Cour d'appel, 5 mars 1996, C. c/ O. ès qualités, SCP Méditerrimo, G., S.

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Abstract🔗

Cessation de paiements

Procédure collective - Conditions - Inapplication à une société civile, n'ayant point d'activité commerciale.

Résumé🔗

Au regard de l'article 408 du Code de commerce, la procédure collective de règlement du passif s'applique à toute personne physique ou morale qui, exerçant même en fait une activité commerciale se trouve en état de cessation de paiements.

Tel n'est point le cas d'une société civile particulière, dont il n'est point établi qu'elle ait exercé une activité commerciale ou qu'elle ait effectué des actes de commerce de manière habituelle, alors que la cessation des paiements de cette société ne résulte pas d'une insuffisance de trésorerie mettant en évidence un déséquilibre entre un actif disponible et un passif exigible, mais seulement de la faillite d'un établissement bancaire, dans lequel avaient été ouverts ses comptes et dont elle a été reconnue créancière.


Motifs🔗

La Cour

La Cour statue sur l'appel du jugement du Tribunal de Première Instance du 15 décembre 1994, interjeté par R. C.

Les faits, la procédure, les moyens et prétentions des parties peuvent être relatés comme suit, référence étant faite pour le surplus au jugement attaqué et aux écritures échangées en appel :

R. C. avait confié à MM. G. et S., exerçant le commerce sous l'enseigne « Perspectives financières », une importante somme d'argent provenant de la vente de deux cliniques.

Une partie de ces fonds furent transférés sur le compte que la SCP Méditerrimo avait ouvert à la Banque Industrielle de Monaco (BIM), laquelle devait être mise en faillite.

Au plan pénal :

  • par jugement du tribunal correctionnel du 30 octobre 1992, MM. G. et S. ont été condamnés pour abus de confiance.

  • par arrêt de la Cour d'appel du 11 janvier 1993, le jugement du tribunal correctionnel du 30 octobre 1992 était confirmé sur l'action publique et MM. G. et S. étaient condamnés à payer à R. C. la somme de 20 061 641 francs.

  • par arrêt de la Cour de Révision du 22 mars 1993, l'arrêt du 11 janvier 1993 était cassé sur l'action civile.

Par ailleurs, deux jugements des 20 juin et 3 septembre 1991 ont prononcé la liquidation des biens personnels de MM. G. et S. et de diverses sociétés qu'ils avaient constituées, M. R. O. étant désigné en qualité de syndic.

Par acte du 9 janvier 1992, M. R. O., ès qualités, a fait assigner la SCP Méditerrimo devant le Tribunal de Première Instance en vue de voir prononcer l'extension à cette société de la liquidation des biens de ses gérants, MM. G. et S.

Par jugement du 15 décembre 1994, le tribunal de première instance a :

  • ordonné la liquidation des biens de la SCP Méditerrimo en fixant la date de cessation des paiements au 28 février 1990.

  • ordonné la confusion du patrimoine de la SCP Méditerrimo avec celui de G., S., des SCP Rubis, Caravelle et M.C.I.I.

M. R. C. a relevé appel de cette décision.

Il sollicite à titre principal, l'infirmation du jugement du Tribunal de Première Instance du 15 décembre 1994 et en conséquence l'irrecevabilité des demandes de M. O., ès qualités de syndic, et la condamnation de la SCP Méditerrimo à restituer à M. C. l'ensemble des fonds portés au crédit de son compte, au fur et à mesure du déroulement des opérations de liquidation de la BIM.

À titre subsidiaire, l'appelant demande que M. O. soit déclaré mal fondé en ses demandes et que les sommes figurant sur le compte de la SCP Méditerrimo lui soient restituées.

À l'appui de son appel, M. C. soulève trois moyens, à savoir que :

  • le jugement attaqué avait étendu à la SCP Méditerrimo la liquidation des biens de G., S. et d'autres SCI pour éviter une rupture de l'égalité entre les créanciers sans justifier le préjudice que la masse des créanciers aurait subi en raison de l'abus de confiance dont a été victime M. C.

  • le jugement attaqué a retenu trois éléments qui sont insuffisants pour caractériser la confusion de patrimoines.

  • la victime d'un dommage causé par le débiteur en liquidation judiciaire dispose d'un droit exclusif sur l'indemnité due par l'assureur et n'a pas à se soumettre à la procédure de vérification des créances.

Par conclusions du 2 mai 1995, M. O. sollicite que M. C. soit débouté de sa demande.

Il précise que le syndic doit être déclaré recevable en son action à l'encontre de sociétés fictives utilisées à de seules fins commerciales.

