes), (France).

Pour répondre à la demande d'honoraires qui continuait d'être alors présentée par la Société R. et K., notamment au moyen d'une télécopie adressée le 25 septembre 1995 à une autre société dénommée Almabo NV, Maître Elie Cohen, avocat au barreau de Nice, a été sollicité de prêter son concours à la Société P2M.

Une lettre de ce conseil, datée du 6 octobre 1995, révèle qu'il a alors demandé des délais à la Société R. et K. pour fixer la position de la Société P2M.

N'ayant pu apparemment obtenir satisfaction, quant au paiement de ses honoraires, la Société R. et K. a, le 11 septembre 1996, fait délivrer à la société P2M, à son siège social à Monaco, une citation à comparaître devant le rapporteur désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris, après avoir saisi ce dernier en application des articles 174 et suivants du décret français n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat.

La citation précitée du 11 septembre 1996 mentionne que par lettre recommandée avec accusé de réception, en date du 3 juillet 1996, le délégué du bâtonnier avait convoqué les parties pour le 25 septembre 1996 à 16 heures 15, mais que la lettre recommandée avec accusé de réception destinée à la Société P2M, qui avait été présentée le 8 juillet 1996, avait été retournée par le service postal à l'ordre des avocats avec la mention « pli non réclamé ».

Par décision du 21 novembre 1996 et agissant par délégation du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris, un membre du conseil de l'ordre a fixé à 1 500 000 francs le montant des honoraires dus à la Société civile professionnelle R. et K. par la Société P2M sous déduction de la somme de 337 268,13 francs, versée à titre de provision, soit un solde d'honoraires de 1 162 731,87 francs.

Il a en conséquence indiqué que la Société P2M devrait verser ladite somme à la Société R. et K. avec intérêts de droit à compter du 22 juin 1995, outre la TVA au taux de 18,60 % ainsi que les frais d'huissier de justice afférents à la citation du 18 septembre 1996, et, le cas échéant, à la signification de la décision, comme également la somme de 300 francs.

Pour statuer de la sorte le délégué du bâtonnier a d'abord rappelé que la Société R. et K. avait été invitée à faire procéder à la convocation de la défenderesse par acte extrajudiciaire au dernier domicile connu de celle-ci, ce qui fut fait ; il a ensuite considéré que la Société P2M absente, n'avait présenté aucun élément de contestation de la créance de son avocat ni dans son principe ni dans son montant ; il en a donc conclu, au regard des indications qui furent alors données par le rapporteur, que la réclamation était justifiée.

Suivant lettre recommandée, avec demande d'avis de réception, du 19 décembre 1996 adressée par son avoué au premier président de la Cour d'appel de Paris, la Société P2M, alors représentée par son liquidateur L. W., a formé un recours à l'encontre de la décision susvisée du 21 novembre 1996.

Ce même 19 décembre 1996, Maître Fisselier écrivait à Maître Elie Cohen pour lui indiquer qu'il sollicitait immédiatement les pièces de la Société R. et K.

Le recours ainsi formé a fait l'objet d'une ordonnance rendue le 20 mai 1997 par un magistrat de la Cour d'appel de Paris agissant par délégation du premier président de cette cour, ordonnance qui a confirmé la décision déférée.

La Société P2M a été, en outre, condamnée par cette même ordonnance à régler à la Société R. et K. la somme de 30 000 francs à titre de dommages-intérêts, et les frais de son recours ont été laissés à sa charge.

L'ordonnance ainsi rendue mentionne liminairement en ses motifs que la Société P2M a été régulièrement convoquée à son siège social et à l'étude de son avoué, mais qu'elle ne s'est pas présentée et n'a développé aucun moyen au soutien de son recours.

À cet égard une lettre du greffe de la Cour d'appel de Paris datée du 12 mars 1997 apparaît avoir été adressée à Maître Alain Fisselier, avoué de la Société P2M, afin qu'il se présente le 22 avril 1997 à l'audience fixée pour l'examen du recours de ladite société, enrôlé sous le n° H96/45671.

L'avis de réception de cette lettre, mentionnant ce même numéro d'enrôlement, fait état de la remise du courrier le 13 mars 1997 et comporte un paraphe sous la rubrique : « signature du destinataire ».

Il est également indiqué dans la décision d'appel précitée que la Société P2M, dont la dissolution anticipée a pris effet le 1er juillet 1995, n'a développé aucune argumentation écrite à l'appui de son recours et qu'elle ne s'est pas présentée ni fait représenter à l'audience du 22 avril 1997.

La Société R. et K. avait cependant, le 14 avril 1997, adressé, par courrier recommandé, son mémoire en défense et ses pièces à la Société P2M, tout en rappelant que celle-ci ne lui avait pas communiqué les siennes.

