Cour d'appel, 10 mars 1998, SAM dénommée Parfumerie de Paris c/ SA dénommée L. V. M.

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Abstract🔗

Contrefaçons

Procédure de saisie contrefaçon : article 28 de la loi n° 1058 du 10 juin 1983 - Défaut de notification de l'acte constatant la consignation - Nullité affectant seulement la saisie réelle- Validité de la saisie descriptive suivie d'une assignation dans le délai légal

Résumé🔗

Le propriétaire d'une marque peut, en vertu d'une ordonnance sur requête du président du Tribunal de première instance, faire constater l'atteinte portée à ses droits, au moyen d'une procédure - la saisie-contrefaçon - prévue par l'article 28 de la loi n° 1058 du 10 juin 1983 consistant en une description détaillée des marques incriminées ; le propriétaire a en outre la faculté de requérir la saisie réelle d'échantillons, mesure que le juge peut assortir de l'obligation préalable de consigner des fonds dont il arbitre le montant. L'ordonnance présidentielle et le cas échéant, l'acte constatant la consignation doivent être laissés, à peine de nullité, en copie au détenteur des objets décrits ou saisis ; en cas de défaut de notification de l'acte constatant la consignation, seule la saisie réelle à laquelle cette consignation est exclusivement affectée, encourt la nullité prévue par l'article 28, alinéa 4 de la loi n° 1058, la saisie descriptive demeurant valable.

Il est constant en l'espèce que si la consignation ordonnée par le juge a été effectuée le 11 août 1994, antérieurement à la saisie réelle pratiquée le 22 septembre 1994, l'acte constatant cette consignation n'a été délivré par le greffier en chef que le 11 janvier 1995, en sorte qu'à la date de cette saisie aucune notification n'a eu lieu.

L'appelante n'est pas fondée à se prévaloir de la disposition de l'ordonnance du 29 juillet 1994 ayant exigé la consignation préalable tant pour les opérations de description que de saisie puisqu'une telle exigence est contraire à la loi en ce qui concerne la description.

C'est donc à bon droit que le Tribunal de première instance a déclaré nulle la saisie réelle, cette nullité ne pouvant être couverte par l'absence de grief causé à celui qui s'en prévaut, en l'état des dispositions de l'article 966 du Code de procédure civile monégasque, différentes de celles du droit français.

La décision du Tribunal doit être confirmée en ce qu'elle a constaté que le requérant s'était régulièrement pourvu dans le délai de quinzaine du procès-verbal de description et qu'il n'encourait donc pas la nullité prévue par l'article 29 de la loi n° 1058.

Enfin, il y a lieu de rappeler au plan des principes à l'appelante, que la saisie contrefaçon n'est pas une condition préalable de l'action en contrefaçon, mais seulement un moyen de preuve.


Motifs🔗

La Cour

La Cour statue sur l'appel relevé par la SAM dénommée Parfumerie de Paris d'un jugement du Tribunal de première instance en date du 29 février 1996.

Les faits, la procédure, les moyens et les prétentions des parties peuvent être résumés comme suit, référence étant faite pour le surplus à la décision attaquée et aux écritures échangées en appel.

La SA dénommée L. V. M. reprochant à la SAM Parfumerie de Paris d'avoir commis des actes de contrefaçon en offrant à la vente des articles en cuir imitant des marques internationales dont elle est propriétaire, a assigné cette société devant le Tribunal de première instance afin que lui soit interdit l'usage de ces marques, que soit prononcée la confiscation des marchandises contrefaites et leur remise sous astreinte, que lui soit alloués des dommages-intérêts et que soit ordonnée la publication du jugement à intervenir, le tout au bénéfice de l'exécution provisoire.

Se fondant sur la violation de l'article 28 de la loi n° 1058 du 10 juin 1983 qui prévoit notamment qu'une copie de l'acte constatant la consignation pécuniaire doit être laissée au détenteur des objets, la SAM Parfumerie de Paris a invoqué la nullité de la procédure en son entier.

Par le jugement déféré, le Tribunal a jugé que la nullité prévue à l'article 28 précité ne concernait que les opérations de saisie réelle, a ordonné la mainlevée de la saisie, a constaté que les opérations de description ont été régulièrement suivies d'une assignation dans le délai légal en sorte que la demande était recevable, a rejeté l'exception de nullité et débouté la SAM Parfumerie de Paris de sa demande en dommages-intérêts.

Au soutien de son appel, la SAM Parfumerie de Paris soutient que la SA L. V. M. ayant choisi la voie de la saisie et non celle de la description, elle était tenue de respecter le formalisme prévu par l'article 28, alinéa 4 de la loi n° 1058 du 10 juin 1983 dont la violation, non contestée, doit entraîner la nullité de la procédure, la description des produits comprise dans le procès-verbal de saisie n'étant que l'accessoire de cette saisie ;

Elle relève en outre que l'ordonnance présidentielle prévoyait la nullité des description et saisie en cas de non-respect d'une seule formalité.