Il ajoute que la SCP Méditerrimo était une société fictive qui faisait partie en réalité d'un groupe de sociétés mis en place par G. et S. dont la présentation figure dans un document intitulé « comptes groupe Perspectives Financières » qui démontre l'identité économique et donc financière de toutes ces sociétés.

M. O. conclut en conséquence à la nécessité de conserver une parfaite égalité entre les créanciers pour rétablir la réalité économique et financière de la structure globale.

M. V., ès qualités d'administrateur provisoire de la SCP Méditerrimo, s'en rapporte à justice en indiquant qu'il se trouve sans pièces ni moyens.

MM. G. et S., dans leurs conclusions du 28 mars 1995, s'en rapportent également à justice.

Sur ce,

Considérant qu'au regard de l'article 408 du Code de commerce, la procédure collective de règlement du passif s'applique à toute personne physique ou morale qui, exerçant même en fait une activité commerciale se trouve en état de cessation des paiements ;

Qu'il n'est pas établi que la SCP Méditerrimo ait exercé une activité commerciale ou qu'elle ait effectué des actes de commerce de manière habituelle.

Qu'il y a lieu de souligner par ailleurs que l'état de cessation des paiements de cette société, fixé au 28 février 1990, ne résulte pas d'une insuffisance de trésorerie mettant en évidence un déséquilibre entre un actif disponible et un passif exigible, mais seulement de la faillite de la BIM, établissement bancaire dans lequel avaient été ouverts ses comptes ;

Considérant en outre que le patrimoine de la SCP Méditerrimo ne peut être confondu avec celui de Perspectives Financières ;

Qu'en effet, il a été établi, notamment dans l'arrêt de la Cour d'appel du 11 janvier 1993, que les fonds déposés sur le compte Méditerrimo à la BIM appartenaient à M. C. et que ce dernier était le seul ayant droit économique de ladite société ;

Considérant, à cet égard, que le document intitulé « comptes groupe Perspectives Financières /BIM au 20 janvier 1990 » dont ni l'auteur ni les modalités d'établissement ne sont connus et produits par le syndic O. est inopérant, tout comme la lettre du 11 avril 1991 adressée par la Direction du Commerce à ce même mandataire de justice ;

Qu'en effet, l'existence d'associés ou de dirigeants communs, l'identité des objets sociaux, la centralisation de la gestion en un même lieu ne constituent pas des éléments suffisants pour prononcer l'extension d'une procédure collective et conséquemment la confusion de patrimoines ;

Que, dans le cas d'espèce, il a été établi au contraire, que les opérations passées au crédit et au débit du compte Méditerrimo avaient été effectuées pour le compte de C. ;

Considérant en outre que la confusion du patrimoine de la SCP Méditerrimo avec celui de Perspectives Financières conférerait à la société Méditerrimo la qualité de débiteur alors que dans la procédure collective de la BIM elle a agi et a été reconnue comme créancier ;

Qu'en effet, il résulte d'un extrait du rapport d'expertise de M. C., versé aux débats, que la SCP Méditerrimo a été admise au passif de la BIM pour 8 302 266 francs, admission confirmée par M. O. dans sa lettre du 12 mai 1992 ;

Que M. C. a lui-même produit au passif de Perspectives Financières dans une lettre du 24 septembre 1991 adressée au syndic O. pour 13 491 769 francs en indiquant que les fonds avaient été gérés par Perspectives Financières au travers de la SCP Méditerrimo ;

Considérant qu'il est ainsi établi que M. C. est créancier de la SCP Méditerrimo, dont la créance a elle-même été reconnue au passif de la BIM pour 8 302 266 francs ;

Considérant cependant que la demande de paiement de M. C. à l'encontre de la SCP Méditerrimo n'est pas chiffrée ;

Qu'il y a lieu de renvoyer ce dernier à conclure sur le montant des sommes réclamées à cette société ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Infirme le jugement du 15 décembre 1994.

Avant dire droit sur les autres demandes des parties :

Constate que M. R. C. est créancier de la SCP Méditerrimo, société dont la créance de 8 302 266 francs a été admise au passif de la BIM.

Renvoie pour conclure, à l'audience du 23 avril 1996, M. R. C. sur le montant des sommes réclamées à la SCP Méditerrimo.

Composition🔗

MM. Sacotte prem. Prés. ; Serdet prem. Subst. Proc. Gén. ; Mes Karczag-Mencarelli, Lorenzi, Escaut, Pastor av. déf. ; Lachaud av. barreau de Paris.

Note🔗

Cet arrêt infirme le jugement du Tribunal de Première Instance du 15 décembre 1994.

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