Toutefois, ce courrier adressé au siège social de la Société P2M a été retourné à la Société R. et K. sans avoir été remis à sa destinataire.

La juridiction d'appel a estimé, en définitive, que la Société P2M n'avait manifestement aucun moyen à faire valoir au soutien de son recours et que celui-ci était abusif et dilatoire.

La notification à Maître Alain Fisselier de l'ordonnance ainsi rendue le 20 mai 1997, a été effectuée le jour même par le greffe de la Cour d'appel de Paris.

Cette notification mentionne qu'un délai de deux mois était alors ouvert pour un éventuel pourvoi en cassation.

Une semblable notification a été adressée par le greffe de la Cour d'appel de Paris, sous la même date, à la Société P2M prise en la personne de son représentant légal, à Monaco.

Quatre mois plus tard, le 1er octobre 1997, la Société P2M a été radiée du Répertoire du commerce et de l'industrie, par suite de la clôture des opérations de sa liquidation.

En cet état de la procédure, et par assignation du 14 mai 1998, délivrée pour l'audience du 18 juin 1998, la Société R. et K. a sollicité du tribunal de première instance, l'exequatur à Monaco de l'ordonnance précitée du 20 mai 1997 ayant statué sur ses honoraires.

Une copie de cette assignation a été remise au parquet du procureur général pour être envoyée aux autorités compétentes en application de l'article 150 du Code de procédure civile.

L'acte était en effet destiné, selon ses termes, à :

« la Société P2M pisciculture marine de Monaco, prise en la personne de son mandataire liquidateur amiable L. W., demeurant et domicilié en cette qualité au siège de cette société et en tant que de besoin à son domicile (Belgique) ».

La copie de cet acte a été remise le 23 juin 1998 à L. W. en Belgique.

Antérieurement, mais peu après l'assignation susvisée, soit le 25 mai 1998, Maître Elie Cohen a fait parvenir, par télécopie, le message suivant à Maître Fisselier :

« le 19 décembre 1996 vous m'écriviez pour solliciter de la SCP R. et K. leur pièces. J'étais dans l'attente de celles-ci et surtout dans l'attente du suivi de la procédure dans cette affaire importante. Je viens d'apprendre (sous réserve de vérification) que la Cour d'appel de Paris aurait rendu une décision dans cette affaire le 20 mai 1997, la Société P2M ayant formé un recours mais étant déclarée non comparante. Qu'en est-il ? ».

Il a été répondu à ce message le 3 juin 1998 par Maître Fisselier, dans les termes suivants :

« j'ai bien reçu votre fax en date du 25 mai qui a retenu toute mon attention. Dès réception j'ai interrogé le greffier de la cour qui, effectivement, m'a remis copie de l'ordonnance que vous trouverez ci-jointe. Je suis étonné à la lecture de la décision de constater que tant la Société P2M que mon étude auraient été prévenues. Je ne sais si la Société P2M a de son côté trace de ce courrier, mais je dois vous avouer que personnellement je n'ai pas trouvé de lettre à mon dossier (...) ».

S'étant constitué avocat, avec l'assistance de Maître Evelyne Karczac-Mencarelli, avocat-défenseur, afin de plaider tant au nom de la Société P2M que de son liquidateur, Maître Elie Cohen a fait valoir devant le tribunal de première instance, dans l'intérêt de ses clients, que la demande d'exequatur présentée par la SCP R. et K. devrait être déclarée irrecevable par application tant de la Convention relative à l'aide mutuelle judiciaire entre la République française et la Principauté de Monaco, du 21 septembre 1949, que des articles 470 et suivants du Code de procédure civile monégasque non contraires à ce traité.

La Société P2M et L. W. ont fait plaider à cet égard en première instance :

  • que le principe de contradictoire n'avait pas été respecté, lors de l'ordonnance soumise à exequatur ;

  • qu'il n'était pas justifié de la régularité des citations ou convocations à l'effet de comparaître devant les juridictions saisies ;

  • qu'à défaut de communication de pièces, ils n'avaient pas été mis à même de se défendre ;

  • que rien n'établissait que l'ordonnance rendue par la Cour d'appel de Paris fût passée en force de chose jugée.

Ces deux défendeurs ont, par ailleurs, conclu reconventionnellement à la condamnation de la société demanderesse à leur payer la somme de 20 000 francs à titre de dommages-intérêts.

La Société R. et K. a alors répliqué que seules les prescriptions de la Convention d'aide mutuelle judiciaire signée entre la France et la Principauté de Monaco, le 21 septembre 1949, avaient vocation à s'appliquer et que les conditions de l'article 18 de ladite Convention se trouvaient bien remplies en l'espèce, en sorte qu'il convenait de faire droit à la demande avec exécution provisoire, en rejetant la demande reconventionnelle.

