Cour d'appel, 4 février 1991, N. c/ ministère public - en présence de la Banque Industrielle de Monaco.

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Chèque

Action publique - Chèque sans provision donné en garantie - Éléments constitutifs - Action civile - Endossement par le bénéficiaire - Inopposabilité à l'endossataire des exceptions fondées ou les rapports personnels entre le tireur et le bénéficiaire - Recevabilité de l'action civile

Résumé🔗

Dès lors qu'il apparaît que le chèque, qualifié par le tireur de chèque de garantie a été émis sans provision préalable et disponible et que l'état du compte sur lequel il avait été tiré n'en permettait pas le paiement lors de sa présentation, ce indépendamment de l'opposition pratiquée, l'infraction d'émission de chèque sans provision se trouve caractérisée.

Il résulte de la combinaison des articles 17 et 22 de l'ordonnance n° 1876 du 13 mai 1936 concernant le chèque (dont la rédaction est identique à celle des articles 17 et 22 du décret-loi français du 30 octobre 1935 modifié) que la banque qui a acquis du bénéficiaire par l'endossement en blanc d'un chèque qui s'est avéré sans provision, tous les droits attachés audit chèque et notamment la propriété de la provision, ne saurait se voir opposer par le tireur les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le bénéficiaire, dès l'instant qu'il n'est pas démontré qu'en acceptant le chèque, dont elle a passé en compte le montant, l'endossataire ait agi sciemment au détriment du débiteur.


Motifs🔗

La Cour,

chambre correctionnelle

Considérant que les faits peuvent être résumés comme suit :

Le 3 février 1987, la Banque Industrielle de Monaco portait plainte avec constitution de partie civile à la suite de l'émission par F. N., le 5 août 1984, d'un chèque d'un montant de 113 600 F tiré à Paris sur la Bank of Credit and Commerce International à l'ordre de la Banque Industrielle de Monaco - compte G. N., endossé par N. au profit de cette banque qui en a versé le montant au compte de ce dernier et qui s'est avéré être sans provision ;

F. N., de nationalité sénégalaise, domicilié à Dakar, a déclaré qu'il s'agissait d'un chèque de garantie émis au profit de Nicolas, à titre d'honoraire pour l'obtention, par son intermédiaire, d'un prêt bancaire important au paiement duquel il avait fait opposition en s'apercevant qu'il avait été victime des agissements frauduleux de ce dernier ;

Pour entrer en voie de condamnation, le tribunal correctionnel a relevé que le chèque avait été rejeté au motif que le compte était sans provision et a considéré, sur l'action civile, que la Banque Industrielle de Monaco avait acquis par l'endos du chèque tous les droits qui y étaient attachés et que N., qui était garant de son paiement, devait être condamné à en payer le montant sans qu'il y ait lieu de rechercher, comme il le demandait, l'existence d'une intention de nuire aux droits des tiers et notamment de la partie civile et la nature de ses relations personnelles avec N. ;

Considérant que la Banque Industrielle de Monaco, partie civile non appelante conclut à la confirmation du jugement déféré ;

Considérant que le ministère public qui estime l'infraction caractérisée requiert qu'il soit fait application de la loi au prévenu ;

Considérant que F. N. maintient à l'audience ses précédentes déclarations et sollicite sa relaxe avec toutes conséquences de droit en faisant plaider l'absence de réalité et de légitimité des droits de N. auquel le chèque a été remis en garantie, son ignorance de l'endossement du chèque par ce dernier au profit de la Banque, partie civile et l'inexistence de toute intention frauduleuse de sa part alors qu'il a été lui-même victime des agissements de N. ;

Sur ce,

Sur l'action publique :

Considérant qu'il résulte des éléments de l'information, ce qui est au demeurant reconnu par N. que le chèque, qu'il qualifie lui-même de chèque de garantie, a été émis sans provision préalable et disponible et que l'état du compte sur lequel il avait été tiré n'en permettait pas le paiement lors de sa présentation, ce indépendamment de l'opposition qu'il justifie présentement avoir pratiquée ;

Considérant ainsi que l'infraction est caractérisée et qu'il y a lieu de confirmer en son principe de ce chef le jugement du tribunal correctionnel, tout en faisant à N. une application plus modérée de la loi pénale ;

Sur l'action civile :

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 17 et 22 de l'ordonnance n° 1876 du 13 mai 1936 concernant le chèque - dont la rédaction est identique à celle des articles 17 et 22 du décret-loi français du 30 octobre 1935 modifié - que la partie civile a acquis de Nicolas par l'endossement en blanc du chèque à son ordre tous les droits attachés à ce chèque et notamment la propriété de la provision et que N. ne peut opposer à la Banque Industrielle de Monaco des exceptions fondées sur ses rapports personnels avec N., dès l'instant qu'il n'est pas démontré qu'en acceptant le chèque, dont elle a passé en compte le montant, la banque ait agi sciemment au détriment du débiteur ;

Que le jugement du tribunal correctionnel, qui a fait une juste appréciation des préjudices subis par la partie civile, doit être également confirmé dans ses dispositions sur l'action civile ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco, statuant contradictoirement ;

Confirme le jugement du tribunal correctionnel en ce qu'il a déclaré N. F. coupable du délit d'émission de chèque sans provision ;

Le réformant sur la répression, condamne N. à la peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis ;

Confirme ce jugement dans ses dispositions relatives à l'action civile ;

Composition🔗

MM. Huertas, prem. prés. ; Serdet, 1er subst. proc. gén. ; Me Lorenzi, av. déf.

Note🔗

Le pourvoi formé contre cette décision a été rejeté par arrêt de la Cour de révision en date du 11 juin 1991 - également publié.

  • Consulter le PDF