Elle estime enfin que le comportement de la SA L. V. M. lui a occasionné un préjudice dont elle sollicite à nouveau réparation par l'allocation d'une somme de 500 000 francs à titre de dommages-intérêts.

Formant un appel incident, la SA L. V. M. sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de la saisie et a ordonné sa mainlevée alors que l'absence de signification de l'acte constatant la consignation, conséquence de la carence du Greffier en chef qui n'a pas délivré le récépissé de la consignation en temps voulu, ne fait pas grief à la SAM Parfumerie de Paris puisque la consignation elle-même n'est pas contestée en sorte que la nullité ne serait pas encourue.

L'intimée demande en outre qu'il lui soit donné acte de ses réserves en ce qui concerne une éventuelle action en responsabilité du Greffe général en raison du refus opposé par le greffier de délivrer le récépissé sollicité.

Elle sollicite la confirmation du jugement pour le surplus en faisant valoir notamment qu'elle a été autorisée par ordonnance à procéder à deux actes distincts l'un de l'autre : une description d'une part, une saisie d'autre part, que la validité de l'assignation au fond n'est pas subordonnée à celle de la saisie-contrefaçon qui n'est qu'un mode de preuve, qu'enfin le procès-verbal de saisie étant valable, la SAM Parfumerie de Paris ne peut se prévaloir d'aucun préjudice.

Par des conclusions ultérieures, les parties ont réitéré en les développant les moyens et demandes ci-dessus formulés.

Sur ce,

Considérant que le propriétaire d'une marque peut, en vertu d'une ordonnance sur requête du président du Tribunal de première instance faire constater l'atteinte portée à ses droits au moyen d'une procédure - la saisie contrefaçon - prévue par l'article 28 de la loi n° 1058 du 10 juin 1983 consistant en une description détaillée des marques incriminées ;

Que le propriétaire a en outre la faculté de requérir la saisie réelle d'échantillons, mesure que le juge peut assortir de l'obligation préalable de consigner des fonds dont il arbitre le montant ;

Que l'ordonnance présidentielle et le cas échéant, l'acte constatant la consignation doivent être laissés, à peine de nullité, en copie au détenteur des objets décrits ou saisis ;

Considérant qu'en cas de défaut de notification de l'acte constatant la consignation, seule la saisie réelle à laquelle cette consignation est exclusivement affectée encourt la nullité prévue par l'article 28, alinéa 4 de la loi n° 1058, la saisie descriptive demeurant valable ;

Considérant qu'il est constant en l'espèce que si la consignation ordonnée par le juge a été effectué le 11 août 1994, antérieurement à la saisie réelle pratiquée le 22 septembre 1994, l'acte constatant cette consignation n'a été délivré par le greffier en chef que le 11 janvier 1995, en sorte qu'à la date de cette saisie aucune notification n'a eu lieu,

Que l'appelante n'est pas fondée à se prévaloir de la disposition de l'ordonnance du 29 juillet 1994 ayant exigé la consignation préalable tant pour les opérations de description que de saisie puisqu'une telle exigence est contraire à la loi en ce qui concerne la description ;

Que c'est donc à bon droit que le Tribunal de première instance a déclaré nulle la saisie réelle, cette nullité ne pouvant être couverte par l'absence de grief causé à celui qui s'en prévaut, en l'état de dispositions législatives monégasques, l'article 966 du Code de procédure civile, différentes de celles de droit français ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de concéder à la SA L. V. M. le donner acte sollicité qui ne peut lui conférer aucun droit ;

Considérant que la décision du Tribunal doit être confirmée en ce qu'il a constaté que le requérant s'était régulièrement pourvu dans le délai de quinzaine du procès-verbal de description et qu'il n'encourait donc pas la nullité prévue par l'article 29 de la loi n° 1058 ;

Qu'enfin il y a lieu de rappeler au plan des principes à l'appelante, que la saisie-contrefaçon n'est pas une condition préalable de l'action en contrefaçon mais un simple moyen de preuve ;

Que la procédure étant régulière en la forme, c'est à juste titre que le Tribunal a rejeté la demande de dommages-intérêts formée par la SAM Parfumerie de Paris fondée sur la nullité de cette procédure ;

Considérant que les dépens du présent appel doivent demeurer à la charge de la SAM Parfumerie de Paris ;

Dispositif🔗

Par ces motifs,

Et ceux non contraires des premiers juges,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

  • Confirme le jugement du Tribunal de première instance en date du 29 février 1996 ;

  • Dit n'y avoir lieu au donner acte sollicité par la SA V. M. ;

Composition🔗

MM. Sacotte, prem. prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes lorenzi, Sbarrato, av. déf. ; De la Myre Mory, av. bar. de Paris.

Note🔗

Cet arrêt confirme le jugement entrepris du 29 février 1996.

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