Par jugement du 18 novembre 1999 le tribunal de première instance, statuant contradictoirement a déclaré exécutoire dans la Principauté de Monaco l'ordonnance susvisée rendue le 20 mai 1997, débouté la Société anonyme P2M Pisciculture marine de Monaco et L. W. des fins de leur demande reconventionnelle, ordonné l'exécution provisoire du jugement, et condamné les défendeurs aux dépens.

Pour statuer de la sorte, et se fondant exclusivement sur les stipulations de la Convention franco-monégasque précitée du 21 septembre 1949, les premiers juges ont considéré que les expéditions produites présentaient tous caractères propres à justifier de leur authenticité, s'agissant de l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats à la Cour de Paris et de l'extrait des minutes du secrétariat-greffe de cette même cour, sous forme de copie certifiée conforme de l'ordonnance rendue le 20 mai 1997 ; qu'en outre, le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris était bien compétent pour connaître d'un litige entre un avocat et son client en première instance et que c'est bien la cour d'appel, statuant par voie d'ordonnance, qui était valablement saisie du recours introduit et compétente pour en connaître ; que ladite décision se trouvait passée en force de chose jugée, dès lors qu'elle était définitive et exécutoire en France ainsi qu'en avait attesté le greffier en chef de la Cour de cassation ; qu'il était par ailleurs constant que les dispositions dont l'exécution était poursuivie n'avaient rien de contraire à l'ordre public de la Principauté de Monaco ; enfin, que la procédure suivie s'avérait régulière, les décisions prononcées étant réputés contradictoires en l'état des convocations et notifications faites par le greffier en chef respectivement les 22 avril et 20 mai 1997, conformément à l'article 177 du décret français du 27 novembre 1971.

Par l'exploit d'assignation et d'appel susvisé, du 4 février 2000, la Société P2M et L. W. demandent, qu'il plaise à la cour, de réformer en toutes ses dispositions le jugement, et, statuant à nouveau, de débouter de l'ensemble de ses demandes la Société R. et K.

Celle-ci a conclu au rejet de l'appel ainsi formé, comme irrecevable et mal fondé, et à la condamnation des appelants à lui payer la somme de 150 000 francs à titre de dommages-intérêts pour appel abusif.

Au soutien de leur action, les appelants font valoir que les conditions prévues par les articles 473 et 475 du Code de procédure civile n'ont pas été remplies dès lors que l'analyse des faits de la cause démontrerait que la Société P2M n'a pas été régulièrement citée devant la Cour d'appel de Paris ni mise à même de s'y défendre.

Cette société indique à ce propos qu'elle n'a jamais reçu de convocation pour une audience à la Cour d'appel de Paris alors pourtant que son avocat avait, dès avant le 16 décembre 1996, saisi sans succès la Société SCP R. et K. d'une demande de communication de pièces.

La Société P2M rappelle également qu'elle se trouve mentionnée dans l'ordonnance dont exequatur est demandée, comme « prise en la personne de son représentant légal L. W., son liquidateur amiable, demeurant ... », alors que cette adresse est erronée, que son siège social n'est pas visé dans cette même ordonnance et que, dans l'assignation du 14 mai 1998, devant le tribunal, il est exactement fait mention de l'adresse effective de W. en Belgique.

La Société P2M en déduit que toute la procédure antérieure a été diligentée à une adresse erronée et que cette procédure ne peut donc être considérée comme ayant été régulière.

Les appelants soutiennent à ce propos que le non-respect du contradictoire constitue une violation de l'ordre public, et que les articles 470 et suivants du Code de procédure civile doivent recevoir application en l'espèce, nonobstant les stipulations de la Convention du 21 septembre 1949.

Ils mentionnent que la Société R. et K. n'a pas produit les pièces visées par l'article 475 dudit code et qu'ils n'ont pas été en mesure de se prévaloir du privilège de juridiction tenant à ce que la Société P2M est une société monégasque, puisque celle-ci n'a jamais été touchée par la convocation à comparaître devant le bâtonnier de l'ordre des avocats, et que, si elle a bien formé appel de l'ordonnance soumise à exequatur, elle n'a pas été régulièrement convoquée devant la cour de Paris pour faire valoir ses droits.

Quant au fond les appelants affirment que les diligences qui ont pu être accomplies par la Société SCP R. et K. ne l'ont pas été pour la Société P2M et que, par voie de conséquence, qu'elles qu'aient été ces diligences, elles ne sauraient être mises à la charge de la société P2M, sans préjudice de l'évaluation des sommes sollicitées, à propos desquelles ladite société indique n'avoir aucune qualité pour se prononcer.

Les appelants soulignent enfin que rien dans le dossier de la Société R. et K. ne justifierait de ce que l'ordonnance dont s'agit serait passée en force de chose jugée.

En défense la société intimée, estimant que la procédure suivie a été parfaitement régulière, nie que le principe de contradictoire ait été violé, alors surtout que la Société P2M était appelante et ne pouvait donc sérieusement ignorer l'existence de la procédure d'appel.

La société R. et K. rappelle en outre que l'ordonnance en cause mentionne expressément que la Société P2M a été régulièrement convoquée.

Elle prétend enfin que les articles 472 et suivants du Code de procédure civile cèdent le pas en l'espèce à la Convention bilatérale du 21 septembre 1949, comme l'a estimé le tribunal dont le jugement devrait être par voie de conséquence confirmé en son entier.

Sur quoi,

Considérant qu'au regard des stipulations de l'article 18 de la Convention relative à l'aide mutuelle juridique entre la France et la Principauté de Monaco, qui a été signée à Paris le 21 septembre 1949 et rendue exécutoire à Monaco par l'ordonnance souveraine n° 106 du 2 décembre 1949, il incombe au tribunal de première instance, afin de déclarer exécutoire à Monaco un jugement exécutoire rendu en France, de vérifier, notamment, si, d'après la loi française, les parties ont été régulièrement citées, ce que prévoit au demeurant l'article 473, 3e du Code de procédure civile lorsque l'exécution des jugements étrangers n'implique pas d'examen au fond, comme en l'espèce, de sorte que le moyen discuté par les parties de la prééminence du traité sur la loi interne s'avère dépourvu de pertinence ;

Considérant que l'existence d'une citation étant contestée de la part de l'appelante, à l'occasion de l'ordonnance du 20 mai 1997, soumise à l'examen de la cour, il appartenait à la Société R. et K. de justifier par les pièces produites de la réalité de la citation prétendument régulière délivrée en France à la Société P2M, sans que cette intimée ne puisse se borner à faire état, à ce propos, des mentions de l'ordonnance en cause, s'agissant, en effet, d'un élément de preuve nécessaire à l'examen au fond de son action en exequatur, qui doit être apprécié par les juridictions monégasques au regard du droit français, ainsi que le prescrit la Convention bilatérale précitée ;

Considérant qu'aux termes des dispositions ci-dessus rapportées de l'article 177 du décret français n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, la partie est convoquée au moins huit jours à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, pour l'audience à laquelle le premier président de la cour d'appel l'entend contradictoirement ;

Considérant que l'ordonnance précitée du 20 mai 1997 mentionne, comme il a été dit, que la Société P2M a été régulièrement convoquée à son siège social, outre à l'étude de son avoué ;

Considérant que la notification de la date d'audience du 10 mai 1997, alors prévue pour l'examen contradictoire du recours de la Société P2M, devait, comme le prescrit l'article 683 du Nouveau Code de procédure civile français, être faite de la manière prévue à l'article 670-2 du même code, dès lors, en effet, qu'elle émanait du secrétariat de la juridiction d'appel et qu'elle était adressée au siège social de la Société P2M, situé hors du territoire français ;

Considérant qu'il n'a pas été, cependant, justifié par la Société R. et K. de ce que les formalités prévues par ce texte aient été respectées auxquelles ne pouvait se substituer une convocation adressée, comme il est de fait en l'occurrence, au seul avoué de la partie, en une matière où la représentation n'est pas obligatoire ;

Qu'ainsi faute d'avoir justifié de ce que la condition de fond de sa demande d'exequatur, résultant de l'article 18-3e de la Convention bilatérale susvisée du 21 septembre 1949 se trouvait effectivement remplie, la Société R. et K. n'est pas fondée en sa demande, d'où il suit que le jugement déféré doit être infirmé de ce chef ;

Considérant que, par voie de conséquence, sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif doit être par là même rejetée ;

Considérant enfin qu'en raison de ce qu'elle succombe en définitive en son action en exequatur, la Société R. et K. devra supporter les dépens de première instance et d'appel ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

  • infirme le jugement susvisé du Tribunal de première instance du 18 novembre 1999 ;

  • et, statuant à nouveau ;

  • déboute la société civile professionnelle R. et K., de ses demandes d'exequatur et de dommages-intérêts.

Composition🔗

M. Landwerlin prés. ; Mlle Lelay prem. subs. proc. Gén. ; Mes Karczag-Mencarelli et Michel av. déf. ; Me Cohen av. bar. de Nice ; Me Korkmaz av. bar. de Paris.

Note🔗

Cet arrêt infirme le jugement du tribunal de première instance, rendu le 18 novembre 1999, lequel a déclaré exécutoire dans la Principauté de Monaco l'ordonnance du 20 mai 1997 rendue par un magistrat de la Cour d'appel de Paris qui avait confirmé la décision du 21 novembre 1996 prise par le délégué du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris fixant à 1 500 000 francs le montant des honoraires dus à la SCP R. et K. par la Société P2M.

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